Partie 1 : solvants fluorés
4. Propriétés électrochimiques
4.1. Fenêtre de stabilité
Les solvants contenant un élément électro-attracteur, comme le fluor, présentent une
stabilité légèrement augmentée. Cette évolution a été montré par Sasaki(2) pour les dérivés
du DMC avec LiPF6, et par Achiha et al.(35) pour des dérivés fluorés d’acétates et de
carbonates avec LiClO4. Il faut cependant souligner, que d’autres solvants, comme la
γ-butyrolactone(2), ne montrent pas de bénéfice de la fluoration sur leur stabilité en oxydation.
Enfin, Xu et al.(36) dans un papier revue, montrent la difficulté d’obtenir une échelle unique
permettant de classifier la stabilité des solvants et électrolytes, en effet les phénomènes d’oxydation mis en jeu étant irréversibles, la limite d’oxydation est fortement dépendante des conditions expérimentales. Pour notre étude, des solutions 1 M en LiTFSI ont été utilisées. Les mesures ont été réalisées par voltammétrie cyclique, à trois électrodes, avec une microélectrode de platine comme électrode de travail, un fil de platine comme
contre-électrode, et une référence Ag/Ag+ (solution de AgNO3 0,01M et perchlorate de
tétraéthylammonium 0,1M dans l’acétonitrile) à un potentiel de +542 mV vs SHE. Certaines
mesures ont également été validées avec l’utilisation d’une référence de lithium métal, plongeant directement dans le milieu. La vitesse de balayages a été fixée à 2 mV/s. Nous avons aussi analysé la stabilité d’un mélange EC/DEC, comme référence, dans les mêmes conditions expérimentales.
Les courbes de stabilité anodique sont données sur la figure 37. Le courant limite pour
définir les fenêtres de stabilité a été pris à 0,2 mA/cm2.
Contrairement à l’attendu, les carbonates fluorés qu’ils soient cycliques ou linéaires sont moins stables que le mélange EC/DEC 1 M LiTFSI. Il est difficile d’expliquer ce résultat, il
faut cependant noter que l’oxydation de l’anion TFSI- a lieu vers 5,7-5,8V vs Li/Li+, le courant
d’oxydation pourrait ainsi être associé à l’oxydation de l’anion et non au solvant. La différence observée sur le potentiel d’oxydation pourrait alors être attribuée à des phénomènes adsorption ou de modulation des interactions ion/solvant dans les différents
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électrolytes. Les stabilités restent toutefois suffisamment élevées pour envisager une application de ces électrolytes à haut potentiel, mais cette perceptive doit être validée ou invalidée par des études de stabilité sur matériau actif.
Les carbamates présentent de moins bonne stabilité en oxydation que les carbonates, avec
un potentiel d’oxydation de 4,8 V vs Li/Li+ pour le C1. T. Shono et al.(36a) ont étudié la stabilité
en oxydation de différents carbamates et ont montré que le siège de l’oxydation était les doublets non-liants de l’azote avec la formation d’un radical cation sur l’azote puis formation
d’une double liaison entre l’azote et le carbone en avec départ d’un proton (figure 37). Les
potentiels d’oxydation des carbamates étudiés sont voisins, l’effet donneur des éthyles en place des méthyles (comparaison de l’oxydation du C3 et du C1) n’a pas une influence notable sur la stabilité de la molécule. Les potentiels obtenus sont en bon accord avec
l’étude de T. Shono et al. L’incorporation d’un groupement CF3 et de manière plus notable de
2 CF3 induit une stabilisation des carbamates en oxydation, le caractère électro-attracteur
des fluors semble permettre de stabiliser l’amide. Ainsi, le F-C2 présente un potentiel
d’oxydation supérieur à 5 V vs Li/Li+, ce qui est intéressant pour les applications visées dans
notre étude.
37: mécanisme d'oxydation des carbamates (réf.36a)
La sulfonamide S1, quant à elle, présente une stabilité plus faible que les carbamates, avec
un potentiel d’oxydation voisin de 4,5 V vs Li/Li+ qui peut soit être associée à l’oxydation des
fonctions éthers présentes, soit à celle de la fonction sulfonamide. En effet, l’oxydation du diméthyl méthane sulfonamide a été reporté à un potentiel voisin de 4,8 V vs Li/Li+. Il faut également noter que la résistivité de l’électrolyte peut avoir un effet non négligeable sur la détermination de la stabilité électrochimique de ce composé, du fait d’une chute ohmique importante. La présence du fluor a également un effet notable sur la stabilité en réduction de l’électrolyte, nous avons ainsi évalué la stabilité de nos différents électrolytes en réduction. Le même protocole expérimental a été utilisé. Pour les différents solvants étudiés, aucun mur de réduction n’est observé avant le mur de réduction du lithium sur platine. Ainsi toutes les courbes ont la même allure, avec la réduction du lithium et la réoxydation des alliages
intermétalliques LiPtx. La seule différence observée est liée à la résistivité plus ou moins
importante de l’électrolyte. Pour ne pas alourdir le manuscrit, nous ne présentons que certaines des courbes obtenues. La courbe de voltamétrie du F1-EC peut paraître surprenante, car il est reporté, dans la littérature, un pic de réduction du F1- EC, quand
celui-89
ci est utilisé comme additif, à 1,16 V vs Li/Li+ sur graphite (11). Cependant, McMillan et al.(11a)
montre également l’absence d’un pic de réduction du F1-EC, lorsque celui-ci est utilisé pur
avec LiPF6. Cette différence de comportement, entre solvant pur et additif, pourrait être
attribuée à une rapidité de réactivité et donc de passivation de l’électrode. Le F1-EC pur étant plus réactif, sa réduction induit une passivation instantanée de l’électrode, d’où l’absence de pic de réduction. Le film passif ainsi formé permettant le passage du cation lithium n’interdit pas la réduction de ce dernier.
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Figure 39: Stabilité cathodique de quelques solvants étudiés avec LiTFSI 1 M
Ainsi, le paramètre pertinent à prendre en compte est le rapport entre l’aire des pics anodiques et cathodiques, pour mesurer une efficacité coulombique et mesurer ainsi la
réactivité d’un lithium fraichement déposé vis-à-vis de l’électrolyte (17). Les données obtenues
sont récapitulées dans le tableau 7. Les solvants fluorés induisent un plus faible rendement coulombique par rapport à leur homologue non fluoré. Ce qui semble indiquer une diminution de la stabilité en réduction des solvants fluorés, comme attendu du fait du caractère électro-donneur du fluor. Néanmoins la persistance d’un rendement coulombique supérieure à 0,4, pour de faibles vitesses de balayage, semble montrer qu’une partie du courant associé à la réduction du solvant permet la formation d’un film passif évitant la réactivité totale du lithium fraichement déposé. Les carbamates fluorés semblent être moins stables en réduction que les carbonates linéaires, avec des rendements coulombiques inférieurs, semblant indiquer une passivation moindre de l’électrode.
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composé Efficacité coulombique (%) composé Efficacité coulombique (%)
EC/DEC 70 C3 62 F1-EC 41 F-C1 44 trans F2-EC 48 F-C2 43 F1-DEC 63 F-C3 43 F4-DEC 53 F-C4 48 C1 59 S1 57 C2 63
Tableau 12: Efficacités coulombiques pour les solvants étudiés