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II. Réhabilitation et resocialisation

3. Interventions humaines

L’homme fait partie de l’environnement extrinsèque des primates captifs. Ainsi, dans un sanctuaire, l’homme, qu’il soit soigneur, observateur ou touriste, agit comme un renforçateur de certains comportements, parfois négatifs, chez les chimpanzés pensionnaires (Vial, 2002). Par exemple, la présence de visiteurs étrangers est un facteur qui favorise l’augmentation de l’agression et des comportements anormaux chez les chimpanzés. De même, les activités routinières comme l’administration de soins par les animaliers et le vétérinaire pourraient également influencer l’agression dans les groupes de chimpanzés (Alford et al, 1995).

C’est pourquoi l’attention humaine prodiguée aux chimpanzés à leur arrivée au centre est progressivement substituée à l’enrichissement social par l’interaction avec des individus de la même espèce. Les décisions de réhabilitation prises par la suite doivent respecter les objectifs de celle-ci, entre autres de ne pas créer de dépendance des chimpanzés orphelins vis-à-vis de

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l’homme, bien que les individus maintenus en captivité restent sous la tutelle humaine (Vial, 2002).

Une fois dans le Centre de Récupération de primates de la Fondation Mona, l’unique contact qu’ont les chimpanzés avec l’être humain est celui avec les soigneurs. Les animaux ont la possibilité de voir et chercher une interaction avec les visites organisées dans le Centre, ou avec les groupes de chercheurs qui y travaillent. Cependant, dans la mesure du possible, le contact avec les humains est réduit au minimum nécessaire. Cette décision a un double objectif : faciliter les procédés de resocialisation en motivant la recherche de stimulation sociale interspécifique, et promouvoir les conduites propres à l’espèce et l’abandon progressif de celles qui ont été acquises à travers le contact humain (Llorente, 2011).

3.1 Programme « Animal Training »

L’ « animal training » ou entraînement médical est défini par certains auteurs comme un entraînement de renforcement positif (Melfi et Thomas, 2005). Il a pour but d’entraîner les animaux à des renforcements positifs afin de faciliter les soins. Cela permet de diminuer le stress en récompensant la coopération volontaire des animaux, caractérisée par des comportements cibles nécessaires pour les activités d’élevage, vétérinaire et de recherche (Perlman et al., 2012 ; Veeder et al., 2009).

Ce programme permet d’améliorer les relations sociales, de réduire les comportements anormaux et de réduire le stress (Bloomsmith et al., 2007 ; Coleman et Maier, 2010 ; Lambeth et al., 2006). Cet entraînement apporte donc de nombreux bénéfices sur le bien-être, notamment en diminuant la peur associée aux interventions humaines. Il représente un bon compromis pour améliorer le bien-être des chimpanzés captifs et les problèmes de comportements que l’enrichissement environnemental conventionnel ne peut résoudre (Brando, 2012).

L’ « animal training » offre au chimpanzé du contrôle, des choix, et lui apprend à gérer les challenges de l’environnement ainsi que les comportements stimulants appropriés à son espèce. L’enrichissement environnemental conventionnel est très varié, tout comme l’« animal training ». Cependant, ce dernier ne couvre pas toutes les facettes de l’enrichissement environnemental (Westlund, 2014).

Par ailleurs, l’enrichissement environnemental cible d’autres motivations (comportement social et comportement ludique qui déclenchent certains types de comportements) et est donc nécessaire en complément de l’entraînement médical pour obtenir le maximum de bénéfices concernant le bien-être. Et vice versa, certains effets de l’ « animal training » ne peuvent pas être obtenus avec l’enrichissement environnemental (Westlund, 2014).

L’entraînement médical implique des comportements qui vont de mouvements tels que changer de pièce ou entrer dans des cages de transport, à des comportements d’examen corporel et de coopération dans la prise de médicaments vétérinaires, à la récolte d’échantillon biologique volontaire (par exemple sang, urine) et à la coopération sous contrainte. Le

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personnel d’entraînement inclut les soigneurs, les vétérinaires, le personnel de recherche et de gestion du comportement (Adams, 2006).

3.2 Contrôle de la pathologie

Les chimpanzés captifs étant sous la responsabilité de l’homme, celui-ci doit veiller à leur bonne santé physique et mentale. L’homme est présent pour rectifier la composition d’un groupe s’il s’avère que les individus sont incompatibles, pour isoler un animal que les autres ne laissent pas avoir sa part de nourriture… Il intervient à tout moment dans la vie de l’animal captif (Vial, 2002).

Cependant, toute action curative de l’homme entraîne une interaction avec les chimpanzés et interfère dans le processus de réhabilitation. Ainsi, deux écoles existent pour la gestion à long terme des maladies potentielles ou confirmées (Vial, 2002).

La politique dite « interventionniste » consiste à traiter toutes les affections individuelles apparues et à pratiquer une prophylaxie régulière contre les maladies virales et parasitaires. Cette méthode présente l’avantage d’assurer correctement la sécurité des chimpanzés et du personnel, mais elle est coûteuse et multiplie les contacts homme/chimpanzés.

La politique dite « peu interventionniste » propose un contrôle sanitaire strict à l’arrivée mais par la suite, se fonde sur l’idée que les chimpanzés doivent se créer leurs propres défenses immunitaires contre les divers affections auxquelles ils seront confrontés. Le principe d’indépendance vis-à-vis de l’homme est alors respecté, mais cette méthode ne peut s’appliquer à toutes les maladies et augmente la difficulté d’intervention lorsqu’elle s’avère nécessaire. Ces deux méthodes sont défendables. Leur application dépend en fait des objectifs de réhabilitation.

Même lorsqu’un sanctuaire adopte une politique dite « peu interventionniste », il doit nécessairement agir dans des situations extrêmes telles que des combats à mort entre mâles ou encore une fuite. Dans les deux cas, il est nécessaire de neutraliser l’animal concerné le plus rapidement possible et d’éviter les réactions collectives de stress au sein de l’effectif de chimpanzés.

Ainsi, même dans le cas où la volonté du sanctuaire est de privilégier la réhabilitation des chimpanzés en ayant une influence minimale sur leurs comportements, il existe une dépendance incompressible des chimpanzés vis-à-vis de l’homme. Dans certaines situations d’urgence, cette relation devient parfois bénéfique (Vial, 2002).