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Portrait du syndicalisme aux Philippines

CHAPITRE 5 : LES PHILIPPINES

5.4 C ONTEXTE SYNDICAL DES P HILIPPINES

5.4.1 Portrait du syndicalisme aux Philippines

Au cours de l’histoire du mouvement syndical aux Philippines, certaines organisations ont été guidées par des aspirations politiques, comme le communisme ou le nationalisme58. D’autres organisations se voulaient apolitiques et concentraient principalement leur action sur l’amélioration des salaires et des conditions de travail de leurs membres par la négociation, la médiation, l’arbitrage, etc. (Sibal, 2004). Ces différentes approches (politique et apolitique) de l’action syndicale marquent encore aujourd’hui les différences entre les organisations syndicales des Philippines.

Pour l’ensemble des organisations syndicales du pays, les défis provenant du contexte économique, de l’évolution du marché du travail et de la répression et de la violence contribueraient au déclin des effectifs, de l’influence et du pouvoir syndical aux Philippines (voir tableau 13) (Aganon et al., 2009). En effet, alors qu’en 1990 les organisations syndicales comptaient 3 055 091 membres, en décembre 2014, les effectifs syndicaux des Philippines s’élevaient à 1 938 333 membres sur les 41,3 millions de travailleurs du pays.

58 Les organisations syndicales influencées par le communisme cherchaient à réaliser une révolution socialiste, alors que les celles influencées par le nationalisme aspiraient plutôt à obtenir l’indépendance complète des Philippines par rapport aux États-Unis (Sibal, 2004).

Tableau 13 : État du syndicalisme aux Philippines

Indicators 2000 2005 2010 p 2012p

Number of unions 10 296 17 132 17 973 18 428

Number of union members 3 788 304 1 910 166 1 713 590 1 833 481

Number of existing CBAs 2 687 2 793 1 413 1 327

Number of workers covered by CBAs 484 278 556 000 212 054 219 899 Union members as percentage of --

Wage & salary workers 27,2 11,7 8,7 8,5

Total employed 13,8 5,9 4,8 4,9

p preliminary

CBA-collective bargaining agreement

Sources : Philippine Statistics Authority-Bureau of Labor and Employment Statistics Yearbook of Labor Statistics and Current Labor Statistics

*Tableau tiré de IBON (2014).

Certains auteurs (Binghay, 2007; Sibal, 2004) croient que ce contexte est en partie responsable de la diminution importante du nombre de grèves dans la mesure où certains travailleurs préfèreraient la coopération, le dialogue pour se tourner vers les mécanismes institutionnels (ex. : conciliation, arbitrage, etc.) de peur d’être sanctionnés ou congédiés en cas de conflits de travail. Le tableau 14 fait état de l’évolution des grèves et des lock-out aux Philippines pour la période de 1980 à 2013.

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Tableau 14 : Évolution des grèves et des lock-out de 1980 à 2013

Les organisations syndicales des Philippines sont classées sous deux catégories selon qu’elles proviennent du secteur public ou du secteur privé. On retrouve quelque 13 centrales syndicales et 135 fédérations (Danish Trade union Council for International Development Cooperation, 2014). En décembre 2014, le nombre de syndicats formés dans le secteur public s’élevait à 1 824, alors que le secteur privé comptait 16 880 syndicats (Departement of Labor and Employment, 2015). Le tableau 15 suivant dresse un portrait complet du nombre de syndicats et des effectifs syndicaux aux Philippines, selon la région et le secteur.

Tableau 15 : Nombre de syndicats par région et par secteur

*Tableau tiré de Departement of Labor and Employment (2015).

Dans le secteur public, au cours de la période de 2005 à 2014, les effectifs syndicaux ont connu un accroissement de près de 51 %, pour passer de près de 343 000 en 2004 à plus de 518 000 membres en 2014. Dans le secteur public, le niveau de syndicalisation le plus faible était de 12,8 % en 2010, alors que son niveau le plus élevé était à 16,9 % en 2014. La

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figure 12 qui suit expose l’évolution de l’effectif syndical et du taux de syndicalisation de 2005 à 2014.

Figure 12 : Évolution des effectifs syndicaux et du taux de syndicalisation dans le secteur public (2005 à 2014)

Dans le secteur privé, pour la même période (2005-2014), les effectifs syndicaux ont connu une hausse de 16 % pour passer de 1 246 000 à plus de 1 400 000 de membres. Pour sa part, le niveau de syndicalisation le plus faible était de 8,2 % en 2013, alors que son niveau le plus élevé était à 10 % en 2007. La figure 13 dresse le portrait de la situation des effectifs syndicaux et du taux de syndicalisation dans le secteur privé de 2005 à 2014.

Figure 13 : Évolution des effectifs syndicaux et du taux de syndicalisation dans le secteur public (2005 à 2014)

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En décembre 2014, 1 227 conventions collectives étaient en vigueur aux Philippines. La majorité de ces conventions collectives étaient en vigueur dans les institutions gouvernementales et les entreprises privées de la NCR qui, elle, englobe le plus grand nombre de syndicats. Ces conventions collectives couvraient un total de 207 507 travailleurs dans l’ensemble des Philippines. Les Philippines se retrouvent dans un contexte où le nombre de travailleurs syndiqués est supérieur au nombre de travailleurs couverts par une convention collective étant donné le refus de certaines entreprises de reconnaître la légitimité du syndicat et d’entamer un processus de négociation collective. Cette situation démontre l’intolérance à l’endroit des syndicats qui prévaut aux Philippines.

La figure 14 expose la répartition des conventions collectives en vigueur selon la région administrative. La figure 15 fait état, quant à elle, de la répartition des travailleurs couverts par une convention collective selon la région administrative.

Figure 14 : Répartition des conventions collectives selon la région (décembre 2014)

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Figure 15 : Travailleurs couverts par une convention collective selon la région (décembre 2013)

*Figure tirée de Departement of Labor and Employment (2015).

Conséquemment aux défis externes engendrés par le contexte économique, l’évolution du marché du travail et la répression et la violence existante aux Philippines, les organisations syndicales éprouvent des difficultés à syndiquer de nouveaux milieux de travail. Par exemple, les syndicats philippins auraient toujours de la difficulté à organiser les travailleurs des petites et moyennes entreprises, les travailleurs du secteur des services (Anonuevo, 2000). Considérant que la majorité des emplois proviennent des petites et moyennes entreprises et que le secteur du service est en expansion aux Philippines, il s’avère difficile pour les organisations syndicales d’accroître leur présence, notamment dans ces milieux. De plus, les organisations syndicales n’arriveraient pas à étendre la représentation syndicale à d’autres secteurs (ex. : professionnel, col blanc, etc.). Plusieurs d’entre elles confineraient ainsi

toujours leurs actions et leur attention à des enjeux propres à leurs membres (Aganon et al., 2009). Toutefois, pour inverser la tendance et accroître leur présence et leur influence, les organisations syndicales cherchent à élargir leur représentation syndicale en dehors des secteurs traditionnels et à aller vers des groupes comme les travailleurs contractuels, les travailleurs informels et les milieux de travail à prédominance féminine (Aganon et al., 2009). À titre d’exemple, certaines organisations syndicales déploient des efforts pour intégrer les femmes dans les structures syndicales à l’interne. Toutefois, malgré ces efforts la plupart des organisations syndicales laisseraient encore peu de place aux femmes et il serait difficile pour elles d’intégrer pleinement les structures syndicales (Binghay, 2007). Les femmes se retrouveraient alors plus difficilement dans le mouvement syndical et seraient moins portées à se syndiquer, et ce, dans un contexte où la majorité des travailleurs des ZES sont des femmes (Crispin B. Beltran Resource Center Inc. et al., 2011).

Malgré la faiblesse actuelle des organisations syndicales des Philippines et les difficultés auxquelles elles font face, des opportunités de renouveau s’offrent à elles. Le dynamisme de la société civile ayant suivi la chute de Marcos (Quimpo, 2008), propre à la tradition historique de la gauche des Philippines (Tadem, 2012), offre de nouvelles possibilités pour assurer la défense des droits et des intérêts des travailleurs philippins. Plusieurs acteurs de la société civile (ex. : ONG, groupes communautaires, franges progressives de l’Église, etc.) (Binghay, 2007) dirigent leurs actions dans la défense et la promotion des intérêts des travailleurs (ex. : hausse de salaire, accès à l’emploi, etc.) (Tadem, 2012).

Certaines organisations syndicales s’affairent, dont l’OS étudiée, à créer des alliances et des coalitions avec des acteurs de la société civile pour faire exploser leurs enjeux au-delà des milieux de travail. Dans cette perspective, ces alliances se font à la fois aux niveaux local, national et international. Certaines organisations syndicales des Philippines seraient reconnues pour leur implication à l’international afin d’accroître leur capacité d’action et à assurer une meilleure représentation des intérêts des travailleurs (ex. : informations, expertise, etc.) (Anonuevo, 2000). Au final, ces alliances et ces coalitions semblent pouvoir fournir potentiellement des ressources supplémentaires aux organisations syndicales, pouvant contribuer positivement à l’atteinte de leurs objectifs (Aganon et al., 2009). Certaines

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organisations syndicales des Philippines seraient donc au-devant des défis auxquels elles sont confrontées. La création d’alliances et de coalitions avec la société civile paraît exprimer la capacité de ces organisations syndicales à innover pour faire face à ce contexte de transformations économiques, d’évolution du marché du travail et de répression et de violence envers les militants syndicaux existant aux Philippines. Tel est le constat que nous décrirons dans les lignes qui suivent.