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II. Réhabilitation et resocialisation

2. Enrichissement environnemental

2.2 Enrichissement physique

2.2.1 Enrichissement inanimé « actif »

Les chimpanzés sauvages sont naturellement curieux ; ils explorent et manipulent différents objets qu’ils trouvent dans leur environnement naturel. La majorité de cette exploration et manipulation se déroule dans un contexte de recherche de nourriture, et inclut des activités comme casser des noix par exemple (Ottoni et Mannu, 2001).

En captivité, les opportunités d’exploration et de manipulation peuvent être sévèrement limitées. Pour compenser cela, différents jouets ou objets peuvent être apportés aux chimpanzés captifs pour leur offrir la possibilité de manipuler, jouer et explorer (Lutz et Novak, 2005).

a) Les jouets

Différents types de jouets sont utilisés : des objets indestructibles (tuyau de polyvinyle, os à mâcher, balles résistantes), ou destructibles (papier cadeau, annuaire téléphonique). En général, plus l’objet est destructible, plus il est manipulé. Par exemple, les chimpanzés captifs

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manipulent des feuilles de papier 27% du temps, contre 10% pour des jouets moins destructibles (Lutz et Novak, 2005).

En général, les primates explorent et manipulent ces nouveaux objets. Cependant, l’âge, le sexe et les conditions de logement, peuvent influencer le degré d’interactions avec ces objets inanimés.

Par exemple, l’utilisation de jouets KONG®

par les chimpanzés est corrélé négativement avec l’âge (Bloomsmith et al., 1990a). L’utilisation des jouets varie également selon le sexe. Brent et al. (1989) ont montré que les jouets KONG® réduisent les comportements pathologiques chez les chimpanzés logés seuls.

La femelle macaque crabier (Macaca fascicularis) manipule plus d’objets que le mâle (Turner et Grantham, 2002). Cette différence de manipulation d’objet selon le sexe est due en partie à des différences de préférence selon le sexe.

Par exemple, le mâle vervet (Chlorocebus pygerythrus) préfère des jouets plus « masculins » (par exemple, des camions) alors que la femelle préfère des jouets plus « féminins » (comme une poupée) (Alexander et Hines, 2002). Cependant, chez les chimpanzés, aucune différence de sexe n’a été identifiée en ce qui concerne la manipulation d’objet (Bloomsmith et al., 1990a).

Chez les chimpanzés logés individuellement, la mise à disposition de jouets apporte une diminution significative des comportements anormaux (Kessel et Brent, 1998). Très peu d’études démontrent que les jouets peuvent prévenir le développement de comportements anormaux.

Dans une étude, un jeune macaque rhesus élevé dans un environnement enrichi avec une balançoire et des cordes suspendues a développé moins de comportements stéréotypés et de self-clasping sans enrichissement (Champoux et al. 1990).

b) Les outils de fourragement

Les chimpanzés captifs sont nourris avec de la nourriture facilement accessible, placée dans des distributeurs de nourriture, une ou deux fois par jour. Cette procédure élimine tout comportement de fourragement, source majeure d’activité chez les primates sauvages (Lutz et Novak, 2005).

Etant donné la différence des budgets temps entre les chimpanzés sauvages et captifs, offrir des opportunités de fourragement peut substantiellement promouvoir le comportement typique de l’espèce, et donc améliorer le bien-être des chimpanzés captifs.

De nombreux dispositifs et méthodes ont été développés pour prolonger le temps d’alimentation et augmenter la complexité chez les primates captifs. Les outils de fourragement peuvent varier en complexité.

Certains nécessitent la simple extraction de petits bouts de nourriture d’une surface. Des gazons artificiels ou des tableaux en toison de mouton (photo 2) contiennent des miettes de nourriture que l’animal peut récupérer (Bayne et al. 1991; Lam et al. 1991).

104 Photo III. Tableau en toison de mouton permettant des activités de fourragement (Lutz et Novak, 2005)

Un simple outil de fourragement est une balle creuse contenant des trous par lesquels l’animal peut dégager de la nourriture (Crockett et al. 2001). Il existe également des dispositifs plus spécialisés, comme par exemple les termitières pour chimpanzés, permettant de simuler la pêche à la fourmi (Maki et al. 1989). Le temps de fourragement peut aussi simplement être augmenté en dispersant de la nourriture au sol dans des copeaux de bois ou de la paille (Baker, 1997).

L’utilisation d’outils de fourragement semble modifier d’autres comportements typiques de l’espèce. En effet, chez les Saïmiris ayant accès à des gazons synthétiques, l’activité de locomotion augmente alors que l’inactivité diminue (Fekete et al., 2000). L’exposition à des outils de fourragement est également associée à une diminution des comportements agressifs chez de nombreuses espèces de primates logés en groupes sociaux (Chamove et al., 1982). Cependant, chez les chimpanzés, il a été mis en évidence que le grooming diminue en même temps que les comportements agressifs, lorsque les animaux ont accès à une combinaison de méthodes de fourragement (Bloomsmith et al., 1988).

L’efficacité des outils de fourragement pour diminuer les comportements anormaux n’a pas été démontrée. Les résultats semblent varier selon l’espèce et les caractéristiques individuelles (Lutz et Novak, 2005).

Alors que la mise à disposition de nourriture dans un substrat ras réduit la fréquence des comportements anormaux chez les chimpanzés (Baker, 1997), cela ne les diminue pas chez les macaques rhesus (Byrne et Suomi, 1991).

Lorsqu’un grand nombre d’outils de fourragement est distribué en alternance aux chimpanzés, les comportements anormaux (coprophagie, arrachage de poils,…) sont diminués (Bloomsmith et al., 1988).

Au jour d’aujourd’hui, l’utilisation d’outils de fourragement semble avoir un effet imprévisible sur les comportements anormaux préexistants. Leur efficacité dépend de l’espèce, du type d’outils et de l’individu (Lutz et Novak, 2005).

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c) Enrichissement structurel

Pour augmenter la complexité du milieu, il faut multiplier les possibilités d’utilisation de l’environnement physique de façon horizontale et verticale, favoriser l’activité et susciter des stimuli nouveaux (Bonnotte, 1997).

Pour ce faire, il est possible d’installer des barrières, des perchoirs, des cordes, des pneus et des plates-formes, ou toute sorte de structure permettant l’activité physique de l’animal. Les tubes en PVC constituent un matériel pratique et peu coûteux : ils sont très faciles à découper pour en faire des perchoirs, des barreaux d’échelle, des balançoires,…

La composante verticale de l’espace et son accessibilité ont une grande importance pour les primates. La mise à disposition de structures permettant l’usage de la dimension verticale est l’un des objectifs lors d’introduction de matériel d’escalade. Ces structures peuvent être fixes ou amovibles, rigides ou flexibles (Honess et Marin, 2006).

Les barrières visuelles aident à réduire le contact lors de comportement agonistique en offrant la possibilité pour l’animal menacé de se cacher de son agresseur, et peut améliorer la qualité des relations lorsqu’un animal décide d’être seul.

Ces barrières peuvent être de simples panneaux, des cylindres ou encore des sections de tuyaux en PVC suspendues. Il a été rapporté que pour les primates vivant en groupe, on observe une diminution de l’agression associée avec la mise en place de barrières visuelles (Honess et Marin, 2006).

Par ailleurs, lorsque l’espace le permet, l’enrichissement de l’environnement biotique est intéressant : les plantes fournissent à la fois de la nourriture, un support pour grimper et se reposer, du confort, des outils, … (Maple et Stine, 1982).

Les arbres sont un moyen de stimuler les jeux acrobatiques, en plus de fournir à la fois le site et les matériaux pour la construction de nids pour dormir. Ils constituent un type d’enrichissement très intéressant pour les enclos de chimpanzés.

Ils permettent la réalisation de comportements typiques de l’espèce, comme le secouage et le balancement des branches par les mâles adultes, observé dans la nature (Goodall, 1986). L’utilisation de branches ou bâtons réduit les comportements auto-dirigés (incluant l’auto- agression) chez les primates logés seuls (Honess et Marin, 2006).

Des troncs sans racines peuvent être installés dans de grands enclos artificiels et présenter des avantages semblables (Maki et Bloomsmith, 1989).

Enfin, les piscines peu profondes favorisent l’usage d’outils et la transformation des aliments (trempage) chez les primates captifs. Elles sont également un élément structurel supplémentaire favorisant le comportement de jeu, particulièrement chez les espèces aimant nager (Honess et Marin, 2006).

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2.2.2 Enrichissement inanimé « passif »