• Aucun résultat trouvé

Le nous : une appartenance de classe

CHAPITRE 6 : PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

6.1 L’ IDENTITÉ DE L ’OS ÉTUDIÉE

6.1.1 Le nous : une appartenance de classe

L’OS représente des travailleurs provenant de divers secteurs d’activités économiques (ex. : industrie automobile, minière, hôtellerie, etc.) œuvrant au sein d’entreprises du secteur privé. Toutefois, la construction de l’identité syndicale, le Nous, ne s’arrête pas au milieu de travail syndiqué. En effet, l’OS s’inscrit dans une logique de classe qui oppose les détenteurs des moyens de production à ceux qui vendent leur force de travail. C’est d’ailleurs de cette façon qu’un élu national en poste à l’OS nous a décrit la situation des travailleurs des Philippines :

Qui sont les travailleurs des Philippines ? Ils ne possèdent pas de moyens de production, ils sont alors forcés de vendre leur force de travail aux capitalistes. C’est toujours le cas aujourd’hui, cette dépossession des moyens de production les oblige à vendre leur force de travail (Entrevue 2, intervenant A)59.

L’utilisation constante des termes travailleurs et capitalistes, tant chez les représentants de l’OS, les représentants de ses syndicats affiliés que chez les représentants des organisations alliées (ex. : association étudiante) du syndicat, exprime, cette logique de classe.

59 Who are the Filipino workers? Filipino workers they have no means, they have no means of production, rather

than they’re forced to sell their labour power to the capitalists. And right now, because they have any means of production, they’re forced to sell their labour power (Entrevue 2, intervenant A).

119

Donc, pour l’OS, les travailleurs, quels qu’ils soient, sont dominés et exploités par les capitalistes. C’est pourquoi l’union de l’ensemble des travailleurs de tous les secteurs de la société semble nécessaire pour renverser ce soi-disant état de domination. Un représentant de l’OS avance d’autant plus que cette union doit outrepasser les frontières du pays, d’où l’adoption d’une vision internationaliste de la solidarité des travailleurs :

… nous sommes anti-impérialistes, car nous croyons que, dans le monde, les travailleurs sont exploités par les capitalistes et par la puissance de l’impérialisme. Alors, la force des travailleurs philippins est très importante pour nous. Les syndicats philippins doivent créer des liens pour renforcer les travailleurs du monde entier, les syndicats, etc. (Entrevue 1, intervenant B)60.

Dans cette perspective, le syndicat considère tous les travailleurs, indépendamment de leur secteur d’activité et de leur provenance, comme des alliés. L’identité générée dans un milieu de travail déborde ainsi vers une identité élargie qui inclut les travailleurs de tous les horizons, mais aussi tous ceux qui font face à cet état de domination (ex. : paysans, sans-emploi, étudiants, démunis, indigènes, etc.) pour ainsi former la classe dominée. En effet, nous avons constaté que les syndicats affiliés ne percevaient pas une victoire syndicale sur un lieu de travail comme une finalité à l’action collective, mais bien comme un bagage d’outils et d’expériences qui leur permettrait d’aider d’autres milieux de travail à s’organiser et à améliorer leurs conditions de travail. Pour l’OS étudiée, il s’avère ainsi nécessaire de défendre les intérêts de l’ensemble des travailleurs et de mettre leurs connaissances et leurs expériences au profit de la classe dominée. Les représentants d’un syndicat local affilié à l’OS sont aussi orientés par cette vision :

Ils [élus d’un syndicat local affilié à l’OS] voient pour l’avenir un mouvement ouvrier plus fort et tous sont d’accord que c’est ce qui devrait arriver. De plus, nous voulons tous changer le système pourri qui dirige la société. Ils [élus d’un syndicat local affilié à l’OS] organisent les travailleurs, ils [élus d’un syndicat local affilié à l’OS] forment des syndicats, non seulement pour obtenir de bons salaires, des emplois décents et des avantages sociaux, mais pour que prochainement les autres secteurs ou la population

60 … anti-imperialist because we believe that the whole workers all over the world will be exploited by the

capitalist, and right now under the imperialism power. So very important to us that the strength of Filipino workers, Filipino unions must be linked to the strength of the workers of the world, unions, etcetera, and other solidarity (Entrevue 1, intervenant B).

en général puissent profiter des petites victoires des syndicats pour changer le système pourri de notre société. (Entrevue 4, intervenants A, B, C).61

L’OS cherche ainsi à prendre part à des enjeux qui dépassent les milieux de travail et à s’impliquer dans des débats et enjeux politiques qui vont au-delà de la défense des travailleurs syndiqués. Par exemple, que ce soit pour demander le départ du président du pays, Benigno Aquino III, ou pour défendre le droit au logement des populations pauvres habitant les villes. L’OS prend part activement tant aux débats qu’aux actions de mobilisation autour d’enjeux sociaux et politiques :

Nous croyons que les travailleurs doivent être impliqués dans les enjeux sociaux et politiques. Les travailleurs ne devraient pas confiner leurs luttes seulement au niveau des milieux de travail ou de l’entreprise. Nous devrions sortir de la lutte économique. Nous appelons cela le pain et le beurre des syndicats, car les principales préoccupations sont les bénéfices économiques et les salaires (Entrevue 1, intervenant B)62.

Cette conception élargie du Nous permet à l’OS de s’adjoindre à plusieurs organisations non syndicales (ex. : groupe de femmes, paysans, indigènes, association étudiante, membres du clergé, etc.) et d’entretenir des relations avec d’autres organisations syndicales aux niveaux local, national et international dans le cadre d’enjeux qui outrepassent les milieux de travail. De plus, cette ouverture est remarquée chez certaines des organisations alliées à l’OS. Selon le représentant d’une organisation non syndicale alliée à l’OS, ce serait cette ouverture qui expliquerait pourquoi l’OS serait l’une des seules organisations syndicales avec qui son organisation arrive à coopérer dans le pays :

61 (Entrevue de groupe) They were saying that they look forward to a more powerful or stronger labour

movement in the region, and that it should be that way because they all agree… we have this common point of agreement to change the rotten system of society. They’re organising the workers, they form unions, not just for just wages and decent jobs, not just for benefits but to in the near future, I hope it’s near, so the other sectors or the people in general will benefit from the small victories of these unions in changing the whole rotten system of our society (Entrevue 4, intervenants A, B, C).

62 We believe that workers should participate in the national issues. Workers should not confine their struggle

only plant level or in the company level. We should go out of the… out from the economical struggle. We call it the… the union we call it they’re the bread and butter union ‘cause the primary concern is only economic benefits or wages (Entrevue 1, intervenant B).

121

Ils [les représentants de l’OS] sont plus ouverts, nous travaillons avec eux et nous avons plusieurs positions communes sur plusieurs enjeux (ex. : opposition au travail contractuel) (Entrevue 14, intervenant A)63.

L’OS ne limite pas la défense des droits des travailleurs à ses syndicats locaux affiliés. Par exemple, un représentant national de l’OS fait valoir que son organisation offre son soutien et ses services à des organisations syndicales non affiliées dans le but qu’elles parviennent à syndiquer de nouveaux milieux de travail et à résister aux attaques antisyndicales et aux stratégies d’évitement syndical :

Même s’ils [syndicats locaux non affiliés] n’ont pas de nom de famille, lorsque l’on dit qu’ils n’ont pas de nom de famille, c’est qu’ils sont indépendants. […] Il serait facile pour le management et les militaires de les supprimer. Alors, ils sont soutenus par les organisateurs de l’ [OS] (Entrevue 1, intervenant A)64.

Toutefois, l’OS évite que les entreprises et le gouvernement soient mis au courant de son implication dans la lutte de ces syndicats indépendants afin d’éviter l’accroissement de la résistance de l’entreprise face au syndicat indépendant. Les entreprises seraient plus agressives pour contrer les tentatives de syndicalisation d’un syndicat affilié à l’OS.

En conclusion, comme le résume le tableau 16, le Nous, de l’OS s’inscrit dans une logique de classe et inclut donc les travailleurs de tous les milieux à l’intérieur du pays et hors du pays, ainsi que tous ceux qui composent la classe dominée c’est-à-dire : les paysans, les sans- emploi, les étudiants, les démunis, les indigènes, etc.

63 Because they are more open. We work with them; we have common positions on several issues (Entrevue 14,

intervenant A).

64 Although they don’t have a family name. You know when you say they don’t have a family […] It’s easy for

management and for military to cross them. So it’s service by [OS] organisers but we don’t say that… (Entrevue 1, intervenant A).

Tableau 16 : Synthèse des résultats pour la sous-dimension Nous (Identité VI-1) Sous-dimension Sommaire des résultats

Nous -État de domination imposé aux travailleurs

-Inclusif : large, en fonction de l’appartenance à la classe dominée

-International : inclut les travailleurs à l’intérieur du pays et hors du pays