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Une règle monétaire adéquate

3- La politique discrétionnaire :

Les économistes parlent généralement, de politique monétaire basée sur la discrétion lorsque la latitude est laissée aux décideurs politiques d’évaluer ou d’apprécier, à chaque fois, l’évolution de la situation économique, et de savoir réagir, en appliquant les politiques qui leur semblent les plus appropriées aux fins de correction.

L’avantage de cette politique réside dans le fait que l’environnement économique étant sujet à des chocs imprévisibles, lorsque les décideurs politiques sont à la fois intelligents, prévenants et désireux du bien public, ils peuvent cerner les facteurs qui sont la cause et, par conséquent, apporter la meilleure réaction.

Aussi, la souplesse d’adaptation à l’évolution des conditions économiques confère à la discrétion un avantage énorme.

3.1- Les arguments en faveur des politiques discrétionnaires :

Les économistes keynésiens justifient le recours à des politiques discrétionnaires en se basant sur deux arguments : le premier est lié à la flexibilité de la politique discrétionnaire qui permet à la banque centrale de faire face aux différents chocs imprévus et le rôle que la politique monétaire peut jouer dans la réduction du chômage et la relance économique. Le second argument se base sur l’idée selon laquelle, la discrétion permet à la politique monétaire de s'articuler correctement avec les politiques suivies dans d'autres domaines (les finances publiques par exemple).

On peut ainsi dire que l’avantage le plus important que procure une politique discrétionnaire est la flexibilité qui permet à la banque centrale de répondre aux différents chocs imprévus qui frappent l’économie. Grâce à cette flexibilité, la politique monétaire peut efficacement réagir en présence de perturbations inattendues, telles que les chocs affectant l'offre de biens et de où encore la demande de monnaie.

Le second argument s’inscrit dans le but de la réalisation de la stabilité de la conjoncture et fait référence à la logique néo-keynésienne hostile au phénomène de l’indépendance des banques centrales et favorisant ainsi la combinaison des différentes politiques pour la réalisation des objectifs fixés par l’Etat régulateur. Cette idée s’inspire de la pensée keynésienne voulant éviter « les contradictions coûteuses qui pourraient découler de la déconnexion des différents niveaux d’interventions de l’Etat »220.

Afin de mieux cerner le sens de ce second argument, nous nous baserons sur un modèle IS-LM afin de montrer l’importance de la combinaison des deux politiques en l’occurrence : politique budgétaire et politique monétaire dans le cadre de policy-mix.

Tout d'abord, supposons qu’on se trouve dans une économie caractérisée par : une situation de sous-emploi de la main d’œuvre, et que cette économie ne subit ni des pressions inflationnistes ni des contraintes extérieures. L’objectif du gouvernement est de faire face au

220A. De Servigny, I. Zelenko « Economie financière », Dunod, 1999. La démarche que nous suivons pour montrer l’importance de la politique discrétionnaire est celle utilisée par ces auteurs dans leur ouvrage déjà cité.

problème du chômage qui caractérise cette économie. Pour atteindre son objectif, il dispose de la politique budgétaire comme outil de relance économique, soit en se basant sur une augmentation des dépenses publiques, soit par la baisse des impôts.

Donc, le gouvernement doit opter pour une politique de relance économique pour réduire le chômage, et c’est pour cela que, la relance budgétaire est considérée comme la meilleure solution pour réaliser cet objectif.

En se basant sur un modèle IS-LM, la relance budgétaire se traduit par le déplacement de la courbe IS vers la droite (IS’). [Graphique n°7]. Le nouveau équilibre atteint (le passage de A à B) permet un niveau supérieur du revenu national (YB> YA), mais au prix d’une hausse des taux d’intérêt (i B > i A), ce qui représente sans doute un futur handicap221 pour l’économie qui se traduit par un freinage de l’investissement privé.

Graphique n° 7 : La relance économique par la politique budgétaire.

221 Ce handicap n’est pas seulement futur. Il est aussi immédiat puisqu’il a éviction partielle des investissements privés.

A B YA YB iA iB IS IS’ Taux d’intérêt Y L’augmentation des dépenses publiques déplace la courbe IS vers la droite IS’.

L'utilisation par le gouvernement de la politique budgétaire comme le seul outil en sa possession pour réduire le chômage, à certes lui a permis d'atteindre son but, mais au détriment des investisseurs privés qui seront pénalisés par la hausse des taux d'intérêt. Donc, il s'agit là d'une solution sous-optimale (la baisse du chômage, augmentation des taux d'intérêt). Pour faire face à cette situation, il est dans l'intérêt du gouvernement de combiner les instruments budgétaires et monétaires afin de favoriser l'expansion du budget sans pour autant augmenter les taux d'intérêt ; car si cette relance budgétaire a été accompagnée d’une politique d’aisance monétaire, alors la courbe LM se déplace également vers la droite (LM’)222[Graphique n°8], au même temps que la courbe IS.

Le nouvel équilibre s’établit au point (YC, iC) avec un niveau de revenu national encore supérieur (YC> YB> YA) et un niveau de taux d’intérêt bas (iC< iB< iA).

Graphique n°8 : La relance économique par la politique monétaire et la politique budgétaire.

Dans ce cas de figure, la politique monétaire sert bel et bien de levier à la politique budgétaire active ; l'une complète l'autre. Pour nombre de keynésiens, confier la conduite de la politique

222 Le déplacement de la courbe LM à LM’ ne provoque pas de l’inflation, les prix sont quasiment stables puisqu’on est dans le court terme.

YA YB iA iB IS IS’ Taux d’intérêt Y La relance budgétaire complétée par la relance monétaire. YC iC LM’ LM B A C

monétaire à des autorités indépendantes du gouvernement, c'est aussi prendre le risque de se priver de telles synergies ; c'est aussi prendre le risque de mettre ces deux politiques en contradiction l'une avec l'autre, et donc d'entraver l'action régulatrice de l'Etat. La confiance dans l'efficacité des politiques conjoncturelles actives est ici totale ; c'est précisément cette confiance que n'affichent pas les libéraux contemporains.

A partir de cet exemple simple, on comprend l’idée de la hostilité des économistes keynésiens au phénomène d’indépendance de la banque centrale, car cela signifie privé l’Etat de toute possibilité de combinaison de politique et la réalisation de ces résultats.

3.2- Les critiques des politiques discrétionnaires :

Tout d'abord, on peut noter que les arguments en faveur des politiques discrétionnaires prennent appui sur l’idée que, pour être efficaces et agir sur l’activité réelle, les autorités monétaires doivent surprendre les agents économiques. C’est par exemple, le choix qu’a fait le système de Réserve fédérale aux Etats-Unis, qui ces dernières années, est intervenu sur les marchés de manière imprévue, sans référer à une règle préétablie que ce soit.

Cependant, ce type d’interventions est confronté à diverses difficultés. Tout d’abord on peut relever le problème des délais de transmission. Le temps nécessaire pour qu’une modification du taux d’intérêt directeur ait un impact sur l’activité économique est incertain. En plus, le bien-fondé d’une telle politique est mis en doute par le courant des nouveaux classiques, et en particulier R. Lucas pour qui cette façon d’agir ne peut avoir qu’une efficacité temporaire. Informés de telles pratiques, les agents vont rapidement adapter leurs comportements en anticipant rationnellement les surprises auxquelles peuvent procéder les autorités monétaires. Finalement, l’efficacité d’une politique purement discrétionnaire n’est pas prouvée, et dans certaines circonstances elle peut même avoir un effet néfaste sur l’activité.

Donc, l’utilisation de politique discrétionnaire rend l’action de la banque centrale moins crédible et crée un biais inflationniste, qu’on peut supprimer soit en instituant des règles et en

accordant une indépendance totale à la banque centrale pour éliminer le biais inflationniste en période électorale.

D’une manière générale, on constate une préférence académique en faveur de règles monétaires par rapport à la politique discrétionnaire. Elle s’appuie notamment sur le risque d’incohérence temporelle (time inconsistency). Ce risque se manifeste lorsque les décideurs annoncent, pour l’avenir, un plan considéré comme optimal (Stabilité monétaire, par exemple) mais qu’ils n’appliquent pas effectivement au moment de la décision. Et de ce fait, toute politique discrétionnaire risque de mettre en cause sa propre crédibilité en faisant apparaître un biais inflationniste. En effet, les agents économiques, en l’absence de crédibilité de la politique monétaire, anticipent un taux d’inflation élevé, ce qui accroît l’inflation. Seule la crédibilité de la politique anti-inflationniste permet de résoudre le problème posé par l’incohérence temporelle en lui permettant de convaincre les agents économiques que les autorités monétaires poursuivront sans faiblir une politique de stabilité des prix. Dès lors, les anticipations d’inflation tendent à disparaître et le taux d’inflation est maintenu au niveau souhaité par les autorités monétaires.

Après avoir étudié le débat entre les politiques monétaires basées sur des règles et les politiques monétaires discrétionnaires, nous allons maintenant nous pencher sur les différents critères permettant d’évaluer une règle de conduite monétaire.