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Chapitre IV : vers “ l’outil informatique ”

3. En guise de bilan de la période

3.1. Le plan IPT

Le plan IPT accueilli avec enthousiasme a été ensuite souvent très critiqué, comme nous le verrons dans la suite de ce travail. Cependant, comme le relèvent G.L. Baron et E. Bruillard, il a joué “ un rôle très important d’institution ” (Baron, Bruillard, 1996, p. 57) et ceci d’autant plus sans doute dans l’enseignement élémentaire, où il a été accompagné de prescriptions d’usage de l’informatique dans le cadre des programmes mêmes. A partir de

cette époque, les lois et décrets généraux concernant les contenus et méthodes

d'enseignement abordent, au moins brièvement, ces usages.

Pour ce qui concerne sa mise en place, il faut remarquer la célérité et l’efficacité

remarquable avec lesquelles fut conduite l’opération. Ainsi, dès l’automne 198577, les

matériels étaient installés dans les établissements scolaires78 et, parallèlement, 110 000

enseignants de tous niveaux avaient reçu une première formation, ceci malgré tous les problèmes techniques, matériels, administratifs et d’organisation que cela représentait.

Cependant, cette accélération brutale d’un processus (à peine amorcé dans l’enseignement primaire), cet effort allant bien au delà “ de ce qui avait été envisagé sur toute la durée du 9e Plan ” (cf. CNDP, 1985 déjà cité) est à l’origine de nombreux problèmes. L’institution scolaire, quel que soit l’enthousiasme d’une partie des enseignants, ne pouvait trouver son compte dans cette rapidité : l’innovation à l’école ne s’improvise pas. D’autant plus que, comme le souligne notamment, Dieuzeide (1989), il ne s’agissait pas d’une demande interne du système scolaire.

Comme dans d’autres pays européens (cf., Eicher, 1986), et comme cela avait déjà été le cas avec les opérations précédentes d’équipement, ce plan était en large partie déterminé par des enjeux de politique nationale (notamment, mais pas seulement, industriels).

L’existence et l’importance de ces enjeux n’excluent cependant pas l’existence d’enjeux liés au système éducatif ou, plus exactement, liés aux demandes faites à ce système (cf. facteurs évoqués en fin du chapitre précédent). Mais, l’insuffisance des réflexions et des expériences préalables est apparue très vite flagrante. Ainsi, dès la fin de l’année 1985 un rapport de l’Inspection générale fait état “ d’un décalage préoccupant entre (...) l’intérêt suscité chez les maîtres et les élèves par la nouvelle technologie (...) et la

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soit huit mois seulement après l’annonce du plan par le Premier ministre. 78

pauvreté des utilisations pédagogiques ” (cité dans le Monde de l’Éducation, novembre 1985).

F. Robert note la même année que “ la volonté politique de généraliser l’introduction et l’utilisation de ces moyens à tous les niveaux de l’institution et le mouvement d’opinion qui s’y superpose ont pris de vitesse les recherches et les réflexions sur l’opportunité d’adopter telle ou telle stratégie ”. (Robert, 1985, p. 30).

Nous verrons dans la troisième partie de ce travail les réactions des praticiens du terrain à ce plan et les différents problèmes auxquels ils durent faire face. Mais, puisque nous nous en tenons ici principalement aux décisions et prescriptions institutionnelles, soulignons que, si l’année 1985 marque un moment décisif, celui de l’introduction officielle et de fait de l’informatique dans l’enseignement élémentaire en raison d’une politique volontariste de l’Etat, un autre aspect, moins spectaculaire, intervenu durant cette période est important à retenir. Il s’agit de la nouvelle insistance sur l’informatique comme outil pour l’enseignement, puis l’importance prise dans ce cadre par le traitement de texte.

3.2 L’informatique comme “ ensemble d’outils pour l’enseignement ”

Si LOGO continue à être l’objet de nombreuses expérimentations, de formations

d’enseignants, les interrogations sur ses apports effectifs deviennent plus nombreuses. Cela est dû sans doute en partie au fait que des enseignants non spécialement motivés et peu formés, c’est-à-dire une très large majorité de ceux qui doivent maintenant mettre en œuvre des activités informatiques, peuvent difficilement s’approprier cet environnement et le mettre en œuvre de façon bénéfique pour leurs élèves. Comme le note P. Gabriel, dans la conclusion de sa thèse soutenue en 1995 :

“ Les nombreuses expériences conduites à propos de LOGO ont permis de constater que les effets de LOGO ne surgissent pas brutalement, comme le laissait penser la célèbre métaphore géologique du ‘jaillissement de l’esprit’ utilisée par Papert pour décrire les effets de LOGO sur la pensée des enfants. Au contraire, la recherche met en évidence un processus plus lent, la nécessité de conditions favorables et

d’un apport constant de l’enseignant79pour que des expériences des élèves avec LOGO soient utiles au développement et au progrès des connaissances de tous. ” (Gabriel, 1995).

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Or, B. Schwartz, malgré son enthousiasme, notait déjà en 1981 :

“ La seule chose dont on soit sûr […] est que LOGO déstabilise les professeurs et que, l’auteur a pu le constater par lui-même, les résistances de ‘l’enseignant moyen’ sont grandes. ” (op. cité, p. 45)

Mais parallèlement à cet aspect, l’évolution de l’informatique (c’est-à-dire conjointement les développements techniques et logiciels, les nouveaux matériels mis sur le marché, les nouvelles activités “ informatisées ”, les nouveaux publics visés) conduit à abandonner la programmation aux spécialistes et à proposer aux utilisateurs (bientôt “ tous ” selon les vœux aussi bien des autorités politiques que des industriels) des logiciels réputés simples d’accès (munis d’une interface “ conviviale ”). Dans cette perspective

LOGO, langage de programmation et dispositifs à programmer, peut apparaître à certains d’un autre âge.

A ce sujet, nous avancerions volontiers l’idée que l’histoire de LOGO est peut-être

symptomatique d’une prédominance progressive des enjeux liés à l’informatisation (de la société et donc par contre coup de l’école) sur les enjeux proprement éducatifs. En une période où il n’y avait pas encore urgence de faire rentrer l’informatique dans

l’enseignement élémentaire, les nombreuses recherches menées en France sur LOGO

(langage il est vrai conçu spécialement à des fins pédagogiques) avaient pour objet de définir ses apports spécifiques dans les processus d’acquisition (de construction) des connaissances, d’élaborer des dispositifs techniques et des dispositifs éducatifs

permettant de tirer parti de ces apports. Or, alors que LOGO ne paraît plus adapté dans le

cadre d’une évolution, qui se caractérise par une généralisation et une simplification des usages, l’insuffisance tant en nombre qu’en qualité des logiciels éducatifs se fait cruellement sentir. Ne peut-on en conclure que l'exigence d’utiliser et de faire utiliser les ordinateurs prime alors sur l’exigence de définir les objectifs pédagogiques de leur emploi ? Quoi qu’il en soit, nous avons vu que les logiciels d’enseignement assisté par ordinateur, notamment ceux distribués dans le cadre du plan IPT, font l’objet de nombreuses critiques et que la demande de nouveaux logiciels se fait de plus en plus pressante.

“ Jamais on a tant eu besoin de logiciels dans l’Éducation nationale ; jamais on n’en a tant parlé ; mais l’abondance du verbe ne saurait d’elle-même créer des logiciels éducatifs nouveaux ” (Éditorial de l’EPI, n° 46, juin 1987)

La diffusion sociale des “ logiciels outils ” et, en particulier, de ceux de “ traitement de texte ” (de plus en plus performants mais aussi de plus en plus simples à utiliser, du moins pour un usage sommaire) va constituer une nouvelle donne très vite prise en compte dans l’enseignement et tout particulièrement à l’école, où, depuis “ toujours ”,

lecture et écriture sont des apprentissages de base et où, tout récemment, ont été prescrits des usages de l’informatique.

Fin 1985, le ministère de l’Education nationale relevait déjà l’apparition de ces outils “ simplifiés ” dans le système éducatif :

“ On assiste à l’entrée dans le système éducatif d’outils simplifiés, mettant l’accent sur les fonctionnalités et permettant l’appropriation par de jeunes enfants. En retour, l’entrée de ces nouveaux outils pourrait renouveler l’abord de contenus ou de méthodes traditionnels. ” Mission aux Technologies Nouvelles, MEN, CNDP, octobre 1985, p. 107

En 1987, alors que l’on assiste à une retombée progressive de l’élan provoqué par les

mesures prises en 198580 et que, par ailleurs, des logiciels-outils encore plus simples

d’accès sont disponibles, le traitement de texte, on l’a vu, devient le logiciel spécialement

recommandé pour l’enseignement élémentaire par le(nouveau) ministère, qui table (aussi)

sur une moindre réticence des maîtres à utiliser ce type d’outils :

“ Ces nouveaux logiciels (destinés à servir d’outils dans l’enseignement), dont le nombre augmentera vraisemblablement à l’avenir, devraient rendre l’usage de l’informatique plus simple et donc plus accessible pour beaucoup de maîtres. D’abord, l’obstacle que pouvait constituer, pour beaucoup d’entre eux, le sentiment que l’EAO était lié à une conception pédagogique qu’ils ne partageaient pas, disparaît lorsqu’il s’agit de produits logiciels qui, par principe, n’ont pas d’autonomie pédagogique, et ne trouvent leur efficacité et leur sens que par la place que l’enseignant leur assigne dans sa démarche propre. ” Circulaire n°87-160 du 11 juin 1987 de la DE aux recteurs, IA, directeurs d’écoles normales.

Dans les années suivantes, le traitement de texte deviendra l’application sans doute la plus communément utilisée dans l’enseignement élémentaire. Alors qu’aucune mesure officielle d’aussi grande importance que celles prises dans la période que nous venons de considérer ne revigorera le processus d’introduction de l’informatique à l’école, c’est, semble-t-il, essentiellement l’apparition de nouveautés techniques qui permettra de renouveler les activités mises en place et de relancer l’intérêt.

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“ La rentrée informatique me semble bien calme ; presque morne. À la différence des années passées, elle n’a encore suscité que peu d’échos dans les médias. L’informatique pédagogique n’étend guère son

territoire, elle ne s’installe pas vraiment dans l’école alors que la perplexité, voire un certain

désenchantement progresse ; “ la vitesse de croisière ” attendue n’est pas atteinte ; les perspectives d’avenir, l’horizon se brouillent. ” (E. Pelisset, EPI n° 47, septembre 1987).

Chapitre V : l’informatique, des outils pour