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Les origines lointaines et sociales du droit des biens

PREMIERE PARTIE : Le droit des biens, terre d’élection de la socialisation du droit

Section 1 Les origines lointaines et sociales du droit des biens

Dans les manuels qui s’attachent à retracer l’histoire du droit des biens84, les développements montrent l’attraction immédiate exercée par le concept de propriété. C’est souvent aux évolutions significatives que connaît la notion qu’ils renvoient. Il faut dire que le terme de propriété couvre un spectre assez étendu puisqu’ « il est utilisé dans le vocabulaire courant, y compris pour désigner les biens objets de propriété »85. La notion affiche donc une certaine capacité à offrir un angle relativement général à l’étude. Dans une large mesure, l’histoire du droit des biens se confond avec celle de la propriété. Si l’on suit l’évolution de ses formes, de ses supports ou, plus globalement, du droit dont elle forme la substance, on constate que la thématique de la propriété constitue un chantier juridique ouvert aux changements les plus variés. L’histoire de la propriété86 est marquée, ponctuellement, par l’affirmation puis par le recul de l’individualisme. Dans une mesure équivalente, elle laisse observer la multiplication des signes liés à l’émergence du

84 V. not. : OURLIAC (P.) et DE MALAFOSSE (J.), Histoire du droit privé, t. 2, Les biens, Paris, PUF, coll. « Thémis », 1ère éd., 1961 ; PATAULT (A.-M.), Introduction historique au droit des biens, Paris, PUF, 1989 ; HALPERIN (J.-L.), Histoire du droit des biens, Paris, Economica, coll. « Histoire du droit », 2008 ; RENAUT (M.-H.), Histoire du droit privé : personnes et biens, Paris, Ellipses, coll. « Mise au point », 2008.

85 HALPERIN (J.-L.), Histoire du droit des biens, op. cit., p. 2.

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Nous nous intéresserons, dans cette présente étude, exclusivement à l’histoire des modes de propriété en Occident.

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collectif. Elle révèle finalement une diversité constante des types de propriété et des

limites posées à celle-ci. Une vue rétrospective sur la propriété paraît suggérer une attache constante du droit des biens avec l’hypothèse de la socialisation du droit. Il faut alors relever la valeur scientifique d’une analyse centrée sur la propriété puis sur le droit de propriété : « non seulement il a son histoire, mais il est histoire »87.

Le thème de la propriété amène, pour arriver jusqu’aux conceptions actuelles, à évaluer différents états et à distinguer différentes époques considérées comme imprégnées d’une certaine idéologie sociale. Si l’on envisage le traitement de la question de la propriété, deux points paraissent marquants : le droit romain (§ 1) et le droit féodal (§ 2)88. L’étude de ces deux périodes permet de fournir les éléments nécessaires à la compréhension de la conception contemporaine de la propriété (§ 3).

§ 1. Le traitement de la question de la propriété par le droit romain

L’étude historique dévoile plusieurs étapes au terme desquelles on constate certaines évolutions significatives d’une socialisation du droit des biens. Elles correspondent à certaines périodes de Civilisation. Pour Rome, il est possible de distinguer, dans les règles et dans la science du droit : une période archaïque qui s’étend de la royauté jusqu’aux débuts de la République ou, jusqu’au IIIème siècle avant J.-C., une période classique qui trouve approximativement son terme au IIIème siècle après J.-C. et une période post-classique qui couvre l’intervalle qui va de l’Antiquité tardive jusqu’aux compilations de

87 Ibid.

88 Nos développements historiques n’ont pas de prétention à l’exhaustivité. Ils visent plus généralement à découvrir, à travers certaines pratiques et certaines dispositions que le droit romain et le droit féodal des biens offrent déjà une présentation socialisée de l’institution de la propriété. Les traits les plus significatifs de chacun des systèmes seront donc évoqués en ce qu’ils mettent en relief l’orientation sociale du droit des biens.

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Justinien. Même si chacune de ces époques renvoie à un contexte différent, il est possible d’y découvrir, à travers la conception de la propriété qui est à l’œuvre, des signes d’une sensibilité aux considérations d’ordre social. Alors que l’ancien droit romain (A) connait essentiellement la propriété familiale, l’époque classique (B) consacre et assoit le principe de la propriété individuelle. Au Bas-Empire (C), on découvre la fonction sociale de la propriété.

A. La propriété dans l’ancien droit romain

La loi des XII Tables (450 avant J.-C.), qui constitue le premier corpus de lois romaines écrites, organise la synthèse entre deux modèles d’appropriation. Elle agence la superposition d’une propriété collective exercée par la gens et d’une propriété privée détenue par le chef de famille89. En ce qui concerne la période archaïque, le droit des biens n’a pas encore acquis une réelle autonomie. L’absence de distance conceptuelle entre son domaine propre et celui que doit recouvrir le droit des personnes conduit à considérer cette propriété individuelle davantage comme une puissance90, qui s’exercerait dans une mesure commune aussi bien sur les êtres humains que sur les bêtes de somme ou de trait91. Cette confusion n’installe que plus profondément l’omnipotence et la souveraineté du pater sur les membres de l’entité familiale ou sur les biens que tient la gens. Néanmoins, cette autorité a ses limites. Elle connaît premièrement les bornes que lui assignent les rites sacrés et celles que prescrit la vie en société.

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V. sur ce point : OURLIAC (P.) et DE MALAFOSSE (J.), Histoire du droit privé, op. cit., n° 33, pp. 62-63.

90 Ibid., n° 34.

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A ce titre, la loi des XII Tables, souvent présentée comme la « source légale la plus ancienne du contenu du droit de propriété »92, règlemente les rapports de voisinage. Ce texte est le premier qui soit officiellement venu proposer un cadre pour l’exercice du droit de propriété. Il n’est toutefois pas certain que les contours qu’il lui apporte doivent être annoncés comme les manifestations de la volonté du « législateur » antique de restreindre les prérogatives du propriétaire. Admettre les mesures qu’il contient comme des limitations à l’exercice du droit de propriété relève de l’anticipation voire de l’anachronisme. L’entreprise amène nécessairement à présupposer l’existence de données, qui en l’état actuel des sources ne sont pas définitivement établies. Comme l’indique A.-M. Patault, c’est considérer, « d’abord que le droit de propriété pré-existe aux XII Tables, ensuite que ce droit donne à son titulaire tous les attributs de la souveraineté, avec pour seules limites la force du propriétaire-souverain voisin »93. Les différentes règles que contient la loi des XII tables, méritent davantage d’être analysées comme posant les bases et les principes élémentaires d’une société ordonnée, où l’on aurait déjà saisi l’importance des questions relatives à la propriété et où l’on aurait « cherché à conforter le droit en le précisant, plutôt qu’à la réduire »94

. Cet examen ne disqualifie pas l’hypothèse d’une socialisation de la propriété dans la mesure où le législateur cherche à assurer la coexistence des droits des propriétaires détenant des prérogatives identiques.

C’est dans cette perspective que la loi des XII Tables impose, notamment, au propriétaire d’un fonds rural de supporter que l’arbre du voisin surplombe son terrain mais il a, en contrepartie, la faculté d’exiger l’élagage des branches situées à moins de quinze pieds95

. Elle l’oblige également à laisser le voisin pénétrer chez lui pour cueillir ou ramasser les

92 PATAULT (A.-M.), « Réflexions sur les limitations au droit de propriété à Rome jusqu’à la fin de la République », Revue Historique de Droit français et étranger, 1977, p. 241.

93

Ibid.

94 Ibid.

95 XII Tables, 7, 10, D., 43, 27, De arb. Caed., 1, 7, in Textes de droit romain publiés et annotés par P. F. Girard, Paris, A. Rousseau, 6ème éd., 1937.

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fruits venant de son fonds ou tombés de ses plantations96 ainsi qu’à subir l’écoulement des eaux de pluie venant de la propriété voisine et à ne pas entreprendre de travaux pour en modifier la pente si cette entreprise est susceptible de nuire au voisin97.

Dans un intérêt plus général, la loi intervient pour fixer les droits du propriétaire sur une poutre ou une perche lui appartenant lorsque celle-ci a été incorporée à l’édifice d’un autre : il lui est alors interdit d’arracher l’élément, de la maison ou de la vigne qu’il soutient. Elle pose encore les principes qui doivent précéder et accompagner toute activité de construction ou de labourage : le propriétaire doit marquer à la limite de son fonds un espace qu’il laissera libre, l’ambitus98

. La mesure qui lui est attachée varie selon les sources auxquelles on se réfère. Deux conceptions sont admises. Il est possible, en effet, de concevoir d’abord que la distance de deux pieds et demi que permet d’envisager la loi des XII Tables est la largeur qui inclut et totalise les deux bandes à réserver autour de propriétés contiguës ou, à l’inverse, d’imager que cet ambitus est l’écart qui cerne chaque édifice, l’intervalle entre deux maisons romaines s’élevant alors à cinq pieds. Il semble parfois délicat d’arbitrer entre ces thèses. Pourtant, le débat n’est pas sans enjeux pratiques et théoriques puisque, pour la période avancée, l’ambitus détermine l’ampleur et l’étendue de la propriété, il fixe l’emplacement dans lequel il est permis d’exercer ses droits sur un bien. Cette analyse autorise à penser qu’une atteinte est portée au droit de propriété et que ce dernier est restreint dans un but d’intérêt social, celui de ménager un passage entre deux constructions voisines. Le propriétaire, dans cette logique, est limité dans sa liberté d’utiliser et de profiter de l’intégralité de son bien. Pour d’autres, ces mesures n’auraient pour fin que d’assurer l’individualisation, la distinction des parcelles et l’indépendance de leur propriétaire.

96 XII Tables, 7, 10. D., 43, 28, De gland. Leg., 1, in Textes…, op. cit.

97 XII Tables, 7, 8. D., 39, 3, De aqua et aquae pluviae arcendae, in Textes…, op.cit.

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Contre l’analyse qui porte à considérer que l’ambitus consacre la possibilité d’une intrusion sur le terrain du propriétaire ou la négation de son droit, il apparaît que l’examen des ambitions des décemvirs, invite en réalité à concevoir que ces différentes dispositions ont été « prises ou confirmées […] en faveur du droit de propriété »99. Il s’agit finalement, comme le rappellent les auteurs contemporains, de « préciser les conséquences concrètes du droit de propriété »100 et d’en « définir les règles d’organisation interne »101. L’entreprise est, en tout état de cause, essentiellement sociale. Ainsi que le souligne A.-M. Patault, « parmi tous les attributs possibles de la propriété, le législateur fait un choix, en fonction de considérations politiques ou économiques. En précisant, à propos de problèmes particuliers, le pouvoir que la Cité garantit à chaque propriétaire, les décemvirs organisent le droit pour en permettre le meilleur exercice par tous »102. L’auteur insiste longuement sur la portée socialisante des règles qui régissent l’exercice de la propriété. « Avant les XII Tables, précise-t-elle, le propriétaire A devait subir l’ombre de l’arbre du voisin B ; après les XII Tables, il peut obtenir l’élagage de cet arbre. En revanche, le voisin B pouvait, avant les XII Tables, avoir en limite de son champ des arbres touffus et hauts ; désormais il peut-être contraint de les couper. Il est bien évident que selon le propriétaire de référence, on peut voir dans la mesure une extension ou une restriction des pouvoirs de ce propriétaire. Mais si l’on se place du point de vue général de la propriété, on constate que celle-ci n’est pas perdante – puisque ce qui est retiré à l’un est donné à l’autre – et qu’elle est au contraire bénéficiaire puisque le législateur garantit désormais certaines de ses prérogatives à tous ses titulaires »103.

99 PATAULT (A.-M.), « Réflexions sur les limitations au droit de propriété à Rome jusqu’à la fin de la République », art. préc., p. 255. 100 Ibid., p. 239. 101 Ibid., p. 255. 102 Ibid. 103 Ibid.

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S’il est permis de parler de restrictions à l’exercice de la propriété, elles ne sont donc que relatives et modérées. Elles marquent, en définitive, les frontières positives de la propriété entre lesquelles il est possible d’exercer la plénitude de ses droits. La propriété apparaît déjà dans l’ancien droit, en quelque sorte socialisée. Il faut envisager que le législateur formule davantage des obligations que des interdictions. Il faut aussi noter, qu’elles touchent plus encore à l’objet de la propriété qu’à son principe-même. Des considérations de nature sociale bornent également la liberté du propriétaire à l’époque classique.

B. La propriété à l’époque classique

A l’époque classique, si la propriété romaine, la propriété quiritaire (dominium ex jure

quiritium) est considérée comme perpétuelle, exclusive et absolue, elle apparaît encore

limitée en fonction de certains intérêts supérieurs. Ce sont les deux derniers caractères évoqués qui subissent les atteintes les plus remarquables. Comme l’ont souligné certains auteurs, « la nomenclature de ces restrictions importe moins que les principes auxquels on peut essayer de les rattacher : primauté des intérêts collectifs ; et abus de droit »104.

Pendant la période classique, les solutions se multiplient pour donner au droit et aux développements relatifs à la propriété, les moyens d’une adaptation à la structure et à la vie sociales. Les règles régissant les biens caractérisent cette socialisation du droit. Dans un contexte qui voit l’expansion des villes et l’accroissement du nombre des constructions, Rome développe déjà des mesures particulières en matière d’urbanisme. Parmi les plus significatives, on distingue les dispositions qui imposent de bâtir ou d’entretenir les maisons selon un certain type105. Le propriétaire connaît de nouvelles contraintes attachées

104 OURLIAC (P.) et DE MALAFOSSE (J.), Histoire du droit privé, op. cit., n° 44, p. 78.

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à l’intégration progressive de considérations liées à ce que l’on nomme aujourd’hui « l’utilité publique » ou « l’intérêt général ». La liste des devoirs mis à sa charge s’étend. Il est notamment tenu de protéger les voisins contre le risque que représente sa construction lorsqu’elle menace de tomber en ruine ou contre celui que pourrait entraîner les travaux entrepris sur son fonds (damnum infectum). De plus, s’il n’existe pas encore de « système général »106 d’expropriation pour cause d’utilité publique, quelques hypothèses permettent de voir la propriété privée s’effacer devant des impératifs supérieurs. L’éviction est permise, sans indemnité au profit du propriétaire riverain de la voie publique, quand celle-ci est détruite par les eaux ou qu’on en envisage la réfection. Elle s’impose également, mais moyennant dédommagement, aux riverains des aqueducs pour le service de ces ouvrages107. L’époque classique organise également le traitement des problèmes attachés au sujet du logement. Dans l’intérêt général, certaines mesures apparaissent pour soumettre le droit de démolition des propriétaires à une autorisation administrative, pour réglementer les prélèvements de matériaux précieux sur un édifice ou simplement pour interdire les destructions de maisons alors même qu’il ne serait pas prévu de les remplacer par des constructions équivalentes108.

Dans le prolongement de ces limitations, l’exercice abusif du droit de propriété est également condamné. Le principe est formulé aussi bien par les auteurs littéraires que par les jurisconsultes. La volonté ou l’intention de nuire de celui qui agit dans le cadre de son droit de propriété est un motif suffisant pour interdire son acte109. On découvre les germes de la théorie de l’abus du droit de propriété110. La propriété a, dans cet esprit, une destination sociale.

106 GIRARD (P.-F.), Manuel élémentaire de droit romain, Paris, Dalloz, 2003, p. 278.

107

Ibid.

108 Sur tous ces points v. OURLIAC (P.) et DE MALAFOSSE (J.), Histoire du droit privé, op. cit., n° 40, p. 62.

109 V. encore : OURLIAC (P.) et DE MALAFOSSE (J.), Histoire du droit privé, op. cit., n° 44, p. 80

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Ces règles, évoquées sommairement, s’ajoutent à celles qui existaient déjà après les XII Tables. Elles complètent de ce point de vue un système qui est en cours de composition en lui donnant une ampleur et une intensité nouvelles. Elles se développent dans un contexte d’ouverture aux considérations d’ordre social. Ces dispositions se concentrent autour du cercle des intérêts de la communauté. Dans le monde urbain, elles s’insèrent dans les cadres d’une collectivité plus étendue qui dépasse désormais largement le périmètre du seul voisinage. Les mesures prises en faveur de la propriété vont inévitablement dans le sens des nécessités économiques et sociales. Certains ont souligné que « le ver est dans le fruit »111, pour montrer que, la socialisation qui s’engage, à l’époque classique, devait nécessairement ouvrir le chemin aux réformes ultérieures. Le législateur aurait simplement offert une transition vers les transformations qui s’annoncent.

Il faut en effet percevoir que « dans le droit des biens, comme dans celui des obligations, indiquent Ourliac et De Malafosse, les Romains sont à la recherche d’un équilibre. Refusant de faire un choix, les juristes classiques nous apparaissent comme des éveilleurs d’idées. Ce n’est pas éclectisme de leur part, mais désir de s’adapter aux nécessités pratiques sans pour cela mettre bas les techniques solides de leurs institutions. L’évolution du droit est en quelque sorte décantée, pondérée, ce qui n’est possible que de la part de praticiens sans complexes ni parti pris, détenteurs d’un véritable pouvoir judiciaire qui leur permet de créer comme d’interpréter le droit. La richesse des concepts que l’on trouve en droit classique à l’état brut, rattachés qu’ils sont le plus souvent à des cas concrets, explique qu’au Bas-Empire l’évolution du droit, […] ait pu se faire à partir des mêmes techniques »112. Les idées socialisantes investissent encore plus largement la conception de la propriété développée par Rome au Bas-Empire. Le thème de l’adaptation du droit à la réalité est encore au cœur des préoccupations des juristes de cette époque.

111 OURLIAC (P.) et DE MALAFOSSE (J.), Droit romain et ancien droit – Les biens, Paris, PUF, 1961, n° 50, p. 85.

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41 C. La propriété au Bas-Empire

En ce qui concerne cette troisième période, c’est le droit des biens qui semble, dans l’espace juridique, porter la marque la plus profonde des idées socialisantes. Il parait, en effet, soutenir certains enjeux sociaux et politiques majeurs. Il constitue également le cadre où les questions de nature sociale pourraient trouver une issue. Il est pris dans le mouvement qui anime et permet de conduire les orientations nouvelles. Il est donc touché par toutes les contradictions que connaît le Bas-Empire. Il est le lieu où elles s’accumulent mais aussi où elles sont susceptibles d’être juridiquement résolues113.

Pour l’époque considérée, il apparaît que la propriété acquiert définitivement une fonction sociale. On constate un état particulier du droit des biens aux termes duquel certains des traits ou des aménagements déjà annoncés paraissent s’accentuer ou se confirmer. Néanmoins, la pratique de la propriété subit un remarquable revirement. La notion est frappée par un certain effet de synthèse. Sous l’Empire, Rome, « dans une entreprise considérable d’assimilation »114

, intègre progressivement dans la citoyenneté les populations conquises. Dès lors, les romains délaissent la distinction qui visait, jusqu’à l’époque classique, à éloigner de la notion de propriété quiritaire, les propriétés provinciales ou encore pérégrine si l’on envisageait le droit des étrangers sur les terres. Au Bas-Empire, la propriété est unifiée115 et les différentes formes sous lesquelles elle se réalisait jusqu’à lors fusionnent116

. Elles se fondent en une situation unique117 et se

113

Ibid., n° 51 et s.

114

V. HALPERIN (J.-L.), Histoire du droit des biens, op. cit., p. 31.

115 Ibid.

116 Ibid.

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rejoignent sous le terme et le concept de proprietas. Le principe du caractère individuel de la propriété se généralise et celle-ci apparaît théoriquement comme absolue.

Malgré tout, certaines questions apparaissent autour du thème de l’appropriation. Il faut, en effet, comme le précisent certains auteurs, régler « l’approfondissement du contraste entre riches et pauvres, puissants et faibles, sur le plan non seulement économique, mais aussi social et juridique »118. La propriété est toujours enfermée dans les limites tirées de l’utilité publique et de l’intérêt de la collectivité. Ce sont donc ces deux points qui