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2. Matériel et Méthodes

2.3. Enquête de terrain

2.3.1. Méthode ethnographique

En anthropologie, l'enquête de terrain repose sur plusieurs formes de production de données : les entretiens, l'observation participante, et les procédés de recension [44].

Les entretiens sont dits semi-directifs puisque les questions posées orientent l'échange sur des thématiques précises, tout en laissant la possibilité à l'enquêté de répondre librement. Cette méthode a été choisie car elle permet d'aborder des informations qualitatives (motivations, perception, etc.) et laisse la possibilité d'explorer en détail des pistes intéressantes, ce que ne permettent pas les questionnaires fermés. Les entretiens sont menés à l'aide d'une grille d'entretien qui aborde différentes thématiques sous forme de questions (voir Annexes 1 et 3). Néanmoins, la forme et le contenu précis des questions posées ne sont pas les mêmes à chaque entretien, la grille étant là comme support pour n'oublier aucun sujet, et non pas comme questionnaire à respecter scrupuleusement.

L'observation participante consiste à s'insérer dans des situations classiquement vécues par la population étudiée. Ceci peut se faire de manière active (par exemple par l'observation et l'analyse de stages ou sorties sur le terrain), ou passive (par l'imprégnation et l'observation au quotidien). Grâce à mon implication dans la création du Jardin Dominique Villars sur le campus santé à La Tronche, j'ai rencontré, fréquenté et échangé avec différents acteurs impliqués dans le milieu. Ceci représente une forme de terrain informel qui a contribué à ma perception de la problématique et à mes réflexions sur le sujet. J'ai également assisté en tant qu'observatrice à une sortie sur le terrain (« Salades sauvages » avec l'association Gentiana), et co-animé deux autres sorties sur le Jardin

Dominique Villars (« Plantes alimentaires et médicinales »). Des formes d'observation participante

plus formelles seraient intéressantes à réaliser pour la poursuite de ce travail, comme participer à des stages de reconnaissance grand public ou des sessions de formation spécifique.

Les procédés de recension servent à objectiver le phénomène étudié en produisant des données quantitatives sur de petits ensembles. Dans ce travail, les données de recension concernent le nombre de sorties sur la thématique des plantes sauvages comestibles et/ou médicinales, le nombre de livres publiés sur le sujet et le nombre d'organismes proposant des formations longues sur les plantes médicinales.

Enfin, la triangulation (recoupement d'au moins trois sources différentes pour une même information) et la saturation (quand une même information est énoncée de manière répétitive par différents informateurs) sont un gage de validité scientifique du travail de terrain, surtout dans le cas de petits échantillonnages.

2.3.2. Recrutements

Deux types de population ont été interrogées : d'une part des personnes pratiquant la cueillette de plantes sauvages pour un usage personnel alimentaire ou médicinal, appelés « Cueilleurs » dans l'enquête ; d'autre part les « Formateurs » qui sont des professionnels considérés comme experts dans le domaine des plantes (médicinales et/ou sauvages) et qui transmettent des informations dans le cadre de leur profession, soit sous forme de formation à des élèves ou des stagiaires soit sous forme de conseils à des clients. Les critères de sélection pour le recrutement étaient de résider dans l'agglomération grenobloise ou dans les massifs alentours (Vercors, Chartreuse, Belledonne, Trièves, Grésivaudan, Voironnais)10. Chaque personne recrutée était

contactée par mail et/ou par téléphone pour convenir d'un rendez-vous de visu.

Les « Cueilleurs » ont été recrutés sur deux critères spécifiques : pratiquant ou ayant pratiqué la cueillette pour un usage personnel ET/OU suivant ou ayant suivi une formation longue dans une école de plantes. Il apparaît en effet que les écoles de plantes sont une grande source de cueilleurs et de futurs animateurs de stages. S'intéresser spécifiquement à eux permet en outre de comprendre comment ils ont été formés à cueillir. En effet, les écoles de formation en herboristerie ont un succès grandissant et accueillent un public provenant de tous les milieux socio-professionnels [20]. Il y a eu trois modalités de recrutement (voir Tableau IV) : soit le cueilleur m'était connu antérieurement, soit il a été recruté sur le terrain au cours d'une sortie botanique, soit il a été recruté par effet boule-de-neige (s'est porté volontaire après avoir été informé de l'enquête par une tierce personne ou par une annonce diffusée dans les réseaux de botanistes). Les élèves de formation longue sont majoritairement issus de l'ELPM, qui a fourni son consentement à cette étude. Une cueilleuse a suivi la formation de François Couplan sur trois ans (Collège Pratique d'Ethnobotanique à Lyon)11.

10 Il a été choisi de travailler sur Grenoble en raison du lieu principal de travail (bureaux de la SAJF à Saint-Martin d'Hères) et pour rester en cohérence avec les données obtenues dans le cadre de la collaboration avec le CAP de Lyon (Rhône-Alpes-Auvergne). La SAJF étant basée en partie au col du Lautaret (Hautes-Alpes), l'étude aurait pu en effet s'intéresser au briançonnais si une collaboration avait été obtenue avec le CAP de Marseille. Toutefois, les Hautes-Alpes était le lieu principal de cueillette pour deux des cueilleurs interrogés.

Tableau IV : Répartition des « Cueilleurs » selon leur mode de recrutement

Connaissance Boule-de-neige Terrain TOTAL Élèves formation longue 3 3 - 6

Autodidactes 2 1 2 5

TOTAL 5 4 2 11

Les « Formateurs » ont été recrutés selon deux critères spécifiques : possédant le titre de Docteur en pharmacie ET ayant une activité professionnelle en lien avec les plantes ET/OU dispensant des formations sur les plantes (voir Tableau V). Les modalités de recrutement étaient les mêmes que pour les « Cueilleurs ».

Tableau V : Répartition des « Formateurs » selon leur activité.

Vente et conseils Formation exclusivement TOTAL

Docteurs en pharmacie 2 2 4

Sans diplôme spécifique 0 2 2

TOTAL 2 4 6

2.3.3. Déroulement des entretiens

Les entretiens se déroulaient hors contexte de cueillette, en tête à tête, en intérieur (sauf pour deux entretiens), sans la présence des plantes discutées. Les grilles d'entretien des « Cueilleurs » et des « Formateurs » sont respectivement disponibles en Annexes 1 et 3. Les discussions étaient enregistrées à l'aide d'un dictaphone pendant la durée des questions posées, et une prise de note papier sous forme de tableau était réalisée en complément (voir Annexe 2). Avant de débuter l'entretien, l'enquêté était informé sur le cadre, l'objectif et le déroulé de la recherche afin d'obtenir son consentement éclairé.

Pendant l'entretien, il m'est arrivé d'intervenir pour apporter mon point de vue ou une information manquante, mais en règle générale j'attendais la fin de l'entretien s'il y avait des informations à apporter qui auraient pu perturber le contenu du récit du cueilleur.

d'ouvrages sur ce sujet en 20 ans. Il organise depuis 2009 le Collège Pratique d'Etnobotanique, une formation de trois ans sur les usages traditionnels des plantes.

2.3.4. Traitement et analyse des entretiens

Les enregistrements des entretiens ont été traités avec le logiciel Sonal. Les enregistrements des « Cueilleurs » et des « Formateurs » (au format .mp3) ont été importés respectivement dans des corpus d'entretiens intitulés « cueillette.Crp » et « formation.Crp ». Les entretiens enregistrés en deux parties ont été importés grâce à la fonctionnalité « Ajouter des fichiers concaténés » (permet de fusionner plusieurs enregistrements dans un ordre choisi pour obtenir un seul enregistrement). Chaque entretien a été dans un premier temps écouté en accéléré pour être découpé en extraits thématiques (voir Figure 2.7), puis dans un second temps réécouté au ralenti pour être retranscrit manuellement. Sonal présente des fonctionnalités qui permettent une retranscription facilitée (fenêtre de retranscription par extrait avec le raccourci

« Alt+Espace » pour suspendre l'écoute) ainsi que l'insertion de points de synchronisation pouvant correspondre à une question ou à une réponse. Ceci permet d'une part une retranscription plus rapide qu'avec un logiciel de lecture audio standard, et d'autre part un pré-découpage de l'entretien écrit pour en faciliter l'analyse qualitative. Enfin, pour le corpus « cueillette.Crp », chaque extrait a été associé à des « tags » correspondant au nom commun des plantes citées ainsi qu'aux critères sensoriels utilisés pour l'identification le cas échéant (odeur, toucher, goût). À la suite de ce traitement, les retranscriptions des entretiens « Cueilleurs » ont été exportées dans des fichiers d'extension « .doc » par thématique, pour être ensuite lues et analysées de façon qualitative.

Les entretiens « Formateurs », plus courts et abordant moins de sujets, n'ont pas été découpés a priori en thématiques. A posteriori, les extraits de ces entretiens ont été séparés en trois thématiques : (1) « Formation » (de l'enquêté), (2) « Enseignement » (outils et méthodes pédagogiques appliquées par l'enquêté), (3) « Expertise » (avis sur la question des confusions de plantes, expériences et témoignages).

Les entretiens ont été anonymisés : les prénoms utilisés dans ce rapport ne sont donc pas les prénoms réels des personnes rencontrées et le tutoiement a été utilisé pour les retranscriptions. En Annexe 6 est reportée la totalité des entretiens (certaines parties n'ont pas été incluses lorsqu'elles étaient hors sujet ou contenaient des informations permettant d'identifier l'enquêté).

Figure 2.7 : Thématiques et code

couleur utilisés pour le découpage en extraits des enregistrements des « Cueilleurs »