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Les préférences commerciales non réciproques L’une des innovations majeures de la Convention de

2.2. La coopération commerciale

2.2.1. Les préférences commerciales non réciproques L’une des innovations majeures de la Convention de

Lomé est l’instauration des préférences commerciales non réciproques, qui permettent à la quasi-totalité des produits en provenance des pays ACP, c’est-à-dire 99,5% de ces produits50, d’entrer sans droits de douane, ni

autres restrictions quantitatives, sur le marché européen. Cela s’explique par la volonté, de part et d’autre, de remédier ou de corriger certains aspects de la relation ACP-UE, que l’on pourrait sans aucune exagération qualifier de protectionnistes, avec la précédente

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Ce système est très ancien, car il a été mis en place par la France, afin de pe ett e à ses a ie es olo ies d Af i ue d e po te li e e t leu s p oduits ag i oles su le a h de la t opole. Il a t ai te u ap s l a essio à l i d pe da e de es olo ies, da s le ad e d u aut e e se le plus app op i CEE-EAMA p it , pou pe ett e, selo le œu des p es fo dateu s de la CEE, ota e t M. ‘o e t S hu a , d aide au d eloppe e t o o i ue de es pa s, juste ap s leu a essio à l i d pendance (cf. introduction). Il fallait donc i te sifie la oop atio o e iale e t e l Eu ope et es Etats d Af i ue, afi que les plus-values générées par les échanges commerciaux, contribuent à atteindre cet objectif de développement. Ce système a été également renforcé par l adh sio e du ‘o au e-U i à la CEE, du fait de l aug e tatio du o e de partenaires au sein de cette nouvelle organisation.

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120 Convention de Yaoundé, précitée, qui prévoyait des droits de douane assez élevés, et de restrictifs par exemple les quotas sur l’entrée des produits ACP dans l’UE.

C’est ainsi que, lors de la révision à mi-parcours de la Convention de Lomé IV, les discussions en matière d’échanges commerciaux ont essentiellement porté sur les moyens d’aider les pays ACP à améliorer leur compétitivité pour une meilleure intégration sectorielle, et non plus produit par produit, afin de tirer le meilleur parti des avantages offerts par Lomé.

De sorte que désormais, cette Convention de Lomé privilégie une approche plus générale de l’accès au marché que l’ancienne Convention51. Il n’est pas exagéré

de faire remarquer que cette extension des préférences commerciales, moteur sans aucun doute de la compétitivité des pays ACP, est de toute évidence une manière d’insérer progressivement les pays ACP dans une économie mondiale libéralisée, sous la pression de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Outre l’extension des préférences commerciales non réciproques, la Convention de Lomé a également introduit le principe de la non réciprocité des obligations. Cela veut dire que, désormais, les pays ACP ne sont pas tenus d’accorder les mêmes préférences aux exportations de l’UE, qui demeurent soumises aux droits de douane52.

La seule exigence en la matière, réside dans le fait que les pays ACP doivent seulement garantir à l’UE le bénéfice

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Parmi les mesures concrètes appo t es, figu e t l e te sio des p f e es commerciales à la quasi-totalité des produits ACP, et la libéralisation des quotas tarifaires, plafonds et quantités de référence.

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Pour des raisons précédemment invoquées, et qui tiennent au devoir de solida it de l Eu ope e e s les pa s ACP, ui est le fo de e t esse tiel, si o la matrice de la coopération ACP-UE, u il faut toujou s a oi à l esp it.

121 de la clause de la nation la plus favorisée. Cela signifie qu’ils ne doivent pas faire bénéficier les pays tiers d’avantages commerciaux que n’auraient pas l’UE.

Il faut rappeler que l’abandon, par l’UE, du principe de la réciprocité des obligations commerciales répondait en fait à l’attente des pays ACP, qui pendant les négociations de la première Convention de Lomé, avaient fait du principe de la non réciprocité l’une de leurs principales revendications.

Cela se justifie par la nécessité de compenser les inégalités résultant d’une relation commerciale asymétrique, d’autant plus que les exportations des pays ACP vers l’UE, portent essentiellement sur les matières premières, lesquelles ne sont pas à l’abri des fluctuations des cours mondiaux. D’où l’existence du STABEX et du SYSMIN (précités), qui sont des mécanismes de compensation et de soutien aux exportations des pays ACP, en cas de chute brutale du prix de ces produits. C’est ce que M. Michel Capron a appelé « l’inégalité compensatrice »53.

La Convention de Lomé prévoit également certaines dispositions dans le cadre de protocoles sur les importations européennes. Il s’agit pour l’essentiel des protocoles sur le sucre, les bananes, la viande bovine, le rhum54. Ces protocoles accordent aux pays ACP, qui en

sont bénéficiaires, un régime particulier, c’est-à-dire des plafonds d’importation de type quotas. Cela signifie que l’UE s’engage à acheter chaque année aux pays ACP signataires de ces protocoles, une certaine quantité de produits à des prix seuils garantis, et qui sont généralement supérieurs aux cours mondiaux. En

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M. Capron, « L’Eu ope face au Sud », 1991, p. 172. 54

122 contrepartie, les pays ACP s’engagent à livrer à l’UE ces quantités requises, sous peine de réduction de celles-ci, sauf cas de force majeure, telles que les catastrophes naturelles ou des situations de conflit.

Ces protocoles commerciaux sont devenus, au fil des ans, une caractéristique de la Convention, mais pour combien de temps encore, face à la libéralisation des échanges ? Il faut rappeler que le protocole sur le sucre remonte à l’accord sur le sucre conclu en 1952, dans le cadre du Commonwealth55, par lequel le Royaume-Uni achetait le

sucre à un prix négocié à ses anciennes colonies producteurs de sucre. Il est donc antérieur à la Convention de Lomé (1975), à laquelle il a été annexé par le protocole 22 du Traité d’adhésion du Royaume-Uni à la CEE d’alors56.

En d’autres termes, en adhérant à la CEE, le Royaume- Uni a donc entraîné dans son sillage les pays du Commonwealth, parce qu’il cherchait à étendre les préférences commerciales, particulièrement sur le sucre et les bananes, afin d’élargir l’aide bilatérale qu’elle apportait à certaines de ses anciennes colonies.

Il faut cependant faire remarquer que ce protocole sur le sucre concerne également certains pays francophones, notamment la Côte d’Ivoire, dont la production sucrière n’est pas négligeable en Afrique de l’Ouest, tout comme les bananes.

55Le Co o ealth est u e f d atio e e , et ui u it aujou d hui u e i ua tai e d Etats, pou la plupa t d a ie es olo ies ita i ues, et e à travers les cinq continents ; il est placé sous la tutelle purement morale de la Couronne Britannique.

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Il faut appele ue l la gisse e t de la CEE est o s utif à l adh sio du Royaume-U i, du Da e a k, et de l I la de e , ai si elui des Etats af i ai s et alga hes a e l adjo tio des a ie es possessio s ritanniques est à l o igi e de la sig atu e e de la Co e tio de Lo o e il a t précédemment indiqué.

123 En effet, le protocole sur le sucre permet à l’UE d’acheter annuellement un quota fixe de sucre blanc ou brut aux pays ACP producteurs de ce produit à des prix garantis, alignés sur le prix en vigueur dans le marché européen. Cela a nettement contribué au développement économique de certains pays comme l’Île Maurice.

Il est important de souligner que le sucre ACP est le seul produit relevant de la politique agricole commune (PAC)57, qui protège le marché européen contre les

importations à des prix inférieurs, et les fluctuations des cours mondiaux, et accorde également la priorité à l’écoulement de la production intracommunautaire. De sorte que l’on serait tenté de dire que l’introduction, ou l’intégration du sucre ACP à la PAC, a pour but de protéger la puissante industrie sucrière britannique, sans laquelle encore une fois, la Convention de Lomé n’aurait sans doute jamais vu le jour58.

Quant au protocole sur les bananes, il a permis aux pays ACP qui en sont bénéficiaires de recevoir une aide substantielle par le biais du STABEX. En outre, une ligne budgétaire ouverte en 1994 a permis de compenser les pertes subies dans les revenus d’exportations du fait d’une baisse des prix ces dernières années. Ce soutien financier permet donc aux pays ACP de faire face à la concurrence du fait des importations à bas prix de bananes en provenance d’Amérique latine, et d’accroître également les exportations des pays ACP. Il faut noter qu’au sein de l’UE, si la France et la Grande-Bretagne accordent un accès illimité aux bananes en provenance de leurs anciennes colonies, tout en imposant certaines

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Article 39 du Traité de Rome.

58 L a ti le de ette Co e tio p oit u e gage e t pa ti ulie su le su e qui a été repris par le protocole n°8 annexé à la quatrième Convention de Lomé, reprenant ainsi le protocole n°3 sur le sucre annexé à la première Convention de Lomé, qui comporte dix articles.

124 restrictions, tant quantitatives que tarifaires aux importations de pays tiers, il n’en va pas de même pour l’Allemagne, le plus gros importateur de bananes de l’UE, qui en vertu des dispositions du Traité de Rome, est autorisée à accorder des préférences tarifaires, c’est-à- dire l’entrée en franchise de douane aux importations de bananes de pays tiers, notamment d’Amérique latine. Tout comme le protocole sur le sucre, celui sur le bananes a contribué à sauver l’économie de bien de petits états insulaires des Caraïbes, notamment la Martinique, la Guadeloupe, …mais également la Côte d’Ivoire, qui est, de loin, le plus gros producteur de bananes en Afrique de l’Ouest.

Le protocole sur le rhum obéit aux mêmes règles que ceux sur le sucre et les bananes, à ceci près que les quotas de rhum admis en franchise de douane dans l’UE, sont calculés sur la base des quantités annuelles les plus importantes importées des Etats ACP dans l’UE au cours des trois dernières années, et sont susceptibles d’augmenter chaque année.

Enfin, le protocole sur la viande bovine, essentiellement d’Afrique australe (Botswana), est surtout destiné au remboursement des taxes normalement dues sur les importations de bœuf59.

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Cependant, il faut noter que les protocoles sur les produits agricoles des pays ACP, qui fo t l o igi alit de la Co e tio de Lo , o aisse t des e ises e ause du fait de la li alisatio des ha ges. E effet, la pe spe ti e d u e plus g a de li alisatio des ha ges, pou po d e au e ige es de l OMC, is ue d effa e utalement tous les acquis de la Convention de Lomé dans les années à e i . Sous la p essio de l OMC, l UE est a e e à la gi ses pa te ai es o o i ues pou les p oduits ag i oles, est-à-dire à étendre à tous les pays en voie de développement le système de p f e es o e iales, afi u elle app o he ses p i , ou si o u elle les alig e su les ou s o diau ui so t g ale e t i f ieu s à eu appli u s au pa s ACP. Il s agit là du s st e de p f e e g alis e, i t oduit d so ais pa l OMC dans les échanges o e iau . C est ai si ue la fo e de la PAC e a p u u e aisse

125 Cependant, le principe des préférences commerciales non réciproques, accordé par l’Union Européenne aux produits ACP, n’est pas si global que cela en pratique, car il comporte quelques exceptions. Elles tiennent, d’une part, à la spécificité de certains produits, et, d’autre part, à la règle d’origine, c’est-à-dire aux normes relatives à la qualité et à l’emballage, disons au degré de transformation des produits, pour leur conférer le label ACP avant leur entrée sur le marché européen.

Si l’Union Européenne garantit le libre accès de 99,5% des exportations effectives des pays ACP, une infime partie de celles-ci, à savoir 0,5%, ne bénéficie guère de ce régime préférentiel, parce qu’elle relève de la politique agricole commune (PAC), pour laquelle l’UE maintient des fortes protections. Il s’agit, entre autres, du maïs, des fleurs coupées, …60.

Néanmoins, malgré cette petite entorse, les importations européennes en provenance des pays ACP bénéficient d’un traitement préférentiel par rapport à celles de pays tiers, non signataires de la Convention de Lomé.

Quant à la règle d’origine, elle a été mise en place dans le but de favoriser l’industrialisation des pays l’ACP, afin d’éviter le détournement d’exportations qui transiteraient dans ces pays pour avoir le label ACP, et qui seraient préjudiciables à l’UE.

p og essi e des p i du œuf ACP, afi d a e e l UE à i po te e p oduit de ase de pays tiers producteurs de la viande bovine à faible coût. Il est fort à parier que le protocole sur le sucre risque, à plus ou moins long terme, de connaître également u e aisse de e p i d a hat. Qua t au p oto oles su le hu et les a a es, ils o t t le s e juillet , pe etta t ai si au pa s tie s d i po te es denrées da s l UE sa s au u e est i tio , de uelle ue atu e ue e soit. Ce i est fo t préjudiciable aux pays ACP, surtout les moins avancés, qui auront désormais de plus en plus de mal à accéder au marché européen.

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126 Cette règle d’origine concerne, essentiellement, les exportations de vêtements, de textiles, de produits de la pêche, d’huile de palme, etc, qui doivent ainsi obéir à un certain degré de transformation pour être exportés vers l’UE. De sorte que l’attribution du label ACP à un produit dépend dont de son taux de transformation par un pays ACP donné, qui, pour en revendiquer l’origine, doit en fournir, entre autres, la matière première.

En d’autres termes, le label ACP peut être refusé à un pays, parce que la matière première utilisée dans la fabrication d’un produit quelconque, n’était pas originaire de ce pays. Par exemple, à l’Île Maurice, la mise en place d’une industrie de vêtements a été entravée par l’impossibilité pour ce pays de s’approvisionner en tissus dans d’autres pays ACP. Il en est de même en même en matière de pêche, où certains critères assez rigoureux freinent l’essor d’industries de mise en conserve61.

La rigueur de cette règle d’origine a pénalisé les exportations des pays ACP les moins avancés, qui

connaissent de graves carences en matière

d’infrastructures en tout genre. C’est ce qui a sans doute amené certains observateurs à soutenir que cette règle d’origine est une façon déguisée pour l’Union Européenne de protéger ses producteurs nationaux contre la concurrence des pays ACP. Ce qui serait en quelque sorte une espèce de préférence inversée.

Il faut également noter que les dérogations qui consistent, pour un pays ACP en rupture de matières premières pour la fabrication d’un produit, de s’approvisionner auprès d’un pays tiers, sont longues à obtenir, et peuvent de ce fait, dissuader certains

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127 investisseurs, ou même faire perdre des parts de marché aux pays ACP.

Face aux difficultés de mise en application de cette règle d’origine, l’UE a adopté à plusieurs reprises des modifications à cette règle, pour la rendre moins rigoureuse. De sorte que désormais, les pays ACP sont considérés comme un seul territoire douanier, et ils ne doivent se conformer qu’à une seule série de normes et d’exigences, quel que soit le pays de l’UE vers lequel ils exportent. Par exemple, un produit qui ne peut être introduit dans l’UE comme sénégalais, du fait de son faible taux de transformation dans ce pays, peut l’être avec le label ACP, après avoir subi quelques améliorations nécessaires dans un autre pays ACP doté d’infrastructures adéquates à cet effet62.

On pourrait ajouter à ces deux principales exceptions celle relative à la clause de la nation la plus favorisée, précédemment évoquée, qui garantit les exportations de l’UE dans les pays ACP contre les discriminations au profit de pays tiers.

Les préférences commerciales non réciproques, au bout de plusieurs décennies d’existence, ont elles véritablement contribué au développement économique des pays ACP ?

2.2.2. L’impact des préférences commerciales sur le