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III. Stress et troubles comportementaux

4. Conséquences comportementales

4.4 Impact sur la sociabilité

4.4.1 Déviation du comportement social

Différentes études ont montré qu’il peut exister des déviations du comportement social chez les primates. La mère joue un rôle majeur dans le développement émotionnel et social de l’enfant. Les autres enfants, ainsi que d’autres membres du groupe (surtout ceux qui ont un lien de parenté avec l’enfant), avec lesquels le jeune entre en contact, jouent également un grand rôle au cours des jeux et des séquences de toilettage. Les modifications du comportement social sont rares chez les animaux ayant été élevés par leur mère. Elles se produisent en général à la suite de la séparation maternelle ou de l’isolement social.

Leurs manifestations sont les suivantes : comportement agonistique inadéquat, absence de relations sociales avec le reste du groupe, désintérêt pour les échanges sociaux… Les modifications du comportement social (en particulier du comportement agonistique) peuvent également être le fait de la surpopulation, selon l’espèce.

Les comportements agonistiques se définissent comme tout acte incluant l’agression (produisant normalement des blessures sur l’individu cible, par exemple attaque ou menace) ou le comportement craintif (réduisant normalement les blessures ou agression, par exemple expression ou posture de soumission) (Anderson, 2010). Au cours d’une agression, l’agresseur menace, vocalise, parade devant sa victime. L’individu agressé, s’il est peureux, signale sa soumission à son agresseur, en s’aplatissant sur le sol, en grimaçant et en émettant

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des cris perçants. Quand ceci se produit de façon exagérée dans un groupe, c’est-à-dire s’il y a hyperagressivité ou peur excessive chez un ou plusieurs individus, on parle de troubles du comportement agonistique.

En captivité le groupe est stable : il n’y a pas d'entrée, ni de sortie, si ce n’est les naissances et les décès. Les conséquences en sont l'augmentation des interactions sociales, l'augmentation des risques de conflit et d'agression. L’intensification des interactions sociales est un effet de la captivité où le partenaire social est souvent une source continue et exclusive de stimulations (Fox et al., 1984 ; Williams et Bernstein, 1995).

Les conséquences du confinement sur le comportement social sont majeures : les animaux qui atteignent l'âge de la maturité sexuelle ne peuvent pas migrer, comme le feraient des congénères vivant dans leur habitat naturel (migration des mâles et/ou des femelles), et les partenaires sexuels sont imposés par la sélection de l'homme. Les risques d’agression sont donc augmentés : les rivaux sociaux ne peuvent s’écarter bien loin les uns des autres comme ils le font à l’état sauvage.

De plus, chez ces animaux captifs, la recherche de nourriture a diminué et la migration est absente, le temps «libre» a été comblé par le toilettage, le jeu et des comportements agonistiques. Le comportement agressif est sur-stimulé et les modalités de transfert de l'agression finissent parfois par faire d'un des individus un souffre-douleur. Des modalités comportementales plus calmes et affiliatives peuvent être totalement absentes de certaines relations.

L’hyperagressivité se retrouve souvent chez des animaux adultes mâles qui ont été élevés dans des conditions restrictives. Une attaque sauvage est portée à un degré d’intensité injustifié. Même si l’animal agressé montre sa peur et sa soumission, l’agression continue. Un animal « normal » s’arrêterait.

Les troubles du comportement agonistique sont liés à des désordres de communication et de coordination (Capitanio, 1986). L’élevage dans des conditions restrictives entraîne un retard de maturation des comportements affectifs, ce qui modifierait les mécanismes du comportement agonistique : l’animal serait incapable de moduler son agonisme, parce qu’incapable de lire et de répondre de façon appropriée à un signal venant d’un autre animal. Le problème de l’agression en captivité est l'obstacle majeur dans les tentatives de regroupement. A chaque fois que l'on réunit deux animaux ou plus ensemble, la possibilité d'un conflit violent est à envisager : une situation dans laquelle deux individus désirent la même « chose » en même temps quand cette chose est limitée dans le temps et dans l'espace ou en quantité, ou encore située de telle sorte que les deux n'y ont pas les mêmes possibilités d'accès, entraîne l'apparition d'une compétition qui demande à être résolue par l'établissement d'une dominance hiérarchique.

La possibilité d'agression ne doit pas empêcher le regroupement des primates. Il faut essayer de limiter l'incidence des conflits en organisant les groupes de façon cohérente, en s'inspirant des données récoltées sur le terrain concernant les habitudes sociales de chaque espèce, et en favorisant leur stabilité.

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Des jeunes élevés dans l’isolement ne peuvent pas jouer avec d’autres jeunes. Des chimpanzés élevés dans l’isolement social et sensoriel se révèlent, une fois réunis avec des animaux normaux, socialement inaptes : ils jouent peu, ne participent pas au toilettage. Les échanges sociaux avec les autres animaux ne semblent pas les intéresser. Tout se passe comme s’ils perpétuaient leur expérience précoce par un isolement qu’ils s’imposent eux- mêmes (Turner et al., 1969).

L’élevage dans des conditions restrictives produit une timidité et une appréhension profondes et persistantes (refus de participer aux jeux, non réciprocité des interactions sociales), attitude comparable à celle des enfants autistes (ceci dépend du degré de l’autisme), qui ne participent jamais quand on les attrape et ne se débattent pas pour pouvoir s’échapper.

Chez les chimpanzés, l’intégration dans un groupe d’individus normaux apporte souvent une amélioration chez des animaux perturbés (Pfeiffer et Koebner, 1978). L’utilisation d’individus thérapeutes a été préconisée. Les thérapeutes sont des primates ne présentant pas de troubles comportementaux qui sont susceptibles d’apprendre à des individus « perturbés » de même espèce les règles du comportement social spécifique. Cette forme de thérapie a été utilisée chez les macaques rhésus et chez les chimpanzés. Les diverses tentatives ont montré que les mécanismes du comportement social les plus simples sont les plus simples à récupérer (Harlow et Suomi, 1971). Certains troubles s’atténuent avec le temps et l’expérience.

Lors de l’intégration d’un chimpanzé présentant des comportements anormaux dans un nouveau groupe, la formation du groupe social peut augmenter le niveau de comportements anormaux, au moins à court-terme (Fritz, 1986), car les individus doivent s’adapter à une stimulation sociale inconnue.