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Différentes lois permettant de décrire l'écoulement de l’eau souterraine en milieu poreux ont été évoquées. Toutes les espèces dissoutes vont suivre les mêmes lignes d'écoulement que celles de l'eau souterraine lors de son parcours dans l'aquifère. L’écoulement des eaux souterraines au sein de formations houillères affecte les teneurs en gaz du charbon en faisant migrer les gaz dissous au sein d'une même formation ou en les redistribuant d'une formation à l'autre. Les espèces en solution peuvent être susceptibles d’interagir avec les roches : les réactions d’échanges ioniques, de sorption, de précipitation/dissolution modifient la chimie de l’eau, éventuellement la structure poreuse de la roche, et par là même ses propriétés hydrodynamiques. Au cours de leur migration, il est possible que les espèces gazeuses solubilisées changent de phase si les conditions du milieu le permettent : diminution de pression, augmentation de température, modification de la chimie influencent l’équilibre thermodynamique de solubilité (e.g. Duan et Mao, 2006).

L’ennoyage de formations exploitées induit le remplissage des vides miniers (voies de circulation préférentielle) et la saturation progressive du milieu poreux environnant. Ces vides miniers, les fractures et les pores matriciels peuvent contenir différents gaz. Dans un contexte houiller, les gaz sont généralement caractérisés par une prépondérance du méthane (Clayton, 1998 ; Flores, 1998). La remontée du niveau piézométrique dans les vides miniers peut engendrer une poussée de la phase liquide sur la phase gazeuse (Lagny, 2004 ; Pokryszka, 2005). Par exemple, le remplissage progressif d'un ancien puits non remblayé fera remonter la phase gazeuse vers la surface par effet « piston ». Lors de l’ennoyage des vides miniers, le gaz sera remplacé par l’eau, pour partie dissous et éventuellement piégé si l’eau coupe les connexions existantes et en présence de barrières imperméables. La présence de pièges structuraux ou de barrières imperméables en biseau (onlap) ou bien perpendiculaires au sens de l'écoulement fait ainsi localement augmenter la pression et la teneur en gaz des formations rocheuses. Une telle évolution de la pression a aussi pour conséquence, selon la chimie de l’eau, de favoriser la dissolution des gaz ainsi

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piégés. À ces gaz peuvent s’ajouter les espèces (thermogéniques et/ou biogéniques) transportés par l'eau (Scott, 2002).

En ce qui concerne l’évolution des conditions chimiques, l’interaction eau/roche modifie l’atmosphère des vides miniers et donc les émissions de gaz en surface. Sur le site de Tressange étudié par l'INERIS, dans le bassin ferrifère lorrain, les mesures des teneurs en gaz ont révélé que l'ennoyage est responsable d'un appauvrissement en dioxygène et d'un enrichissement en dioxyde de carbone dans les structures minières. En effet, la présence d'eau dans les formations marneuses du bassin se traduit par une oxydation de la pyrite, qui consomme le dioxygène et entraîne une acidification des eaux qui dissout les carbonates, et ce faisant produit du dioxyde de carbone (Grabowski, 2003).

Les suivis de flux de gaz réalisés sur les bassins miniers de Lorraine, du Nord et du Pas-de-Calais mettent en évidence l’effet de l’ennoyage sur les émissions de gaz en surface. Dans un premier temps, la remontée de l’eau peut engendrer un effet piston, soit l’accroissement de la pression de gaz dans les vides miniers (Pokryszka, 2005) et donc potentiellement d’accélérer le flux de gaz vers la surface via une fracture, une galerie, un puits non remblayés (Krzystolik and Kobiela, 2000). Plus les vides miniers se remplissent d’eau, plus les flux de gaz en surface s’atténuent (bassin ferrifère lorrain) voire s’arrêtent (bassin houiller lorrain), du moins à court terme (Le Gal et Lagny, 2010 ; Lagny, 2011). En effet, la remontée des eaux dans les zones d’exploitation, les galeries ou les puits a pour conséquence de limiter la communication entre réservoirs de gaz et voies d’accès à la surface. Ainsi la pression différentielle (différence entre pression dans la mine et pression atmosphérique) au puits Barrois (bassin houiller de Lorraine, secteur de La Houve, Annexe 3) a-t-elle significativement chuté après l’ennoyage des points les plus hauts de l’exploitation à l’automne 2008, comme montré par la figure 10 (Lagny, 2011). Dans certains cas cependant, les paramètres extérieurs tels que la pression atmosphérique ou la température de l’air demeurent les moteurs d’écoulement de gaz depuis les mines vers la surface, comme dans le bassin ferrifère lorrain : la figure 11 souligne le caractère saisonnier des émissions de dioxyde de carbone en sortie de galerie, avant et après atteinte de la cote de débordement. Notons toutefois que la teneur en dioxyde de carbone, lors des manifestations de flux sortant (été) devient plus faible après l’ennoyage de la mine.

- 50 - Figure 10 : Suivi de la pression différentielle et des teneurs en gaz au puits Barrois, secteur de La Houve,

dans le bassin houiller lorrain. Enregistrement du 13 septembre 2008 au 11 novembre 2008. L’ennoyage des niveaux les plus hauts est signalé par la bande bleue. Source des données : INERIS.

Figure 11 : Evolution de la teneur en dioxyde de carbone et de la température du gaz dans la galerie G6 du

carreau d’Algrange, dans le bassin ferrifère lorrain. Enregistrement d’avril 2006 à novembre 2009. L’arrêt des exhaures date de fin 2005. Source : Le Gal et Lagny, 2010, modifié.

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Des précédents travaux réalisés in situ, il ressort que l’ennoyage résulte en une diminution des émissions de gaz en surface à court terme. Caractériser son effet sur le long terme est l’un des objectifs de la présente étude. Fait souligné par nombre d’études pour partie mentionnées dans la partie 2.3, une augmentation de la pression a pour effet de favoriser la pénétration des gaz dans le réseau de microfractures et micropores propres au charbon et leur adsorption à la surface du charbon. Cela se produit également dans le cas de nappes artésiennes (Scott, 2002 ; Zhou et al., 2005), et il est admis que la probabilité d’émission est négligeable lorsque la puissance d’une nappe exerce une contre-pression suffisante (Pokryszka, 2005). Néanmoins, l’évolution de la teneur en eau du charbon au cours de l’ennoyage possède a priori l’effet inverse, du moins jusqu’à un certain seuil. En outre, les expériences en laboratoire, les mesures in situ et la modélisation ont mis en évidence l'impact de l'ennoyage sur la stabilité des galeries : la remontée de l'eau peut avoir pour effet de fragiliser les structures. Il est possible que cela favorise également la libération des gaz contenus dans les roches, par augmentation de la surface d'émanation et/ou libération de poches de gaz accumulé.

Nous ne pouvons statuer sur la part de méthane désorbé de la surface du charbon puis solubilisé dans les eaux de mines à partir des travaux cités précédemment. Ce pourquoi un dispositif expérimental a été développé afin d’étudier et de quantifier les effets de l’ennoyage sur la capacité du charbon à retenir ou libérer le méthane. Les données acquises seront détaillées et analysées dans les chapitres suivants (3.3, 4). En termes de migration, toute molécule de CH4 solubilisée est soumise à l’écoulement de l’eau au sein

des anciennes structures minières (voies de circulation préférentielle) et du milieu poreux plus ou moins endommagé par les travaux d’excavation. Auquel cas il faut tenir compte notamment de la présence de puits ouverts ou de pompage, des zones exploitées ou fragilisées par l’excavation et constituant des voies de circulation préférentielles. À ce propos, notons qu’une eau chargée en méthane aqueux remontant vers la surface est susceptible de dégazer. Différents modèles numériques ont été développés avec le code de transport HYTEC pour étudier ces possibilités. Nous aborderons plus avant la question de l’influence des voies minières et de la gestion de la remontée des eaux dans la partie du mémoire traitant des travaux de modélisation (5.4.4).

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3. SORPTION DU METHANE SOUS HAUTE PRESSION D’EAU :