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Analyse du contexte et formulations d’axes de

pour les jeux vidéo et les environnements virtuels

Chapitre 5 Analyse du contexte et formulations d’axes de

recherche

Les chapitres précédents ont mis en évidence les liens intrinsèques cognitifs existants entre un utilisateur et l’environnement virtuel visité, qu’il soit ludique comme dans le jeu vidéo, ou qu’il ait d’autres buts.

Si la science a longtemps dissocié cognition et émotions, les travaux les plus récents montrent au contraire que les deux notions sont loin d’être opposées, et peuvent même être intimement liées (Goleman 1995). C’est à partir de ce constat que nous proposons d’intégrer l’activation des émotions, au triangle sémiotique cognitif proposé par A. Grumbach (Grumbach 2003).

La présence est la résultante d’une parfaite harmonie dans une application de réalité virtuelle, elle est aussi le saint graal de la réalité virtuelle. Si la présence est aujourd’hui très étudiée, les thèses abordant la problématique émotionnelle et son rôle dans la sensation de présence sont peu nombreuses. Comme nous l’avons vu précédemment, Slater a proposé un modèle incluant les deux notions de « Place Illusion » et de « Plausability Illusion » (Slater 2009). Du point de vue de Slater et al, la Place Illusion est affectée par les retours sensori- moteurs. Les émotions n’en font pas partie, mais elles sont une composante de la Plausability Illusion. Nous pensons également que les émotions jouent un rôle important dans la mise en place de ce concept essentiel de la présence. Nous proposons d’étudier les liens existants entre le niveau de présence perçue de manière sémantique et physiologique, et les émotions. La présence est une composante essentielle de la réalité virtuelle, mais également une notion importante dans le jeu vidéo, puisque ce médium, à l’image de la réalité virtuelle est immersif et interactif en plus d’être ludique. La présence représente pour le jeu vidéo les garanties d’une attention émotionnelle soutenue, propre à favoriser la création de liens affectifs importants avec les personnages et l’environnement du jeu vidéo.

Si les émotions sont les premières manifestations visibles de la perception d’un environnement virtuel, celles-ci semblent altérées avec le temps. Il se pourrait que la cause soit l’habitude et la connaissance du médium. De nombreuses études montrent combien le

niveau d’activation des émotions baisse en comparaison avec le niveau de connaissance des stimuli. Nous proposons donc dans un premier temps d’étudier les conséquences de l’augmentation du nombre d’utilisateurs de joueurs de jeu vidéo sur le niveau de présence et d’émotions ressenties dans les environnements virtuels. Si un tel lien existe, les conséquences peuvent être importantes pour des systèmes thérapeutiques ou d’apprentissages utilisant les émotions et nécessitant un grand sentiment de présence dans leurs applications.

Dans une seconde expérimentation, nous essaierons de voir si une stratégie d’induction narrative d’émotions, intégrée grâce à une gestion d’un « pace scripting » et de la prise en considération des objectifs du Flow Zone, peut permettre d’inverser les résultats significatifs de nos premiers travaux. Pouvons-nous, grâce à ces méthodes, permettre aux joueurs habitués aux jeux vidéo d’atteindre l’état extatique de présence ? Nous intégrerons aussi dans notre proposition de schéma de la présence les notions d’attention contrôlée et incontrôlée. En effet, ces deux notions participent à l’engagement de l’utilisateur dans une expérience d’environnement virtuel (Laarni 2003, Ravaja, Saari et al. 2006). Nous pensons qu’elles contribuent, par l’action de « jouer le jeu », à favoriser la cognition dans le triangle sémiotique décrit par A. Grumbach (Grumbach 2003). En favorisant la cognition nous formulons la théorie que les émotions, et par là même la présence sont augmentées. Nous étudierons également dans cette expérimentation les niveaux émotionnels ainsi que les sentiments de présence associés, en fonction de la connaissance des IHM dans le contexte d’un scénario narratif immersif. Ceci afin de déterminer si ce type de scénarisation peut avoir un effet significatif sur les utilisateurs ayant déjà une connaissance accrue du medium utilisé.

5.1 Hypothèses :

Peu de travaux ont étudié l’impact que l’habitude de jouer à des jeux vidéo pouvait avoir sur les émotions ressenties dans les mondes virtuels. Nous développons l’hypothèse selon laquelle, la connaissance des mediums immersifs, et particulièrement de ceux des jeux vidéo, entraîne une baisse de la sensibilité aux émotions dans les environnements virtuels. Nous proposerons dans cette expérimentation de comparer les niveaux émotionnels de peur, d’angoisse et de surprise de deux groupes de joueurs et de non joueurs de jeu vidéo. Nous supposons que le niveau émotionnel des participants habitués aux jeux vidéo sera moins élevé que celui des utilisateurs novices face à ces médiums immersifs. Ces travaux permettront

aussi de répondre plus précisément à la question de ce qu’est un habitus de jeu vidéo. Comment le type de jeu vidéo joué, ainsi que le volume de temps passé à la réalisation de cette activité, influencent la sensibilité à l’induction d’émotion dans les environnements virtuels. Nous cherchons également à déterminer si des moments d’inattention, des BIPs peuvent influencer le niveau de présence comme cela a été montré précédemment (Brogni, Slater et al. 2003). Nous essayerons de définir à quels moment précis de l’expérience de jeu ces BIPs interviennent, avec le but de pouvoir à terme préciser, dans une méthode créative, quels sont les moteurs narratifs ou technologiques qui perturbent l’immersion des joueurs. Comprendre quels sont les éléments qui ne permettent pas de susciter émotions et présence d’une manière efficace, permet aussi de mettre en place de nouvelles stratégies pour atteindre présence et Flow Zone.

Au regard de ces suppositions, nous avons décidé de formuler deux hypothèses, que nous proposons de tester à l’aide d’une démarche expérimentale :

 Hypothèse A : les joueurs de jeu vidéo sont moins sensibles aux inductions d’émotions dans les EVs que les non joueurs.

 Hypothèse B : les niveaux d’émotions des joueurs de jeux vidéo comme ceux des non joueurs peuvent être motivés significativement par la mise en place d’une narration inductive d’émotion prenant en charge les problématiques de niveau de « challenge » et de niveau de « compétences » mis en évidence par la théorie du Flow Zone.

L’hypothèse A se base sur le postulat que : plus le niveau de connaissance d’un médium est important, et plus il est difficile d’y induire des émotions (même de base). Nous considérons dans cette expérimentation, que les médias du jeu vidéo et de la réalité virtuelle présentent suffisamment de grandes similitudes, pour produire cet effet d’essoufflement émotionnel. L’hypothèse B s’appuie sur la capacité supposée des techniques narratives et de gameplay associées au « Flow Zone », pour induire des émotions dans une expérimentation favorisant l’immersion par le temps. La littérature montre les liens existants entre Gestalt, attention volontaire et involontaire et émotions. Nous utiliserons le potentiel de cristallisation de l’attention du gameplay et de la narration dans le contexte du « Flow Zone », pour augmenter la captation de l’attention des participants (joueurs et non joueurs).

Chapitre 6 Expérimentations

6.1 Protocole expérimental

Les émotions construites pour ces expérimentations seront délibérément des émotions définies comme de base (Tomkins 1995, Ekman 2003, Panksepp 2003). Ce choix est essentiellement motivé par le caractère inconscient généré par le chemin court des émotions démontré par Ledoux (LeDoux 1999), car ces émotions sont plus difficilement contrôlées par le système cognitif du néocortex et les réponses physiologiques générées par l’hypothalamus sont donc plus facilement identifiables. Notre choix s’est donc porté vers les émotions de Peur, d’angoisse et de surprise, car comme nous l’avons montré dans la Figure 36, de nombreuses méthodes d’inductions existent pour ce type d’émotions.

Nous utiliserons également des questionnaires sémantiques subjectifs. Les théoriciens de l’Intelligence Emotionnelle, ayant précisé que les réponses introspectives étant plus facilement accessibles aux participants pour ce type d’émotions fondamentales de base (Goleman 1995), que pour des émotions complexes, comme l’empathie ou la honte par exemple.

Nous construisons les environnements virtuels de nos expérimentations en utilisant le modèle circomplexe d’induction d’émotions pour les EVs et les jeux vidéo que nous avons créé précédemment, et dont l’usage est détaillé dans le chapitre 4.

Dans la mesure où nous choisissons d’induire des émotions de peur, et comme nous utilisons un modèle de pace scripting alternant phases d’excitations et de calmes précaires ; nous allons créer des environnements :

Pour la peur : Peu colorés et sombres, les monstres étant eux dotés d’une relative rapidité de mouvement. Les points de vue laisseront percevoir des espaces assez confinés, et les interactions sociales ne seront pas favorisées.

Pour le calme négatif : Peu colorés et sombres, une grande lenteur dans tous les mouvements d’objets ou de personnages hostiles. Les points de vue seront très fermés et laisseront percevoir peu d’options de sorties, enfin les interactions sociales seront inexistantes.

L’ensemble de ces niveaux changeront dans le laps de temps des expérimentations en fonction de l’intensité des émotions à induire. Ainsi si dans un premier temps les niveaux de chromatiques, de luminosité, de vitesse ou de fermeture des espaces correspondent aux

valeurs numérotées 1, elles correspondront aux valeurs numérotées 2 au milieu de l’expérimentation, et aux 3 à la fin de celles-ci.

Figure 39, Modèle circomplexe d'induction d'émotions dans le protocole d'expérimentation.

Les environnements seront donc de moins en moins colorés, de plus en plus sombres, et ceci selon les émotions souhaitées.

6.2 Expérimentation 1 : « Fear Theory », pour un meilleur contrôle de