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Chapitre III : Un éveil à l’informatique fondé sur l’approche LOGO

1. Les préludes 1975-1981

1.1. Aspects du contexte de la période

1.1.1. Données relatives à la diffusion de l’informatique dans la société

C’est dans la deuxième moitié des années 1970 que la diffusion de l’informatique dans la société tout entière va apparaître au grand nombre des français comme un fait “ inéluctable ”. En décembre 1976, le Président de la République, V. Giscard d'Estaing, confiait à un Inspecteur des finances, S. Nora, une mission d'exploration destinée “ à faire progresser la réflexion sur les moyens de conduire 1’informatisation de la société ” (Nora- Minc, 1978).

L’informatique avait connu, en effet, un extraordinaire développement en quelques années : le nombre des ordinateurs avait plus que quintuplé en France depuis l’année 1970 , la dépense informatique représentait 2,5% du produit intérieur brut, 10% des entreprises utilisaient alors l'informatique et l'on prévoyait que la quasi-totalité l'utiliserait d'ici 1985 (chiffres issus des “ Chiffres-clés de l’informatisation ”, La Documentation française, 2ème éd. 1980).

Le rapport, rendu public en mai 1978, mettait l’accent sur le nécessaire rôle de l’Etat en ce qui concerne “ la télématique ” et alertait sur les dangers d’une dépendance culturelle et économique à l’égard de pays étrangers, et particulièrement les Etats-Unis. Il fut largement repris par les médias. “ L’inéluctabilité de 1'informatisation, sa nécessité si l’on veut accroître la compétitivité de l'industrie et éviter que la France ne devienne un pays en voie de sous-développement ”55, ses conséquences sur l’emploi étaient, il est vrai, des sujets d’actualité à une époque où la crise économique se faisait pleinement sentir - la barre du million de chômeurs était atteinte - et où l’informatique concernait une part croissante de la population.

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Banques, assurances, prestataires de services divers “s’informatisaient”. La presse écrite et audiovisuelle diffusait régulièrement des informations sur les progrès technologiques, les expériences étrangères, la progression de la diffusion de 1’informatique.

Les Français, bien qu'encore très peu nombreux à utiliser régulièrement l'informatique dans le cadre de leur travail (3% de la population active en 1979), commençaient à se

sentir touchés dans le cadre de leur vie quotidienne56.

A partir de 1976, 1977, des micro-ordinateurs commencent à être proposés au grand public.

“ Le premier microprocesseur, le 4004, qui va permettre la création des premiers micro-ordinateurs est commercialisé en 1971 par Intel. Mais, c’est en 1977, que des modèles commencent à se multiplier (Commodore 2001, Apple 2, Radio Shac (futur Tandy) le TRS-80, Atari (qui ouvre le marché du micro familial) puis en 79 HP-85, ZX81 de Sinclair, en 1980 Apple III, Amiga. ” (01 informatique, 7 juin 1996)

Un document paru à la Documentation française fait état de 20 000 ordinateurs domestiques ou jeux programmables en 1977, soit approximativement un pour 850 ménages. Le prix d’un ordinateur personnel à l’époque “ ne dépasse pas 30 000 F ” (Les chiffres-clés de l’informatisation, 1980).

Gordon Moore, le co-fondateur d’Intel (firme ayant créé et diffusé le microprocesseur), prévoit dès le milieu des années 1970 que “la puissance des microprocesseurs sera multipliée par deux tous les deux ans”. Bientôt dix-huit mois seront suffisants pour que non seulement les microprocesseurs soient deux fois plus puissants mais encore que les prix baissent considérablement. On parlera dorénavant de la “ loi de Moore ” pour évoquer cette progression technologique sans précédent.

La publicité des constructeurs, qui vise maintenant un public beaucoup plus large, apparaît dans les médias de grande diffusion et dans des journaux spécialisés destinés au grand public, qui sont lancés à cette époque (“ Votre ordinateur” en l978, “ L'ordinateur individuel” en 1979, ...).

Les utilisateurs d’ordinateurs individuels emploient couramment un langage de

programmation simple (comme son nom l’indique) : le BASIC. La société Microsoft est

d’ailleurs fondée en 1975, par Bill Gates et Paul Allen, afin de commercialiser la version qu’ils ont écrite de ce langage en 1974.

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Enquête de la SOFRES, réalisée en octobre 1979 auprès d'un échantillon de 1000 personnes. Question: "le développement de l’informatique va faire augmenter le chômage?"- Plutôt d'accord: 72%

Notons que le langage de programmation en français, le LSE, utilisé lors de la première expérience pédagogique d’envergure conduite dans les lycées (avec des mini- ordinateurs), va être adapté pour les micro-ordinateurs à la fin de la décennie.

La toute petite minorité des premiers passionnés, ayant généralement accès à des ordinateurs dans le cadre de leur profession, s’accroît ; des hommes, pour la plupart,

parfois très jeunes, font de l’informatique un hobby très prenant (Sherry Turkle va parler

des “ hackers ”, 1982)

Des "boutiques micros", des clubs informatiques sont créés. Des journaux de vulgarisation scientifique proposent des articles, voire des numéros spéciaux sur la "micro" ("Science et Avenir" Spécial micro-ordinateur 1978).

Par ailleurs, c’est à cette époque que la “ télématique ”, néologisme inventé par Nora et Minc pour désigner “ l’imbrication des ordinateurs et des télécommunications ” (Nora et Minc, p. 11), va non seulement recevoir un nom mais désigner un projet concret. En 1975, en effet, avait été décidé un plan de rattrapage en matière de téléphone (la France était alors très en retard sur la plupart des pays occidentaux en la matière). Dans ce contexte mais aussi celui de “ l’informatisation de la société ”, la Direction générale des Télécommunications proposa au gouvernement en 1978 un plan “ nouveaux services liés au téléphone ” (cf. M. Marchand, 1988) qui incluait la télématique, sous la forme du vidéotex interactif (plus tard nommé Télétel) mis au point dans les années 1974, 1975 par des chercheurs du Centre Commun d’Études de Télédiffusion et Télécommunications (CCETT) de Rennes. Dès 1979, des expérimentations auprès du public étaient en préparation.

En avril 1978, V. Giscard d’Estaing demande au Premier ministre R. Barre de constituer un nouveau gouvernement. C. Beullac est nommé ministre de l’Education et A. Giraud (qui par des postes antérieurs est sensibilisé à l’informatique), ministre de l’Industrie.

Le rapport sur l’informatisation de la société avait insisté sur le fait qu’il fallait “ impérativement que l’ensemble des intervenants français (en matière de mini et péri- informatique) prospère et reconquière une part d’un marché jusqu’ici largement détenu par leurs concurrents étrangers. ” (Nora, Minc op. cité p. 95). Or, l’institution scolaire “ marché captif ” pouvait contribuer à stimuler une demande encore presque inexistante pour les micro-ordinateurs de type familial.

1.1.2. Données relatives à l’introduction de l’informatique dans l’enseignement secondaire

Un premier plan pour les lycées

Parmi les toutes premières mesures prises en 1978 par le tout nouveau gouvernement, figure, à côté de “ l’attribution d’un crédit de 2,25 milliards aux industriels de la péri-informatique, du logiciel et des circuits intégrés ” (01 Informatique, n° 484, 17 avril 1978), un plan visant à inclure dans les cinq années à venir l’informatique dans l’enseignement de tous les lycées. Ce plan est annoncé comme un programme d’équipement de 10 000 micro-ordinateurs (en association avec le ministère de l’Industrie) assorti d’un programme d’initiation de 10 000 enseignants.

On remarque que cette décision de généralisation est prise moins de deux ans après le gel de l’expérimentation de l’expérience “ des 58 lycées ”, c’est-à-dire avant la fin de l’évaluation demandée à l’INRP.

Il est vrai que les progrès technologiques effectués rendent possible une extension impensable peu de temps auparavant. Une brochure du Ministère de l’Éducation de 1980 (faisant partie de la documentation accompagnant l’équipement des lycées) rappelle qu’en 1975 un mini-ordinateur muni de huit écrans-clavier et d’un télétype coûtait environ 400 000 F, alors qu’en 1979, huit micro-ordinateurs de type professionnel coûtaient environ 170 000 F.

Dans les faits, l’opération, nommée rapidement “ 10 000 micros ”, consista principalement en un équipement matériel. Les formations d’enseignants prévues d’abord de 12 jours furent souvent réduites à 3 jours seulement et surtout le dispositif de formation “ approfondie ” (d’un an) mise en place dans le cadre de l’expérience initiale fut alors abandonné.

Si ce plan ne répondait sans doute pas seulement à des enjeux industriels, certaines déclarations de responsables administratifs et de constructeurs à propos des premiers appels d’offre du ministère de l’Éducation montrent qu’il fut cependant un élément de stimulation de l’industrie française :

“ La deuxième consultation (le second appel d’offre du ministère) a mis en évidence les progrès considérables en quelques mois des micro-ordinateurs français ”

B. Lorimy, président de l’ADI, (Éducation 2000, 1981)

“ R2E, avant 1978, était orienté vers une micro-informatique qui montait vers des matériels plus lourds. C’est l’Éducation nationale qui a obligé R2E à descendre dans la gamme de la micro-informatique ” (Textes et Documents pour la classe, CNDP,

“ Pour Logabax tout remonte au début 1978 (...). Nous avions noté un très grand intérêt, sinon une demande explicite pour le micro-ordinateur dans le domaine de l’enseignement. Nous avons décidé de nous lancer dans le domaine (...). La réponse du marché a été immédiatement positive ” (ibid p. 16.).

En tout état de cause ce fut seulement en 1979 et 1980, alors que la distribution du matériel avait commencé, que les problèmes proprement pédagogiques furent vraiment envisagés.

Débats, prises de positions

A la toute fin des années 1980, accompagnant l’apparition, la promotion, le début de diffusion de la micro-informatique en général et dans l’enseignement (avec le plan 10 000 micros), on assiste à une effervescence des débats et des réflexions sur l’informatisation de la société en général et de l’éducation en particulier.

Ainsi, un colloque international sur “ Informatique et Société ” se tint à Paris du 21 au 28 septembre 1979. Ses actes copieux (5 volumes) furent édités par La Documentation française. Les débats sur l’éducation eurent lieu dans le cadre du thème “ Informatique, télématique et vie quotidienne ” (cf. intervention de J. Saurel et J. Hebenstreit, vol. 3, Actes du colloque informatique et société - Ministère de l’Industrie : mission à l’informatique. La Documentation française, 1980).

En septembre 1979, est créée l’Agence de Développement de l’Informatique (ADI) qui, placée sous l’autorité du ministère de l’Industrie, est “ chargée de promouvoir dans le cadre de la politique définie par le Gouvernement les applications de l'informatique ”.

En novembre 1979, est créée l’Association pour le Développement dans l’Enseignement de la micro-informatique et des Réseaux (ADEMIR). On peut voir ses liens étroits avec le ministère de l’Education nationale dans les faits que son bulletin de liaison a pour titre “ 10 000 micros ”, son président d’honneur est J. Treffel (IGEN, responsable au ministère de l’Éducation), ses président et vice-président sont respectivement un professeur de mathématiques (C. Billat) et un professeur de français (M. Perdrillat). Ses objectifs sont :

- “ de mettre en rapport des enseignants, des élèves, désireux de s’initier ou de se perfectionner en micro-informatique et de réaliser des projets en équipe

- de sensibiliser le monde scolaire (...)

- de soutenir la création de clubs-écoles (...) (ADEMIR, in Éducation 2000, 1981, p. 43)

L’année 1980 fut particulièrement fertile en débat sur l’informatique et l’éducation. En janvier, à la suite du colloque de septembre 1979 sur l’informatisation de la société, V. Giscard d’Estaing demandait à J-C. Simon professeur à l’Université Pierre et Marie Curie de conduire une réflexion sur le sujet (cf. Simon, 1980, déjà cité).

Avant la fin de l’année, J-C Simon rendait son rapport sur “ L’éducation et l’informatisation de la société ” au Président de la République. Il prônait “ un changement de cap ”, en préconisant, l’introduction d’une formation solide à l’informatique dans l’enseignement général ” (du second degré), sans négliger cependant “ le développement de l’usage de l’informatique comme un moyen d’enseignement ” (ibid. p. 59).

Quelques mois plus tard, B. Schwartz, qui lui avait été sollicité par la CEE, publiait un autre rapport sur “ L’informatique et l’éducation ” (Schwartz, 1981). Les conclusions de ces deux rapports étaient bien différentes, notamment en ce qui concerne l’enseignement élémentaire, nous y reviendrons dans la section 2.2 de ce chapitre.

En novembre, se tint au centre Pompidou, une journée d’études “ Le mariage du siècle : l’éducation et l’informatique ”. Le ministre de l’Education, C. Beullac, dans son intervention insista sur le fait que “ tous les élèves sont concernés par l’informatique ”, “ il y va de l’exercice concret de la démocratie dans le système éducatif et du bien même de la nation. ”, présenta ses objectifs pour tous les niveaux d’enseignement, évoqua longuement la formation des maîtres et conclut sur le fait que : “ le rôle du maître reste prépondérant ”. (Beullac, 25 novembre 1980)

En cette même fin d’année 1980, la FEN organisait un colloque sur “ l’informatique et l’éducation permanente ”. Ce fut l’occasion pour la grande centrale syndicale d’exprimer publiquement son accord pour l’introduction de l’informatique dans l’enseignement, mais aussi de détailler les conditions lui paraissant indispensables pour la mener à bien (la première étant la formation des enseignants).

1.2. Informatique et enseignement élémentaire

1.2.1. LOGO

Le choix de LOGO comme thème du premier chapitre traitant de l’introduction des

ordinateurs dans l’enseignement élémentaire s’impose dans la mesure où, comme le précise F. Robert dans un rapport remis au Conseil de l’Europe en 1984 :

“ On ne trouve pratiquement aucun signe d’intérêt pour l’utilisation de l’informatique à l’école élémentaire en France, dans la première partie des années 70, alors qu’une expérience d’envergure se met peu à peu en place dans les lycées. Ce n’est qu’à partir de la connaissance de l’existence de LOGO et des travaux de

S. Papert, c’est-à-dire à partir de 1975, que les premières études puis les premiers essais vont débuter à l’Institut National de Recherche Pédagogique (INRP) et dans quelques Instituts de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques (IREM) ” (Robert, 1985, p. 19)

LOGO fut introduit en France en 1973, “ à la suite de rencontres ” entre S. Papert et

J. Perriault (Perriault, 1985, p. 44), qui travaillait dans un groupe d’études de l’informatique pour la pédagogie (appartenant alors à l’Office FRAnçais des TEchniques Modernes d’éducation mais qui devait en 1976 être rattaché à l’INRP). Comme le rappelle Catherine Berdonneau, dans un rapport faisant le point en 1982 des expérimentations

d’usage de LOGO pour l’Agence de l’Informatique :

“C’est à l’INRP que LOGO a été disponible en premier (1976), par une version française implantée sur un PDP/10 couplé à une tortue de plancher ” (Berdonneau, 1982, p. 8).

De premières expériences “ à caractère exploratoire ” débutent en 1977-78. Elles sont menées, en partie, dans des écoles élémentaires, principalement avec des enfants de cours

moyens et une expérience a lieu avec des enfants de CE2. Une version de LOGO est mise

au point en 1979, en vue d’une implantation de ce logiciel sur les matériels devant être distribués dans le cadre du plan “ 10 000 micros ” (qui concerne alors, comme on l’a vu précédemment, uniquement l’enseignement secondaire).

En 1979-80, les équipes travaillant sur l'approche LOGO se regroupent au sein d'une

Recherche coopérative sur programme, hébergée à l'INRP, dans le but d'étudier “ la pratique active de l'Informatique par l'Enfant ”. Cette recherche regroupait sept équipes,

au tout début des années 198057. Des expérimentations sont menées avec des enfants

d’école maternelle, d’écoles élémentaires et d’établissement du second degré. (cf. Berdonneau, 1982, p. 9).

Dans le rapport de F. Robert, déjà cité, il est rappelé que ces expérimentations sont encore réalisées avec un nombre très restreint de matériels :

“ jusqu’en 1980-82 le nombre de postes de travail demeurera très faible : 5 dispositifs Général Tortue (LS11) répartis dans 5 universités et une version de

LOGO sur un gros ordinateur avec terminal pilotant une tortue de sol à l’INRP ” (Robert, 1985, p. 21).

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INRP (Perriault), Paris VI (G. Bossuet), Paris VIII (H.Wertz), Paris XIII (M. Bourbion), Université de Dijon et IREM (P. Delannoy), Université du MANS et IREM (M. Vivet), Université d'Orléans et IREM (J.C. Despland).

Cette contrainte matérielle pèse sur les modes d’activités mises en place et observées, comme le souligne C. Berdonneau dans son rapport :

“ Mises à part les deux expérimentations orientées plutôt vers une recherche fondamentale, toutes les équipes françaises ont privilégié l’activité de groupe. Les expérimentations étrangères ne semblent pas accorder plus d’avantage à ce mode, ni lui donner plus d’importance qu’au travail individuel. Il est certain que l’unicité du poste de travail incitait fortement à regrouper les élèves, de manière à assurer une rotation plus rapide des passages sur machine. ” (Berdonneau, 1982, p. 17) “ La répartition des activités de LOGO dans le temps a presque toujours été imposée par des contraintes extérieures (...). Même en école primaire, où la structure est plus souple, l’existence d’une seule machine pour plusieurs classes conduit à attribuer des plages horaires prédéterminées. ” (ibid. p.20)

Ces premières expérimentations paraissent prometteuses. Si, les deux rapporteurs, déjà longuement cités, ne présentent pas le même enthousiasme pour ce qui concerne la mise en œuvre par les enfants d’une démarche expérimentale (F. Robert insiste plus sur la nécessité de “ la stimulation ” apportée par les adultes, C. Berdonneau sur l’autonomie de

l’élève), ils s’accordent sur le fait que la démarche LOGO permet l’acquisition de

connaissances de base en informatique :

“ Bien que l’aspect acquisition de connaissances en informatique soit pratiquement toujours considéré dans les équipes françaises comme objectif secondaire, il est clair que tous les enfants ayant travaillé en apprentissage autonome se sont constitué un savoir également dans ce domaine ” (Berdonneau, op. cité, p. 165)

“ Chemin faisant, tous les enfants se sont initiés aux notions de code (des cartes), d’organisation d’une suite d’instructions, de mémorisation et d’exécution d’une suite mémorisée etc., c’est-à-dire d’un certain nombre d’opérations caractéristiques des systèmes informatiques. ” (Robert, op. cité, p. 25)

1.2.2. Hésitations et premières mesures

Si des recherches sont menées sur l'usage possible de l’informatique à l'école

élémentaire depuis plusieurs années autour de LOGO, la perspective d’une extension dans

ce degré d'enseignement n’est pas encore envisagée au tout début de la décennie 1980. J. C. Simon, dans son rapport de 1980, juge “ imprudente ” la perspective d’introduire, dès alors, des moyens informatiques dans les écoles primaires et préconise la conduite d’un travail de recherche fondamentale avant d’envisager une généralisation (Simon, 1980, p. 47). Il évoque cependant le grand intérêt des expériences sur LOGO et, par ailleurs, la nécessité de former à l’informatique les instituteurs.

B. Schwartz présente, lui, dans son rapport à la CEE (Schwartz, 1981), l’informatique comme l’instrument possible d’une “ révolution pédagogique ” et pense qu’il faut commencer en introduisant aux deux bouts extrêmes : à l’école primaire et à l’université. À l’école primaire, l’ordinateur devrait être introduit comme “ outil d’apprentissage ” (en particulier avec LOGO, et de façon circonstanciée avec des logiciels d’EAO) et “ élément de culture ” (sensibilisation au traitement de l’information, à la dimension technique, à la dimension informatique que va prendre l’environnement) (ibid. p. 56).

La Direction des écoles du ministère de l’Éducation commence à s’intéresser activement à ce problème puisqu’une “ cellule de réflexion ” est constituée en 1980. Ce groupe “ compte d’abord une vingtaine de personnes provenant d’une demi-douzaine d’Écoles Normales, équipées souvent sur fonds propres ” (F. Boule, EPI, n° 35, septembre 1984)

C. Beullac, dans son intervention du 25 novembre 1980, envisageait, nous l’avons déjà vu, “ l’informatique pour tous les élèves ”, c’est-à-dire dans les différents niveaux d’enseignement. Pour celui qui nous intéresse ici, il s’agit d’une familiarisation dans le cadre des activités d’éveil :

“ Dès le primaire, il apparaît indispensable dans un premier temps, de familiariser les élèves avec l’environnement informatique et télématique dans le cadre d’activités d’éveil prenant pour thème l’environnement de l’école ”

Il cite également l’emploi de jeux électroniques éducatifs et les calculettes. A notre connaissance, c’est la première fois qu’un ministre de l’éducation fait mention, dans un discours officiel, de l’informatique dans l’enseignement primaire.

Le “ Programme d'action pour le développement de l'informatique de la télématique et de l'audio-visuel dans l'enseignement ”, approuvé le 18 mars 1981 par le Conseil des ministres, consacre un chapitre à l’enseignement élémentaire. On y retrouve les propos du ministre et l'attitude prudente préconisée par J.C. Simon :

“ Les actions prévues pour les écoles seront menées en fonction des objectifs suivants : définir une pédagogie de l'éveil, fondée en particulier sur l'approche LOGO et étudier les modalités d'utilisation pédagogique des calculettes et des jeux électroniques... Des expérimentations seront également menées en vue d’un objectif particulier : définir ce que devraient être les modalités d'application de l'informatique dans la scolarisation des élèves en difficulté, des enfants handicapés (...), des enfants d’immigrés qui doivent faire l’apprentissage de la langue française. ” (document diffusé par le service d’information du Ministère de l’Éducation, reproduit dans L'informatique à l'école, 1981, p. 37)

Les écoles banales ne sont pas encore concernées, puisque :

“ L’ensemble de ces actions prendra appui dans les prochaines années scolaires sur les Ecoles normales et leurs écoles d’application. En 1981, il est prévu d’équiper 17 Ecoles normales avec 34 micro-ordinateurs ; en 1982, au moins 70 micro- ordinateurs seront installés dans 35 Ecoles normales. ” (ibid).

Si la prudence va rester de mise jusqu’en 1982 pour l’enseignement élémentaire, on peut tout de même évoquer un changement de régime (dans les différents sens du terme) durant la phase suivante qui va de mai 1981 à décembre 1984.