• Aucun résultat trouvé

I.5. Les polycaténaires

I.5.5. Courbures d’interface

Au cours des exemples que nous avons exposé, la caractérisation des mésophases est décrite selon la structure du ligand ou du complexe. Toutefois, nous n’avons pas encore étudié les modifications de mésophases smectiques en mésophases colonnaires puis cubiques. Il a été possible de rationaliser ces transformations successives de mésophases en tenant compte de l’ondulation des

OC14H29

Chapitre 1 Introduction et but du travail

34

interfaces séparant les cœurs rigides des chaînes flexibles périphériques. B. Donnio et D. Bruce ont étudié une série des complexes liquides cristallins de palladium et platine coordinés à des stilbazoles portant deux ou trois chaînes alkoxy (Figure I.44)[55].

Figure I.44 : Complexes de ligand stilbazole avec M=Pd ou Pt et R=OCnH2n+1

Le mésomorphisme est induit par la substitution des chaînes alkoxy sur les aromatiques. Le comportement de la mésophase est dépendant de la position, du nombre et de la longueur des chaînes alkoxy (Tableau I.3).

Tableau I.3 : Substitutions et mésophases de polycaténaires de Pd(II) et Pt(II)

Polycaténaire Substitution Métal Mésophases Nombre de carbone

Tétracaténaire 3,4-disubstitué

Il existe une relation entre la structure moléculaire et les propriétés mésomorphes de ces composés.

Les substitutions méta ou para semblent entraîner un mésomorphisme de type colonnaire. La substitution ortho semble aussi favoriser un mésomorphisme colonnaire avec des chaînes suffisamment longues, au détriment d’un mésomorphisme calamitique. Pour obtenir un mésomorphisme colonnaire, il est nécessaire d’avoir huit carbone par chaînes pour les complexes hexacaténaires et treize pour les complexes tétracaténaires. Ceci suggère l’existence d’un certain rapport entre le cœur rigide et les chaînes aliphatiques pour obtenir un mésomorphisme colonnaire.

La courbure à l’interface entre les chaînes aliphatiques et le cœur rigide dépend du volume des chaînes. Il est alors possible de connaître le type de mésophase, particulièrement pour les phases hexagonales et smectiques, par le calcul du rapport de la masse moléculaire des chaînes aliphatiques

N M N

35

sur la masse moléculaire du complexe. Les mésogènes tétracénaires s’organisent dans des mésophases smectiques et colonnaires alors que les mésogènes hexacaténaires s’organisent uniquement dans des mésophases colonnaires, en rapport avec la forme de la molécule. Lorsque les chaînes alkoxy sont suffisamment importantes au sein du complexe et que le rapport massique M(chaînes alkoxy)/M(complexe) est égal 60%, la limite entre la mésophase smectique et la mésophase colonnaire est atteinte.

Figure I.45 : Modèle de formation de mésophases colonnaires

Une étude cristallographique a montré que les molécules tétracaténaires et hexacaténaires sont arrangées en plans cristallins (Figure I.45 a)). Les interactions entre les plans adjacents devenant faibles, cet arrangement est typique des structures en couche avec une ségrégation des chaînes aliphatiques et des cœurs rigides. Les interactions entre deux plans moléculaires sont faibles. Lorsque la température et le nombre d’atomes des chaînes alkyl augmentent, ces interactions seront plus faibles et permettront aux plans d’onduler (Figure I.45 b)). Le vide alors créé sera comblé par le coulissage des couches adjacentes pour former des systèmes colonnaires (Figure I.45 c))[55].

D. Bruce a détaillé en 2000 une famille de complexes d’alkoxystilbazole. Ces ligands calamitiques polycaténaires peuvent réagir avec une variété de sels d’argent (Figure I.46) et former des phases cubiques en fonction du nombre et de la longueur des chaînes des polycaténaires[56].

Figure I.46 : Structure générale de complexe linéaire bis-(4-alkoxystilbazole) d’argent (I) avec X=contre-ion et n=nombre de carbone de la chaîne aliphatique

D. Bruce et ses collaborateurs ont étudié les complexes 3,4-dialkoxystilbazole d’argent (I) qui montrent principalement des mésophases cubiques et colonnaires (Figure I.47)[57]. Les systèmes

a)

Chapitre 1 Introduction et but du travail

36

tétracaténaires représentent un bon exemple de la compétition entre les phases calamitiques et colonnaires. Généralement, les composés tétracaténaires à courtes chaînes s’organisent dans des phases nématiques ou smectiques C, alors que ceux à longues chaînes s’ordonnent dans des phases colonnaires. Entre ces deux catégories de chaînes, la compétition est clairement observée par l’apparition d’une mésophase entravée, la mésophase cubique.

Figure I.47 : Complexe de 3,4-dialkoxystilbazoles d’argent (I)

Il a été constaté que lorsque le nombre de carbone sur les chaîne alkyl augmente, la section colonnaire S (Figure I.48) augmente (Figure I.50 a)).

Figure I.48 : Schéma montrant la surface S d’un système hexagonal

En conséquence, la variation du nombre de carbone change le comportement liquide cristallin du complexe selon n=1, 2 où la phase est une nématique monotrope, n=3 où il n’y a pas de mésomorphisme, n=4 et 5 où une seule phase cubique est observée, 6 ≤ n ≤ 10 où une phase cubique et une phase colonnaire se forment et n ≥ 11 où seulement une phase colonnaire existe (Figure I.49).

Figure I.49 : Diagramme de phase de 29 en fonction du nombre de carbone des chaînes et de la température (°C)

37

Il a été déterminé que les plateaux des colonnes sont constitués de six complexes. Ceci est en accord avec la formation d’une double couche de complexes qui serait composée de trois paires de dimères.

Le volume du plateau d’une colonne est défini par l’équation I.4 : Vm =V0 + 6VDOS + 24nVCH2 éq. I.4

où Vo est le volume du cœur rigide, VDOS est le volume des chaînes de dodécylsulfate, n est le nombre de carbone dans une chaîne alkoxy et VCH2 est le volume d’un groupe CH2. La représentation graphique de Vm en fonction de n donne une droite de pente 24VCH2 / h où h est la hauteur d’un plateau. Ceci nous permet d’évaluer le changement de surface théorique d’une colonne en fonction du nombre de carbone d’une chaîne alkyl. Ainsi, avec h=10 Å et VCH2=29,2 Å, la pente calculée est de 70 Å.n-1. La surface calculée à partir de la pente obtenue est S=1450 Å2 pour n=12. Le graphique de la surface des colonnes en fonction de la longueur des chaînes aliphatiques montre une section S de colonne qui augmente linéairement (Figure I.50 a)). Cependant, expérimentalement, la croissance de la surface S en fonction du nombre de carbone n est plus fort que celle théorique. Ceci implique que la période d’empilement h décroît alors que n augmente. Hors, il a été montré par dilatométrie que h restait constant lors de l’augmentation de n. De plus, il a été remarqué que la surface de colonne diminue avec l’augmentation de la température (Figure I.50 b)). Ceci est contraire à l’idée que la dilatation thermique fasse augmenter la surface des colonnes. Ceci s’explique par l’ondulation de la colonne (Figure I.51).

Figure I.50 : Graphiques de la surface des colonnes (Å) en fonction a) du nombre de carbone des chaînes aliphatiques et b) de la température (°C) pour une longueur de chaîne avec n=11

a) b)

Chapitre 1 Introduction et but du travail

38

Figure I.51 : Schéma de la variation de la surface s due à l’ondulation de la colonne

Pour une colonne dite normale, S représente la surface de la colonne alors que pour une colonne ondulante, la surface apparente paraît plus grande. En fait, deux phénomènes coexistent. D’un côté, l’allongement des chaînes fait onduler les colonnes et donc augmenter la surface observée des colonnes. D’un autre, l’augmentation de la température fait diminuer la surface des colonnes ce qui a pour conséquence de redresser les colonnes. La transition dans une phase cubique est observée quand l’amplitude des ondulations atteint toute l’épaisseur des chaînes fondues, ce qui peut arriver soit en diminuant la température soit en raccourcissant la longueur des chaînes (Figure I.52).

Figure I.52 : Modèle de transition de la phase colonnaire hexagonale à cubique par les colonnes ondulantes

À proximité des colonnes, les chaînes, considérées comme étant à l’extérieur des colonnes, peuvent être contenues par interdigitation entre les différentes colonnes[57].

Documents relatifs