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Les précipitations acides

Stade Alevin

E. Les précipitations acides

Les précipitations acides constituent sans doute le plus grave problème environnemental affectant les habitats aquatiques du Québec. Elles originent principalement des émissions d'anhydride sulfureux (SO2) et d'oxydes d'azote (NOX) résultant de la combustion de carburants fossiles riches en soufre (pétrole, charbon) et des processus de combustion à haute température des moteurs à explosion. Produits dans les centres industriels et miniers du Midwest américain, de l'Ontario et du Québec ainsi que dans les agglomérations urbaines, ces gaz se combinent à la vapeur d'eau atmosphérique et forment des acides qui,

dispersés sur des grandes distances, retombent au sol sous forme de précipitations dont l'acidité, exprimée par le pH peut atteindre des niveaux aussi bas que pH4.

Tableau 27. Évolution des ventes de fertilisants chimiques au Québec entre 1949 et 1984.

Années Quantités (Tonnes métriques) Ï949 136 727

1950 120 000 1952 120 612 1955 117986 1958 140 418

1970 278 515 1971 302 402 1972 310 950 1973 299 526 1974 322 922 1975 312 548 1976 367 220 1977 361568 1978 386156 1979 421 690 1980 406 850 1981 397 328 1982 433140 1983 473 100 1984 498 707

Source: Ministère de l'Environnement du Québec (1988), d'après Cescas (1982) et Bureau de la Statistique du Que bec (1984).

Les effets de ces retombées acides sont dramatiques pour les écosystèmes aquatiques. Les régions les plus affectées sont celles de l'ouest et du centre du Québec, au nord de la plaine du Saint-Laurent et plus particulièrement celles qui correspondent à la formation géologique du Bouclier canadien dont la composition minérale, très pauvre en alcalins, ne permet pas de neutraliser l'acidité des précipitations (figure 5). Des études réalisées par les ministères de l'Environnement du Québec et du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ont permis de mettre en évidence l'ampleur de ce phénomène et ses effets dévastateurs sur les populations

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RESEAU D'ÉCHANTILLONNAGE OES PRECIPITATIONS OU QUEBEC

Source: Ministère de l'Environnement du Québec, 1987.

Figure 5. Concentration en sulfates en lac (1981-85) et concentration moyenne de sulfates dans les précipitations dans le Québec méridional (1982-84).

de poissons dulcicoles (Dupont, 1984a; 1984b, 1985; Moreau et al., 1984; Paul et Richard, 1985; St-Pierre et Moreau, 1985; Richard, 1985; 1986). Dans la seule région de la Mauricie, les biologistes de la faune estiment que les précipitations acides touchent 9 000 lacs à Omble de fontaine et Omble chevalier, d'une superficie totale de 500 000 hectares (Direction de la gestion des espèces et des habitats et Direction générale des opérations régionales, 1989). Au Témiscamingue, la très grande majorité des plans d'eau sont en voie d'acidification et on y a récemment constaté la disparition totale du Doré jaune, une espèce particulièrement sensible, dans un lac de 1 500 hectares (D. Nadeau, comm. personnelle).

Dans les régions de Portneuf et dans Charlevoix, la grande majorité des lacs analysés se sont révélés être vulnérables aux précipitations acides, la plupart s'étant acidifiés au cours des années par l'apport de substances d'origine atmosphérique (Richard, 1985; 1986).

Dans ces plans d'eau, il a été démontré que l'acidité est responsable d'une diminution marquée de la biomasse d'Omble de fontaine, diminution qui se traduit également par des problèmes au niveau de l'exploitation des stocks (figure 6). Dans l'Outaouais et la Mauricie, Tremblay (1989) et Tremblay et Richard (1990), arrivant à des conclusions similaires quant à la réduction des biomasses de poissons dans les lacs acidifiés, ont en outre observé dans ces plans d'eau un très net déclin de la diversité des espèces dans les communautés multi spécifique s de ces régions (figure 7). En conditions acides, les espèces les plus sensibles comme le Doré jaune, les salmonidés et le Grand Corégone voient leurs effectifs réduits ou même disparaissent au profit d'espèces plus tolérantes comme le Grand Brochet et la Perchaude.

F. L'hydroélectricité

Le Québec est abondamment pourvu en installations hydroélectriques. Bien que l'on vante fréquemment le caractère "propre" de ce mode de production de l'électricité, les impacts sur l'habitat du poisson n'en demeurent pas moins très significatifs. Le problème majeur de l'hydroélectricité concerne l'érection de barrages et la formation d'immenses réservoirs d'eau nécessaires au turbinage. Ces écosystèmes, créés de toute pièce par l'inondation de grandes superficies, présentent un fort degré d'artificialisation, une instabilité périodique et un cycle hydrologique déphasé par rapport au cycle naturel (débits maximaux en hiver et

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Figure 6. Relation entre le niveau d'acidité de lacs à populations allopatriques d'Ombles de fontaine et le rendement de la pêche sportive et le nombre de prises par unité d'effort.

UJ 5

•UJU CL

<s>

4

-2 - NOMBRE D'ESPÈCES - 8.17 + 2,21 ( pH )

r - 0 , 5 9 P$ 0,001 n - 7 4

f

-5.0

4,5 5.5 6,0 6.5 7.0

pH (unités)

Source: Tremblay et Richard (1990).

Figure 7. Relation entre le nombre d'espèces piscicoles et le pH.

minimaux au printemps) qui limitent fortement la productivité de nombreuses espèces de poissons de choix, le Touladi et le Grand Brochet notamment.

Les problèmes associés à cette activité sont nombreux et variés dans plusieurs régions du Québec. Le lac Saint-Jean est en fait maintenant un immense réservoir servant aux besoins hydroélectriques de l'Alcan. Le marnage de ce plan d'eau, limité à 5 mètres, a entraîné la disparition des habitats marécageux et le déclin du Grand Brochet; de plus la nécessité de stabiliser le littoral a pour conséquence d'artificialiser les rives (Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, 1985). En Mauricie où les réservoirs représentent une superficie en eau de 166 000 hectares, la production biologique de Touladi et de Grand Brochet demeure marginale dans ces milieux en raison de la destruction des herbiers qui constituent l'habitat privilégié du Grand Brochet et des frayères littorales du Touladi qui s'assèchent lorsque le niveau des eaux atteint les cotes minimales. Les mêmes problèmes affectent l'Abitibi-Témiscamingue également bien pourvue en réservoirs hydroélectriques tels le Des Quinze (14 500 ha), Decelles (20 300 ha), Dozois (28 700 ha) et Kipawa (28 400 ha). Dans le réservoir Kipawa qui constitue le plus important plan d'eau de pêche sportive du Touladi et du Doré jaune au Témiscamingue, l'abaissement du niveau des eaux l'hiver a un impact néfaste sur le succès de la reproduction du Touladi (Direction de la gestion des espèces et des habitats et Direction générale des opérations régionales, 1989).

Les projets hydroélectriques de la Baie-James ont également eu un impact marqué sur l'habitat aquatique en modifiant le faciès des écosystèmes d'eau douce sur des centaines de kilomètres carrés. À cela, il faut ajouter la contamination par le mercure qui rend de nombreuses espèces de poissons de ces réservoirs impropres à la consommation humaine pour des périodes pouvant aller jusqu'à 30 ans selon les estimations d'Hydro-Québec. Ce problème résulte de la libération rapide dans le milieu aquatique après la mise en eau des réservoirs du mercure contenu dans la matière organique et la bio-accumulation subséquente de ce métal dans la chaîne alimentaire jusqu'aux poissons prédateurs (Messier et al., 1985).

G. La villégiature

En 1988, on estimait à environ 250 000 le nombre de résidences secondaires (Ministère de l'Environnement du Québec, 1988). Bien que les problèmes associés au développement de

Construction de chalets

Travaux de construction

Utilisation d« chalets

Présence d'humains.

d'installations

•t d'équipements

Activités récréatives

Bruits et autres polluants

Circulation

Piétinement

)

• Dérangement 1 4

^ de la faune w*—\

Consommation d'eau et

d'espace L+Nr't:

Actes illéoaux ou antisociaux

Prélèvements

Source: Ministère de l'Environnement du Québec, d'après Lavoie (1986).

Figure 8. Impacts de la présence de chalets sur l'environnement

la villégiature se fassent sentir partout au Québec, ils affectent surtout, et de façon préoccupante, les plans d'eau situés sur les terres privées dans les régions en périphérie des grands centres urbains (44% des chalets répertoriés seraient situés dans la région de Montréal). L'impact de la villégiature sur l'environnement naturel revêt de multiples aspects (figure 8). Les interventions humaines consécutives à l'établissement ont des conséquences qui, prises individuellement, sont peu significatives mais qui, globalement, entraînent des perturbations importantes et souvent irréversibles des écosystèmes d'eau douce. Le déboisement des rives, le rejet des eaux usées domestiques, la construction de quais et de plages, l'empiétement des rives ont pour effet de modifier la structure du littoral des plans d'eau qui constitue la zone de fraye de la plupart de nos poissons d'eau douce, d'enrichir et de réchauffer les eaux. À ces effets s'ajoutent la surpêche et les initiatives

"privées" en matière de gestion de la faune aquatique comme les ensemencements de poissons d'élevage et de cyprins "pour nourrir la truite" qui ont pour conséquence de déséquilibrer la structure des communautés ichtyennes naturelles. Ces actions ont tôt fait de transformer le "beau lac bleu sauvage" dont tout québécois rêve en un vaste égout à ciel ouvert où la pêche est nulle et où la simple baignade est devenue une entreprise de haut risque. Cette vision apocalyptique de la villégiature est malheureusement à peine exagérée dans certaines régions du Québec; elle est le résultat d!une absence de planification de la part des municipalités et de la méconnaissance profonde de la part des citoyens des principes élémentaires de l'écologie. Depuis quelques années cependant, on observe une réelle prise de conscience des villégiateurs et un changement d'attitude envers la qualité de leur environnement. Des associations de propriétaires se sont graduellement formées et, avec le concours d'organismes comme la Fédération des associations pour la protection de l'environnement des lacs (FAPEL) s'impliquent activement dans des projets de restauration des rives et des plans d'eau.