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I. Préparation à la réhabilitation

3. Préparation des chimpanzés à réhabiliter

L’introduction de nouveaux animaux peut entraîner l’introduction de pathologies infectieuses. Ces derniers sont porteurs de germes variés, provenant de leur pays d’origine, et parfois dangereux pour les primates d’une colonie établie et pour le personnel de l’établissement. Un programme rigoureux de médecine préventive doit être mis en place pour limiter l’introduction et la propagation de germes infectieux dans une colonie. Ces mesures doivent être mises en place dans tout lieu où des primates sont maintenus captifs (Vial, 2002).

Dans le cas de la tuberculose, la rougeole, la rubéole, c’est l’homme qui contamine le singe à son arrivée en captivité. Ces maladies n’existent pas chez les primates vivant dans leur milieu

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naturel, à moins qu’ils ne vivent près de populations humaines. Les primates sont normalement soumis, à leur arrivée, à des tests de tuberculination. Il faut rester extrêmement prudent en ce qui concerne les animaux importés de pays où il n’existe pas de législation rigoureuse pour assurer des conditions d’élevage et un suivi sanitaire adéquats (Vial, 2002).

3.2 Examen des animaux à la réception, avant introduction

Quand ils sont recueillis, un peu plus de la moitié des chimpanzés pris en charge arrivent dans un état de santé grave. De nombreux chimpanzés présentent des signes de malnutrition et de déshydratation, d’où l’apparition de maladies opportunistes telles que les infestations parasitaires ou le paludisme, devenant pathologiques voire mortelles chez les animaux affaiblis (Vial, 2002).

Les pathologies comportementales sont fréquentes chez les chimpanzés recueillis dans les sanctuaires. Les effets du stress sont divers : « syndrome de stress » avec expressions physiques et comportementales, modifications du métabolisme (exemple : diarrhées profuses) et de certains paramètres biologiques, et dépression immunitaire augmentant la sensibilité de l’individu aux maladies intercurrentes (Bonnotte, 1997).

Une période d’adaptation est nécessaire à un animal récemment capturé ou que l’on a changé de cage pour qu’il s’habitue à son nouvel environnement : une semaine en général suffit. Les animaux doivent être extraits de leur container de transport le plus tôt possible après leur arrivée. Ceux qui sont le plus déshydratés, malades ou blessés doivent recevoir immédiatement des soins appropriés de la part du vétérinaire. Si un animal meurt pendant le transport, les causes de décès seront obligatoirement recherchées. Les cages de transport seront nettoyées et désinfectées avec soin. Il est recommandé de les détruire (Vial, 2002).

3.3 Quarantaine

La quarantaine peut se définir comme un isolement préalable du nouvel arrivant, jusqu’à ce que son état de santé ait été évalué et ne représente plus de risque épidémiologique pour les autres pensionnaires du sanctuaire. Le programme de quarantaine a pour objectifs essentiels la protection de la santé du personnel animalier et la sécurité des primates de la colonie établie. Les animaux nouvellement arrivés sont isolés dans un bâtiment prévu à cet effet. Deux espèces différentes ou des singes de même espèce mais d’origines différentes ne doivent pas être logés dans la même pièce. La quarantaine doit être systématique pour des animaux d’importation, même si le fournisseur assure qu’une période de quarantaine a déjà été effectuée avant le départ de l’animal (Vial, 2002).

Pendant la quarantaine, un suivi médical rigoureux (examen physique complet, détermination de la formule dentaire) et certains tests sont réalisés (tuberculination par intradermo-réaction, prise de sang, coprologies, …). Un protocole vétérinaire a été mis en place pour les chimpanzés qui arrivent en quarantaine (Fowler, 1993 ; Lambersky, 1997) :

- isolement en quarantaine ;

- 3 tuberculinations à un mois d’intervalle en Intra Dermo Réaction à une paupière supérieure ;

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- prise de sang et sérologie pour la recherche des virus HIV1 et 2, hépatite B, HTLV ; - coprologie renouvelable tous les ans et vermifugation à l’arrivée ;

- vaccinations éventuelles ;

- observations quotidiennes de l’état de santé.

Les locaux de la quarantaine doivent être séparés des autres installations. Idéalement, une distance d’au moins vingt mètres devrait être respectée entre les animaux en quarantaine et les individus résidents (Vial, 2002). La structure doit être placée en seconde position après les structures principales, dans le sens des vents dominants et des cours d’eau. Les bâtiments doivent être facilement nettoyables et facilement accessibles pour les interventions médicales humaines. Outre le nettoyage quotidien, une attention particulière doit être portée au contrôle des nuisibles, réservoirs pour de nombreuses maladies (Jenkins, 2000).

Les vêtements de protection, les gants et les masques sont indispensables. Ils seront revêtus à l’entrée du bâtiment de quarantaine, dans une salle prévue à cet effet. Tout le matériel ayant été en contact avec les animaux doit être considéré comme contaminé et doit être détruit ou stérilisé. Il faut privilégier le matériel à usage unique (Vial, 2002).

Une période de quarantaine stricte d’au moins trente jours après l’arrivée de l’animal est officiellement recommandée (Loomis, 2000). Cependant, selon les origines de l’animal et son historique médical, les sanctuaires ont pour habitude d’étendre la quarantaine à 90 jours, voire à 6 mois s’il a été prouvé que le chimpanzé a été en contact avec un foyer infectieux tel qu’un individu tuberculeux.

Le risque n’est évidemment pas le même pour un singe importé de son pays d’origine que pour un singe qui vient d’un établissement français. Cependant, la durée de la période de quarantaine doit permettre la réalisation d’au moins un test de tuberculination et les animaux ne doivent pas sortir de la quarantaine tant que les résultats des différentes autres analyses ne sont pas connus (Vial, 2002).

Des examens coprologiques et sérologiques seront également réalisés. La recherche de germes se focalise sur certains organismes en particulier : shigella, salmonella, infections virales latentes, etc… Certains traitements (anthelminthiques, antibiotiques) seront administrés. Selon la politique de l’établissement en matière de prophylaxie, diverses vaccinations et l’administration d’antibiotiques peuvent être pratiquées.

Toutes les informations relatives aux animaux (pendant et après la quarantaine) seront stockées dans une banque de donnée écrite ou informatisée. Dans ce registre, les informations relatives aux primates de la colonie seront toutes soigneusement consignées. Le vétérinaire doit en plus tenir à jour un livre de soins (Vial, 2002).

3.4 Préparation physique et psychologique à la réhabilitation

Le processus de réintégration dans un groupe constitue une période de stress, avant que les animaux retrouvent des comportements sociaux naturels. Ainsi, il est important de préparer physiquement et psychologiquement les chimpanzés à réhabiliter. L’alimentation doit

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permettre de combler les carences nutritives passées, en particulier chez les jeunes pour leurs besoins de développement. Lorsqu’ils ne sont pas encore sevrés, l’utilisation de lait maternisé humain est idéale. Il est important de ne pas distribuer trop de nourriture à un nouvel arrivant qui a souffert de malnutrition. Il risque en effet de déclarer une diarrhée osmotique (Vial, 2002).

L’éducation des jeunes chimpanzés vise à développer tout le répertoire de comportements sociaux et de flexibilité intellectuelle inhérents à l’espèce. C’est pourquoi l’éducation par les humains est très fortement controversée, compte tenu du risque d’imprégnation des chimpanzés par l’homme (Vial, 2002).

La rééducation psychologique et physique des jeunes arrivants nécessite une attention permanente et des soins intensifs de la part du personnel du refuge. Maple et Stine (1982) proposent que les soins intensifs prodigués par l’homme soient contrebalancés par une exposition dès que possible des jeunes à des congénères adultes, ce qui peut être réalisé dès la fin de la quarantaine.

Etant donné la tendance naturelle des chimpanzés à « l’allo-parentage », c’est-à-dire des comportements parentaux exprimés par des individus autres que les parents biologiques (Goodall, 1986), on peut proposer de mettre en commun les jeunes individus recueillis avec une femelle expérimentée, qui leur enseignera les gestes naturels de l’espèce et les règles sociales (Porton, 2000).

La rééducation de chimpanzés stressés socialement est essentiellement fondée sur l’imitation et sur le conditionnement des comportements. Ce dernier semble particulièrement efficace chez le chimpanzé, compte tenu de sa capacité de mémorisation et de réflexion, et constitue l’outil de référence utilisé depuis plusieurs années dans les zoos pour réaliser les tâches quotidiennes (nettoyage, alimentation, transfert de cages, …) (Vial, 2002).

L’objectif visé lors de l’utilisation du conditionnement dans le processus de réhabilitation de chimpanzés est donc d’encourager, ou au contraire de dissuader, un certain comportement en influant sur le contexte environnemental par l’utilisation de renforçateurs positifs, c’est-à-dire des récompenses (généralement la nourriture), ou négatifs, c’est-à-dire soit une punition (un stimulus négatif est infligé, mais a le défaut d’associer la punition à un objet ou une personne) soit l’extinction (on ne récompense pas un comportement inapproprié). En captivité, le conditionnement est inévitable. Tout stimulus extérieur, matériel ou vivant, est un renforçateur d’un comportement chez un individu (Vial, 2002).

Ainsi, si le conditionnement est correctement compris et utilisé, il peut intervenir quotidiennement dans le processus de rééducation pour différentes situations : apprentissage de gestes naturels (construction de nids, recherche de l’alimentation, stimulation des interactions sociales), élimination de comportements anormaux dus aux mauvaises conditions de captivité, apprentissage de comportements facilitant les interventions humaines futures sur les animaux (Vial, 2002).

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