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Partie 1 : solvants fluorés

5. Formulation d’électrolytes utilisant un mélange de deux ou trois solvants

5.1. Formulations de solvants fluorés

Pour les mélanges binaires, nous avons retenu le F1-EC en tant que carbonate cyclique, car ses propriétés sont supérieures à celles des carbonates cycliques ; les deux carbonates linéaires ont été testés, le F1-DEC pour ses propriétés de transport, très proches du DEC, le F4-DEC pour son efficacité dans la suppression de la corrosion de l’aluminium.

Nous avons mesuré les conductivités de nos mélanges entre -20°C et 60°C. Les proportions des solvants sont données en rapport molaire pour faciliter les comparaisons. L’ajout de carbonates linéaires fluorés induit une diminution des conductivités quel que soit la composition du mélange. Ce comportement est différent de ce qui est obtenu pour des mélanges EC/DEC ou EC/DMC, où un optimum de conductivité est obtenu pour des proportions quasi équimolaires. Cet optimum est attribué à l’obtention, par mélange de solvants, d’un optimum nombre de porteur/mobilité. Pour les solvants fluorés, l’ajout d’un carbonate linéaire, moins visqueux permet certes d’augmenter la mobilité des ions, mais celle-ci n’arrive pas à compenser la diminution du nombre de porteurs de charge, par diminution du pouvoir dissociant du milieu. L’ajout d’un carbonate linéaire a un effet bénéfique sur les valeurs de conductivité à basse température, en évitant la cristallisation du F1- EC, ainsi aucune cristallisation de l’électrolyte n’est observée jusqu’à -20°C.

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Figure 44: Conductivités des mélanges F1-EC/F1-DEC (A) et F1-EC/F4-DEC (B) en fonction de la température et de la fraction molaire de F1-EC (C,D)

Pour les mélanges F1-EC/F1-DEC, l’évolution de la conductivité en fonction de la fraction molaire en F1-EC est quasi linéaire à 60°C. Par contre à 0°C, les conductivités évoluent peu avec la fraction de F1-EC, pour des fractions supérieures à 0,5, ceci peut être attribué à l’importance du facteur viscosité à basse température. Pour les mélanges F1-EC/F4-DEC, l’augmentation de conductivité avec la fraction de F1-EC est plus importante du fait du très mauvais pouvoir de solvatation du F4-DEC et de sa viscosité élevée.

La viscosité des électrolytes a été étudiée (figure 44). Comme attendu, une diminution de la viscosité est observée par ajout de carbonates linéaires au F1-EC. La diminution de viscosité est plus importante par addition du F1-DEC, du fait de sa moindre viscosité 1,21 à 20°C contre 1,87 pour le F4-DEC.

Si on estime que les solvants se comportent d’une façon idéale, c’est-à-dire ils ne présentent pas d’interactions intermoléculaires, les viscosités peuvent être prévues sur la base de simples formules additives.

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Cela dit, les mélanges réels ne se comportent pas toujours idéalement, et il est intéressant de quantifier l’écart à l’idéalité, pour mettre en évidence des interactions spécifiques entre

molécules de solvant. Saunier et Geoffroy ont étudié dans leurs thèses(29,38) différents

mélanges binaires de carbonates, qui montrent de faibles viscosités d’excès négatives (viscosité du mélange plus faible que la viscosité calculée par une loi de mélange (4.7)) pour les mélanges carbonate cyclique / carbonate linéaire indiquant des interactions spécifiques entre molécules de solvant. Pour les mélanges DEC/DMC, Saunier a montré que les interactions étaient négligeables, du moins équivalentes aux interactions DMC/DMC et

DEC/DEC. Perricone dans sa thèse(39) a montré que pour des systèmes

EC/méthoxypropionitrile la présence de sel d’ammonium augmente la force des interactions. La viscosité d’un mélange idéal est calculée selon la formule 4.7:

L’écart a été estimé en utilisant deux paramètres, l’un est la viscosité d’excès Δη, définie comme la différence entre la viscosité idéale et la viscosité experimentale :

Le deuxième est le paramètre d(G-N), extrait de la relation semi-empirique proposée par

GrundBerg et Nissan(39a) :

Les valeurs obtenues pour le mélange F1-EC/F1-DEC sont très comparables à celles trouvées par Saunier pour le système EC/DEC (sans sel), avec une viscosité d’excès

légèrement supérieure (-0,22 mPa*s vs -0,17 mPa*s), qui peut être associée à la présence

du sel de lithium. Le F1-EC et le F4-DEC interagissent très faiblement avec une viscosité d’excès de -0,05 mPa*s, sans doute associée à la diminution du caractère donneur des oxygènes en présence de fluor.

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Figure 45:Viscosités des mélanges en fonction de la température (A,B) et écart à l'idéalité (C,D) pour les systèmes F1-EC/F1-DEC et F1-EC/F4-DEC

Une étude VTF pour les données de viscosité et conductivité a été effectuée, comme pour le cas des solvants purs. L’étude montre que pour les mélanges binaires la pseudo-énergie d’activation et le facteur pré-exponentiel prennent des valeurs intermédiaires entre ceux des

deux solvants. Nous n’avons pas reporté dans ce document les valeurs obtenues, qui ne

permettent d’extraire des informations complémentaires exploitables.

Le produit de Walden a également été calculé pour les deux mélanges. Une augmentation de la ionicité est observée avec l’augmentation de la fraction molaire de F1-EC, en accord avec les résultats obtenus pour les électrolytes n’utilisant qu’un seul solvant. La diminution est notable dès l’ajout d’une faible proportion de F1-DEC, la diminution d’ionicité est plus notable par addition du F4-DEC, en accord avec les propriétés des différents solvants. Cela est bien visualisé avec la représentation de Walden, où une diminution progressive d’ionicité avec l’augmentation de la fraction molaire des carbonates linéaires est observée

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Figure 46: Produit de Walden pour les mélanges F1-EC/F1-DEC (A) et F1-EC/F4-DEC (B), et diagrammes de Walden pour les mélanges F1-EC/F1-DEC (C,D) et F1-EC/F4-DEC (E,F)

Finalement, pour comparer au mieux nos résultats, nous avons comparé les conductivités

obtenues pour nos mélanges fluorés à celles de mélanges classiques avec LiTFSI et LiPF6.

Le F4-DEC ne semblant pas induire une diminution notable de la conductivité, nous avons également préparé une formulation ternaire F1-EC/F1-DEC/F4-DEC 3 :0.5 :0.5 mol.

Les conductivités obtenues sont inférieures d’un facteur 2,5 environ aux valeurs des électrolytes de référence. Cette diminution, bien que non négligeable, permet d’obtenir des conductivités à température ambiante qui restent acceptables pour l’application visée. Comme attendu, l’addition du F4-DEC ne diminue que de manière négligeable la conductivité par rapport à l’électrolyte F1-EC-F1-DEC, sans doute du fait de la faible proportion de F4-DEC ajoutée.

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Figure 47: Evolution de la conductivité pour les meilleurs mélanges de carbonates fluorés ou non en fonction de la température

Enfin, le comportement en corrosion de ces différents solvants a été évalué. Nous n’avons pas évalué la stabilité anodique des mélanges, car cette étude n’aurait pas apporté d’informations complémentaires à celles obtenues pour les solvants seuls. Nous n’avons testé que des mélanges à haute teneur en F1-EC, parce qu’elles présentent les meilleures propriétés de transport, paramètre clé pour l’application.

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Figure 48: Voltammogrammes (gauche) et images MEB (droite) d’électrodes en aluminium anodisées dans des électrolytes LiTFSI 1M + (A,B) EC/DEC 3:1 mol , (C,D) EC/F4-DEC 3:1 mol, (E,F)

F1-EC/F1-DEC/F4-DEC 3:0.5:0.5 mol

Les résultats obtenus sont très prometteurs, en effet pour des formulations à haute teneur en

F1-EC aucune corrosion de l’aluminium n’est obtenue jusqu’à 5 V vs Li/Li+. Les formulations

évaluées ont un pouvoir de dissociation, d’après l’analyse du produit de Walden, proche de celui d’un mélange EC/DMC, 0,025 pour le mélange 1F-EC/1F-DEC (3 :1) LiTFSI contre 0,02 pour un mélange EC/DMC LiTFSI 1M. Malgré cette caractéristique voisine, l’aluminium

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se passive dans l’électrolyte 1F-EC/1F-DEC (3 /1) LiTFSI, alors qu’il se corrode de manière notable dans l’électrolyte classique non fluoré. Cette différence de comportement pourrait être associée à une modification de la composition du film passif, formé à la surface de l’aluminium.