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Chapitre I : innovations et changements dans les systèmes sociaux

3. L’école entre continuité et changement

“ Le défi que doivent relever ceux qui tentent d’améliorer l’école, c'est-à-dire les chercheurs, les enseignants, les administrateurs et les parents, est de reconnaître que continuité et changement sont intimement mêlés dans le processus scolaire. Séparer ces deux aspects et attribuer à chacun d’entre eux une valeur positive ou négative est méconnaître la véritable nature de l’enseignement scolaire. Ceux qui ont essayé de convaincre les enseignants d’adopter les innovations techniques au cours de ce siècle ont découvert la résistance de la pédagogie scolaire.13 ” (Cuban, 1986, p.109)

L’école, partie intégrante mais singulière de la société, organisation spécifique tiraillée entre la nécessité de transmettre les valeurs “ sûres ” du présent et de préparer les enfants au monde de demain, a un temps bien à elle, généralement en retard sur la société globale. Ce décalage longtemps accepté, parfois préconisé (cf. Alain) est aujourd’hui le plus souvent déploré.

3.1 L’innovation à l’école14 : un temps spécifique

Dans une société caractérisée par une révolution incessante de la structure économique (cf. Schumpeter) ou définie comme prise dans un maelström “ d’innovations innovantes ” (cf. Lyotard), l’institution scolaire est plus que jamais contrainte à l’innovation. Innovation mûrie de l’intérieur, imposée par les autorités de tutelle et/ou par un flux extérieur que ses portes maintenant ouvertes, ou du moins entrouvertes, ne peuvent plus arrêter.

Mais le processus, même s’il est enclenché (impulsé) avec force et fait l’objet de multiples enjeux, paraît traîner en longueur en comparaison avec ce qui se passe dans d’autres secteurs de la société. Une approche courante conduit à stigmatiser les enseignants pour leur résistance à l’innovation, mais les analyses plus approfondies montrent que c’est en fait l’école, en tant qu’institution, en tant qu’organisation impliquant de multiples acteurs, qui résiste au rythme que l’on veut lui imposer, notamment en ce qui concerne l’usage des nouvelles technologies. Il existe une “ distorsion entre la lenteur naturelle et inhérente à l’éducation, faite de maturation, d’éclosion et l’accélération technique ambiante. ” (Cros, op. cit., p. 214).

13

Traduit par nous. 14

Suivant F. Cros, nous parlerons d’innovation à l’école et non pas dans, par ou pour l’école (cf.Cros, op. cit., p. 18).

3.1.1 Des freins au changement

M. B. Miles, à partir d’études de cas réalisés aux Etats-Unis, évoque plusieurs raisons pouvant expliquer le rythme relativement lent de la diffusion des innovations dans

les systèmes éducatifs (Miles, 1964, p. 634). Nous les présentons ci-dessous15, assortis

de commentaires. Cette liste de facteurs défavorisants, outre son intérêt intrinsèque, va, en effet, nous permettre de soulever différents problèmes dont il sera amplement question dans la suite de ce travail.

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“ L’absence de résultats de recherche validés ”

Le manque d’informations fiables sur les bénéfices pédagogiques réels de nouvelles pratiques (et des efforts consentis pour les mettre en place) est certainement un obstacle important à la diffusion de ces pratiques au-delà du cercle des convaincus de la première heure. Mais cet aspect, pas toujours suffisamment relevé, appelle plusieurs autres réflexions, lorsqu’il s’agit d’usage de NTIC.

Un problème particulièrement critique dans ce cas est la difficulté de tirer des conclusions certaines au sujet de l’usage d’outils ou d’instruments qui, comme nous y reviendrons dans la section suivante, sont mis en œuvre dans le cadre de situations pédagogiques, impliquant de multiples dimensions. Comme le prouvent les résultats contradictoires de recherches menées sur les mêmes instruments (cf. en particulier les très nombreuses recherches sur LOGO), l’apport spécifique de tel ou tel d’entre eux est spécialement difficile à évaluer.

Par ailleurs, dans ce domaine, les recherches sont généralement conduites sur des usages voire sur des matériels non encore totalement stabilisés. De plus, il arrive que la pression soit telle que des décisions de généralisation sont prises avant que les recherches initiées soient arrivées à leur terme. Pire encore, une plus nouvelle technologie peut apparaître et faire l’objet de nouvelles interrogations, voire de décisions institutionnelles, avant que les usages scolaires de la précédente soient clairement définis. Si le temps des usages n’est pas celui de la technique, le temps de la recherche en ce domaine n’est pas toujours compatible avec celui de politiques volontaristes.

Problème également crucial, il est avéré que des résultats très probants obtenus dans des conditions expérimentales (enseignants particulièrement motivés, conditions matérielles exceptionnelles, soutien des chercheurs,...) ne sont pas reproductibles dans des conditions banales donc moins favorables. Nous renvoyons à propos de ces sujets à G.L.

15

Baron et E. Bruillard qui ont bien rendu compte des problèmes liés aux transferts d’innovation, notamment dans leur ouvrage de 1996.

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“ Le manque d’agents de changement susceptibles de promouvoir les nouvelles idées

éducatives ”

Dans le domaine agricole, où la diffusion des innovations a été très étudiée par les sociologues, les “ agents de changement ” se sont révélés particulièrement importants (l’auteur fait d’ailleurs ici référence à une étude comparative entre innovation à l’école et innovation dans l’agriculture de Eichhollz et Rogers, 1964). Il s’agit le plus souvent de techniciens conseils engagés par des industriels ou par des instances publiques, qui, connaissant parfaitement le milieu visé, sont chargés de montrer et démontrer aux utilisateurs potentiels les bénéfices qu’ils peuvent tirer de l’adoption du changement en question, et le plus souvent interviennent pour soutenir les premiers pas des adoptants et régler les problèmes qu’ils rencontrent.

Généralement, on ne trouve pas d’équivalent exact de ces spécialistes dans l’institution scolaire, même si les Inspecteurs et les formateurs (dans le cadre de la formation initiale ou continue) peuvent à certains égards s’en rapprocher. Cependant, nous aurons l’occasion de voir qu’une fonction fort similaire a été attribuée à des instituteurs lorsqu’il s’est agi d’introduire l’informatique dans l’enseignement élémentaire. De plus, tout particulièrement dans ce degré d’enseignement, les Inspecteurs et leurs conseillers, les directeurs d’école, de par les fonctions qui leur sont assignées, peuvent être considérés comme des agents potentiels de changement. Mais d’autres personnes sont également susceptibles d’intervenir : chercheurs, parents, associations, instances municipales,... Nous nous interrogerons sur la façon dont ces différents acteurs peuvent effectivement peser sur le processus de changement.

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“ le manque de motivation économique pour adopter l’innovation ”. Miles précise ici : “ les produits de l’éducation (educational products) n’ayant pas de retombées

économiques immédiates et les praticiens étant plutôt payés en fonction de leur ancienneté et de leur diplôme que sur leur efficacité, elle-même très difficile à mesurer. ” (ibid. p. 634).

Cette assertion est, dans sa crudité, sans doute plus facile à accepter dans le contexte nord américain que dans celui de la France, bien qu’il existe depuis plusieurs années une tendance à assimiler le monde de l’éducation à celui de l’entreprise (on parle “ d’usagers de l’éducation ”, de performance d’un établissement, ...). Cependant, elle a le mérite de soulever plusieurs problèmes importants.

L’auteur aborde surtout la question des enseignants. Il faut donc rappeler que l’innovation implique un investissement en temps, en efforts, qui vient souvent se surajouter (au moins dans un premier temps) à celui requis par les tâches habituelles. Et

ceci d’autant plus que c’est souvent celui qui est au bout de la chaîne qui doit faire face aux multiples résistances que l’organisation du système oppose au changement.

Ce surcroît de travail, généralement non rémunéré dans l’enseignement, ne peut être accepté que si le bénéfice (non financier, donc) est suffisant. Une insatisfaction quant aux pratiques habituelles et un désir général de les améliorer, l’attrait personnel pour la nouveauté en général ou le produit de l’innovation en particulier, une conviction quant à l’efficacité, la nécessité de ce dernier, des bénéfices (secondaires ou non) en termes de pouvoir, d’estime de soi, etc. sont quelques-unes des profits susceptibles de contrebalancer le poids des inévitables désagréments liés au changement, dans l’enseignement comme ailleurs...

Inversement, l’absence de certaines de ces “ gratifications ” peut peser lourd sur l’autre plateau de la balance. La difficulté de mesurer l’efficacité de l’acte enseignant évoquée par Miles peut être un facteur situé du côté de la force d’inertie, non seulement en référence aux pratiques habituelles des enseignants mais aussi parce que l’apport de l’innovation dans ce domaine étant lui-même difficile à évaluer (cf. également ce qui a été dit précédemment à propos de la recherche), il n’existe parfois pas de certitudes autres que subjectives sur son efficacité.

D’un autre point de vue, si l’on considère non plus les enseignants mais le système dans son ensemble, on sait que certaines innovations, et tout particulièrement celles concernant l’usage de nouvelles technologies, font l’objet d’enjeux économiques importants. Dans l’institution scolaire, si ce ne sont les innovateurs potentiels ce peuvent être les prescripteurs initiaux de l’innovation qui sont motivés (aussi) par des raisons économiques, car comme le rappelle G. Langouet “ au plan pédagogique, les innovations - et notamment les innovations technologiques- peuvent aussi être promues pour des fins totalement étrangères à l’amélioration du service éducatif lui-même ” (Langouet, 1985, p. 48).

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“ Il est possible également que certaines croyances idéologiques dans la profession enseignante conduisent à bloquer l’innovation en isolant les praticiens éducatifs de la réalité. ”

Les exemples donnés par Miles de ces croyances idéologiques sont très liés au contexte nord américain, mais il fait allusion aussi au fait que les enseignants ont tendance à résister au changement comme “ beaucoup de fonctionnaires d’organisations bureaucratiques ”.

Les enseignants sont, il est vrai, les acteurs d’une ou plusieurs institutions dont certaines peuvent être considérées comme relevant d’une problématique des organisations (en particulier l’établissement). Cet aspect ne doit donc pas être sous-estimé. Cependant,

comme nous l’avons déjà noté à plusieurs reprises, l’attitude des enseignants (résultat d’une stratégie ou “ d’autres déterminismes ”) est une dimension parmi d’autres.

Lorsque Miles fait mention d’une coupure des “ praticiens avec la réalité ” de quelle réalité parle-t-il ? L’école est sans conteste une institution sociale, mais les fonctions spécifiques qui lui sont attribuées contribuent à en faire un monde particulier (une réalité particulière) où continuité et changement sont plus encore intimement mêlés sans doute que dans la société globale.

Les “ croyances idéologiques dans la profession enseignante ” ne sauraient être réduites à un repliement sur des positions corporatistes. Les enseignants, acteurs (parmi d’autres) d’un système “ complexe et diversement surdéterminé ” (Berthelot, 1994, p. 204), sont certes dotés d’une part d’autonomie, mais sont aussi porteurs de l’idéologie de ce système, résultat des demandes successives et parfois contradictoires faites par la société à l’éducation.

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“ Il a été également affirmé que l’existence de spécifications, telles qu’elles se manifestent dans les examens nationaux ou d’Etats inhibe le changement dans les procédures éducatives ”

Cet aspect met bien en valeur l’impact de l’organisation même du système. L’une des obligations des enseignants est de préparer les élèves aux examens. Ces examens, ou autres sortes de contrôles, qui permettent aux élèves de progresser dans leur scolarité et orientent leur entrée dans la vie active, représentent un mode d’évaluation non seulement des apprenants mais aussi de l’enseignement qu’ils ont reçu. Ces contrôles nationaux, marquant différentes étapes dans les cursus, portent sur des programmes, qui bien que régulièrement réexaminés ne peuvent être constamment remaniés. Or, les nouveautés faisant l’objet d’innovation (au sens défini plus haut, c’est-à-dire conduisant à un changement dans le système) sont rarement en phase avec des programmes antérieurement définis. Une des conditions pour que l’enseignant ne soit pas tiraillé par une “ double contrainte ” est donc, bien évidemment, que les prescriptions d’innovation soient assorties de prescriptions correspondantes dans les programmes scolaires.

Nous verrons qu’en ce qui concerne l’introduction de l’informatique dans l’enseignement élémentaire ce fut le cas. Cependant, l’un des problèmes importants, venant si ce n’est peut-être totalement annuler du moins beaucoup amoindrir cet aspect positif, fut l’absence de continuité dans les nombreuses et différentes directives officielles concernant les modes et les finalités de l’insertion des outils et instruments informatiques.

À cet égard, mais à bien d’autres également, les innovations ayant pour produit, de façon générale de nouveaux médias ou de nouvelles technologies, posent des problèmes particuliers au système scolaire.

3.2 Techniques nouvelles et système scolaire

“ L’acte pédagogique est toujours un acte complexe : il consiste, en fonction des objectifs poursuivis, et eu égard au public visé, à établir une stratégie d’enseignement permettant, selon des méthodes et des moyens appropriés, la transmission de contenus. Or, l’introduction de la technologie modifie la situation pédagogique d’ensemble : l’audiovisuel, par exemple, génère de nouveaux contenus et de nouveaux objectifs qui ne pouvaient être pris en compte dans la situation traditionnelle. ” (Langouet, 1986, p. 26)

Nous l’avons déjà évoqué dans l’introduction, la plupart des techniques de l’information et/ou de la communication se sont vues attribuer de possibles fonctions éducatives dès leur apparition, mais leur mise en œuvre effective dans le cadre de l’institution scolaire s’est toujours révélée plus difficile que prévue et leurs résultats décevants à l’aune des espoirs dont elles étaient porteuses.

Les relations conflictuelles entre l’école et ces techniques, que nous tenterons de mieux comprendre tout au long de ce travail (à partir du cas particulier de l’introduction de l’informatique dans l’enseignement élémentaire), ne sauraient être qu’effleurées dans le cadre de cette présentation générale. Les quelques éléments généraux retenus ici n’ont donc évidemment pas l’ambition d’épuiser le problème.

3.2.1 L’enseignement général et la technique

“ L’école a hérité par ailleurs d’un dédain certain pour la technique qui reflète en fait la conception qu’en avait la bourgeoisie au XIXe siècle, si bien que même les Belles Lettres ont soigneusement contourné la composante technique de la culture des grands auteurs. ” (Perriault, 1981, p. 24)

Une contradiction entre le “ dédain ” de l’école (en particulier française) pour la technique, hérité d’une idéologie passée, et la volonté (partagée par certains de ses membres) de lui voir adopter les nouveaux médias (basés sur de nouvelles techniques) apparaissant dans la société a été souvent notée, en particulier dans les années 1960-70.

Ainsi, E. Brunswic écrivait-il en 1970 :

“ Beaucoup [d’enseignants] considèrent que les valeurs humanistes doivent être protégées contre les ‘mass médias’ ou les méthodes d’enseignement programmé qu’ils tiennent pour des moyens non nobles, parce que contaminés par leur support mécanisé et industriel, témoin le faible taux de récepteurs de télévision que l’on trouve en milieu enseignant. ” (Brunswic, 1970, p. 10)

Le fait que les enseignants aient été une des catégories professionnelles ayant mis le plus de temps à s’équiper en récepteurs de télévision a été souvent noté, mais peut-être pas suffisamment analysé. Que cette attitude soit liée, comme le signale Brunswic, à une conception de leur rôle de conservation et de transmission d’un héritage culturel (livresque) n’est guère contestable. Cependant, “ la contamination par les supports mécanisés et industriels ” demanderait à être examinée de plus près. Quinze ans plus tard en effet, les ménages d’enseignants n’ont pas eu les mêmes réticences à s’équiper de micro-ordinateurs.

Faut-il attribuer ce changement d’attitude à l’évolution des conceptions de la société en ce qui concerne les nouvelles technologies (voire la technique en général) ? Les politiques volontaristes destinées à faire rentrer l’informatique dans l’enseignement ? Le fait que l’ordinateur soit associé à la science et aux pratiques professionnelles contrairement à la télévision associée aux loisirs ? Qu’il soit un médium de l’écrit et non de l’image et du son ? Un instrument nécessitant l’activité de l’utilisateur et non la posture passive souvent associée à la télévision ? Nous aurons à revenir sur les différents aspects propres aux dispositifs informatiques dans le chapitre suivant.

Quoi qu’il en soit les TIC (de l’images, des sons voire “ technologies de l’intelligence ”) sont des outils ou des dispositifs destinés à traiter des représentations (non la matière). Mais, on ne saurait évacuer qu’elles sont fondées sur des infrastructures techniques et nécessitent la disposition de machines, dont la manipulation est plus ou moins complexe. Dans les disciplines scolaires n’ayant eu jusque-là que peu (ou pas) à faire avec des instruments, il faut inventer de nouveaux modes de faire, d’organisation. Les enseignants de ces disciplines peuvent se sentir déroutés, non seulement en raison de leur manque de savoir-faire, mais aussi parce que des valeurs culturelles ayant modelé les conceptions de leur profession et les pratiques correspondantes doivent être ré- envisagées.

3.2.2 Une mise en jeu de l’institution scolaire ?

“ L'école exprime les besoins, les aspirations, les contradictions de la société, mais dans sa logique propre d'institution spécifique disposant d'une certaine autonomie. Logique d'une institution qui a pour fonction de transmettre des savoirs, de personnaliser et de socialiser des jeunes. Logique d'un système scolaire concret, situé dans un espace national déterminé, porteur d'une histoire propre, organisé selon des modalités particulières ” (B. Charlot, 1987, p. 22)

En 1969, E. BRUNSWIC, alors à l'IPN, lors d'une communication aux Pays-Bas sur

l’expérience du C.E.S. de Marly-Le-Roi16, exposait un véritable plaidoyer en faveur de

l’usage des moyens audiovisuels en classe. L’extrait, un peu long, de son allocution, que nous avions déjà retenu en 1985 dans le cadre de notre DEA sur l’introduction de l’informatique dans l’enseignement secondaire, apparaît toujours aujourd’hui, et plus encore peut-être avec la diffusion des multimédias, d’une troublante actualité :

“Une démocratisation réelle17 de l'enseignement suppose que des enfants d'origine socioculturelle peu élevée, handicapés sur le plan du langage et de l'information familiale, puissent accéderàun enseignement fondé essentiellement sur la parole et sur le livre. Il semble légitime de chercher comment l'image peut modifier les

conditions de la transmission culturelle... La présence d'une technologie

audiovisuelle peut réintroduire la mobilité culturelle et la permanente présence, au

sein de l’école, du monde extérieur... Enfin, il semble indispensable, et de toute

manière inévitable, de faire appel dans le domaine de l'enseignement aux

techniques les plus avancées. Il peut sembler même dangereux de laisser l'institution scolaire demeurer une sorte de réduit artisanal dans un monde industriel. Les moyens audiovisuels peuvent devenir à la fois cause et conséquence d'un changement intégral, non seulement des méthodes pédagogiques, mais encore de la structuration de l'enseignement et, finalement de la situation et du statut des enseignants ” (E. Brunswic, 1969).

Ce condensé, presque exhaustif18, des multiples arguments mis enavant par ceux qui,

depuis des décennies, ont tour à tour préconisé l’introduction de telle ou telle technique dans l’enseignement permet de soulever un problème central.

La socialisation des jeunes générations ne peut advenir, bien sûr, qu’à travers un

processus de communication. “ La forme scolaire ”, configuration socio-historique, apparue au XVIe siècle en Europe et qui perdure jusqu’à nos jours, a précisément déterminé les acteurs en présence, les lieux, temps et mode de leurs rencontres, etc. (cf.

16

C.E.S. expérimental audiovisuel, créé en 1966.

17

Souligné par nous ainsi que les autres mots en italiques dans la suite de cette citation. 18

Il y manque sans doute une allusion plus explicite à la nécessité de préparer les élèves au monde de demain ou de quasi-aujourd’hui, ...

Vincent 1980, Perrenoud, 1990, Vincent, 1994). L’école, principale institution porteuse de ce mode particulier de socialisation des jeunes, a fait sienne les différents éléments qui

constituent et sont constituants de cette configuration spécifique (qui font forme19). Les

TIC, par définition, intervenant sur les modes de communication et d’information, mettent donc directement en question l’institution scolaire et ce n’est pas un hasard si les arguments les prônant mettent en avant les insuffisances, voire les dysfonctions, de l’école auxquelles elles sont susceptibles de porter remède.

Ainsi, le système scolaire français et, avec des nuances, la plupart des systèmes scolaires occidentaux reposent encore fondamentalement sur le principe de soustraire les jeunes (regroupés par classe d'âge, sous la houlette d'un adulte autorisé) du monde de la production, pour leur inculquer savoirs, savoir-faire, savoir être (socialisation) ; ces