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Méthodes de réglementation

GESTION DE L'EXPLOITATION

B. Méthodes de réglementation

La mise en place de mesures réglementaires dans les pêcheries intérieures est complexe. En effet, les pêcheries d'eau douce se subdivisent en un grand nombre de stocks répartis sur une multitude de plans d'eau qui sont exploités à des degrés variables. Dans ces circonstances, les biologistes ne peuvent avoir une vision exacte de la situation dans tous les cas et, pour des besoins d'efficacité et de simplification, doivent appliquer des réglementations qui correspondent à une moyenne de la situation générale des stocks. Dans certaines pêcheries, la difficulté de prédire l'abondance d'un stock d'année en année requiert une réglementation particulière qui permet d'intervenir rapidement durant la saison de pêche. C'est notamment le cas de l'exploitation du Saumon dans les rivières du Bas

Saint-Laurent et de la Gaspésie où la nécessité de maintenir un stock reproducteur optimal impose une intervention immédiate durant la saison.

Les mesures réglementaires utilisées pour atteindre les objectifs de conservation des ressources sont peu nombreuses; elle se résument essentiellement à:

- la fermeture de secteurs;

- la limitation de la saison de pêche;

- la limitation des captures;

- la limitation de l'effort de pêche;

- la restriction dans l'utilisation des engins de pêche;

- la restriction sur la taille des poissons capturés.

Le recours à l'une ou l'autre de ces méthodes dépend de plusieurs facteurs, dont les caractéristiques des pêcheries, l'efficacité des mesures réglementaires et leur complexité ainsi que leur acceptation par les pêcheurs.

La fermeture de certaines zones à la pêche et la limitation de la saison de pêche sont destinées à protéger les poissons durant les périodes où ceux-ci sont vulnérables à la pêche, en période de reproduction par exemple. La réduction de la saison vise également à réduire l'effort de pêche exercé et, partant, la récolte totale. La nouvelle réglementation retardant l'ouverture de la pêche du Touladi au printemps constitue un exemple de l'utilité de cette mesure réglementaire pour réduire la récolte d'une espèce fortement exploitée lorsque celle-ci est particulièrement vulnérable à une période donnée de l'année. Bien que parfois efficaces, ces mesures ne se traduisent pas toujours par une réduction de la récolte car elles ne font souvent que déplacer l'effort dans le temps et l'espace annulant en tout ou en partie les bénéfices escomptés.

La limitation directe des captures est généralement obtenue par l'imposition de quotas ou contingents appliqués à la récolte individuelle journalière d'un pêcheur ou à la récolte globale autorisée dans un plan d'eau. Elle peut également être appliquée, pour chaque pêcheur, à la récolte totale autorisée d'une espèce donnée par saison; c'est par exemple le cas du Saumon atlantique pour lequel on impose une limite de capture par pêcheur correspondant à un nombre déterminé d'étiquettes attribuées à l'émission du permis. Les

quotas journaliers ont souvent peu d'effets significatifs sur les captures et ne visent essentiellement qu'à une répartition plus équitable de la ressource entre les pêcheurs. Il s'agit là cependant d'une règle largement appliquée par les organismes des pêches.

L'imposition des quotas par plans d'eau constitue cependant une des mesures les plus efficaces car elle intervient directement sur la récolte permise. L'efficacité de cette forme de réglementation est cependant tributaire d'une connaissance adéquate de la capacité de production individuelle des plans d'eau et requiert la mise sur pied d'un système élaboré de contrôle de l'accès et de suivi du déroulement de l'exploitation. Ce système est de ce fait coûteux et ne peut être envisagé que dans des territoires limités. Au Québec, la réglementation par quotas est appliquée dans les territoires structurés (parcs et réserves fauniques, ZEC et pourvoiries); elle permet d'assurer la conservation des ressources halieutiques et de maintenir dans ces territoires des activités de pêche de qualité.

La restriction de l'effort de pêche est une forme de réglementation peu appliquée aux pêcheries récréatives si ce n'est de l'obligation dans certaines circonstances d'être titulaire d'un permis pour pratiquer cette activité ou encore de n'utiliser qu'une ligne par personne.

Cette mesure est difficile à mettre en oeuvre car elle exige une bonne connaissance de la demande exprimée par les pêcheurs sur les diverses espèces ou plans d'eau d'un territoire.

D'une manière générale, elle peut cependant être obtenue par l'augmentation du coût des permis ou par la limitation de leur émission. Cette dernière forme revêt un caractère extrémiste car, sur la base de critères économiques ou autre, elle refuse à une partie de la population de pêcheurs l'accès à une ressource considérée comme un bien public appartenant à tous.

La restriction sur la taille des poissons pouvant être conservés par les pêcheurs est une mesure réglementaire qui, à l'origine, était destinée à permettre aux jeunes individus de survivre, croître et éventuellement se reproduire. C'est aussi une mesure qui, lorsque bien appliquée, peut s'avérer efficace pour la préservation d'activités de pêche de qualité car elle permet à la fois de maximiser le rendement d'une pêche récréative, prévenir la surexploitation et maintenir des communautés ichtyennes équilibrées (Brousseau et al., 1987). Les perspectives offertes par cette réglementation sont particulièrement attrayantes pour le gestionnaire des pêches qui trouve là le moyen de concilier le double objectif de conservation des ressources halieutiques et le maintien d'activités de pêche satisfaisant les utilisateurs. L'approche traditionnelle basée sur la restriction de la taille consiste à imposer

une taille minimum légale, les petits poissons capturés devant être rejetés à l'eau vivants;

l'objectif visé par cette réglementation étant de maximiser la récolte, d'accroître la taille des poissons capturés et de permettre la reproduction du plus grand nombre d'individus. Bien que parfois efficace, l'imposition d'une taille minimum légale peut, chez certaines espèces ou populations, provoquer des changements qui se traduisent par l'accroissement de la densité des jeunes et la réduction du taux de croissance et, en résultante, la diminution de l'abondance de poissons de taille légale. Pour contrer ce phénomène, on expérimente depuis quelques années en Amérique du nord une variante de la restriction de la taille dans laquelle on impose à la fois une taille minimum et maximum légale; par cette réglementation appelée "slot-catch", on protège les poissons d'une gamme de taille spécifique alors qu'on permet la récolte de poissons de taille inférieure et supérieure à celle-ci. Cette mesure a pour effet de minimiser les inconvénients inhérents à la survie des jeunes individus en favorisant leur récolte et, protégeant les survivants qui atteignent la taille réglementée, permet leur croissance et assure ainsi la récolte future de gros individus. Bien que cette réglementation offre d'excellentes perspectives comme outil de gestion, on ne peut envisager son utilisation à grande échelle et en toutes circonstances. En effet, la mise en place d'une telle réglementation nécessite une connaissance approfondie des paramètres de la dynamique des populations sur lesquelle elle est appliquée; de plus, elle ne peut être généralisée à une espèce sur l'ensemble de son aire de distribution à cause des diffférences bio-environnementales qui influencent notablement les caractéristiques biologiques des populations et, de ce fait, leur réponse à la restriction de la taille. En d'autres termes, le

"slot-catch" est une mesure réglementaire qui doit être ajustée précisément à la réalité bio-environnementale de chaque population.

Mises à part les considérations précédentes, les réglementations basées sur la restriction de la taille sont également d'application délicate car elles requièrent une bonne compréhension et de la discipline de la part des pêcheurs. En outre, elles doivent parfois s'accompagner de restrictions quant à l'engin de pêche utilisé afin de réduire la mortalité reliée à la capture.

On associera donc souvent à la restriction de la taille des règles exigeant l'utilisation d'appâts artificiels ou d'hameçons sans barbe. Les réglementations basées sur la restriction de la taille permettent cependant l'établissement de pêcheries récréatives de grande qualité comme la pêche des poissons trophées. À la limite de son application, la restriction de la taille devient une pêche avec remise à l'eau obligatoire qui, dans certaines pêcheries

récréatives, permet de maintenir des activités de pêche dans des secteurs où les populations sont vulnérables ou en voie de restauration.

Les restrictions sur les tailles sont actuellement peu utilisées au Québec; elles s'appliquent essentiellement dans certaines circonstances au Saumon atlantique, au Maskinongé et à la pêche commerciale de l'Esturgeon jaune. Certains pourvoyeurs du Québec appliquent des restrictions de taille pour la pêche de poissons trophées, au Nouveau-Québec notamment, où il existe une clientèle étrangère intéressée par cette pêche spécialisée.

La restriction sur les engins de pêche utilisés vise des objectifs variés. Elle est avant tout destinée à bannir l'usage d'engins de pêche destructifs ou permettant de capturer des poissons trop petits dans les pêcheries commerciales. Elle permet également de réduire le potentiel de capture en restreignant l'usage de techniques de pêche à la ligne ou autres susceptibles d'être trop efficace. Cette mesure réglementaire s'avère en outre souvent nécessaire afin de favoriser la survie des jeunes poissons remis à l'eau lorsqu'une limite de taille est imposée. La restriction sur les méthodes de captures est aussi appliquée dans le but d'offrir des alternatives de pêche spécialisées dans certains plans d'eau; dans quelques ZEC par exemple, on réserve certains lacs à la pêche à la mouche afin de satisfaire certaines catégories d'usagers. Bien qu'ils n'aient aucune relation évidente avec le contrôle de la récolte et la conservation de la ressource, certains règlements restreignant l'usage des méthodes de pêche se fondent plutôt sur les traditions ou l'éthique. Il en est ainsi de l'obligation de la pêche à la mouche pour la capture du saumon, obligation qui découle plus de la tradition anglo-saxonne que de la nécessité de conservation biologique.