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2-La tendance à l’évolution vers la transparence :

Les institutions publiques connaissent depuis une dizaine d’années de profonds changements. L’un des plus importants est la place croissante accordée à la responsabilité, ou l’obligation de rendre compte, qui amène les institutions publiques à devenir plus ouvertes et à donner plus d’information sur leurs opérations, bref, à être plus transparentes pour employer le mot à la mode.

La communication est devenue une question essentielle pour les banques centrales. Faisant d’abord un petit retour en arrière. Il n’y a pas très longtemps, dans la tradition de la « mystique des banques centrales », on considérait que les marchés et les partenaires sociaux observaient de près la banque centrale et s’efforçaient d’affiner sans cesse leur compréhension de son action192. Les banques centrales dans cette tradition, devaient en dire le moins possible, et elles faisaient peu d’efforts pour informer le public sur ce qu’elles avaient l’intention de faire et sur les motifs de leurs actions. De fait, elles ne s’appliquaient guère, dans le cadre de la conduite de la politique monétaire, à expliquer les objectifs poursuivis parce que ceux-ci n’étaient pas clairement définis. En l’absence d’objectifs clairs en matière de politique monétaire, les mesures de la banque centrale n’étaient généralement pas prévisibles. Et le point de vue traditionnel des banques centrales sur le sujet était qu’il valait mieux ne rien dire et laisser les actes parler d’eux-mêmes. En gardant confidentiellement une partie de leurs informations, les banques centrales s’assuraient d’un avantage stratégique vis-à-vis du marché, Cukierman et Meltzer193évoquaient aussi un niveau optimal d’ambiguïté.

Aujourd’hui, la situation est bien différente et la mystique de la banque centrale est largement abandonnée au profit de la communication et de la transparence de la politique monétaire194. De ce fait, s’il est un domaine où le point de vue des banques centrales a radicalement changé, c’est bien celui du rôle de la communication et de la transparence dans la politique monétaire. Ce qu’on peut observer ces dernières années, c’est une tendance généralisée et constante des banques centrales à pratiquer une plus grande ouverture et une plus grande transparence dans

192 Wyplosz. C, « la banque centrale en quête de crédibilité », extrait de la BCE, rapport n°38, CAE, la documentation française, Paris, 2002.

193 Cukierman, A. and Meltzer, A. H. (1986), «A theory of ambiguity, credibility, and inflation under discretion and asymmetric information», Econometrica 54(5), 1099– 1128.

194 Blinder, Alan S. Goodhart, Charles A.E.; Hildebrand, Philipp; Lipton, David and Wyplosz, Charles. «How Do Central Banks Talk ? » Centre for Economic Policy Research, October 2001.

la conduite de la politique monétaire. Cette tendance n’est pas le fruit du désir de vendre une image donnée de la banque centrale, mais elle s’appuie sur deux considérations.

Premièrement, le principe d’ambiguïté optimal n’est plus de l’ordre du jour, car l’hypothèse selon laquelle, les banquiers centraux sont sujets du biais inflationniste devient invalide dès lors que les banques centrales sont rendues indépendantes. Deuxièmement, la prise en compte de l’importance des anticipations comme canal d’efficacité de la politique monétaire conduit les banques centrales à accorder une importance réduite aux avantages d’informations. Donc, cette nouvelle situation est plutôt le fruit des modifications profondes dans la manière dont la politique monétaire est abordée et mise en œuvre et traduit la reconnaissance du fait qu’une plus grande transparence accroît l’efficacité de la politique monétaire. Et pour parvenir à la transparence, il faut une communication proactive et bien planifiée.

De son côté, J-C Trichet195, lors d’une interview en répondant à une question sur l’importance de la transparence et de ce qu’il pense de la fameuse phrase d’Alain Greespan « Si vous m’aviez compris, c’est que je me suis mal exprimé », il disait clairement que « c’était il y a très longtemps !, aujourd’hui nous sommes tous convaincus, et certainement Alain et aussi bien que moi, qu’il faut que les intervenants du marché comme l’opinion la plus large comprennent comment nous raisonnons et ce que nous faisons. Cultiver le secret est l’énigme, c’est du passé. Les mots aujourd’hui sont transparence et crédibilité ». Donc, il est clair que la banque centrale doit être transparente car cette dernière est liée à la crédibilité, et la crédibilité implique la transparence de la politique monétaire menée par la banque centrale. La justification d’une transparence accrue trouve aussi son explication dans la globalisation financière qui accroît généralement les contraintes pesant sur la politique monétaire, indépendamment de la stratégie adoptée. A ce sujet Edward George196 disait : « J’estime que l’importance de la transparence s’en trouve plus que jamais accrue, nous devons rester aussi clairs que possible sur les objectifs que nous poursuivons et indiquer les limites de ce que nous espérons atteindre, en tentant de démontrer au public que nos actions sont cohérentes avec nos objectifs. Si nos actes correspondent à nos paroles, les opérateurs de marché seront en mesure de mieux anticiper notre réaction probable à de nouvelles évolutions, de sorte que

195 Interview réalisé par Corinne Lhaïk, « Cultivé le secret, c’est du passé », l’Expression, 11/10/2004.

leurs propres actions pourront contribuer à une plus grande stabilité. Du moins, cela vaut mieux que de les maintenir dans l’incertitude ».

Donc, l’opinion publique et le marché jouent un rôle très important car la crédibilité repose aussi sur la faculté de ces derniers à comprendre les actions menées par la banque centrale. La prise en compte de l’importance du marché et de l’opinion publique est déjà soutenue par Sirkka Hamalainen197, ce dernier disait : « La crédibilité de la banque centrale repose en premier lieu sur les résultats qu’elle a obtenus par le passé. Toutefois, cette crédibilité fondée uniquement sur les résultats passés n’est pas suffisante. Pour qu’une banque centrale soit crédible, il faut également que ses décisions soient constamment comprises –et considérées comme étant motivées- par les marchés et l’opinion publique. Dans ce contexte, les banques centrales mettent de plus en plus l’accent, partout dans le monde, sur leurs stratégies de communication ».

Cette transparence est fortement liée à l’indépendance de la banque centrale, c’est-à-dire, il faut que la banque centrale soit libre de prendre toutes les décisions qu’elle souhaite. Cette idée est basée sur l’argument suivant :

Tout d’abord, si la banque centrale n’est pas indépendante, il est probable que la politique monétaire souffre d’un biais inflationniste et de ce fait, un degré optimal d’ambiguïté s’impose et l’opacité devient protectrice. Ensuite, une banque centrale indépendante à un devoir de responsabilité vis-à-vis de la population qu’elle sert, et pour rendre compte de leurs mandats, les banquiers centraux doivent pratiquer un degré élevé de transparence.

Par ailleurs, il est peut-être difficile pour les banques centrales d’être totalement transparentes en ce qui concerne l’orientation future de leur politique. Si les indications fournies par une banque centrale étaient réellement susceptibles de donner des informations sur l’évolution probable de la stratégie, elles renforceraient l’efficacité de la politique monétaire. Les opérateurs de marché seraient en mesure de se faire une idée plus précise de la politique future, réduisant ainsi l’incertitude et les primes de risque. Toutefois, il est difficile pour les banques centrales de prévoir précisément leurs décisions en raison du caractère imprévisible des données sur lesquelles elles se fondent et du besoin pour les responsables politiques de

maintenir ouvertes leurs options dans un environnement dynamique. Les dirigeants des banques centrales pourraient en principe, faire des déclarations concernant les futures décisions de politique monétaire qui sont fonction des résultats économiques à venir. Dans la pratique, les marchés et le public semblent avoir du mal à interpréter ce type de déclaration qui reste soumis à des incertitudes.

Après avoir étudié cette nouvelle tendance vers une transparence accrue, nous essayerons maintenant de voir comment peut-on assurer cette tâche difficile ?