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À travers l’étude des plateformes d’écriture en ligne, l’analyse littéraire des textes publiés sur ces plateformes, les entretiens des auteurs amateurs publiant dessus, une bibliographie regroupant des publications scientifiques et des retours d’expériences, plusieurs faits ont été mis en évidence.

Le premier fait étudié est celui du conditionnement des auteurs amateurs publiant sur les plateformes. Chacune d’entre elles possède son propre fonctionnement et sa propre ligne éditoriale. Si Wattpad et Fyctia sont très semblables dans leurs algorithmes, Fyctia se tourne vers les concours tandis que Wattpad reste un vaste site de publication de littérature grand public. Scribay se détache des deux autres plateformes par sa volonté de contenus élitistes. Les auteurs amateurs souhaitant se faire connaître doivent respecter les codes de chaque plateforme en suivant les lignes éditoriales. Ainsi, il sera mal vu de publier de la chick-lit, par exemple, sur Scribay et un texte de science-fiction ne trouvera pas son public sur Wattpad.

Pour les auteurs amateurs qui souhaitent que leurs textes soient vus, partagés et commentés, respecter les codes des plateformes n’est pas suffisant. Ils doivent également comprendre les algorithmes des plateformes afin de saisir comment et pourquoi les textes sont mis en avant. Ainsi, sur Fyctia, l’auteur doit davantage s’attacher au partage de son œuvre et aux commentaires qu’aux votes. Sur Wattpad, la publication régulière de nouveau chapitre est un facteur essentiel pour faire apparaître le texte dans les propositions de lecture, tandis que sur Scribay, les commentaires laissés sur les œuvres sont les principaux facteurs permettant aux auteurs de se démarquer et de rendre leurs textes visibles.

C’est ainsi qu’avant de publier sur les plateformes, tous les auteurs amateurs doivent se renseigner à la fois sur les lignes éditoriales de celles-ci, mais également sur leur fonctionnement pour s’y conformer. Suivre les règles pourra permettre aux auteurs amateurs d’utiliser les plateformes comme tremplin vers le statut d’écrivain.

Le second fait démontré, à la suite de ces études, est que respecter les règles et comprendre les plateformes n’est pas suffisant pour accéder au statut d’écrivain. Si un texte comporte trop de fautes de français, son auteur ne connaîtra pas le succès. C’est ainsi que Scribay, en cohérence avec sa ligne éditoriale élitiste, propose des outils aux auteurs amateurs afin qu’ils améliorent différents aspects de leur écriture. Il s'agit de dispositifs pour mieux s’organiser l’écriture, pour mettre en place des objectifs et des rituels d’écriture, pour aider à la création d’une œuvre par des cours sur les genres

92 littéraires à l’aide de MOOCs, mais aussi pour améliorer ses compétences rédactionnelles et enrichir son vocabulaire.

Les autres plateformes aident également les auteurs par le système des commentaires, mais de manière moins efficace. Les analyses statistiques et stylistiques des textes ont démontré que sur Wattpad et Fyctia, ces aides étaient très limitées, tant en termes de nombre de commentaires constructifs et utiles, qu’en termes de commentaires qualitatifs. Seul Scribay se distingue de nouveau en se voulant être une plateforme d’aide pour les auteurs. Néanmoins, il est important de rappeler que ces outils ne sont pas des recettes pour devenir écrivain, comme le déclare Arnaud Lavalade, CEO et co-fondateur de Scribay, mais « une expérience : la possibilité pour tout le monde d'écrire un roman, et pas forcément dans le but de le publier. » 134.

Étant donné l’aide limitée que les plateformes apportent aux auteurs amateurs, ces derniers peuvent améliorer certains aspects de leur écriture, elles ne servent en aucun cas de tremplin vers le statut d’écrivain. En revanche, elles peuvent mettre sur la voie en motivant les auteurs amateurs à publier et à s’investir dans leurs textes.

Le troisième fait mis en évidence touche la nécessité, pour un auteur amateur, de développer de multiples compétences en dehors de celles d’écriture. Cette nécessité provient du fait que les auteurs publient de manière numérique, où la concurrence est rude. Ils doivent alors apprendre à se relire et se corriger pour rendre leurs textes lisibles et éviter les fautes afin de donner envie au lecteur de continuer sa lecture. Ils doivent également être capables de créer une couverture attractive, puisque c’est la première image que les lecteurs ont de leur œuvre et c’est ce qui les amènera ou non à lire le texte. Si sur Wattpad et Fyctia, les couvertures prennent toute leur importance puisque c’est elles qui inciteront le lecteur à découvrir les textes, sur Scribay, c’est la qualité des textes qui attirera davantage le lecteur, les couvertures étant toutes plus classiques et moins fantaisistes pour ressembler aux collections de prestige, comme la collection Blanche des éditions Gallimard.

L’importance d’être de bons communicants n’est pas à négliger pour les auteurs amateurs. Cette communication digitale est un passage obligatoire pour un auteur amateur qui souhaite avoir le plus grand nombre de vues et, ainsi, monter dans le classement. De nouveau, les auteurs amateurs doivent apprendre à utiliser les réseaux sociaux, s’improvisant community manager, notamment Facebook, Instagram et Twitter. En adaptant les contenus et les messages sur ces réseaux, l’auteur va attirer différents types de lecteurs. Si sur Facebook, les lecteurs sont plus proches de l’auteur, sur Twitter, c’est une communauté liée au buzz et aux nouveautés qui est visée, tandis que sur Instagram,

134 Garel A. « Des algorithmes ont tenté de m’apprendre à écrire un roman ». Vice.com : [En ligne], 2017. Disponible sur :

< https://motherboard.vice.com/fr/article/9kqdxy/des-algorithmes-ont-tente-de-mapprendre-a-ecrire-un-roman >. (Consulté le 21 juillet 2018).

93 c’est en fonction des photos publiées que les lecteurs sont susceptibles de découvrir l’œuvre d’un auteur.

Ces compétences acquises en dehors des plateformes d’écriture en ligne soulignent le fait que ces dernières ne sont pas véritablement des tremplins vers le statut d’écrivain. Il s’agit plutôt d’un univers de consolation où les auteurs amateurs satisfont les envies de consommation de masse des lecteurs. Ces derniers souhaitent lire gratuitement des œuvres populaires, sans payer pour un format qui n’est pas physique. Les plateformes sont des entreprises qui font du marketing du livre, les lecteurs étant les consommateurs, et les auteurs amateurs les artisans déposant leurs œuvres au sein de ces entreprises.

Si quelques succès émergent de ces plateformes, c’est que certains auteurs amateurs ont suivi les règles, acquis de nouvelles compétences et qu’ils ont fait du marketing pour promouvoir leurs textes. De fait, ils ont réussi à susciter l’intérêt d’éditeurs qui ont vu en eux des ventes certaines, profitant de la communauté de lecteurs fidèles dont les auteurs disposaient déjà sur les plateformes d’écriture en ligne. Néanmoins, le succès de ces derniers est limité, peu d’entre eux se font éditer et seuls quelques cas font office d’exemples, comme After d’Anna Todd. Si la qualité du texte n’est pas présente, mais que les œuvres respectent les codes et que les auteurs sont actifs dans la communication avec les lecteurs, les textes pourront avoir un certain succès sans pour autant attirer les éditeurs. Les plateformes transforment alors ces quelques auteurs en auteurs-marques pour en faire la vitrine de leur plateforme.

À travers toutes ces analyses, il est alors possible de démontrer que les plateformes d’écriture en ligne ne sont pas un tremplin vers le statut d’écrivain, mais des entreprises pouvant, dans une moindre mesure, aider les auteurs amateurs à s’améliorer à la fois dans l’écriture et dans la communication. En dehors des plateformes, ces compétences sont également accessibles à travers différents dispositifs comme les ateliers d’écriture et les formations spécialisées.

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B. Pour s’améliorer et espérer devenir écrivains, les auteurs amateurs peuvent participer