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Chapitre 4: Élaboration de membranes composites à base de PVdF ou P(VdF-co-HFP)

3. Mise en forme et caractérisation des membranes denses

3.1. Préparation des échantillons

Les membranes ont été préparées par coulée-évaporation, deux épaisseurs de membranes ont été réalisées. Les taux de renfort choisis ont été de 6%, 12%, 20% en masse, supérieurs au seuil de percolation pour obtenir un réseau de CNC dans la matrice polymère.

La dispersion des CNC au sein de la membrane a été vérifiée par imagerie MEB (figure 4). Les CNC apparaissent comme des points blancs, donc la concentration est directement

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reliée à la concentration de CNC incorporée. La taille des spots, d’un diamètre d’environ 100-300 nm, est nettement supérieure au diamètre des CNC. Cette différence est attribuée à

un effet de charge du fait de la présence de CNC en surface.(5)

On peut noter une bonne répartition des CNC au sein de la matrice polymère, avec la présence d’une partie des CNC non individualisés avec la formation de petits agrégats.

Figure 87: Images MEB 10000x de la section transversale d'une membrane de Solef® 21216 pur (gauche) et avec 20% de CNC (droite)

La stabilité thermique des différentes membranes a été évaluée par ATG. L’analyse a été conduite à une vitesse de 20 °C/min sous atmosphère inerte, et les résultats donnés sont la moyenne de 2 analyses.

La dégradation de la CNC débute vers 280°C, et correspond à une perte de poids de 70% en masse entre 280 et 380 °C. Cela correspond à une dégradation thermo-oxydative avec

formation de liaisons C=O et C=C, comme décrit par Broido et al.(15) et Camino et al.(16) La

température de dégradation est proche des valeurs reportées dans la littérature, i.e. 270°C pour des whiskers de Ramie.

On peut également observer une perte de 3,5% du poids de la membrane entre la température ambiante et 100°C associée à une perte d’eau. Cette quantité non négligeable d’eau vient du fait que les membranes de CNC n’ont pas été séchées de manière intensive avant la mesure.

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Figure 88: Thermogrammes ATG de la CNC pure (haut) et des membranes composites de Solef® 6020 + CNC (bas, gauche) et de Solef® 21216 et CNC (bas, droite) sous atmosphère inerte

La dégradation des membranes a lieu en deux étapes, une première perte de masse vers 300°C, associée à la dégradation des CNC, puis une perte de masse plus conséquente à partir de 450°C, qui correspond à la dégradation du PVDF pour le Solef® 6020 et 420°C pour le P(VDF-co-HFP), comme décrit dans le chapitre précèdent. Aucun effet de la dégradation des CNC sur la dégradation du PVDF n’est observé, la température de perte de masse associée au PVDF est identique à celle du PVDF seul. Contrairement à l’analyse de la membrane de CNC, aucune perte de masse associée à une perte d’eau n’est observée. Si l’on quantifie la perte de poids associée à la dégradation des CNC, on peut déterminer la quantité de CNC incorporée dans la membrane. Pour ce calcul, nous avons considéré que la perte de masse associée à la dégradation des CNC correspond à 70% du poids de CNC incorporé, en nous basant sur les résultats obtenus pour le film de CNC seul. Nous obtenons un très bon accord, entre CNC présent au sein de la membrane et CNC attendu montrant une bonne homogénéité de nos membranes (du moins à la taille de l’échantillon analysé, 30mg).

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Echantillon

% massique de CNC au sein de la membrane

déterminée par ATG

Solef ® 6020 + 6% CNC 6,2 Solef ® 6020 + 12% CNC 13,0 Solef ® 6020 + 20% CNC 20,9 Solef ® 21216 + 6% CNC 6,4 Solef ® 21216 + 12% CNC 12,1 Solef ® 21216 + 20% CNC 20,1

Tableau 33: Pourcentage de CNC incorporé dans la membrane à partir de la perte de masse à 280°C des membranes composites

3.2 Propriétés thermo-mécaniques

Différentes analyses thermo-mécaniques ont été effectuées sur les membranes denses.

La température de fusion, Tf, et l’enthalpie de fusion, ΔHf, ont été mesurées par analyse

DSC, avec une vitesse de balayage de 2 °C/min. La Tg a été mesurée par analyse DMA, à

une fréquence d’analyse de 1Hz avec une vitesse de balayage de 1°C/min, cette technique

étant beaucoup plus sensible que la DSC. La cristallinité χc a été obtenue en divisant la

valeur ΔHf par la valeur d’enthalpie d’un PVDF 100% cristallin, soit 104,5 J/g. Comme

observé pas Azizi Samir et D’Aprea et al., dans le cas des matrices composites PEO/CNC, le taux de cristallinité et la température de fusion décroissent légèrement avec le taux de renforts.

Dans le cadre des études sur le PVDF renforcé par des microfibrilles de cellulose, la cristallinité de la matrice PVDF (48%) décroit progressivement avec l’incorporation de

charges jusqu’à atteindre 32% pour 60% en masse de cellulose, et ensuite remonte9.

Les valeurs de Tg diminuent avec le taux de charges, cette évolution n’avait pas été

observée sur une matrice de PEO, en effet en milieu POE, la valeur de Tg était invariable.

Cette faible évolution de Tg pourrait être associée à la diminution de la cristallinité de la membrane, du fait de la présence des CNC. En effet, les zones cristallines d’un polymère semi-cristallin contraignent les phases amorphes, ce qui a pour conséquence d’augmenter le

Tg de la phase amorphe, celle-ci étant moins mobile du fait de la présence des zones

cristallines immobiles. Une diminution de la phase cristalline a pour effet une diminution du Tg.

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échantillon Tg (°C) Tf (°C) ΔHf (J/g) χp (%) Solef ® 6020 -36 169 46 44 Solef ® 6020 + 6% CNC -37 169 41 42 Solef ® 6020 + 12% CNC -38 168 38 41 Solef ® 6020 + 20% CNC -37 167 34 41 Solef ® 21216 -29 139 25 23 Solef ® 21216 + 6% CNC -34 143 18 23 Solef ® 21216 + 12% CNC -36 141 17 23 Solef ® 21216 + 20% CNC -37 139 15 23 Solef ® 21216 + 30% CNC n.d. 138 16 22

Tableau 34: Propriétés thermiques des membranes composites denses étudiées. Pour déterminer le taux de cristallinité χp du PVDF nous avons tenu compte de la fraction massique de PVDF au sein du composite. Aucune valeur de Tg n’a été obtenue pour la membrane Solef ® 21216 + 30% CNC du fait du

caractère cassant de la membrane.

L’analyse DMA, nous a permis d’évaluer les propriétés mécaniques des membranes composites et en particulier, mettre en évidence l’effet de renfort du réseau de CNC. Les résultats sont montrés en figure 88. Les propriétés mécaniques des membranes avec 1 et 3% en masse de CNC (non reportées sur la figure) ne présentent pas de plateau, après la fusion du polymère. Le plateau est visible seulement à partir des membranes dont le taux de CNC est de 6% ou supérieur à ce taux. L’existence d’un plateau pour le module est communément associée à la présence du réseau percolant de CNC, l’absence de ce plateau à 3% et sa présence à 6% est tout à fait cohérent avec la fraction massique déterminée pour le seuil de percolation i.e. 3,57% en masse. Les modules de conservation E’ expérimentaux à 200°C sont consignés dans le tableau 3 et comparés aux valeurs théoriques, déterminées en utilisant le modèle de percolation. Pour le calcul des valeurs théoriques, nous avons utilisé les modules du réseau de CNC mesurés par DMA et par traction, les deux valeurs étant très différentes (Cf. la partie 2 de ce chapitre). Les données expérimentales sont en très bon accord avec les valeurs issues du modèle de percolation en utilisant 4,35 GPa comme module de conservation pour le réseau de CNC, validant nos mesures de celui-ci par DMA. La mesure du module par traction, sur de plus grands déformations, était sans doute plus sensible à des défauts possibles de la membrane, induisant une diminution des propriétés. Les modules de conservation obtenus au-dessus de la fusion de la matrice polymère sont identiques pour l’homopolymère et le copolymère renforcés, en accord avec des propriétés mécaniques contrôlées par le réseau de CNC.

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Figure 89 : Courbes de DMA pour les membranes composites denses de Solef® 6020 + CNC (bas, gauche) et de Solef® 21216 + CNC (bas, droite)

échantillon E’ à 25°C (MPa) E’ à 200°C

(MPa) E’th à 200°C calculé à travers E’ (MPa) E’th à 200°C calculé à travers E de Young (MPa) Solef ® 6020 910 ± 30 / / / Solef ® 6020 + 6% CNC 1284 ± 40 83 ± 5 76 10 Solef ® 6020 + 12% CNC 1510 ± 40 185 ± 10 251 32 Solef ® 6020 + 20% CNC 2010 ± 50 448 ± 10 546 69 Solef ® 21216 640 ± 30 / / / Solef ® 21216 + 6% CNC 960 ± 40 76 ± 7 76 10 Solef ® 21216 + 12% CNC 1220 ± 50 233 ± 15 251 32 Solef ® 21216 + 20% CNC 1900 ± 50 563 ± 30 546 69 Solef ® 21216 + 30% CNC 1840 ± 40 572 ± 30 (150°C) 990 125

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On peut également noter un net renforcement des propriétés mécaniques des membranes

pour des températures supérieures au Tg. A température ambiante, le module E’ est plus que

doublé suite à l’incorporation de 20 % de CNC dans le Solef ® 6020.

On ne peut pas augmenter de manière infinie le taux de CNC, en effet à partir de 30%, on observe une fragilisation de la membrane. De plus on obtient, par coulée-évaporation des membranes peu homogènes, qui se déforment lors de l’évaporation du solvant. Cette différence de comportement peut être liée à la présence de CNC mais également aux conditions d’élaboration. En effet, l’addition d’une forte quantité de CNC induit une dilution de la solution de PVDF, la suspension de CNC n’étant qu’à 2%, la moindre viscosité de la solution pourrait également avoir un effet sur la morphologie de la membrane.

Pour 30% de CNC, le module E’ devient nettement plus faible qu’attendu (par le modèle), ceci pourrait être lié à une moins bonne dispersion des CNC dans la matrice. Une solution possible serait de fonctionnaliser la surface de la cellulose pour améliorer l’affinité PVDF/CNC sans diminuer les interactions CNC/CNC responsable de la formation du réseau. Des essais de traction ont été conduits sur les membranes, à 25°C et avec une vitesse de déformation de 0,01 mm/s. Nous nous sommes intéressés plutôt à la détermination du module d’Young, E, et n’avons pas évalué le comportement à la rupture. Les résultats sont

donnés en figure 89 et récapitulés dans le tableau 4. L’augmentation de E avec le taux de

renfort est cohérente avec les résultats obtenus par DMA, même si les valeurs restent inférieures. L’incorporation des CNC rend les membranes moins plastiques, ce qui a été

également reporté par Tang et al.(10) dans le cas de système PVDF/MFC avec une

diminution de l’allongement à la rupture. Cet effet est surtout notable pour l’homopolymère de PVDF, sans doute du fait de sa cristallinité plus importante. Les valeurs de contrainte dans la zone de déformation plastique, obtenues pour le copolymère P(VDF-co-HFP) sont nettement inférieures à celles de l’homopolymère de PVDF, associées à un taux de cristallinité plus faible. L’addition de CNC permet d’augmenter la contrainte associée à déformation plastique d’un facteur 1,5 environ pour les deux familles de membrane.

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Figure 90: Courbes de traction pour les membranes composites denses de Solef® 6020 + CNC (haut, gauche) et de Solef® 21216 + CNC (haut, droite) et pour le Celgard® 2400

membrane E à 25°C (MPa) membrane E à 25°C (MPa)

Celgard® 2400 650 ± 30 Solef ® 21216 420 ± 20

Solef ® 6020 730 ± 30 Solef ® 21216 + 6% CNC 680 ± 30

Solef ® 6020 + 6% CNC 850 ± 40 Solef ® 21216 + 12% CNC 820 ± 40

Solef ® 6020 + 12% CNC 950 ± 30 Solef ® 21216 + 20% CNC 1450 ± 30

Solef ® 6020 + 20% CNC 1150 ± 30 Solef ® 21216 + 30% CNC 1230 ± 30

Tableau 36: Module d’Young E pour les membranes composites denses de PVDF ou P(VDF-co-HFP) et le Celgard ®2400