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3.5 Mécanisme d’amplification

3.5.2 Discussion

Si le modèle proposé est capable de rendre compte de l’ensemble des données expérimentales, certains éléments du mécanisme demandent encore à être approfondis.

Fig. 3.30 – Modèle de redistribution des récepteurs et d’amplification du gra-dient de GABA : l’origine du calcium et la nature moléculaire du couplage entre les récepteurs et le cytosquelette ne sont pas encore élucidées.

Couplage entre les microtubules et les récepteurs

Le ou les intermédiaires moléculaires permettant l’interaction entre les récepteurs et les microtubules sont encore inconnus. Si le couplage par un moteur semble exclu par nos données (voir Chapitre 2), l’interaction directe entre le récepteur du GABAA et les microtubules est également impossible. Il existe cependant des éléments dans la littérature indiquant une interac-tion indirecte entre le récepteur et les microtubules. L’interacinterac-tion d’une pro-téine appelée GABARAP (pour GABA Receptor Associated Protein) avec la boucle intracellulaire de la sous-unité γ2 du récepteur du GABAA a été identifiée par une expérience de double-hybride [169, 170]. Cette interaction a été confirmée in vitro par immunocytochimie : les récepteurs du GABA co-localisent avec les GABARAPs dans des neurones corticaux. Cette protéine est également capable d’interagir avec la tubuline et les microtubules [169]. De plus, il a été démontré que GABARAP jouait un rôle fonctionnel dans différents aspects de l’organisation et le transport des récepteurs du GABA. GABARAP est ainsi impliquée dans la formation des groupes de récepteurs du GABA post-synaptiques [32] nécessaires pour une fonction normale [40].

CHAPITRE 3 L’INTÉGRATION FONCTIONNELLE

Cette protéine intervient également dans le transport intracellulaire des ré-cepteurs en vue d’un adressage à la membrane [89]. Ces propriétés de GA-BARAP en font un candidat intéressant pour jouer un rôle d’intermédiaire entre les récepteurs et les microtubules.

Une autre protéine connue pour son rôle dans l’organisation des récep-teurs du GABA à la membrane est la protéine d’échafaudage appelée géphy-rine [39], même si son rôle exact est encore controversé [2]. La géphygéphy-rine est une protéine de 93 kDa connue pour interagir avec les microtubules et le ré-cepteur de la glycine [88], l’autre neurotransmetteur inhibiteur principal du système nerveux. Ses interactions avec les récepteurs du GABA sont encore incomplètement connues. Cette protéine de l’échafaudage post-synaptique régule la dynamique du récepteur du GABA aux synapses [80] et a été ob-servée en culture dans l’axone de neurones jeunes [39], pour une fonction encore non déterminée. Ces deux protéines sont donc deux candidats poten-tiels, non exclusifs l’un de l’autre, pour expliquer l’existence d’une interaction effective entre les récepteurs du GABA et les microtubules dans le cône de croissance. Il serait ainsi prometteur de s’intéresser aux mêmes mesures que nous avons pu faire sur des neurones où la production de géphyrine serait limitée, par exemple par une interférence à l’ARN.

Activation des récepteurs et couplage aux microtubules

L’interaction entre les récepteurs et les microtubules révélée par nos ré-sultats résulte vraisemblablement d’un mécanisme élaboré. En effet, il appa-raît que l’activation des récepteurs ne modifie pas leurs interactions avec les microtubules mais qu’elle est néanmoins nécessaire pour permettre une inter-action avec les microtubules en croissance asymétrique. Ces deux points ne sont pas contradictoires, mais il semble que l’interaction entre microtubules et récepteurs responsable de leur redistribution implique des modifications des extrémités des microtubules spécifiques de leur croissance asymétrique induite par les récepteurs.

La coiffe d’un microtubule dans une cellule au repos ou dans une cellule en mouvement avec une organisation asymétrique du cytosquelette est en effet de composition différente. Des protéines, comme APC (Adenomatous Polyposis Coli protein) [10] et CLASP (CLIP ASsociated Protein) [1] ont été identifiées à la coiffe de microtubules dans des régions motiles comme des épithéliums de cellules mobiles ou à la périphérie du cône de croissance [1, 98, 180]. Cette propriété provient de la modulation spatiale de leur affinité pour les extrémités des microtubules [173]. Les propriétés de la coiffe des microtubules sont donc susceptibles d’être modifiées par une stimulation asymétrique et de n’interagir en ce cas qu’avec les récepteurs activés.

Par ailleurs, plusieurs partenaires de CLASP, comme 115 et CLIP-170 sont connus pour leur action dans l’organisation et la polarisation du neu-rone [75, 177] et pourrait être impliqués dans la régulation des interactions

entre les récepteurs et les microtubules. Le mécanisme précis d’action des mi-crotubules reste ainsi à élucider. La cohérence du modèle d’auto-organisation des récepteurs n’en est toutefois pas dépendante ; l’observation phénoméno-logique de la redistribution des récepteurs par les microtubules est suffisante pour rendre compte de l’amplification du gradient extérieur.

Origine du calcium

L’origine du calcium provoquant une augmentation asymétrique de la concentration intracellulaire n’a pu être précisée par les expériences présen-tées ici. Nous ne pouvons pour l’instant pas savoir s’il s’agit d’une entrée de calcium extracellulaire par les canaux calciques ou d’un relargage depuis les stocks internes. Les deux mécanismes sont impliqués dans la signalisation de la croissance et du guidage axonal [118, 158]. Cependant, la voie de signa-lisation des récepteurs GABAA semble plutôt utiliser les canaux calciques sensibles au potentiel de type L [57, 175], même si nous n’en avons pas de preuve expérimentale directe sur notre système. La modalité d’entrée éven-tuelle de calcium dans le milieu intracellulaire par l’intermédiaire de canaux membranaires n’est pas encore éclaircie. Des mécanismes reposant sur la dé-polarisation locale [57] ou sur la génération d’une tension osmotique de la membrane cellulaire due à l’activation des récepteurs de GABA [31, 157] ont été proposés mais pas encore directement observés.

Nous pouvons nous demander également si le signal calcique asymétrique est le résultat d’une activation anisotrope d’une distribution homogène de canaux calciques ou si ces canaux sont eux-mêmes redistribués [59] par un mécanisme similaire aux récepteurs du GABA. Cette question reste ouverte et pourrait trouver sa réponse à l’avenir en visualisant les canaux calciques à la membrane du cône de croissance.