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4. Discussion

4.3. Prévention des confusions

4.3.1. Formation des professionnels de santé

Les intoxications par confusion de plantes ne concernent que 0,2 % des cas recensés au CAP, et semblent donc être minoritaires. Cependant, la cueillette de plantes sauvages tend à augmenter [25,33], et il est difficile de prévoir l'évolution du nombre et de la gravité de ces intoxications. Il semble donc tout à fait pertinent d'organiser dès aujourd'hui un réseau d'acteurs compétents pour la prévention des confusions. Ces acteurs travailleraient en prévention primaire avec des actions de communication et une aide à l'identification, ainsi qu'en prévention secondaire et tertiaire avec des conseils sur la conduite à tenir et la prise en charge en cas d'exposition à une plante toxique.

La place du pharmacien peut être questionnée parmi les acteurs de la prévention des confusions lors de cueillettes. Selon Stéphane Rodallec, dans sa thèse d'exercice sur les risques liés aux plantes : « Les intoxications liées à des confusions alimentaires sont peu sujettes à une prévention

officinale. Il ne faut cependant pas oublier que sur certains sites de conseils pour la cueillette de plantes sauvages, les pharmaciens sont cités parmi les personnes susceptibles d'aider à l'identification. » [62, p.71] En effet, les docteurs en pharmacie interrogés qui vendent des plantes

médicinales ont admis ne pas être capable d'identifier une plante sauvage fraîche. Le pharmacien d'officine d'aujourd'hui n'est plus l'apothicaire d'autrefois, qui manipulait aisément une grande diversité de plantes, de la récolte à la dispensation. L'exercice actuel est bien loin de l'usage des plantes brutes : si l'on trouve des produits de phytothérapie dans une officine, il s'agit la plupart du temps de produits industrialisés. Seules quelques rares officines ont un stock de plantes en vrac, puisqu'elles nécessitent beaucoup de temps d'entretien et de place de stockage et de présentation. Ceux qui vendent et conseillent ne sont plus ceux qui cueillent et transforment, ils n'ont pas les mêmes compétences ni la même activité. On observe donc un morcellement de la chaîne avec une séparation des compétences, « chacun son métier ! » comme le dit Fabien. Spontanément, les personnes intéressées par les plantes sauvages se tournent plutôt vers des conseillers en herboristerie pour une identification. Dans ce contexte, il semble peu pertinent de vouloir améliorer la formation initiale en botanique des pharmaciens. En revanche, une formation spécifique pourrait être mise en place en formation continue afin d'intégrer des pharmaciens d'officine dans une liste d'acteurs référents pour l'identification des plantes sauvages locales.

Dans les cursus universitaires de biologie, la botanique et l'identification des espèces végétales représentent une part importante de la formation. Un enseignement transversal regroupant des notions de botanique et de toxicologie pourrait être créé pour un public commun à la biologie, à la pharmacie, et à la médecine. Il serait pertinent d'ouvrir cette formation aux conseillers en herboristerie qui n'ont jamais accès à de tels enseignements complémentaires et ont pourtant un rôle important à jouer. Il sera ainsi possible d'établir une liste des personnes de référence à consulter pour l'identification des plantes sauvages et la prévention des confusions. Cette liste devra nécessiter une communication auprès des publics susceptibles de cueillir (une population très large et hétérogène comme on l'a vu), avec des recommandations pour la conservation du spécimen et les parties de plantes nécessaires.

En effet, un élément limitant pour la détermination des plantes sauvages est la partie végétale et l'état de conservation de l'échantillon qu'a prélevé le cueilleur. En pratique, quand une personne amène une plante pour sa détermination, elle n'est souvent pas identifiable car abîmée. De plus, les critères botaniques essentiels sont souvent absents, « parce qu'ils ne pensent pas qu'une plante

peut se reconnaître sur une partie qui n'est pas utilisée » comme nous l'explique Fabien. Pour

bonnes pratiques d'échantillonnage. Une formation dédiée au personnel de magasins « bio » et diététiques peut également être envisagée, puisqu'ils sont amenés à être en contact avec une partie du public susceptible de cueillir et pourraient être relais de cette communication. Un autre moyen serait de créer des outils d'aide à l'identification par d'autres critères, en s'aidant du milieu, de la forme des feuilles, et du toucher par exemple [52].

Les personnes travaillant aux CAP interviennent principalement en prévention secondaire et tertiaire, lorsque la confusion a été faite et que des patients se trouvent exposés à des plantes inconnues potentiellement toxiques. En effet, les CAP représentent une référence en matière d'information et de conseils sur les intoxications. Il serait donc envisageable d'imaginer la formation de référents en phytovigilance dans chaque CAP, qui aient des bases de botanique et une connaissance actualisée des cas d'intoxications par les plantes.

Un des principaux problèmes concernant ces cas est le manque d'expertise botanique pour déterminer la plante en cause. À l'instar de ce qui est fait pour les champignons en automne au CAP de Lyon, il serait imaginable d'organiser une permanence de botanistes en lien avec le CAP (ceci existe déjà en Suisse). Il existe plusieurs associations de botanistes amateurs en France qui pourraient être volontaires pour assurer cette veille d'expertise en cas de besoin. En Isère nous avons Gentiana, mais plus proches du CAP il existe également la Société linnéenne de Lyon. Des outils pratiques d'aide à l'identification des plantes par le personnel recevant les appels peuvent être imaginés pour apporter une aide à la prise de décision rapide. Ils regrouperaient des questions précises à poser sur la description botanique et sensorielle des plantes, avec des notions de fréquences de confusion et les principales conduites à tenir en cas de suspicion d'ingestion d'une plante toxique. Enfin, il serait intéressant de créer une « banque de goûts » pour les plantes sauvages toxiques, qui pourrait orienter l'identification à partir de la description gustative du patient lors de l'ingestion17.

Les médecins généralistes et urgentistes sont souvent amenés à appeler le CAP pour obtenir une aide au diagnostic ou à la prise en charge d'une suspicion d'intoxication. C'est également à eux que sont amenés des échantillons de la plante ingérée lorsqu'il y en a. Certains pourraient donc être intéressés par une formation générale sur les intoxications par les plantes, les principaux syndromes présentés, les principales plantes impliquées et leurs critères d'identification.