• Aucun résultat trouvé

Revue bibliographique

1.4.3 Amélioration de l’adhérence

1.4.3.1 Pré-imprégnation du renfort

En se basant sur ce qui précède, et afin d’obtenir une meilleure performance du composite, il est nécessaire d’assurer un bon transfert des forces entre la matrice et l’ensemble des filaments constituant le fil. Notamment le transfert des forces entre les filaments internes et la matrice. Pour cela, les espaces entre les filaments du fil doivent être remplis en pré-imprégnant le renfort soit par des polymères (polymer coating) ou bien par des charges inorganiques (mineral coating).

a) Pré-imprégnation par polymères

C’est une méthode classique qui a été généralement appliquée afin d’améliorer la perfor-mance des composites à matrice minérale. De nombreuses études ont traité l’effet de la pré-imprégnation de différents types de renforts par polymères sur la performance mécanique et la durabilité du composite [37, 43, 44, 45, 46, 47, 48].

Il a été prouvé que le transfert de contrainte dépend du fait que le renfort soit enrobé ou non de polymères. Par exemple, Kruger et al. [49] et Xu et al. [50] ont déduit, à partir d’essais

Figure 1.18 – Processus de rupture d’un fil de verre enrobé dans une matrice cimentaire lors des différentes étapes d’un essai d’arrachement. Courbes effort-glissement et images FILT des filaments [32]

Figure 1.19 – Courbe effort-déplacement lors d’un essai d’arrachement et images des filaments actifs à différentes étapes de l’essai [42]

d’arrachement à double longueur d’ancrage (figure 1.14.b), que les textiles pré-imprégnés par une résine époxy présentent un effort maximal d’arrachement plus important et une rigidité élevée par rapport aux textiles non-pré-imprégnés. Cela a été montré pour les fibres de carbone, de verre (AR) et d’aramide (figure 1.20.a). L’augmentation de la résistance d’adhérence par

pré-imprégnation du renfort a été confirmée par des images microscopiques de la section transversale du fil enrobé dans la matrice, qui montrent un bon remplissage des espaces entre les filaments (figure 1.20.b). Cela permet d’améliorer l’efficacité des filaments internes qui peuvent alors contribuer à reprendre le chargement transmis par la matrice.

Figure 1.20 – (a) Force d’arrachement par unité de longueur en fonction du glissement des textiles de carbone, aramide et verre AR [50] et (b) Section transversale d’un fil de carbone pré-imprégné [50]

Raupach et al. [46] ont montré, à partir d’essais de traction directe sur TRC, que la capacité portante et la durabilité du composite de verre pré-imprégné par une résine époxy ont été amé-liorées par rapport au composite non pré-imprégné. D’Antino et al. [51] ont également montré une amélioration du comportement en traction des composites TRC constitués de textiles de carbone pré-imprégnés par polymère. Li et Xu [52] ont constaté une meilleure adhérence textile de carbone-matrice cimentaire grâce à l’épandage du sable sur le polymère de pré-imprégnation du textile, qui permet de favoriser un meilleur ancrage mécanique du textile dans la matrice. L’addition des nanoparticules (nano-argiles) au revêtement du polymère a également un effet positif sur la performance du composite en raison du développement des produits d’hydratation à l’interface fil-matrice et donc l’amélioration de la rigidité de l’interface du composite [10].

Cependant, l’utilisation du polymère comme produit de imprégnation des textiles pré-sente deux inconvénients majeurs : (i) la faible adhérence du polymère avec la matrice cimen-taire à cause de leurs caractéristiques chimiques opposées, ce qui entraîne le délaminage du composite, comme c’est illustré sur la figure 1.21 [41] et (ii) la sensibilité du polymère aux températures élevées [53], ce qui pose un problème lors de l’utilisation de ces composites pour renforcer ou réparer les structures de génie civil (vis à vis de l’incendie).

Afin de surmonter ces problèmes, les renforts peuvent être pré-imprégnés par des charges minérales plutôt que des polymères. En effet, les particules minérales sont thermiquement plus stables que les polymères et présentent une bonne liaison avec la matrice cimentaire.

Le paragraphe suivant présente une synthèse des études menées sur l’effet de la pré-imprégnation par charges minérales sur le comportement mécanique des TRC.

Figure 1.21 – Rupture par délamination d’un composite TRC renforcé par un textile de carbone pré-imprégné par une époxy [41]

b) Pré-imprégnation par charges minérales

Récemment, plusieurs auteurs ont étudié l’effet de la pré-imprégnation des renforts de verre et de carbone par des charges minérales sur le comportement mécanique des composites TRC et ont comparé ce type de pré-imprégnation avec la pré-imprégnation par polymères [54, 55, 56, 57, 41, 58, 59]. Dans ces études, la pré-imprégnation du renfort par charges minérales a été faite par voie humide en l’immergeant dans une suspension de particules minérales dans l’eau (rapport de masse 1 :1). Après leur pré-imprégnation (par charges minérales ou polymères), les renforts sont soit immédiatement enrobés par la matrice en les maintenant dans leur état humide (traitement humide), ou bien sont séchés à l’air ambiant pendant une durée de 24 heures avant d’être enrobés dans la matrice de ciment (traitement sec).

Dans le cas d’un renfort en carbone, Nadiv et al. [58] ont réalisé des essais d’arrachement à double longueur d’ancrage sur des fils de carbone non imprégnés (figure 1.14.b), pré-imprégnés par une résine époxy (Epoxy) et par des charges de silices de deux tailles différentes : 0.15 µm(Micro-silica) et 9 nm(nano-silica). Il s’est avéré que les charges de micro-silices sont les plus efficaces en permettant la plus forte augmentation de la résistance d’arrachement et de la ténacité en comparaison avec la résine époxy (figure 1.22). Cela est dû à l’augmentation du degré d’imprégnation (figure 1.23.b) et à la formation des Silicates de Calcium Hydratés (C-S-H) grâce aux réactions pouzzolaniques, ce qui permet d’établir de fortes liaisons entre les filaments du fil d’une part et entre le fil et la matrice qui l’entoure d’autre part. Cependant, les charges de nano-silices ont produit une réduction des propriétés mécaniques à cause de leur agglomération importante qui entraine une segmentation du revêtement (figure 1.23.c) pendant le processus de séchage et par conséquent une faible adhérence fil-matrice.

Figure 1.22 – (a) Force d’arrachement et (b) Ténacité des fils de carbone enrobés dans une matrice cimentaire [58]

Figure 1.23 – Micrographies MEB du fil du carbone : (a) Ref, (b) Micro-silica et (c) Nano-silica [58]

Dvorkin et Peled [41] et Zamir et al. [57] ont mené des essais de traction directe sur des composites TRC renforcés de textile de carbone non pré-imprégnés (REF), pré-imprégnés par des particules de fumés de silice de différentes tailles : 50 nm (NSL) et 200 nm (MSL), pré-imprégnés par deux produits polymère : époxy (EPX) et latex (LTXA) et pré-pré-imprégnés par des nanoparticules d’argile (NCLAY). Les essais ont été réalisés dans le cas de conditions nor-males de durcissement RC (immersion dans l’eau à température ambiante pendant 21 jours) et dans le cas d’un vieillissement accéléré AC (après RC, immersion dans l’eau à une température de 50˚C pendant 21 jours supplémentaires). Les résultats montrent que les composites EPX présentent les meilleures performances mécaniques : résistance à la traction et ténacité (figure 1.24 et figure 1.25) et un bon remplissage des espaces inter-filaments (figure 1.26.c). Cependant, du fait du caractère hydrophobe des polymères, par opposition aux propriétés hydrophiles des matrices de ciment, les polymères présentent une faible adhérence aux matrices cimentaires, ce qui entraine une rupture par délaminage (figure 1.21). En ce qui concerne les composites MSL et NSL, les particules de fumés de silice permettent aussi un bon remplissage du fil (fi-gure 1.26.b), une forte adhérence, sans délaminage, et des propriétés à la traction améliorées, par rapport au composite REF (figure 1.24 et figure 1.25). La faible adhérence entre le textile pré-imprégné par polymères et la matrice cimentaire est confirmée par le grand espacement des fissures du composite EPX (figure 1.25.b). Cependant, les composites contenant des charges minérales présentent des fissurations très denses (figure 1.25.b), expliquées par les réactions pouzzolaniques des charges de fumée de silice avec les hydrates à l’interface, qui améliorent l’adhérence textile-matrice et par conséquent le comportement en traction du composite. Les nanoparticules d’argiles ne présentent aucun intérêt, ce sont des particules inertes qui ne ré-agissent pas avec la matrice cimentaire, elles ne servent ainsi qu’à remplir les espaces entre les filaments, n’apportant aucune amélioration significative de l’adhérence.

Figure 1.24 – Résistance à la traction et (b) Ténacité des composites renforcés de textiles de carbone [41]

Figure 1.25 – (a) Courbes contraintes-déformation pour trois composites : REF ; EPX et MSL et (b) Courbes espacement des fissures (ACS)-déformation pour les trois composites (durcissement normal) [41]

Figure 1.26 – Micrographies MEB de la section transversale d’un composite renforcé de textile de carbone : (a) REF, (b) MSL et (c) EPX [57]

Dans le cas d’un renfort en verre AR, l’influence de la pré-imprégnation a été évaluée expérimentalement par des essais d’arrachement à simple longueur d’ancrage (figure 1.14.c) [56] et des essais de traction directe [54]. Dans ces deux études, le renfort de verre a été pré-imprégné par des charges SFL (microparticules de silices, 200 nm), SFS (nanoparticules de silice, 50 nm), PSP (PolyStyrene Particle form) et SAF (Styrene Acrylic Film-forming). Toutes ces charges à l’exception du SAF présentent une amélioration de l’énergie dissipée (correspondant à la surface sous la courbe contrainte-déformation) par rapport au composite de référence (figure 1.27.a). Dans le cas de conditions normales de durcissement (100% HR à 23˚C pendant 13 jours puis 60% HR à 23˚C pendant 21 jours), seules les charges SFL et PSP permettent une augmentation de la résistance à la traction par rapport au composite non-pré-imprégné (figure 1.27.a). Cependant, les composites chargés de PSP, contrairement aux composites chargés de SFL, présentent un mauvais comportement après un vieillissement accéléré (immersion dans l’eau à 50˚C pendant 21 jours supplémentaires) : réduction de la résistance à la traction de 60% et de l’énergie de 90%. Cela est lié principalement aux attaques chimiques des fils de verre (figure 1.27.b). Cette réduction est plus importante que celle obtenue pour un composite non pré-imprégné. Le composite pré-imprégné avec les charges SAF est celui qui présente les propriétés mécaniques les plus faibles même en comparaison avec le composite de référence à cause de la faible adhérence du film avec la matrice cimentaire. Le composite chargé de SFS, quant à lui, présente une bonne adhérence mais une faible résistance à la traction à cause du développement des microfissures au niveau de l’interface. Ces microfissures peuvent être dues à la petite taille des particules entrainant une matrice dense mais fragile à l’interface. Il a été conclu que les charges SFL offrent au composite le meilleur comportement en maintenant un

mode d’arrachement télescopique avec une ductilité importante et en assurant une protection des filaments internes contre les attaques chimiques, ce qui conserve leur grande résistance mécanique globale.

Figure 1.27 – (a) Résistance à la traction et énergie absorbée des composites renforcés de textiles de verre et (b) Fil de verre enrobé dans une matrice cimentaire après un vieillissement accéléré, montrant une irrégularité de la forme de la section transversale du filament [54]

Notons que ces études ont été basées sur un traitement sec, c.à.d. les textiles pré-imprégnés ont été séchés avant d’être enrobés dans la matrice. Cohen et al. [55] ont comparé l’effet des deux types du traitement (sec et humide) sur le comportement en traction des composites de verre AR pré-imprégnés par les mêmes charges citées dans le paragraphe précédent. Cette étude a montré que le traitement sec permet de garder au sein du fil une proportion plus importante des charges par rapport au traitement humide (figure 1.28). Ce dernier favorise donc la pénétration des hydrates de la matrice à l’intérieur du fil de verre, entrainant la réduction de ses propriétés mécaniques à cause des attaques chimiques par le milieu alcalin de la matrice. Cela a été confirmé par des images MEB de la section transversale du composite de verre pré-imprégné par des charges PSP, qui montrent des sections transversales des filaments ayant une forme ronde dans le cas d’un traitement sec (figure 1.29.b) et une forme irrégulière dans le cas d’un traitement humide (figure 1.29.a). Cela a été aussi observé pour les charges de silices.

Figure 1.29 – Micrographies MEB de la section transversale d’un composite renforcé de textile de verre pré-imprégné par des charges PSP : (a) traitement humide et (b) traitement sec [55]

De toutes ces études, nous pouvons conclure que la pré-imprégnation du renfort par des charges minérales est une voie prometteuse vers l’amélioration de la liaison entre la matrice cimentaire et le fil multi-filament et, par conséquent, la performance mécanique du composite TRC.