• Aucun résultat trouvé

La portée socialisante des idées préliminaires au Code civil

PREMIERE PARTIE : Le droit des biens, terre d’élection de la socialisation du droit

Section 2 La portée socialisante des idées préliminaires au Code civil

Le 21 mars 1804 est présenté par les auteurs contemporains comme « la date la plus importante dans l’histoire du droit civil »168

qui se trouve dès lors unifié. Elle consacre, en effet, la réunion en « un seul corps de lois, sous le titre de Code civil des Français » des trente-six textes votés en l’an XI et en l’an XII169. L’œuvre de codification du droit a nécessité des matériaux variés. Elle procure un cadre formel aux dispositions régissant les grandes notions et institutions du droit privé. Toutefois, la période précédant sa naissance est aussi féconde sur un plan intellectuel170. Elle offre l’occasion de découvrir un environnement politique et idéologique particulier. Le Code s’est construit dans un contexte d’ouverture aux idées sociales et aux réalités concrètes du droit. Les discours annonçant son adoption, justifiant ses thèmes principaux, et précisant la raison d’être de ses règles sont fondamentaux pour sonder l’esprit qui l’anime.

Il y a, à la base-même du projet de Code civil, l’empreinte d’idées socialisantes. L’un des thèmes majeurs de la pensée post-thermidorienne est, en effet, de considérer le droit privé comme un lieu de restauration du lien social. On conçoit également la propriété privée comme un remède au délitement des relations individuelles que connait la période qui suit

168 WEILL (A.) et TERRE (F.), Introduction générale, Paris, Dalloz, coll. « Précis », 4ème éd., 1979, p. 88.

169

V. sur ce point : HALPERIN (J.-L.), Le Code civil, Paris, Dalloz, coll. « Connaissance du droit », 2ème éd., 2003, p. 3 et s.

170 V. not. EWALD (F.) (dir.), Naissance du Code civil. An VIII – An XII – 1800 – 1804, Paris, Flammarion, 1989.

59

la Révolution. Le Code qui est un instrument d’administration de la conduite des relations entre individus poursuit donc par son objet (§ 1) une mission de socialisation. On découvre aussi dans les idées qui précèdent son arrivée une rhétorique qui s’attache à exprimer la nécessité d’une socialisation du droit des biens, lequel constitue, en réalité l’axe central du Code civil (§ 2).

§ 1. L’objet du Code

Dans l’esprit de ses concepteurs, le Code civil révèle, à plusieurs égards, des considérations relatives à l’idée de socialisation. Les ambitions qui le soutiennent et l’objet qu’il poursuit portent à considérer les liens qu’il entretient avec les différents états que l’on attache au terme socialisation. Le Code civil résulte, en premier lieu, d’une volonté d’unification et de « nationalisation » du droit privé français. Cette entreprise s’inscrit dans le désir de rompre avec le pluralisme juridique et l’extrême complexité qui caractérisaient l’Ancien droit. Cette synthèse entreprise sous l’impulsion de l’Empereur répond à l’impératif d’acculturer le droit civil et de le rendre conforme aux nouvelles réalités concrètes. C’est donc une œuvre de socialisation du droit puisqu’elle vise à « classer, trier, choisir, simplifier, unifier les diverses sources de Droit, sans cesser pour autant d’adapter les règles aux besoins nouveaux »171

. Le Code civil apparaît aussi comme une tentative pour concilier droit et Révolution. C’est un certain souci de modération qui a guidé l’élaboration de ses dispositions et porté ses instigateurs a fédéré droit écrit et coutume172. Le Code est le produit d’influences diverses. L’ensemble réalise un

171 ARNAUD (A.-J.), Les origines doctrinales du Code civil français, Préf. M. VILLEY, Paris, LGDJ, 1969, coll. « Bibliothèque de philosophie du droit », vol. IX , p. 6 ; L’auteur ajoute que l’élaboration du Code civil annonce « l’adoption d’une méthode logique d’exposition et l’option pour des règles conformes aux besoins du temps », Ibid., p. 8.

172 V. sur ce point : JEAN (J.-P.) et ROYER (J.-P.), « Le droit civil, de la volonté politique à la demande sociale – Essai d’évaluation sur deux siècles », Pouvoirs, n° 107, Le Code civil, nov. 2003, p. 127 et s.

60

compromis entre l’idéologie juridique reçue de l’Ecole du droit naturel moderne représentée par Domat et Pothier et l’empreinte des idées héritées des conquêtes juridiques de la Révolution de 1789173. Il apparaît comme l’aboutissement du programme philosophique des Lumières et de la Révolution. C’est une œuvre de rationalisation et de systématisation du droit civil mais il faut trouver, au-delà, dans l’idéologie juridique défendue par ses rédacteurs la marque d’un certain empirisme174

. Le projet législatif semble porté par un réalisme sociologique qui invite à observer le milieu d’où sont censées sortir les normes. Les auteurs se montrent assez favorables à l’idée d’élaborer un nombre limité de lois bien faites, susceptibles d’évoluer au regard de réalités nouvelles175. La démarche doit permettre le progrès et les ajustements raisonnables en matière de législation. Cette nécessaire soumission des lois civiles doit conduire à moraliser et socialiser le droit.

L’analyse des fondements du Code civil conduit à aborder des lieux de discussion foncièrement perméables et complémentaires. L’étude doit être affranchie de toute logique de spécialisation ou de cloisonnement. Elle se situe, comme l’indique J.- F. Niort, « au carrefour du droit, des idées juridiques et de leur histoire, ainsi que de l’histoire politique et de l’histoire des idées »176

. Le moment de la codification du droit civil français constitue donc, naturellement, un espace qui mêle des considérations de nature juridique et

173

Pour davantage de précisions cf. : NIORT (J.-F.), Homo civilis – Contribution à l’histoire du Code civil français, Préf. J.-L. HALPERIN, Aix-en-Provence, PUAM, 2004, t. I, pp. 104-105.

174 Ibid., p. 105.

175 « Le législateur (…) ne doit point perdre de vue que les lois sont faites pour les hommes, non les hommes pour les lois ; qu’elles doivent être adaptées au caractère, aux habitudes, à la situation du peuple pour lequel elles sont faites ; qu’il faut être sobre de nouveautés en matière de législation, parce que s’il est possible, dans une institution nouvelle, de calculer les avantages que la théorie nous offre, il ne l’est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir » : PORTALIS (J.-E.-M.), « Discours préliminaire sur le projet de Code civil », in Jean-Etienne-Marie Portalis – Ecrits et discours juridiques et politiques », Marseille, PUAM, 1988, pp. 23-24.

176

NIORT (J.-F.), Homo civilis – Contribution à l’histoire du Code civil français , op. cit., p. 25 ; L’auteur poursuit en indiquant qu’en raison de cet entrelacement et de « l’ambivalence même du Code civil à cet égard, (…) on se condamne à l’imperfection dans chacun de ces domaines pris respectivement et séparément ».

61

sociale voire sociologique177. Certains auteurs ont déjà consacré d’importantes analyses aux fondements idéologiques et aux origines doctrinales Code178. Nous développons l’ambition plus modeste de découvrir, à travers les sources qu’ils exposent, que le droit civil tel que le conçoivent les principaux ouvriers179 du Code civil cultive des « vertus socialisantes » présentées comme « cruciales »180.

L’idée de poser les bases du droit privé moderne est un projet éminemment politique. L’ambition d’organiser le droit civil confère au Code l’allure d’un objet politique. Au terme d’une analyse anthropologique de la constitution du droit civil, Jean François Niort a démontré que toute tentative pour « autonomiser » le droit civil et plus généralement le droit privé de la sphère politique est vaine181. Le Code est un objet au service de l’administration de la société. Naturellement, il se place « sous la tutelle des lois

177 Il faut, en effet, repérer, comme un trait constant, l’ « autonomie relative [du système juridique] à l’égard du social » ainsi que son irréductible « articulation à la vie sociale » : VAN DE KERCHOVE (M.) et OST (F.), Le système juridique entre ordre et désordre, Paris, PUF, coll. « Les voies du droit », 1ère éd., 1988, p. 176.

178 V. not. : ARNAUD (A.-J.), Les origines doctrinales du Code civil français, op. cit. ; MARTIN (X.), Mythologie du Code Napoléon – Aux soubassements de la France moderne, Brouère, Dominique Martin Morin, coll. « L’homme des droits de l’homme », vol. 2, 2003 ; Retour sur un itinéraire – Du Code Napoléon au siècle des Lumières, Brouère, Dominique Martin Morin, coll. « L’homme des droits de l’homme », vol. 6, 2010 ; GAUVARD (C.) (dir.), Les penseurs du Code civil, Paris, La Documentation française, coll. « Histoire de la justice », n° 19, 2009 ; NIORT (J.-F.), Homo civilis…, op. cit.

179

Dans cette perspective, c’est moins à l’édifice qu’aux idées qui l’ont servi qu’il faut s’intéresser. Par conséquent, « c’est moins le genre des matériaux employés que l’intention des ouvriers » qu’il faut analyser : ARNAUD (A.-J.), Les origines doctrinales du Code civil français, op. cit, p. 93. En effet, figée, l’œuvre de 1804 ne livre pas immédiatement la trame théorique, socialisante qui anime l’esprit du Code. Il faut concevoir qu’une organisation sociale est une chose beaucoup trop complexe pour qu’elle puisse tenir dans le cerveau du législateur du moment, ni se trouver jamais dans une construction logique » : VILLEY (M.), Leçons d’histoire de la philosophie du droit, Paris, Dalloz, Coll. « Philosophie du droit », 2ème éd., 1962, p. 17.

180

V. sur ce point : MARTIN (X.), Mythologie du Code Napoléon …, op. cit., p. 422.

181 « Le droit « civil » n’est pas le droit « naturel » et surtout pas le droit du plus fort au sens des sophistes ou de Sade. Le droit civil rend sociable, ou en tout cas témoigne de la civilité et de la civilisation : il est inséparable d’une certaine anthropologie politique. Mais, en même temps, le droit civil est celui d’une cité, d’un corps politique souverain qui se donne ses lois, et constitue un état de relation juridique entre ses membres. Le droit civil est celui d’un état civil ; il implique l’existence d’un espace politique. Il est donc inséparable d’une certaine (mais pas unique) philosophie politique » : NIORT (J.-F.), Homo civilis …, op. cit., p. 18.

62

politiques. Il doit leur être assorti »182. Son élaboration est également l’occasion de réintroduire les thèmes et les propos de Montesquieu pour qui, « [les lois politiques et civiles] se rapportent à la nature et au principe du gouvernement qui est établi, soit qu’elles le fondent comme les lois politiques, soit qu’elles le maintiennent, comme les lois civiles »183.

En réalité le dessein politique qui soutient et anime l’œuvre de codification est de refonder le lien social entre les individus. X. Martin a dressé un sombre panorama des rapports sociaux de la période post-révolutionnaire. La France connait pendant cette période un désordre contractuel sans précédent. Il identifie, parmi les causes de cette dégradation révolutionnaire du lien social, une inflation monétaire d’une particulière gravité, le saccage pathologique du marché des immeubles et une importante fluctuation des solvabilités184. Le thème de la rénovation sociale est donc au centre des préoccupations des rédacteurs du Code civil. L’élaboration d’un corps organisé de lois civiles est censée mettre un terme à l’ « anarchique état de nature, où les relations entre individus sont sinon abolies, du moins affectés de graves corrosions »185. Il convient de concevoir que la « grande et croissante angoisse », qu’abrite le Code civil est de « reconstituer un tissu social indestructible »186. Il faut, en effet, travailler par l’éducation et la propagande au rétablissement des liens interindividuels.

Dans cette entreprise, le droit civil, de par sa nature, semble désigné pour offrir ses services. Il s’insinue, tel que le décrit X. Martin187, à la jointure des relations

182 PORTALIS, « Discours préliminaire… », préc., p. 32.

183 MONTESQUIEU, cité par NIORT (J.-F.), op. cit., p. 132.

184 MARTIN (X.), Mythologie du Code Napoléon …, op. cit., p. 422.

185

Ibid.

186 MARTIN (X.), « L’individualisme libéral en France autour de 1800 : essai de spectroscopie », Rev. d’histoire des Facultés de droit et de la science juridique, 1987, p. 99.

187

63

interindividuelles, dans la perspective d’assurer la conservation de la société. L’office du droit civil est, en effet, d’organiser, sous la tutelle des institutions privées, les rapports entre individus. Il apparaît donc que le Code civil doit constituer le cadre de référence pour les relations privées ordinaires entre les individus188. Le Code ressortit au domaine civil. C’est ce qui lui confère sa puissance socialisante. C’est l’objet même du Code qui lui imprime sa portée sociale. Jean-François Niort a mis en évidence cette relation. Selon lui, il faut saisir « l’intimité des liens unissant l’acception juridique et l’acception sociale du « civil » de la « civilisation » et relever « cette nuance adoucissante, euphémisante, sociabilisante et socialisante, toujours sous-entendue par ces termes »189.

Le pouvoir socialisant que l’on attribue à l’œuvre de 1804 est évoqué par Portalis190

qui présente le Code comme « un corps de lois destinées à diriger et à fixer les relations de sociabilité, de famille et d’intérêts qu’ont entre eux des hommes qui appartiennent à la même cité »191. Pour l’auteur, le développement du droit civil est dépendant du degré de civilisation de la nation. Corrélativement, le droit civil est celui du monde civilisé moderne. « A quoi reconnaît-on, écrit-il encore, qu’un peuple se civilise et se polit ? A la manière modérée et aimable avec laquelle les individus qui le composent vivent ensemble : car la civilisation se manifeste bien plus dans les rapports qui s’établissent d’homme à homme, que dans les rapports du citoyen à l’Etat »192

.

188 JEAN (J.-P.) et ROYER (J.-P.), « Le droit civil, de la volonté politique à la demande sociale – Essai d’évaluation sur deux siècles », Pouvoirs, n° 107, Le Code civil, nov. 2003, p. 127.

189

NIORT (J.-F.), Homo civilis …, op. cit., p. 17 ; c’est nous qui soulignons dans le texte.

190 PORTALIS, connu pour avoir été l’un des rédacteurs emblématiques du Code civil sera largement repris dans la suite de nos développements. Il est, en effet, régulièrement signalé « un des acteurs et auteurs les plus importants, sinon le plus important, le plus représentatif (…), de l’histoire politique du droit et du Code civils français » : Ibid., p. 18.

191 PORTALIS (J.-E.-M.), Discours de présentation du Code civil prononcé le 3 frimaire an X.

192 PORTALIS (J.-E.-M.), De l’usage et de l’abus de l’esprit philosophique durant le dix-huitième siècle, t. II, Paris, Moutardier et Balland, 2ème éd., 1827, p. 501 ; L’auteur ajoute : « Dans toute société naissante, les rapports politiques précédent les rapports civils. D’abord tout est droit public. Chacun s’est hâté de se réfugier dans un intérêt commun pour mettre enfin un terme aux violences particulières auxquelles il se trouvait exposé. (…). Les membres de l’association, vivant en fédérés plutôt qu’en compatriotes, sont plutôt rapprochés par quelques conventions générales que par leurs ou par leur sentiment (…) ; ils sont plutôt

64

La dimension sociale du droit privé et les vertus socialisantes qu’affiche le Code civil apparaissent explicitement dans le discours des concepteurs du Code et dans les propos qui en accompagnent la réception. Dans une étude qu’il consacre à l’Histoire du Consulat

et de l’Empire, Thiers met également en relief cet aspect. Il affirme, en effet, que le Code

civil est « le premier, le plus général, le plus important de tous les codes »193. Il loue la qualité de l’ouvrage qu’il juge destiné à « rendre immuables les lois qui constituent l’ordre social et la morale et les soustraire aux variations particulières »194. Il qualifie donc l’édifice de « chef d’œuvre de législation »195

. Rejetant les critiques formulées au Tribunat à l’encontre du titre préliminaire196

, l’auteur développe des propos qui participent à la sacralisation du Code civil. Le Code a incontestablement une portée sociale et politique. C’est dans cette perspective que Thiers suggère de l’appeler « le code social », dans la mesure où il figure « la meilleure forme de l’état social »197. Cette philosophie imprègne largement le droit des biens qui en constitue une colonne maîtresse.

exempts de vices qu’ils ne pratiquent des vertus ; ils ont des coutumes, ils n’ont point encore de mœurs. Les mœurs ne naissent que lorsque le cœur s’étend avec les communications qui les développent ; lorsque les liens de la parenté, de l’amitié, du bon voisinage, commencent à multiplier les communications (…) ; lorsque la hiérarchie sociale se forme, et qu’à chaque instant de nouveaux rapports produisent de nouveaux devoirs et de nouveaux droits. Alors (…) les citoyens, moins occupés de leur perfection et de leur sûreté, le sont davantage de leur bonheur. Comme on est moins inquiet sur le bien commun que l’on apprend à ne pas séparer du bien de chaque individu, on sent plus le besoin du droit privé que du droit public. Les lois particulières qui règlent les actions se multiplient ; tout reçoit une nouvelle forme ; des principes plus modérés circulent dans les familles et dans la société générale ; les passions sont mieux réglées, les volontés moins impétueuses ».

193 THIERS (A.), Histoire du Consulat et de l’Empire faisant suite à l’histoire de la Révolution française, t. III, Paris, Paulin, 1845, p. 347.

194

Ibid.

195 Ibid., p. 344.

196« Ces critiques étaient donc aussi vaines que ridicules » assène l’auteur : Ibid., p. 349.

197

65 § 2. Le droit des biens, axe central du Code

La centralité du droit des biens tient d’abord à la part des dispositions qui sont dédiées dans le Code civil aux biens, aux modifications de la propriété ainsi qu’aux différentes manières dont on l’acquiert. L’ouvrage consacre, au terme de ses livres II et III, plus de trois-quarts des règles qu’il contient aux biens. Outre ces considérations d’ordre quantitatif, l’importance de la discipline se manifeste à travers les commentaires doctrinaux qui s’attachent à célébrer les vertus socialisantes de la propriété individuelle (A). Cet intérêt que les auteurs portent au propriétaire foncier a parfois conduit à affirmer que le Code civil pouvait être qualifié de bréviaire des propriétaires. Néanmoins, dans les propos liminaires des rédacteurs, l’homme propriétaire n’est pas pour autant présenté comme un monarque en son domaine. L’ambition des concepteurs du Code est de poser, en raison de considérations sociales, des limites au pouvoir du propriétaire dans l’exercice de son droit. On découvre donc dans les développements qui accompagnent l’arrivée du Code civil français des idées relatives à la socialisation du droit des biens (B.).

A. Le primat de la propriété individuelle

Dans les discours des auteurs qui annoncent l’adoption du Code civil on découvre une certaine exaltation de la propriété individuelle. Le texte le plus fréquemment évoqué est celui de Portalis développant, devant le corps législatif, les motifs du livre II, titre II du Code civil sur la propriété. On trouve également dans le Discours préliminaire présenté par Portalis de longs passages dédiés aux biens. Ces différentes sources révèlent la faveur à l’égard de la propriété de ceux qui ont contribué à l’œuvre législative. Elle est la colonne

66 maîtresse de l’édifice de 1804198

. Elle est également la pièce centrale du nouvel ordre social. Portalis assure sa promotion en affirmant que la propriété est « comme l’âme universelle de toute la législation »199. Il indique encore que « le corps entier du Code civil est consacré à définir tout ce qui peut tenir à l’exercice du droit de propriété, droit fondamental sur lequel toutes les institutions sociales reposent, et qui, pour chaque individu est aussi précieux que la vie même, puisqu’il lui assure les moyens de la conserver »200. C’est toutefois la propriété individuelle que les concepteurs du Code civil s’attachent à défendre. Elle seule peut permettre le retour à une théorie plus saine201

contre les « fausses doctrines »202 qui ont affecté le thème de la propriété. Le principe de la propriété privée est, selon Portalis, « dans la constitution même de notre être, et dans nos différentes relations avec les objets qui nous environnent »203. Il demeure d’ailleurs convaincu « qu’il y a des propriétaires depuis qu’il y a des hommes »204.

198

« La plus grande partie des articles du Code, soit 1766 sur 2281, sont consacrés au droit des biens. Les livres II et III, en leur entier, portent sur la propriété (…). Politiquement parlant, ils en sont le cœur auquel viennent se greffer toutes les autres dispositions, y compris celles que contient le livre I sur le droit des personnes. Portalis peut bien dire, dans le Discours préliminaire, que la famille constitue l’une des « deux grandes bases » d’un corps de lois destiné à « diriger et à fixer les liens de sociabilité ». Il s’avère que la propriété est « la seule véritable base du nouvel édifice qui en assure la cohérence et la constitue en un