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Chapitre 1 : État de l’art

3. Eléments des batteries Lithium-ion

3.4. Membranes composites

3.4.1. Les dérivés cellulosiques

Une autre voie de recherche sur les matériaux composites prévoit l’utilisation de matériaux

bio-sourcés, tels que la lignine ou la cellulose. L’intérêt de ces matériaux est associé à leur abondance naturelle, leur faible cout, leur très faible toxicité et à leurs propriétés intrinsèques. (126)

Les recherches associées à l’utilisation de la cellulose, qui pose moins de problème de

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Isolée pour la première fois par Alselme Payen en 1838, la cellulose constitue à peu près un tiers de toute la matière végétale. L’unité répétitive de base est composée de deux molécules de glucose jointes par un lien hémi acétal (fig.17). Les chaines de cellulose peuvent cristalliser sous quatre formes allotropiques, I-IV, même si dans la nature la majorité de la cellulose cristallise sous la forme I. Les domaines cristallins sont espacés par des domaines amorphes et forment des microfibrilles ; les microfibrilles sont associées pour former des fibres lignocellulosiques.(132,133) Du fait de sa structure très cristalline et de la présence de fortes interactions (liaison hydrogène), la cellulose possède de très haut module mécanique, d’où son utilisation comme renfort mécanique de matrices thermoplastiques.

Figure 17: Macrostructure de la cellulose (gauche, réf.133) et unité répétitive du polymère (droite, réf.130)

La cellulose brute peut être obtenue à partir de plusieurs sources végétales ; néanmoins, la cellulose peut également être issue de bactéries ou extraite de la coquille de certains animaux marins. L’avantage de la cellulose animale est qu’elle demande moins de traitements pour obtenir une cellulose pure.

Les principaux produits obtenus à partir de la cellulose sont des whiskers, souvent appelés cellulose nanocristalline (NCC), des microfibrilles de cellulose (MFC), de la cellulose microcristalline (MCC), et correspondent à différentes étapes dans le traitement de la pâte à papier. La cellulose brute est soumise à des cycles de broyage et lavage, pour casser les fibres en des domaines plus petits, en donnant la MCC puis la MFC. Ces traitements ne peuvent pas, par contre, séparer les domaines cristallins de ceux amorphes. Une hydrolyse acide est donc effectuée, ce qui permet d’obtenir des bâtonnets de cellulose fortement cristallins, la NCC.(130-133)

La différence notable de ces produits (tableau 4), relève de leurs dimensions et plus

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diamètre L/d. Ce facteur de forme est un élément clé pour le renfort mécanique, car il va

définir le taux minimal de fibres nécessaire à la percolation, donc le taux minimal assurant le renfort mécanique. Du fait de son facteur de forme très faible, la MCC n’a pas d’intérêt pour le renforcement mécanique des électrolytes, et ses propriétés ne seront donc pas détaillées.

Les MFC et les NCC, du fait de leur forte cristallinité, sont insolubles, elles ne peuvent être que dispersées dans un solvant. Le solvant classique pour la dispersion de la cellulose est l’eau ; néanmoins, comme l’eau ne solubilise pas un certain nombre de polymères, le PVDF par exemple, de nombreuses études se sont concentrées sur la recherche de solvants organiques adaptés, parmi les plus connus, la DMF (diméthyformamide) et le DMSO

(diméthylsulfoxyde).(134-136) Matériau L (nm) d (nm) L/d microfibrilles de cellulose > 10000 2-10 > 1000 MCC > 1000 > 1000 ≈ 1 MFC > 1000 10-40 100-150 NCC 100-600 2-20 10-100

Tableau 4: Propriétés des divers sous-produits de la cellulose (reprise de la réf.131)

La qualité de la dispersion de la cellulose est généralement étudiée par diffraction de la lumière. Du fait de leur forme allongée, la MFC et la NCC ont tendance à s’orienter, ce qui induit la présence d’une biréfringence, biréfringence utilisée pour caractériser la bonne dispersion de la cellulose. En augmentant la concentration de cellulose, les phases ordonnées deviennent plus grandes ; au-delà d’une concentration critique c*, qui se trouve être fonction du rapport L/d, une phase complètement ordonnée, appelée phase nématique, se sépare visiblement du reste du système. Des études ont montré que la dimension moyenne des particules formant les phases nématiques est supérieure à celle des particules

qui restent dispersées.(137,138)

Un autre facteur extrêmement important est constitué par les groupements chimiques à la surface de la cellulose : l’utilisation de l’acide sulfurique pour l’hydrolyse apporte des

fonctions (SO4-NCC), qui induisent des forces répulsives entre les cristaux de

cellulose et augmentent la stabilité de la suspension en solvants polaires(139,140). Par dosage

(133), la quantité de charge est voisine de 0,02-0,03 e/mm2 (e = 1,6 * 1019 C), elle dépend de l’origine de la cellulose.

Le séchage complet de la cellulose sous forme acide induit la formation de liaisons

hydrogène entre cristaux, qui empêchent une complète redispersion(140). C’est pourquoi le

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al. ont montré que le remplacement à hauteur de 95% permet une redispersion totale dans eau.(141)

Les interactions de surface étant cruciales pour une bonne dispersion, de nombreuses fonctionnalisations ont été évaluées, telles que l’oxydation, la silylation ou la méthylation des

groupements –OH, qui ont permis de stabiliser des suspensions de cellulose en milieux

faiblement polaires.(142-145)

Une densité de charges superficielles plus élevée dégrade la stabilité thermique de la

cellulose, les fonctions sulfates étant responsables de la dégradation du matériau.(133)

Le procédé de séchage est également important. Un séchage lent permet aux lamelles de cellulose de se rapprocher, augmentant la taille moyenne des particules et rendant le produit beaucoup plus difficile à redisperser. Ces variations ont été mises en évidence pour la MFC et la NCC.(141,146)

Les premiers exemples de renfort mécanique de fibres cellulosiques furent étudiés dans les

années ’90 par Favier et al. sur des membranes de copolymères styrène/acrylate.(147,148)

Pour une concentration dépassant un seuil critique, il y a la formation d’un réseau percolant de cellulose, apportant une tenue mécanique élevée à la membrane jusqu’à la dégradation de la cellulose. Du fait que les fibres de cellulose soient désorientées, les modèles mécaniques à champ moyen, tels que celui de Halpin-Tsai ne peuvent pas prévoir correctement le module de conservation E’. Favier et al., en reprenant le concept de

percolation de Hammersley(149), ont défini le seuil critique de percolation.(132,148) :

(1.17)

Ouali et al. ont divisé le système en 3 phases.(150), le réseau de whiskers percolant en

parallèle avec la matrice et les whiskers qui ne participent pas à la percolation.

Figure 18: Représentation du modèle série/parallèle. R et S représente le réseau rigide de whiskers, et S la matrice polymère, ψ est la fraction percolant de whiskers

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Le module de conservation est donné par l’équation :

où les index R et S se réfèrent à la phase rigide et molle, v est la fraction volumique et E est le module de conservation.

Du fait de l’existence d’un seuil de percolation, prend deux valeurs en fonction de ce seuil :

b ayant une valeur de 0,4 pour un réseau 3D.

À une température nettement supérieure à la Tf du polymère, on peut estimer que la

contribution de la matrice à la tenue mécanique est nulle. Le module est alors donné par l’équation :

Plusieurs groupes ont mené des études par simulation numérique, couplées avec des

mesures spectroscopiques, qui ont abouti à des valeurs du module de Er de l’ordre de 100

GPa pour les nanocristaux de cellulose.(151,152) Par contre, des mesures mécaniques en

traction ont donné des valeurs comprises entre 1 et 15 GPa, selon la source de cellulose,

valeurs plus adaptées aux résultats expérimentaux. Dufresne et al.(153), utilisant des valeurs

de la littérature, ont tracé une courbe de tendance du module E’ en fonction du facteur de forme L/d des NCC. Le résultat montre qu’il y a une certaine corrélation entre ces deux paramètres, même si d’autres paramètres doivent certainement être pris en compte.

Figure 19 : Module de Young de différents grades de NCC et leur correlation avec le facteur de forme (réf.153)

Les propriétés mécaniques de la matrice polymère sont très fortement liées aux interactions matrice/NCC qui ne doivent pas être trop élevées, pour ne pas masquer les interactions whiskers/whiskers. Pour des systèmes à base de polyvinylalcool, PVC, ou d’amidon avec un

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plastifiant, le réseau de NCC ne semble pas se former et les propriétés mécaniques augmentent beaucoup moins que prédit. La raison semblerait être liée à l’interférence de la matrice polymère et du plastifiant sur les interactions entre les cristaux de cellulose,

responsables de la formation du réseau.(132)

Un phénomène analogue est la transcristallisation : lors du refroidissement du nanocomposite fondu, des lamelles cristallines croissent préférentiellement à la surface de la cellulose, et masquent donc les interactions entre les charges. Pour une matrice de poly(β-hydroxyoctanoate) (PHO) semi-cristallin, renforcée avec des whiskers de tunicine, Dufresne et al. ont reporté une chute drastique du module mécanique après la fusion de la matrice. Ce problème a pu être résolu au travers d’un traitement thermique, qui a permis de rétablir les

connexions entre les renforts.(154)

Le rôle primordial des interactions whiskers/whiskers sur la formation du réseau percolant a été mis en évidence par des cycles étirement / relaxation de la membrane, qui montrent une décroissance des propriétés mécaniques, attribuée à la déformation progressive du réseau.

(155,156)

L’adhésion filbre/matrice peut expliquer les différences expérimentales observées entre les différents grades de cellulose. Une étude comparative entre MFC et NCC de Sisal (une

plante) comme renforts dans une matrice de poly(caprolactone) (PCL)(157), à taux de charge

équivalent, montre des modules plus importants avec les MFC ; la tendance s’explique par la plus grande hydrophobicité de celles-ci, donc une meilleure adhésion fibre/matrice. Une

étude(158), sur des gommes naturelles, compare le comportement à forte déformation (par

des tests de traction) et celui à faible déformation (par analyse mécanique dynamique, DMA). À forte déformation, l’importance d’une bonne adhésion matrice/charge est capitale, et la MFC donne, de nouveau, les meilleures performances ; par contre, à faible déformation, les effets de percolation sont plus importants, les NCC permettent d’obtenir un meilleur module.

De nombreux polymères ont été renforcés par de la cellulose avec succès. Il s’agit principalement de polymères hydrosolubles, comme le PEO, l’acide polylactique (PLA), le

poly(vinylalcool) et des copolymères à base d’acrylate.(131,134)

Dans le PEO, très étudié (133,160) du fait de sa facilité de mise en forme et de son potentiel

pour les batteries Li-polymère, un renforcement net après le Tg a été prouvé. De plus le

renfort est conservé après la Tf jusqu’à 120°C avec les NCC ou les MFC. Le Tg n’est pas

influencé par l’incorporation des renforts ; la Tf et le taux de cristallinité Χp non plus pour des

pourcentages de fibre jusqu’à 10% en poids, mais décroissent sensiblement pour des taux supérieurs.

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La conductivité ionique, du fait de la rigidification de la membrane, du moins à l’interface matrice/whiskers, diminue d’un facteur de 3 à 5 pour un pourcentage de 6% en poids de

charges. Chiappone et al.(161,162) ont obtenu une tendance similaire en couplant de la MFC

avec une matrice acrylique pour des membrane polymères gélifiées.

D’après ces études, aucune instabilité électrochimique n’a été mise en évidence dans la

fenêtre 0-5 V vs Li/Li+, et une bonne rétention de la capacité d’une batterie en régime 1C

(charge en une heure).

L’utilisation de surfactant ou de grades de cellulose modifiés en surface ont permis d’étudier

les performances mécaniques de systèmes à base de PVDF(163,164), PE, PP(165). Un renfort

variable est observé, selon la matrice polymère. Cependant, aucune étude électrochimique n’est montrée.

Un aspect encore à améliorer, en vue d’une application industrielle de la cellulose, est le procédé de mise en forme. La majorité des études, dans littérature, sont réalisées sur des membranes composites obtenues par coulée-évaporation. En fait, l’extrusion diminue faiblement la taille des nanoparticules ; de plus, l’orientation préférentielle donnée par ce procédé induit une chute du renfort mécanique par rapport aux membranes obtenues par

coulée-évaporation(160) D’autres auteurs ont observé une dégradation des microfibrilles de

cellulose par effet du traitement mécanique et d’un prétraitement de la pâte à papier trop

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