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3. Résultats

3.2. Cas de confusion

3.2.2. Plantes fréquemment rencontrées

Si l'on prend en compte uniquement les appels concernant les plantes sauvages, 44 % étaient dus à quatre plantes12 : l'ail des ours, la châtaigne, la ciguë, et le robinier faux-acacia.

L'ail des ours (Allium ursinum L.) a concerné douze appels (23 personnes), dont six en 2014, contre un à deux appels par an entre 2010 et 2013. L'espèce ingérée n'a été déterminée dans aucune des situations : le colchique (Colchicum automnale L.) a été évoqué dans cinq cas, le muguet dans trois cas, une « plante irritante » dans un cas et le vératre (Veratrum album L.) dans un cas. Au total, les symptômes présentés peuvent être résumés en cinq différents tableaux cliniques (voir Tableau IX). L'ail des ours est la seule plante ramassée par tous les cueilleurs interrogés, sans exception. Parmi eux, seule Clotilde a confondu l'ail des ours avec l'arum tacheté (Arum maculatum L.) au début de son apprentissage des plantes (elle n'en avait jamais cueilli avant). Elle a porté une feuille à sa bouche dans la précipitation, et s'est aperçue immédiatement de son erreur par la sensation de brûlure qu'elle a ressentie sur la langue. L'événement n'a pas eu d'autres conséquences. Clémentine a raconté l'anecdote d'une confusion entre ail des ours et arum par une personne de sa connaissance, dans le cadre d'une cueillette en grande quantité. Dans ce cas, les conséquences furent plus graves puisque la personne en question « s'est retrouvée à

l'hôpital ». L'arum tacheté était la plante la plus évoquée par les cueilleurs parmi celles que l'on

peut confondre avec l'ail des ours, en raison de leur habitat commun (voir Figure 3.15), et de la ressemblance de la forme des feuilles à l'état jeune. Cette confusion peut donc être fréquente en cas de cueillette précipitée, où les feuilles sont ramassées par grosses poignées sans les distinguer une à une. La présence d'une ou deux feuilles dans la récolte peut suffire à provoquer des symptômes d'intoxication, car le goût ne sera pas perçu immédiatement lors de l'ingestion. La probabilité de confondre l'ail des ours avec le muguet (Convallaria majalis L.) était quant à elle plus discutée : bien que partageant en théorie le même milieu, les deux espèces ne sont pas toujours observées aux mêmes endroits ni à la même époque que l'ail des ours selon les cueilleurs. Cependant la ressemblance des feuilles est plus marquante que pour l'arum (voir Figure 3.16). Il existerait donc un véritable risque de confusion pour des cueilleurs inexpérimentés qui ne connaissent pas les cycles de croissance respectifs des deux espèces. Par ailleurs, on m'a raconté l'anecdote d'une femme qui a ramassé un bouquet fleuri d'ail des ours en pensant que c'était du muguet. Pour ces deux espèces, la confusion existe donc dans les deux sens ! Les principaux critères d'identification utilisés par les cueilleurs étaient l'odeur forte d'ail, la formation de tapis, et la fleur quand elle était présente (voir Figures 3.17 et 3.18).

Tableau IX : Tableaux cliniques des cas d'appels concernant l'ail des ours (Allium ursinum) Tableau clinique Symptômes Notes

Digestif

3 dossiers - 6 personnes

Nausées, diarrhées, douleurs

abdominales, tremblements, frissons (2 h)

Symptômes survenant pour tous les convives Irritant

3 d. - 7 p.

Brûlures oropharyngées, hypersialorrhées (immédiatement, jusqu'à plusieurs heures)

Symptômes ne survenant pas pour tous les convives

Neurologique

2 d. - 3 p.

« Coup de chaud », vertiges, sensations d'ébriété (immédiatement après ingestion)

Quantité consommée d'environ une cuillère à café

Tardif (« douteux »)

2 d. - 2 p.

1er cas : nausées, étourdissements (15 h)

2ème cas : vomissements (22 h)

Dans les deux cas, l'autre convive était asymptomatique

Asymptomatique

2 d. - 2 p.

Pas de symptômes La personne a appelé suite à un doute concernant une caractéristique organoleptique (odeur dans un cas, goût dans l'autre)

Les châtaignes étaient confondues avec des marrons d'Inde (Aesculus hippocastanum L.) dans dix cas d'appels au CAP (19 personnes). Les appelants étaient asymptomatiques dans la moitié des cas suite à une faible quantité ingérée (six personnes, moins d'un marron chacune). L'autre moitié des cas (treize personnes) évoquaient une symptomatologie digestive : douleurs abdominales, nausées, vomissements, diarrhées, entre 1h et 8h après ingestion. Les symptômes ont tous régressé sans traitement, à domicile. Parmi les cueilleurs, seule Clémentine a déclaré ramasser des châtaignes, qu'elle distingue très facilement des marrons d'Inde par la forme de la graine elle- même, de sa bogue et des feuilles de l'arbre. À noter : l'appellation commune « marron » désigne à la fois le fruit du marronnier d'Inde et une châtaigne de qualité supérieure, volumineuse et non cloisonnée. Cette éponymie explique en partie les méprises qui peuvent avoir lieu.

Neuf appels concernaient une plante à feuille très découpée (onze personnes) : ciguës (Cicuta

virosa L., Conium maculatum L., Aethusa cynapium L.) dans sept cas, pied d'alouette

(Delphinium sp.) dans un cas, et bouton d'or (Ranunculus sp.) dans un cas. Les plantes recherchées étaient la coriandre (Coriandrum sativum L.), le fenouil (nom vernaculaire regroupant plusieurs genres d'Apiacées), le persil (Petroselinum crispum (Mill.) Fuss subsp. crispum), la reine des prés (Filipenula ulmaria (L.) Maxim.) ou la berce (Heracleum sphondylium L.). Curieusement, la carotte sauvage (Daucus carota L.) n'a pas fait l'objet d'appels, c'est pourtant l'espèce qui est la plus évoquée concernant les confusions d'Apiacées (voir Figure 3.19). Les quantités ingérées étaient faibles dans tous les cas, et les patients étaient asymptomatiques, sauf une personne de 50 ans qui a présenté une douleur thoracique six heures après avoir mangé un bout de tige qu'elle pense être de la petite ciguë (Aethusa cynapium L., confondue avec de la berce, voir Figures 3.20 et 3.21). La causalité est tout de même douteuse pour ce dernier cas, en raison du type de symptômes, du délai, et de la quantité ingérée. Dans les entretiens, les Apiacées

ont été très peu retrouvées parmi les plantes cueillies, même chez les personnes ressources qui sont pourtant des cueilleurs confirmés. Seules trois personnes ont évoqué cueillir la grande berce.

Le robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia L.) a concerné cinq appels au CAP (neuf personnes), dont quatre en 2014 et un en 2012. Cet arbre est vulgairement appelé « acacia »13 et

ses fleurs sont couramment utilisées pour faire des beignets. Il appartient à la famille des Fabacées et présente des grappes de fleurs blanches ou écrues et des feuilles imparipennées (voir Figure 3.22). Le cytise (Laburnum anagyroides Medik.) est décrit dans la littérature comme responsable des intoxications par confusion de fleurs d'acacia. C'est également un arbre de la famille des Fabacées avec des inflorescences en grappes, mais dont les fleurs sont jaune vif et les feuilles ternées (c'est-à-dire à trois folioles, voir Figure 3.23). Parmi ces cinq appels au CAP de Lyon, il a été mis en cause dans tous les cas. Pourtant dans le cas de 2012, l'intéressé affirme que « les fleurs étaient très blanches ». Les symptômes présentés étaient vertiges et troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées, maux de ventre). Deux personnes ont également présenté une tachycardie. Le mode de préparation était des beignets de fleurs, ou bien n'était pas précisé (un cas). La cueillette du robinier faux-acacia est assez répandue parmi les cueilleurs interrogés, qui consommaient les fleurs en beignets ou en galettes. Ils faisaient tous part d'une incompréhension vis-à-vis de la confusion avec le cytise. En effet, outre la couleur des fleurs, la forme des feuilles et l'écorce de l'arbre sont également différentes. Cependant, sur internet on trouve des sites qui véhiculent la confusion en présentant du cytise pour du robinier faux-acacia [58].

Figure 3.23 : Rameau fleuri de cytise

(Laburnum anagyroides)

Figure 3.22 : Rameau fleuri de robinier faux-

acacia (Robinia pseudoacacia)

[Photo : ©Thierry RICHER DE FORGES / Tela Botanica]

Figure 3.20 : Jeune pousse de

grande berce (Heracleum

sphondylium)

Figure 3.21 : Sommité fleurie de petite ciguë

(Aethusa cynapium)

Figure 3.19 : Feuille de

carotte sauvage (Daucus