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La métabolomique non ciblée

3 Les différentes étapes d’une analyse métabolomique par spectrométrie de masse

3.2 Préparation d’échantillons

3.2.2 Extraction des métabolites

Avant l’analyse proprement dite, l’échantillon doit être purifié afin d’éliminer au mieux les composés n’appartenant pas au métabolome étudié. Cela permet d’augmenter l’efficacité d’ionisation des molécules d’intérêt et donc d’augmenter la sensibilité de l’analyse. En revanche il est important de ne pas perdre de métabolites dans cette étape au risque de voir la qualité de la couverture métabolique diminuer. Il y a donc un compromis à trouver entre la pureté et l’exhaustivité du contenu métabolique de l’échantillon final. Si la spécificité de l’extraction peut être l’objectif pour des analyses ciblées sur certaines familles de molécules, la limitation de la perte d’information doit être le premier critère à prendre en compte pour les analyses non ciblées. Face à la diversité des propriétés physico chimiques des métabolites, l’exhaustivité de l’extraction passe le plus souvent par une simplification de l’extraction afin de limiter les risques de perte de métabolites.

Un autre critère à prendre en compte est la reproductibilité de l’extraction (Vuckovic, 2012). En effet, les analyses métabolomiques impliquent souvent une comparaison de données entre individus. Il est donc essentiel que la variabilité générée par l’extraction soit la plus faible possible afin de ne pas masquer les variations entre les différents échantillons.

3.2.2.1.1 Plasma/sérum

Le sang est un fluide très riche en protéines (Chang et al., 2007) (60-80 g.L-1) qu’il est nécessaire d’éliminer. En effet, une forte quantité de protéines peut conduire d’une part à un colmatage des colonnes, ce qui détériore la qualité de la séparation par chromatographie liquide, et d’autre part à une baisse de sensibilité dans la détection des métabolites par augmentation de l’effet matrice et de la suppression d’ionisation (Bruce et al., 2009).

Trois techniques de traitement de l’échantillon sont principalement utilisées : la précipitation par ajout de solvants organiques, l’extraction liquide-liquide et l’extraction sur phase solide (SPE, de l’anglais « solid phase extraction ») (Raterink et al., 2014).

La précipitation des protéines peut se faire par différentes techniques. Ces techniques sont toutes basées sur l’altération de la structure tridimensionnelle des protéines qui induit une baisse de solubilité et leur précipitation. Différents protocoles ont été testés tels que l’ajout d’acide, le chauffage ou l’ajout de solvants organiques. La nécessité de conserver intacte une large couverture

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métabolique exclut l’utilisation d’acide ou de la chaleur. A l’inverse, l’utilisation de solvant organique, notamment le méthanol, semble être l’approche la plus robuste pour les études de métabolomique non ciblée (Michopoulos et al., 2009; Sitnikov et al., 2016; Want et al., 2006). Différentes études ont été menées sur la qualité de l’extraction en fonction du type de solvant utilisé. Le choix du solvant optimal ne fait pas consensus. Certains montrent qu’une extraction à partir d’un mélange méthanol : éthanol (1 : 1) ajouté au plasma dans des proportions (4 : 1) apporte de meilleurs résultats en terme de couverture métabolique (Bruce et al., 2009; Yang et al., 2013). L’apport du méthanol semble surtout se faire sur la récupération des composés hydrophobes comme les acides gras ou les phospholipides. D’autres conseillent l’utilisation d’acétonitrile dans des proportions (2 : 1) (Rico et al., 2014). Il semblerait qu’une tendance se dégage : l’acétonitrile et l’acétone permettent une meilleure précipitation des protéines alors que le méthanol et l’éthanol améliorent la couverture métabolique et la robustesse de la méthode. Une fois les protéines précipitées, elles sont éliminées par une étape de centrifugation. Lors de cette centrifugation les protéines forment un culot et le surnageant contenant les métabolites est récupéré pour analyse. La difficulté avec la centrifugation est qu’elle est compliquée à automatiser. Une autre possibilité pour éliminer les protéines précipitées est la filtration. Récemment, des solutions ont été développées sous forme de plaques à puits qui permettent un ajout de solvant puis une filtration par mise sous pression ou sous vide (Cao et al., 2014).

L’extraction liquide-liquide est basée sur la différence de solubilité des composés entre deux solvants non miscibles. Un solvant organique est ajouté à l’échantillon et un partage a lieu entre le milieu biologique (aqueux) et le solvant organique. Cela génère un mélange diphasique. Ce type d’extraction à base de chloroforme et de méthanol est très utilisé pour les études de lipidomique (Bligh and Dyer, 1959; Folch et al., 1951). L’extraction liquide-liquide utilisant du methyl-tertbutyl éther (MTBE) est devenue populaire au cours de ces dernières années y compris en métabolomique (Matyash et al., 2008). Cette étape d’extraction peut même directement être faite dans les flacons d’injection LC-MS. Deux phases se forment et la profondeur de l’aiguille de prélèvement définit la phase qui sera injectée, les deux phases pouvant donner lieu à deux analyses successives (Whiley et al., 2012). Elle permet une bonne couverture des métabolites et des lipides mais reste moins adaptée que la précipitation protéique pour l’extraction des composés les plus polaires et semble être moins reproductible (Sarafian et al., 2014).

L’extraction sur phase solide (SPE, Solid Phase Extraction) consiste à adsorber les composés à extraire sur une cartouche contenant une phase stationnaire, à laver cette phase afin d’éliminer les composés non désirés et enfin à éluer les composés d’intérêt hors de la colonne pour les analyser ensuite. La SPE permet donc de purifier l’échantillon et de le préconcentrer si le volume d’élution est inférieur au volume initial. Cette approche peut être très intéressante lors de l’analyse ciblée de métabolites présents à l’état de trace. En métabolomique non ciblée, la SPE est moins utilisée du fait

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de sa sélectivité plus importante qui limite l’obtention d’une couverture métabolique globale. Cependant, elle apporte une plus grande reproductibilité à l’extraction, ce qui peut être un avantage pour l’observation de faibles variations de teneur en métabolites entre différentes conditions. Elle présente aussi l’avantage de pouvoir être couplée en ligne à un système chromatographique ce qui limite le nombre de manipulations de l’échantillon à réaliser et augmente la robustesse de la méthode. Une variante de la SPE, appelée « Turbulent Flow Chromatography », permet par exemple l’injection directe de sérum ou de plasma non traité. La colonne remplie de larges particules (25-50 μm) ne retient pas les macromolécules qui sont éliminées lors du passage la phase mobile avec un débit important générant des conditions de flux turbulents à l’intérieur de la colonne. Les petites molécules sont retenues à l’intérieur de la phase stationnaire poreuse (polystyrène - divinylbenzène) et peuvent être éluées en condition de flux laminaire dans la colonne chromatographique (Vuckovic, 2012). Cette technique permet une mesure des analytes comparable à ce qui peut être fait en SPE mais sa répétabilité semble être un peu moins bonne (Michopoulos et al., 2010).

Une étude récente menée par Sitnikov et al. a évalué ces différentes techniques d’extraction selon plusieurs critères : la couverture métabolique, le taux de recouvrement, la répétabilité et l’effet matrice lors de l’analyse. Le Tableau 1 résume les avantages de chaque technique d’extraction pour une analyse de métabolomique non ciblée par LC-MS. Ces résultats confirment la plus large couverture des méthodes de précipitation par solvant par rapport à la SPE ou l’extraction liquide-liquide, les meilleurs résultats étant obtenus avec l’utilisation de méthanol dans un ratio de quatre volumes de méthanol pour un volume de plasma (Sitnikov et al., 2016).

M Méthode d d’extraction Couverture métabolique

Recouvrement Répétabilité Effet matrice

Méthanol/éthanol + + + + + + + + + + + + Méthanol + + + + + + + + + + + + + + Méthanol/MTBE + + + + + + + + + + + MTBE + + + + + + + + + SPE C18 + + + + + + + + + + SPE PEP2 + + + + + + + + + SPE IEX + + + + + + +

Tableau 1 : Résumé des performances des différentes méthodes d’extraction des métabolites plasmatiques (Sitnikov et al., 2016)

3.2.2.1.2 Urines

Du fait de sa faible teneur en protéines chez l’homme (Chang et al., 2007) (0.5-1 g.L-1) la préparation des échantillons d’urine peut être simplifiée par rapport à ce qui doit être envisagé pour

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un échantillon sanguin. L’approche utilisée est celle appelée « dilution et injection » (Khamis et al., 2017). Il s’agit simplement de diluer les échantillons afin de limiter l’effet matrice et la suppression d’ionisation avant de les injecter. La concentration en métabolites étant particulièrement importante dans les urines, le facteur de dilution doit être adapté à la sensibilité de l’instrument. S’il n’y a pas eu d’étape de filtration au moment de la collecte, une centrifugation doit être réalisée avant la dilution afin d’éliminer d’éventuels débris cellulaires. Pour des analyses plus spécifiques, d’autres protocoles peuvent être utilisés comme une hydrolyse enzymatique afin de déconjuguer les composés issus du métabolisme secondaire ou des étapes d’extraction sur phase solide ou liquide-liquide. Néanmoins, ces étapes ne sont pas conseillées pour les études non ciblées visant à obtenir la plus grande couverture possible du métabolome. Attention toutefois car selon les espèces, le volume de filtration glomérulaire varie ce qui peut conduire à des concentrations protéiques nécessitant une étape de précipitation.

3.2.2.1.3 Liquide céphalorachidien

Le liquide céphalorachidien est lui aussi relativement pauvre en protéines (0.15-0.6 g.L-1). La nécessité d’une précipitation protéique est alors discutable. Du fait de cette pauvreté en protéines, le LCR est généralement analysé sans dilution préalable afin d’optimiser la sensibilité. Cette absence de dilution est une des justifications évoquées à la réalisation d’une étape de précipitation des protéines. La majorité des études en métabolomique sur le LCR réalise cette étape de précipitation des protéines au méthanol (Wang et al., 2016; Weiss et al., 2016; Wishart et al., 2008)..