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cnr, vnf, rff, sncf Techniciens du conseil général

3. Les restrictions des droits à construire (urbanisation future) s’appliquent à toutes les zones, selon les correspondances données par le guide pprt et reprises dans le tableau

2.1.3 La politisation du débat sur la cinétique des boil over

Ainsi mobilisé, le maire de Feyzin va s’évertuer à faire vivre le débat sur la cinétique des boil

over dans tous les espaces où s’élaborent les

pprt

: au comité de pilotage du Grand Lyon, dans le cadre de l’équipe technique et à chaque réunion bilatérale avec les services instructeurs. Tenant une position médiane entre l’administration et l’exploitant, ses contributions consistent à valoriser le plan communal de sauvegarde (

pcs

) de sa commune et à demander que ce dernier soit pris en compte pour évaluer la faisabilité de l’évacuation des Razes dans le temps de réalisation des différents boil over de la raffinerie90. Pour donner suite à ces interventions

répétées et voir dans quelle mesure un tel plan pourrait effectivement rendre possible la

89 Depuis la mise en chantier despprt, l’édile a en effet l’habitude de questionner les services de l’État sur ce sujet

qu’il a identifié comme une voie possible de réduction des aléas.

90 L’argument consiste à dire que le plan communal de sauvegarde, en tant qu’outil de planification et de rationali-

sation des moyens communaux consacrés à la protection des populations en cas d’accident[Gralepois 2008a], doit nécessairement faciliter les opérations d’évacuation.

mise à l’abri de la population, au moins trois rencontres sont organisées en préfecture avec l’ensemble des protagonistes, y compris le service départemental d’incendie et de secours (

sdis

) et le site

pc

censés se prononcer en dernière instance sur l’opportunité de retenir (ou non) la proposition de cinétique lente. Pour faire vivre le débat et accentuer la pression sur les acteurs détenteurs de la décision, le jeu consiste également à remonter les hiérarchies administratives, jusqu’aux bureaux ministériels. Le maire de Feyzin, via l’association Amaris qu’il préside, porte ainsi ses demandes devant l’instance nationale de suivi91, tandis que les

directions centrales du groupe

total

assistées des fédérations patronales du secteur92sont

mises à contribution pour interpeller les conseillers ministériels et directeurs d’administration centrale, solliciter des réunions de travail et tenter par ce biais d’obtenir des engagements plus favorables à leurs intérêts.

Durant toute l’année 2010, le débat se déploie ainsi de réunions en réunions, d’interventions en interventions, de comptes rendus en comptes rendus, jusqu’à ce que la

dgpr

prenne clairement position en indiquant que la cinétique des boil over est forcément une décision locale et que cette décision appartient aux seuls services déconcentrés du ministère de l’intérieur (notamment le site

pc

). Une fois cette position arrêtée, écrite et officialisée93, la consigne est

transmise aux services et aux deux préfets concernés (le préfet délégué à la sécurité et le préfet de région) de mettre fin au débat en cours en définissant, une fois pour toute, l’avis de l’État sur le sujet : « Le ministère a fini par nous dire que la décision devait être prise au niveau local et

qu’il fallait qu’on se débrouille avec ce que nous disent les services de secours sur l’évacuation des populations. » Ces derniers n’ayant pas bougé d’un pouce94, la

dreal

conclut donc à la

cinétique rapide et rédige en ce sens le rapport d’instruction qu’elle remet à l’exploitant fin 2010. Considérant par ailleurs que l’agrégation des

bleve

n’a d’intérêt du point de vue de la réduction des aléas que combinée avec la cinétique lente des boil over « classiques », le service instructeur rejette également l’option complémentaire. D’où le commentaire désabusé de ce responsable de la raffinerie :

‘‘

Donc ce dossier, on l’avait rendu en novembre 2009. Entre temps, on fait quelques réunions. Bon. On a un peu de mal à avoir l’administration qui se prononce. Et le 13 octobre 2010, l’administration finit par nous écrire : « On n’est pas d’accord ». La

dreal

nous dit : « L’agrégation des

bleve

, on ne peut pas le prendre en compte ». Et l’argument qu’on nous donne… On nous dit : « Comme nos amis de la protection civile ne prennent pas en compte la cinétique lente des boil over, on ne peut pas accepter votre dossier

bleve

. Votre dossier

bleve

, techniquement il est correct. Mais comme la cinétique des boil over n’est pas acceptée, on ne donnera pas un avis favorable pour les

bleve

». Sachant que pour que la carte des aléas soit modifiée, il fallait que nos deux propositions soient acceptées. Donc ce que nous dit la

dreal

, c’est qu’à partir du moment où la cinétique lente n’est pas acceptée, il n’y a pas d’enjeu à ce que les

bleve

ça marche. Alors là… On est un peu déroutés. Perturbés. Et on est d’autant plus déroutés qu’on se fait shooter pour la cinétique des boil over alors que c’est l’exemple de cinétique lente qui est donné dans le guide méthodologique. Donc là, on ne comprend pas. D’autant que sur d’autres stockages qu’on gère en Isère, sur des produits beaucoup plus compliqués que ceux qu’on a à la raffinerie, donc du brut, la

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, les mêmes, nous disent : « OK, cinétique lente ». Donc là, on a un peu de mal.

En fermant ainsi techniquement le dossier, la

dreal

ne met cependant pas fin au débat qui s’est depuis longtemps déplacé sur le terrain politique. Le sujet reste en effet à l’ordre du jour de la plupart des réunions, au plan local comme au niveau national. Toujours aussi mobilisé, le maire de Feyzin profite de toutes les occasions qui se présentent à lui pour continuer d’interpeller les services de l’État, s’étonner avec l’exploitant de la différence de traitement avec tous ces

pprt

où les boil over « classiques » ont été considérés à cinétique lente, demander

91 L’instance nationale de suivi est un groupe de travail qui, outre la DGPR et Amaris, réunit les fédérations patronales

de la chimie et du pétrole (UIC et UFIP) et l’association France Nature Environnement (FNE). Créé courant 2008, il sert principalement à la résolution des problèmes rencontrés par les acteurs de terrain chargés de mettre en œuvre la loi de 2003 dans son volet maîtrise de l’urbanisation. Au cours de l’année 2010, le sujet de la cinétique des boil over y est discuté à deux reprises, lors des réunions du 26 janvier et du 24 novembre.

92 Notamment l’union française des industries pétrolières (UFIP).

93 Elle sera communiquée aux représentants de toutes les parties prenantes lors de la réunion de l’instance nationale de

suivi du 16 février 2011.

94 Leur conviction s’est même renforcée dans le sens de la cinétique rapide lorsqu’ils ont compris que la décision attendue

devait les conduire à examiner en détail, à se prononcer de manière circonstanciée et à engager leur responsabilité pour tous les phénomènes dangereux concernés, soit plusieurs centaines pour la seule raffinerie de Feyzin.

qu’on lui laisse faire la démonstration qu’avec son

pcs

il est bien en capacité de pourvoir à l’évacuation des Razes en moins de cinq heures (qui correspond au délai au-delà duquel les services instructeurs ont tendance à retenir la cinétique lente). Convaincu de réussir dans le temps imparti, il propose même d’élaborer des scénarios de mise à l’abri et de les tester dans un exercice grandeur nature :

‘‘

Ce que je n’ai jamais compris c’est qu’on ne veuille pas me donner le temps dont on disposait pour évacuer ! Je disais : « Au moins donnons-nous la possibilité de l’expertise ! » Moi si on me dit que cinétique lente c’est 5 heures, ben j’aurais pu dire : « Bon ben voilà, on va élaborer le scénario qui nous permet d’évacuer en 5 heures ». Si après on nous dit : « Votre scénario ne tient pas la route pour telle ou telle raison »… Ou qu’il faudrait plus de machin… et que ce ne sont plus des moyens qui sont à notre dimension, bon ben dans ce cas, on admettra le raisonnement. Mais qu’on nous dise au moins quel temps on nous donne pour résoudre le problème qui se pose.

Le problème qui se pose est que la quantité et la variété des phénomènes dangereux en jeu empêchent formellement les services de secours de fixer ce temps moyen demandé par le maire de Feyzin. Aucune autre réponse ne pouvant être donnée, les discussions se trouvent donc bloquées sur une voie sans issue, c’est-à-dire sans conciliation possible entre les positions défendues par les différents protagonistes. Craignant dans ces conditions que la dispute, plutôt feutrée pour le moment, ne s’envenime et ne vire au conflit, les services instructeurs s’orientent alors vers un arbitrage du préfet, seule solution restante pour résoudre le problème, trancher le différend et éviter un blocage irrémédiable de la procédure. Ainsi ce compte rendu de la réunion de l’équipe technique de décembre 2010 qui informe les acteurs du

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de cette intervention imminente :

‘‘

La cinétique lente fait l’objet de discussions car le sujet est complexe : en effet, ce n’est pas un seul phénomène à examiner de manière isolée, ni même un seul type de phénomène (cf. cartographie des aléas déjà présentée) mais plus d’un millier, pour mémoire. Ceci constitue une vraie difficulté pour les services de secours. Sur ce sujet, c’est le préfet délégué qui décidera, en liaison avec le préfet de région. Les choses devraient bouger en début d’année, le préfet ayant été informé95.

D’abord programmé début 2011, l’arbitrage n’aura finalement pas lieu avant l’été de la même année (on y reviendra au §2.2). Le remplacement inattendu du préfet de région en décembre 2010 aura en effet provisoirement raison de ce projet visant à forcer la conciliation des parties prenantes et éviter une situation de blocage redoutée par les services instructeurs. Dans l’attente de cette prise de position préfectorale, il reste que le problème posé par les aléas de la raffinerie n’a toujours pas trouvé de solution. Les quelques mois consacrés à l’exploration des différentes pistes ouvertes par l’exploitant n’auront pas permis de créer les conditions d’un accord possible sur la façon d’atteindre cet objectif de réduction des aléas que tous les acteurs se sont pourtant engagés à poursuivre collectivement à l’issue de la première réunion des

poa

de mai 2010. En dépit de positions convergentes sur le but à atteindre, cet exemple montre bien que les modalités d’application de la réglementation

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restent une source potentielle de conflit et que les intérêts en présence ne sont pas toujours facilement réductibles à l’intérêt général.

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