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I.5. Les polycaténaires

I.5.2. Polycaténaires métallomésogènes du bloc p

Les métaux du bloc p sont très peu étudiés dans le cadre des métallomésogènes. Le groupe de J.

L. Serrano a étudié les propriétés mésomorphes de plusieurs complexes -dicétonates de thallium(I) avec différents nombres de chaînes sur les polycaténaires (Figure I.33)[45]. Certaines de ces molécules en demi-disques forment des phases colonnaires hexagonales discotiques. Dans ces composés, l’espèce dimérique est responsable du mésomorphisme.

Figure I.33 : Composés 20, 21 et 22 substitués de différentes manières avec R=OC10H21

Le dérivé 20, avec deux chaînes en position 3 et 4, présente une mésophase monotrope, avec des textures pseudo-focales coniques, suggérant une organisation hexagonale discotique désordonnée.

Le dérivé 21, avec deux chaînes en position 3 et 5, n’est en revanche pas mésomorphe. Finalement, quand le nombre de chaînes augmente avec cinq chaînes terminales (composé 22), il est possible de remplir davantage l’espace autour de la partie rigide du disque et donc de stabiliser la mésophase. Ce composé avec cinq chaînes alkyl s’organise en phase colonnaire hexagonale discotique. Cette organisation correspond à l’empilement des dimères. Par la diffraction aux rayons-X bas angle, l’absence de réflexion intense à haut angle indique qu’il n’y a pas de périodicité au sein de la colonne. L’apparition de mésophases colonnaires dans ces complexes dérivés du thallium(I) avec les 1,3-diphényl- -dicétones substituées suggère que l’espèce dimérique doit exister dans la mésophase.

En général, les dérivés du thallium(I) de type [TlL] montrent des propriétés mésogènes plus pauvres

R

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que les dérivés du cuivre(II) de type [CuL2] (Figure I.34). Le composé avec deux chaînes terminales n’est pas mésogène en contraste avec son analogue de cuivre. Le dérivé de thallium substitué en 3 et 4 (composé 20) montre une mésophase monotrope alors que ceux du cuivre sont énantiotropes. Les dérivés de cuivre ont une géométrie complètement planaire alors que leurs analogues de thallium ne le sont pas (Figure I.35). Cette géométrie non-planaire des complexes de thallium doit rendre difficile l’empilement des cylindres de [TlL].

Figure I.34 : Structure a) d’un complexe -dicétonate de thallium (I) de type *TlL+ et b) d’un complexe -dicétonates de cuivvre (II) de type [CuL2]

Figure I.35 : Vues d’empilements de complexes de -dicétonate a) de thallium (I) b) de cuivre (II)

Les dérivés substitués en 3 et 5, composé 21, ne sont pas mésogènes pour les deux métaux. Les interactions stériques entre les chaînes sont responsables de ce comportement dans les complexes de cuivre. Cette substitution ne peut pas favoriser le remplissage symétrique du volume de manière cylindrique autour du cœur central par les chaînes aliphatiques, nécessaire à l’apparition de mésomorphisme colonnaire hexagonal[45].

a) b)

a) b)

Chapitre 1 Introduction et but du travail

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Plus récemment, le groupe de J. L. Serrano a poussé l’étude de ces complexes -dicétonates de thallium (I) 20 et 22. Il a exploré l’organisation supramoléculaire responsable du comportement liquide cristallin de ces métallomésogènes[46]. Chaque unité monomérique est liée à un groupe identique via une interaction liante, pontante et intermétallique pour former un dimère discotique.

L’analyse d’un monocristal, dépourvu de longue chaînes, aux rayons-X révèle l’existence d’un empilement colonnaire des dimères discotiques avec des interactions liantes directes Tl-Tl et axiales des liaisons Tl-O (Figure I.36).

Figure I.36 : a) représentation du dimère lié par les thallium b) représentation des interactions Tl-Tl et Tl-O

Tableau I.2 : Transition de phase des composés 20 et 22

Complexes de thallium Transitions (°C)

20 : R1=R2=O-n-C10H21 ; R3=H Cr-94-Iso

Iso-75- Dhd-58-Cr 22 : R1=R2= R3=O-n-C10H21 Cr-75-Iso

Iso-69-Dhd-20-Cr

Cr=cristal ; Iso=isotropisation ; Dhd= mésophase désordonnée discotique hexagonale

Dans l’état solide des complexes mésogènes, l’ordre des chaînes paraffines est assez grand pour garder les colonnes interliées, maintenant une structure en trois dimensions. Au point de fusion, les chaînes paraffiniques « fondent » et, simultanément, les coordinations axiales entre les dimères disparaissent, menant à la transition du solide au liquide isotrope (Tableau I.2). Au refroidissement du liquide en-dessous du point de fusion, des interactions axiales intracolonnaires apparaissent en premier, alors que les chaînes paraffiniques terminales restent désordonnées. À cette température, la transition de la phase isotrope vers la mésophase se produit. Dans cette situation structurale, l’état

a) b)

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pseudo-liquide des chaînes constitue presque une limite circulaire externe pour les colonnes formées. Cette symétrie cylindrique ainsi générée entraîne une modification de la structure observée dans le solide, ce qui mène à une structure hexagonale. De plus, les interactions thallium-oxygène entre les molécules voisines doivent être responsables de la stabilité de la structure mésomorphe colonnaire. L’absence de périodicité le long de l’axe colonnaire indique que l’empilement n’est pas étendu[46].

Le groupe de J. Simon a formé des cristaux liquides à partir de complexes de phthalocyanines d’étain 23. Les phthalocyanines substituées avec de longues chaînes alkoxy présentent des formes liquides cristallines de colonnes discotiques sur de grandes gammes de températures. La formation de complexes -oxo-(phthalocyaninato)-étain(IV) forment des polymères liquides cristallins (Figure I.37).

Figure I.37 : Complexe phthalocyanine d’étain et son polymère de -oxo-(phthalocyaninato)-étain(IV)

À 59°C une transition de la phase est observée entre la phase cristalline et la mésophase s’organisant en colonnes avec un arrangement rectangulaire. À 95°C, une nouvelle texture est associée au départ de l’eau présente dans le matériau de départ. À 114°C, l’isotropisation apparaît et le liquide isotrope fluide se transforme lentement en une masse très visqueuse partiellement anisotrope avec un changement de couleur du vert au vert-jaune. Cette nouvelle phase indique la formation de polymères oxyétain. Les domaines de biréfringence forment un liquide isotrope à des températures supérieures à 290°C. À de telles températures, les chaînes dodécyl sont toujours à l’état fondues et les chaînes polymériques forment une mésophase[47]. Avec le même type de ligand en présence cette fois-ci de silicium, les molécules s’arrangent en mésophases colonnaires hexagonales entre la température ambiante et 300°C. Les composés forment des oligomères reliés par l’oxygène des groupements siloxane[48].

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N N N

N N

N N

N

C12H25O C12H25O C12H25O

C12H25O OC12H25 OC12H25

OC12H25 OC12H25 Sn

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Chapitre 1 Introduction et but du travail

30 I.5.3. Polycaténaires métallomésogènes du bloc d

L’incorporation de métaux du bloc d apporte des caractéristiques tels que la couleur ou le paramagnétisme. Des études ont été menées sur le ligand libre bis-iminophénolate (Figure I.38) avec six chaînes hexadécyloxy et celui-ci n’est pas liquide cristallin[49. En revanche, après réaction avec MCl2 (M=Zn(II), Mn(II)) les complexes résultants de type [MLCl2] présentent des mésophases différentes de type colonnaire rectangulaire avec M=Zn (Cristal-46-Colr-143-Isotropisation) et de type colonnaire hexagonale (Cristal-55-Colh-285-Isotropisation) avec Mn(II). La principale différence entre les deux complexes concerne le rayon ionique qui est 10% plus petit pour Zn(II) par rapport à celui de Mn(II).

Figure I.38 : Complexes mononucléaires avec M=Mn ou Zn

Les complexes adoptent une conformation en forme de V avec les chaînes alkyl aux extrémités. Pour minimiser les interactions défavorables entre les chaînes aliphatiques, les complexes adoptent un arrangement anti-parallèle où chaque paire de molécules correspond à une unité élémentaire discotique (Figure I .39). L’arrangement de ces composés semi-discotiques produit une structure colonnaire composée d’unités répétitives soit circulaires soit elliptiques. Le recouvrement quasi-total de chaque unité centrale de complexes de manganèse forme les dimères discotiques. Cette organisation de dimères permet un arrangement colonnaire hexagonal. Tandis que le recouvrement partiel des unités centrales des complexes de zinc nous donne des dimères elliptiques. Cette structure elliptique permet une organisation colonnaire rectangulaire (Figure I .39)[49].

O

N N

C16H33O

C16H33O

OC16H33 OC16H33 OC16H33 OC16H33 M

Cl Cl H

M=Zn ou Mn2424

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Figure I .39 : Arrangement moléculaire formant des mésophases colonnaires dans des structures discotiques à partir de métallomésogènes non-discotiques

T. M. Swager, C. K. Lai et A.G. Serrette ont étudié une série de composés binucléaires mono- et bimétalliques avec des ligands tricétonates et tétracétonates liquides cristallins (Cu-Cu, Ni-Cu, Ni-Pd, Ni-Ni, Ni-Mn et Ni-Co). Tous les cristaux liquides étudiés ont des phases colonnaires, soit hexagonales désordonnées Dhd, soit rectangulaires désordonnées Drd. Quand les molécules s’arrangent en forme elliptique le long de l’axe de la colonne, il en résulte une distorsion de la phase Dhd vers la phase Drd. Bien que ces complexes mésogènes n’aient pas une forme discotique, ils produisent cependant des phases colonnaires (Figure I.40). Ce principe de formes complémentaires est général et peut être appliqué à d’autres matériaux liquides cristallins, pour créer des ensembles organisés avec des interactions intermoléculaires ajustées[50].

Figure I.40 : Structures schématiques en forme de disques formées par les complexes binucléaires homo et hétérométalliques de formes complémentaires

+

M=ZnII Colr

M=MnII Colh

Chapitre 1 Introduction et but du travail

32 I.5.4. Polycaténaires métallomésogènes du bloc f

L’influence de la contraction des lanthanides sur les températures de transition a été étudiée pour la première fois il y a une dizaine d’années sur des complexes de métallomésogènes contenant des terres rares avec des ligands de type base de Schiff (Figure I.41)[51].

Figure I.41 : Ligand 4-octyloxy-N-octadecyl-2-hydroxybenzaldimine

Le ligand n’est pas mésomorphe, mais les complexes résultants avec les lanthanides [LnLX3] s’organisent dans des mésophases de type smectiques A (Figure I.42).

Figure I.42 : Diagramme de phase des propriétés mésomorphes en fonction de la contraction des lanthanides

Les températures de fusion augmentent régulièrement le long de la série des lanthanides, du lanthane au lutétium, alors qu’une diminution est observée pour les températures d’isotropisation.

Cette tendance est attribuée à la contraction des lanthanides car l’enthalpie de fusion suit la même tendance que la température de fusion. En revanche, l’enthalpie d’isotropisation reste constante et c’est une augmentation de l’entropie d’isotropisation qui est responsable de la diminution de la température de clarification.

Le premier lanthanidomésogène (métallomésogène de lanthanides) neutre dinucléaire a été reporté par K. Binnemans et ses collaborateurs[52]. Le ligand a été élaboré dans le but d’obtenir des complexes électriquement neutres, ce qui évite la présence de contre-ions pour contrebalancer les

Smectique A

Liquide isotrope

Cristal

80 90 100 110 120 130 140 150 160 170

La Ce Pr Nd PmSm Eu Gd Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu

Température (°C) Isotropisation

Fusion

C8H17O

OH

NC18H37

2525

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charges électriques des complexes. Chaque ligand porte une triple charge négative ; la charge positive de deux ions lanthanides trivalents étant alors contrebalancée par celle des ligands par la formation des complexes binucléaires neutres. Cette méthode est différente des complexes hétéronucléaires f-d avec des ligands de type salen qui ont besoin de contre-ions pour contrebalancer la charge positive des ions lanthanides[53, 54]. Les raisons pour lesquelles un complexe binucléaire f-f est formé à la place d’une espèce mononucléaire sont dues à la tendance de l’ion Ln(III) à atteindre des nombres de coordination élevés et la nature du ligand lui-même, candidat à une telle coordination (Figure I.43). Lorsque le ligand n’offre pas un nombre suffisant d’atomes donneurs aux ions Ln(III) pour atteindre un nombre de coordination élevé, certains atomes donneurs acceptent de devenir pontant.

Figure I.43 : Complexe dinucléaire Ln-Ln neutre avec une base de Schiff

Les forces motrices pour la formation d’hélices ou de dimères découlent de la minimisation de l’énergie de l’auto-assemblage. Cette formation dépend des contraintes imposées par le métal (nombre de coordination) et celles du ligand (nature de l’espaceur et de la distance entre les unités pontantes). Les atomes donneurs du ligand sont organisés sous forme de système bis-bidenté (NO-X-NO) où l’espaceur X porte un pont coordinant de type hydroxyde. La formation d’un dimère non-hélicoïdal semble être favorisée par ce mode de complexation. Le ligand lui-même est mésomorphe.

Les complexes binucléaires de lanthanides s’organisent dans des mésophases Colr.

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