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3.5 Mécanisme d’amplification

3.5.3 Portée biologique

Une boucle amplificatrice

Le mécanisme d’amplification mis en évidence par les données présentées dans ce chapitre a une importante signification fonctionnelle pour le guidage axonal. Il s’agit en effet, à notre connaissance, du premier mécanisme décrit permettant de relier des interactions moléculaires à une amplification fonc-tionnelle du gradient extérieur. La détection sensible de signaux de guidage, nécessaire au chimiotactisme de l’axone (voir Chapitre 1), est ainsi rendue possible par un jeu d’interactions entre le système initial de détection (les récepteurs) et le système moteur terminal (le cytosquelette) formant une boucle de rétroaction positive.

CHAPITRE 3 L’INTÉGRATION FONCTIONNELLE

Filtrage temporel

Le déroulement temporel du processus d’amplification est également ré-vélateur. Sur le plan fonctionnel, une simple boucle d’amplification ne semble a priori pas optimale pour produire une réponse précise. La détection serait sensible mais elle ne serait pas robuste car le bruit extérieur serait également amplifié. Il est alors significatif de remarquer que l’amplification démontrée dans ce travail ne se produit qu’après dix minutes de stimulation conti-nue. Le mécanisme d’amplification par redistribution des récepteurs consti-tue ainsi un filtre passe-bas, éliminant la contribution des signaux de guidage de hautes fréquences (typiquement supérieure à 2 mHZ). Les signaux para-sites transitoires seraient ainsi incapables de provoquer le déclenchement de la cascade de signalisation amplificatrice, signe de la robustesse du système de détection du cône de croissance.

L’équilibre entre la diffusion, tendant à homogénéiser la population des récepteurs et leur déplacement induit par leur activation produit un système très particulier de boucle de rétroaction positive intrinsèquement régulée. Ceci tient essentiellement au mode de redistribution asymétrique des récep-teurs qui se renforce lui-même au cours du temps par l’intermédiaire des microtubules, ce qui résulte en une interaction effective entre récepteurs ac-tivés. Une asymétrie extérieure faible, mais continue dans le temps, peut être amplifiée en induisant une brisure de symétrie de la distribution des récepteurs.

Le cône de croissance possède ainsi la fonction remarquable, inverse de celle observée dans les systèmes de chimiotactisme bactérien [12, 43, 136], de pouvoir intégrer un signal temporel dans l’espace. Une combinaison d’excita-tion locale et d’inhibid’excita-tion globale évoquée pour le chimiotactisme eukaryotes [53, 110, 119] est ainsi réalisée. La diffusion inhibe globalement la réponse en favorisant une distribution homogène de récepteurs dans la membrane et de calcium dans le milieu intracellulaire. L’excitation locale provient alors de la stimulation localisée de la croissance des microtubules par l’élévation de la concentration de calcium suite à l’activation des récepteurs. Ceci provoque une exaltation de la réponse dans la région proche de la source de GABA, suite à l’augmentation du nombre de récepteurs et une inhibition simultanée ailleurs par la déplétion de récepteurs.

La nécessité de la redistribution pour le guidage par le GABA n’est ce-pendant pas complètement démontrée. Faute de disposer d’un inhibiteur spécifique de la relocalisation spatiale, nous n’avons pu vérifier que ce phé-nomène précis était un préalable indispensable à la réponse chimiotactique du cône de croissance.

Modèle d’auto-organisation dynamique

Nos résultats, la simplicité et la généralité du modèle qui en découle, peuvent avoir une portée plus générale, au delà du problème du guidage axonal. Ils peuvent nourrir la réflexion pour des questions de mobilité cel-lulaire, mais aussi dans des systèmes où la modulation dynamique d’une réponse à un stimulus extérieur est utile. Nous avons ainsi apporté quelques réponses, sur un système particulier, au problème central en biologie cellu-laire de l’adaptation dans le temps et l’espace de la réponse d’une cellule à un environnement complexe.

Rôle de la diffusion

Les propriétés du modèle exposé reposent sur l’organisation dynamique de récepteurs membranaires et donc sur l’existence de diffusion dans la cel-lule. Il apparaît aujourd’hui qu’elle est un élément important pour de nom-breuses propriétés cellulaires [19, 87]. La diffusion introduit un niveau de régulation spatiale en plus du niveau de régulation biochimique, ce qui per-met une modulation dynamique des voies de signalisation. Elle régule par exemple le nombre de récepteurs synaptiques et donc l’efficacité de la trans-mission du message nerveux [35]. En limitant la durée de vie des complexes de signalisation, la diffusion peut même jouer un rôle moteur dans la trans-duction du signal, comme pour la conversion en message chimique du signal lumineux par les photorécepteurs [96]. Dans le modèle proposé dans ce mé-moire pour la redistribution des récepteurs du GABA, la diffusion est éga-lement essentielle. Les récepteurs sont capables d’explorer l’espace et de se lier de façon stochastique aux microtubules dans leur voisinage. L’absence de diffusion empêcherait ce processus et l’amplification qui en résulte. Le rôle précis de la diffusion sera étudié plus en détail dans les approches analytiques du modèle au chapitre suivant.

Un modèle simple (Figure 3.29) semble rendre compte, du moins qualita-tivement, de l’ensemble de nos données expérimentales. Il est donc intéressant de tenter de valider ce modèle en examinant plus quantitativement si les in-grédients qu’il contient sont suffisants pour expliquer la forme des résultats expérimentaux. Nous avons donc mené une série d’expériences numériques ou "in silico", qui sont l’objet du chapitre suivant.

Chapitre

4

Mod ´elisation

La réalité ne pardonne pas une seule erreur à la théorie.

L’intérêt pour la modélisation mathématique en biologie est très ancien et s’est porté sur des domaines aussi variés que l’écologie des populations [102, 167], le chimiotactisme [114], ou plus récemment l’organisation du cy-tosquelette [63, 154], les réseaux d’interactions protéiques [54, 107] ou la signalisation cellulaire [72]. L’objectif de ces travaux est multiple. La modé-lisation est tout d’abord une façon de produire une explication d’un phéno-mène uniquement décrit par les résultats expérimentaux. L’analyse mathé-matique d’un modèle peut être à ce titre une vérification de la vraisemblance des hypothèses qui le soutiennent. Un système formalisé mathématiquement est ensuite un outil puissant pour tester l’influence éventuelle sur le sys-tème de différents paramètres physiques inaccessibles expérimentalement ; on parle alors d’expérience in silico. Enfin, la modélisation peut prédire certains comportements du système, ceux-ci pouvant le cas échéant être vérifiés ex-périmentalement. Ces trois objectifs nous ont poussés à élaborer un système formel rendant compte du modèle qualitatif que les résultats expérimentaux nous ont amenés à proposer.

Nous avons proposé un modèle, appuyé sur nos résultats expérimentaux, pour expliquer l’organisation des récepteurs du GABAA dans la membrane du cône de croissance axonal. L’évolution temporelle de la distribution des récepteurs a une forme particulière présentant un temps de latence avant la redistribution (voir Chapitre 3). Une modèle quantitatif apte à reproduire ce comportement singulier est donc requis pour confirmer qu’une mise en équa-tion adéquate des hypothèses minimales esquissées au chapitre précédent peut être satisfaisante. De plus, l’exploration par ce modèle de paramètres inaccessibles par l’expérience, tels que le nombre de récepteurs ou de micro-tubules et le coefficient de diffusion, peut permettre de préciser le mécanisme de redistribution des récepteurs.

4.1 Modèle numérique de la redistribution des

ré-cepteurs