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PROTOCOLE EXPERIMENTAL

4.4 D ETERMINATION D ’ UNE CONSTANTE DE SORPTION / DESORPTION

4.5.2 E MISSION DE METHANE DEPUIS LE CHARBON SOUS PRESSION HYDROSTATIQUE

Les différentes expériences ont mis en évidence une libération significative de méthane depuis la surface du charbon sous forte pression d’eau en l’espace de quelques jours. La quantité de méthane solubilisée dépend d’abord, pour un charbon donné (en l’occurrence, celui de la mine de Saar), du traitement appliqué au charbon avant ennoyage et de la pression d’eau auquel il est soumis.

La fraction de méthane libéré depuis les sites de sorption ou la fraction poreuse la moins accessible dépend de la pression d’eau. Une pression plus élevée favorise la pénétration de l’eau dans les pores du charbon broyé, et par voie de conséquence la sollicitation d’une partie du méthane qu’ils contiennent. Les chutes de pression systématiquement observées après une mise en eau révèlent l’importance de l’impact de la pénétration de l’eau dans les grains de charbon (Figure 47), et la nécessité de prendre en compte ce phénomène dans le choix de la pression à imposer. En dépit de la méconnaissance du volume exacte d’eau injectée dans la cellule, les deux équations d’état utilisées pour l’estimation de l’expansion du volume occupé par l’eau ont fourni des résultats cohérents.

- 114 - Figure 47 : Pénétration de l’eau dans les porosités inter et intra granulaire. La pression favorise la

pénétration des pores des grains.

Les effets de la température sont restés un phénomène à surveiller constamment, lors de la phase d’adsorption et après la mise en eau. La corrélation nette entre pression et température dans ces deux étapes du protocole dénote la nécessité de travailler dans une pièce à température constante. D’autre part, les pics de pression et de température sont parfois légèrement décalés. Compte tenu de l’épaisseur des parois de la cellule (2 cm), les pics de pression de méthane sont en retard de tout au plus dix minutes sur les pics de température ambiante, décalage négligeable compte tenu de la période de saturation. Ce décalage peut être plus important une fois la cellule remplie d’eau, la capacité calorifique de l’eau nécessitant davantage d’énergie pour faire varier la température.

Au fur et à mesure du remplissage des pores par l’eau, une surface réactive plus grande entre en contact avec l’eau, et le caractère hydrophile de la surface du charbon croît avec la quantité d’eau introduite (Charrière et Behra, 2010). Ce qui a pour effet de favoriser la libération d’une plus importante quantité de méthane lorsque la pression d’eau augmente. La majeure partie du gaz contenu dans un charbon est contenu dans sa microporosité (Weishauptová et Medek, 1998), et n’est donc sollicitée que lorsque la pression hydrostatique permet une pénétration suffisante de l’eau dans le charbon. En outre, la pression favorise la dissolution du méthane pour une température donnée (Lekvam et Bishnoi, 1997 ; Duan et Mao, 2006). La croissance de la concentration en méthane dissous, d’un palier à l’autre, est nettement fonction de la différence de pression d’un équilibre à l’autre. Une partie du méthane reste néanmoins adsorbée à la surface du charbon dans les conditions de pression et de température de l’étude : tous les micropores ne sont pas forcément accessibles à l’eau et le méthane conserve une certaine affinité avec le charbon. L’émission de méthane depuis le charbon regroupe la libération depuis les pores et depuis les sites. Or, le phénomène qui nous intéresse concerne bien les sites de

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sorption ; il est par conséquent impératif de corriger la concentration à l’équilibre de la participation des pores pour déterminer une constante de réaction correcte.

Le volume poreux pénétré par l’eau à chaque équilibre peut être approché pour chaque équilibre de pression via les équations d’état de l’eau. La participation des pores pénétrés par l’eau à l’équilibre de mise en solution est tout au plus de 19% de la teneur à l’équilibre, même en supposant une solubilisation totale du volume de pores rempli par l’eau au cours de nos expériences. La quantité de méthane dissous lors de l’expansion du volume d’eau dans les pores est d’ailleurs probablement surestimée. La totalité du méthane libre restant à la fin de la phase d’adsorption n’était manifestement pas évacuée par la mise en eau lors de l’expérience A. De la même façon, une fraction de l’hélium servant au balayage peut parfaitement être piégée entre les grains de charbon ou à leur surface lors de l’ennoyage pour les expériences B et C (Figure 47). Ce volume de gaz dissous n’affecte pas le signal du chromatographe, nous ne pouvons donc pas le déterminer. Au cours de la dilatation du volume d’eau, la première fraction de gaz dissous est nécessairement celle qui se trouve entre les grains et à leur surface, puis dans les macropores des grains. Les pores les moins accessibles contiennent du méthane, et sont remplis par l’eau dans un second temps (Figure 48) : le gaz y est comprimé par l’eau et partiellement dissous. Il nous est impossible, avec nos outils actuels de mesure, de différencier la dissolution du gaz de l’espace inter poral (probablement très rapide) de la dissolution du gaz de la matrice poreuse. Il est néanmoins certain que l’eau n’a pas rempli l’intégralité de la porosité, en raison de la taille des pores et de l’affinité préférentielle du méthane pour le charbon, ce qui explique que la majeure partie du méthane initialement adsorbé soit encore contenu dans le charbon, soit respectivement 68 et 85% à la fin des expériences B et C.

Figure 48 : Etat du charbon au moment de la mise en eau et solubilisation du méthane dans le charbon avec

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Dans une mine de charbon abandonnée, avant l’ennoyage, le méthane peut s’être accumulé sous forme gazeuse dans les vides miniers et les zones décomprimées par les travaux d’excavation (e.g. Kirchgessner et al., 2000 ; Pokryszka, 2009 ; Karacan et al., 2011 ; Meihong et al., 2012), et est également présent dans les fractures et la macroporosité du charbon non exploité. Il se trouve sous sa forme adsorbée dans la microporosité et en solution solide dans la matrice du charbon (Weishauptová et Medek, 1998 ; Alexeev et al., 2004). Au sein d’une formation houillère, la teneur en gaz varie avec la perméabilité : les charbons les moins perméables contiennent davantage de gaz (e.g. Kissell, 1972 ; Karacan et al., 2011). La proximité des travaux miniers accentue par ailleurs la perméabilité des veines de charbon, ce qui a pour effet de faciliter la migration des gaz (Kissell, 1972) et donc de modifier les teneurs en gaz du charbon (Bibler et al., 1998 ; Hacquebard, 2002). Le charbon encore présent après la fermeture des mines n’est donc pas nécessairement saturé en méthane.

Avant l’ennoyage, le charbon in situ contient déjà une phase aqueuse, dont nous avons évoqué l’influence sur la relation gaz/charbon dans les parties 2.3.2.3 et 2.3.4. Les expériences réalisées ont démontré qu’une pression d’eau imposée entraîne une pénétration de l’eau dans les pores du charbon. Cette invasion du charbon par l’eau a pour conséquence de solliciter le méthane contenu dans le charbon, dans les pores accessibles à l’eau aux pressions d’équilibre. L’eau dissout (au moins pour partie) le gaz contenu dans les macropores accessibles à l’eau aux pressions d’équilibre et une partie de la phase adsorbée à la surface des pores.

Au cours de l’ennoyage d’une mine, le gaz des vides miniers subit d’abord l’effet « piston » évoqué par Lagny (2004) et Pokryszka (2005). Le méthane piégé sous une formation imperméable sus-jacente au filon de charbon (e.g. Scott, 2002 ; Kędzior, 2009) est susceptible d’être comprimé et dissous en fonction de l’importance de la remontée des eaux. En ce qui concerne le gaz contenu dans le charbon, la remontée de l’eau et par conséquent l’augmentation de la pression hydrostatique entraîne le même phénomène de pénétration de l’eau dans sa structure poreuse que celui observé lors de nos expériences. Les fractures recoupant les filons, qu’elles soient naturelles ou engendrées par l’excavation, facilitent la circulation des fluides dans la formation rocheuse (e.g. Doyle, 2001 ; Charrière, 2009 ; Kędzior, 2009), et sont donc les premières remplies par l’eau après les vides miniers. Le méthane contenu dans ces fractures peut être chassé ou comprimé, et probablement partiellement dissous. Le phénomène de capillarité décrit dans la partie 4.2.2 est sans doute plus progressif lors de l’ennoyage que lors de nos expériences, et ce pour deux raisons : l’ennoyage ne se fait pas par à-coups comme les successives remises en pression de la cellule autoclave, et le charbon n’y est pas aussi finement broyé. L’eau remplit d’abord les fractures liées à l’excavation, puis le réseau de fractures constituant la macroporosité du charbon (Gregg et Sink, 1982 ; Charrière, 2009 ; Gu et Chalaturnyk, 2010), et enfin les pores les plus petits. Ce qui induirait une cinétique de libération du méthane également plus étalée dans le temps. Le taux d’émission de méthane est quant à lui lié à la teneur en gaz du charbon et à la constante de désorption.

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5. TRAVAUX DE MODELISATION

Les expériences de laboratoire ont mis en évidence la possibilité, et même sous l’effet de la pression d’eau, de libérer une quantité significative de méthane depuis le charbon. Une fois solubilisé, sa migration est tributaire de la migration de l’eau à travers les structures minières et le milieu poreux. Les outils de modélisation permettent d’effectuer une approche à long terme de cette migration, en considérant différents paramètres hydrodynamiques.