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La métabolomique non ciblée

3 Les différentes étapes d’une analyse métabolomique par spectrométrie de masse

3.2 Préparation d’échantillons

3.2.1 Prélèvement et stockage des échantillons .1.1 Echantillons sanguins

de ces biomarqueurs constitue la signature métabolique liée à la perturbation étudiée. L’étape finale consiste en l’interprétation biologique de la signature métabolique obtenue. Cette étape est à l’heure actuelle la plus complexe.

3.2 Préparation d’échantillons

La préparation des échantillons comporte quatre étapes essentielles : la collecte d’échantillons, l’arrêt du métabolisme (afin d’éviter toute modification du métabolome après la collecte), la conservation de l’échantillon avant analyse et l’extraction des métabolites. Toutes ces étapes peuvent être source de biais et sont donc déterminantes dans la qualité globale d’une analyse métabolomique.

Une préparation d’échantillons pour une analyse de métabolomique doit répondre à différents critères : elle doit être non sélective, simple, rapide, reproductible, comprendre un nombre limité d’étapes et incorporer une étape d’arrêt du métabolisme (Vuckovic, 2012). La non-sélectivité de la méthode peut être caractérisée par sa capacité à préserver un nombre maximal de métabolites tout en éliminant les interférences telles que les protéines et les lipoprotéines. Sa capacité à solubiliser une large gamme de métabolites avec des taux élevés de recouvrement pour les différentes classes est aussi importante afin d’obtenir une sensibilité maximale. La simplicité et la rapidité de la méthode permet de minimiser la dégradation des métabolites ainsi que leur adsorption sur différentes matrices tout en évitant l’introduction de composés exogènes. Elle permet aussi une automatisation des méthodes et une préparation d’échantillons à haut débit. La reproductibilité est également un facteur essentiel pour permettre une comparaison des résultats d’analyse entre les différents échantillons. Enfin l’arrêt du métabolisme est important pour éviter des dégradations ou des surexpressions chimiques (oxydations) ou biologiques (action enzymatique) des métabolites après l’instant du prélèvement.

Tous ces points sont essentiels et la mise en œuvre de ces différentes étapes dépend du type d’échantillon étudié.

3.2.1 Prélèvement et stockage des échantillons

3.2.1.1.1 Echantillons sanguins

Le sang est la matrice la plus étudiée lors des analyses de métabolomique du fait de son rôle central dans l’organisme et de sa facilité de prélèvement. Sa composition métabolique est maintenue par homéostasie, cependant de nombreux facteurs peuvent entraîner des changements dynamiques, tels que par exemple le rythme circadien (Eckel-Mahan et al., 2012), le régime alimentaire ou la prise de médicaments. Pour limiter les effets de ces facteurs potentiellement confondants, il est

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recommandé de prélever tous les échantillons au même moment de la journée et à distance équivalente des repas. Sur la base de ce qui est fait usuellement lors d’examens biochimiques, un prélèvement le matin après une période de jeûne de 12 h est recommandé pour les analyses de métabolomique (Yin et al., 2015).

A partir du sang, il est possible d’obtenir du plasma ou du sérum. Le plasma est obtenu par prélèvement sur un tube contenant un anticoagulant qui désactive les facteurs de coagulation ou limite leur action par chélation des ions Ca2+. Une fois prélevé, le plasma est centrifugé afin d’éliminer les cellules sanguines. Le sérum est lui obtenu par prélèvement sur tube sec. La coagulation se fait alors naturellement pendant 30 à 60 minutes à température ambiante avant une étape de centrifugation.

Sérum et plasma ne présentent pas exactement la même composition. Cela est dû notamment à l’activation des plaquettes lors de la coagulation et à la nécessité de laisser les tubes à température ambiante pour que le processus de coagulation ait lieu. Le plasma a donc l’avantage d’être plus rapide à obtenir et l’absence de temps de coagulation limite le risque de conversion enzymatique ou de dégradation des métabolites les plus labiles (Denery et al., 2011). Cela confère une moindre variabilité aux échantillons de plasma (Teahan et al., 2006). En cas d’utilisation de sérum, il est essentiel de s’assurer que tous les échantillons soient laissés à coaguler pendant la même durée. En contrepartie, le sérum présente une plus faible teneur en protéines et conduit donc à moins de risques de suppression d’ionisation. De plus il a été montré que la concentration des métabolites était en générale plus importante dans le sérum (Yu et al., 2011). Malgré ces petites différences, il semble que les résultats obtenus en métabolomique non ciblée à partir de ces deux matrices soient très similaires en terme de couverture métabolique et de capacité discriminatoire (Wedge et al., 2011; Yu et al., 2011). Dans le cas d’analyse de plasma, la question du choix de l’anticoagulant doit se poser. Il peut s’agir d’héparine, d’EDTA ou de citrate et là encore, il n’existe pas de consensus. Certaines études ont montré qu’il n’y a pas de différences majeures entre les trois anticoagulants (Denery et al., 2011). On peut juste noter que le citrate est un des métabolites impliqués dans le cycle de Krebs et que pour l’étude de ce métabolite central, l’utilisation de tube citratés est à exclure. De manière globale, l’utilisation d’anticoagulant risque de causer une importante suppression d’ionisation des métabolites éluant au même temps de rétention (Barri and Dragsted, 2013; Yin et al., 2015).

Tous ces résultats suggèrent que les différents types de prélèvement peuvent être utilisés mais qu’il est essentiel de conserver un même et unique type d’échantillons et un même protocole de prélèvement pour tous les échantillons d’une étude (Hernandes et al., 2017).

Une fois le sang prélevé, une des étapes clés est la centrifugation de l’échantillon qui permet d’éliminer les cellules sanguines actives. Dans le cas du sérum, cette centrifugation ne peut intervenir

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avant la fin de la coagulation. Ce type d’échantillon reflète donc notamment le métabolisme lié à l’activation plaquettaire et à l’activité des érythrocytes, des leucocytes et des enzymes circulantes durant cette étape de coagulation. D’où la nécessité de ne comparer que des échantillons de sérum ayant subi un temps de coagulation identique. Dans le cas du plasma, le temps et les conditions de stockage de l’échantillon entre son prélèvement et l’étape de centrifugation apparaît comme étant le premier facteur de variabilité dans la préparation des échantillons en métabolomique (Jobard et al., 2016). Cette étude a montré que si l’échantillon est laissé à température ambiante pendant plus d’une heure, le métabolome est altéré du fait de l’activité des érythrocytes. Plusieurs études ont montré que si l’échantillon est conservé sur glace ou à + 4°C, son métabolome peut être considéré comme stable pendant 6 h (Kamlage et al., 2014; Yin et al., 2013). Cette conservation à basse température des échantillons avant centrifugation est donc un point essentiel pour les analyses de métabolomique impliquant le plasma (Jobard et al., 2016).

Après l’élimination des cellules sanguines, le métabolome peut encore être affecté par la présence d’enzymes mais ces variations sont de bien moindre importance que celles observées directement après le prélèvement (Yin et al., 2015). Une étude a notamment montré qu’un échantillon de plasma pouvait rester stable à + 4 °C pendant 16h après centrifugation (Kamlage et al., 2014). Il est néanmoins conseillé de congeler le plus rapidement possible l’échantillon de plasma ou de sérum obtenu. Un stockage à -80° C doit être préféré à un simple stockage à - 20 °C (Vaught, 2006). En effet, il a été montré que certains métabolites tels que le glucose ou la proline présentent des variations significatives de concentration lors d’un stockage à -20°C (Pinto et al., 2014).

3.2.1.1.2 Urine

L’urine est un autre biofluide très utilisé en métabolomique. Cela est lié au fait qu’elle peut être obtenue en grande quantité de manière très simple et non invasive, ce qui facilite l’obtention de l’accord du patient. De plus les concentrations en métabolites sont souvent plus importantes que dans le plasma ce qui permet une meilleure sensibilité (Saude et al., 2007). Enfin, l’urine est très pauvre en protéines du fait de la filtration glomérulaire, ce qui simplifie le traitement des échantillons. Le prélèvement s’effectue en général dans un contenant en polypropylène (Fernández-Peralbo and Luque de Castro, 2012). L’addition de surfactant peut être envisagée pour minimiser les interactions entre la surface du contenant et certains métabolites apolaires (Silvester and Zang, 2012). Le principal facteur de variation lors du prélèvement est l’heure de la journée à laquelle il est réalisé. Cette heure peut être aléatoire, fixe ou il peut s’agir d’un prélèvement de l’ensemble des urines sur une journée. Ce dernier type de prélèvement est plus contraignant mais permet de s’affranchir des variations circadiennes de la concentration en métabolites (Slupsky et al., 2007) et permet donc une quantification plus adaptée à l’analyse globale du métabolome. En revanche cette approche ne

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permet pas d’évaluer d’éventuelles modifications liées à ce rythme circadien d’expression des métabolites.

L’une des spécificités de l’urine est sa potentielle contamination bactérienne, notamment en cas d’obtention par miction naturelle. Pour éviter d’observer un développement bactérien qui viendrait modifier le métabolome urinaire, deux approches sont possibles. La première est basée sur l’ajout d’agents bactériostatiques tels que l’acide borique ou de l’azoture de sodium. Cependant, ces ajouts peuvent modifier l’échantillon, avec par exemple la formation de complexes, et engendrer une source de variabilité supplémentaire. A l’heure actuelle, la technique retenue est une filtration à 0.20 μm afin de retirer physiquement les bactéries de l’échantillon (Saude and Sykes, 2007; Bernini et al., 2011).

La question du stockage de l’urine a fait l’objet de nombreuses études (Roux et al., 2015). Certaines montrent que le stockage de l’urine à + 4°C pendant plusieurs jours altère le métabolome (Lauridsen et al., 2007; Saude and Sykes, 2007; van de Merbel, 2008). Il semblerait cependant qu’un stockage de courte durée (24 ou 48h) à + 4°C avant congélation n’ait pas d’impact significatif (Dunn et al., 2008; Gika et al., 2008). Il est cependant recommandé de congeler les échantillons d’urine dès que possible en les ayant préalablement aliquotés afin de limiter le nombre de cycle congélation/décongélation. Ce stockage peut se faire indifféremment à -20°C ou à - 80°C (Fernández-Peralbo and Luque de Castro, 2012).

3.2.1.1.3 Liquide céphalorachidien

Le dernier biofluide régulièrement étudié en métabolomique est le liquide céphalorachidien (LCR) (Wishart et al., 2008). Il présente l’avantage de baigner le cerveau et est donc le meilleur représentant possible des dérèglements métaboliques de ce dernier. La principale difficulté avec ce biofluide est l’obtention d’échantillons. En effet, il est prélevé par ponction lombaire, un acte invasif qui ne peut être réalisé qu’en milieu hospitalier et sous certaines conditions. Les patients souffrant notamment de troubles de la coagulation ne peuvent pas être inclus dans des études nécessitant des prélèvements de LCR à des fins de recherche (sauf si la ponction lombaire est prescrite pour raison médicale).

Lors du prélèvement et du stockage du LCR, différents paramètres peuvent affecter la qualité du métabolome. Il peut par exemple s’agir du temps et de la température de conservation entre le prélèvement et le stockage, du type de tube utilisé ou de la température de stockage. Il a été montré que parmi ces paramètres, la température de stockage est l’élément qui influence le plus la stabilité du métabolome (Wuolikainen et al., 2009). Un stockage à - 20 °C conduirait à des modifications du pH et de la pression partielle en CO2, ce qui induirait des modifications notamment au niveau des acides organiques. Pour le LCR, un stockage à - 80°C apparait donc comme indispensable. Le type de

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tube de prélèvement (polystyrène ou polypropylène) étant aussi un facteur de discrimination, il est recommandé de n’utiliser qu’un seul type de tube au sein d’une même étude. Il est également possible d’ajouter une étape de centrifugation du LCR avant congélation. Une fois centrifugé, le délai de conservation à température ambiante (jusqu’à 2h) avant la congélation ne semble pas affecter le métabolome (Rosenling et al., 2011).