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I Le plain-pied du monde

Il s’agit donc dans un premier temps de reconstruire la posture épistémologique que les postvidaliens ont mise en scène dans leurs écrits réflexifs, de façon incidente, et presque involontairement. Elle engage des pratiques multiples et se saisirait aussi bien ailleurs que dans des textes, dans l’ensemble des topoï attachés à la discipline : relation à la carte, à l’image, au terrain, etc. Nous l’avons qualifiée de réaliste. Cette terminologie n’entre en concordance que de façon très imparfaite avec les propositions de « réalistes » contemporains revendiquant cette étiquette, comme K. Popper107, J. Searle108 ou, a fortiori, H. Putnam109 ; et la posture pourrait apparaître conceptuellement positiviste dans certains de ses modus operandi. Cependant, ce qu’elle a de plus essentiel, de plus fondateur, la rattache à ce que G. Almeras110 appelle le « réalisme naïf », qui considère que l’on pourrait « acquérir une connaissance directe et fiable » de la réalité111. Décrypter et formaliser cette conception pose un problème, tant les praticiens de la discipline se sont montrés peu diserts dans leurs analyses spéculaires et leur métadiscours. De sorte que le réalisme est tout à la fois omniprésent, diffus et non exprimé. Il opère mais ne se dit pas, invisible à la manière du paradigme kuhnien. Le formaliser ressortit à une forme de traque...

1°) Surgissements

PARTIR DE LA NATURE ET YRETOURNER

Dans la Géographie universelle que les élèves de P. Vidal de la Blache ont fait paraître dans l’entre-deux-guerres, on trouve, dès l’avant-propos de la collection, l’un des développements les plus frappants pour comprendre cette posture de la géographie française.

La géographie a largement bénéficié depuis un siècle, depuis un demi-siècle surtout, du progrès général des connaissances humaines. Et tout d’abord s’est achevée, par la conquête des pôles, la découverte du globe. Comme conséquence, les sciences de la nature ont pris toute leur ampleur : météorologie, océanographie, géologie, botanique, zoologie. Les résultats de

107 K. Popper, La connaissance objective, Paris, Aubier, 1991, rééd. coll. « Champs-Flammarion », n° 405, 1998, notamment p. 91-98.

108 J. Searle, La construction de la réalité sociale [trad. C. Thiercelin], Paris, Gallimard, « NRF essais », 1998.

109 H. Putnam, Le réalisme à visage humain, Paris, Le Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 1994, notamment p. 134-145.

110 En introduction de l’article « réalisme » dans S. Auroux, dir., Encyclopédie philosophique universelle, Les notions philosophiques, Dictionnaire II, 1990, p. 2169.

111 G. Almeras, op. cit., p. 2169.

toutes leurs observations sont venus s’inscrire sur des cartes de plus en plus exactes. Ainsi est apparue avec évidence l’action réciproque des phénomènes les uns sur les autres. Toutes ces analyses ont abouti à des synthèses, à la grande synthèse qu’est la nature prise dans son ensemble112.

Dans cet extrait, L. Gallois113 — dont la contribution à l’élaboration d’une doxa de l’École française de géographie fut essentielle — esquisse une sorte de récit des progrès de la « connaissance » géographique, selon un processus essentiellement cumulatif. Elle présuppose un arpentage exhaustif du monde et repose sur un cumul de « résultats »114 issus de celui-ci. La géographie sédimente ces derniers en cartes qui révèlent, dans le happening de la juxtaposition, des interactions explicatives. La seule co-présence des faits fait apparaître l’explication.

En ce sens, cette dernière est, en quelque sorte, naturalisée par L.

Gallois : elle est consubstantielle aux données du monde et ne demande qu’à être révélée. Ainsi, déjà, il n’y a pas à proprement parler de champ pour une traduction (et donc a fortiori pour une médiation -reconstruction) du monde qui serait interprétation (dans la saisie des données ou leur combinaison) par un sujet connaissant. La conception ainsi détectée va plus loin que et, pour ainsi dire, pousse à l’extrême la perspective du réalisme habituel : non seulement (et bien évidemment) elle postule une réalité objective indépendante des sujets connaissants, mais, de surcroît, ce réel se donne sans la moindre solution de continuité à ces derniers.

La phrase essentielle pour corroborer cette interprétation est la dernière de l’extrait : L. Gallois y clôt le mouvement de la connaissance par un fort étonnant retour de celle-ci à la « nature » (synonyme de

« monde » en tant que totalité close), comme si le cumul (L. Gallois parle de « synthèse ») des savoirs pouvait restituer l’objet du savoir, la

« nature prise dans son ensemble ». Ce retour du savoir à son objet accrédite très nettement la proposition formulée précédemment : l’épistémologie des postvidaliens présuppose une absence de discontinuité entre la connaissance (ou le sujet connaissant) et son objet.

Dès lors, la vocation du géographe est de recueillir les données du monde, de les inscrire, notamment sur des cartes (mais la transcription ne présuppose pas une interprétation) et éventuellement — c’est l’étape explicative — de révéler leurs correspondances115. En l’absence de toute coupure entre l’objet et le sujet connaissant, cette position impatronise un idéal de plain-pied de la « science » géographique dans le réel.

Quelques années auparavant, L. Gallois avait placé son maître-ouvrage Régions naturelles et nom de pays sous les auspices d’une

« tentative pour trouver des divisions [régionales] plus conformes à la

112 C’est nous qui soulignons. Extrait de : Lucien Gallois, « Avant-propos » dans P. Vidal De La Blache et L. Gallois, Géographie universelle, vol. 1, Paris, Librairie Armand Colin, 1927, p. V.

113 Lucien Gallois (1857-1941). Élève (1881-1884) puis fidèle lieutenant de Paul Vidal de la Blache durant la première décennie des Annales de géographie (fondées en 1891 par Vidal et Marcel Dubois). À la mort de Paul Vidal de la Blache, il a assuré seul la charge de directeur de collection de la Géographie universelle, fleuron de l’école française.

114 Que L. Gallois aurait pu, cinquante ans plus tard, appeler « données ».

115 En cela, L. Gallois se montre fidèle au projet vidalien qui investit l’objet régional sous la forme d’un « dossier » agrégeant des connaissances diverses pour en révéler, par effet de juxtaposition, les interactions. Cf. M.-C. Robic, « La stratégie épistémologique du mixte. Le dossier vidalien », op. cit.

réalité »116. Dans la conclusion, il précisait la nature de cette « réalité » à laquelle il fallait « se conformer » : « Je crois en effet que c'est dans la nature même qu'il faut chercher le principe de toute division géographique. »117 Il y avait déjà là la prémisse de la métaphysique postvidalienne, cette idée que tout, y compris « le principe de toute division », est déjà présent « dans les choses ». Au demeurant, la suite de la discussion sur la valeur « rationnelle » des divisions naturelles est extrêmement troublante :

Mais en réalité c'est pour des raisons plus hautes, touchant à la conception même de la géographie, qu'il faut s'en tenir aux divisions physiques.

Rechercher dans la variété, dans la complexité des faits où intervient l'activité de l'homme ceux où se marque l'influence du milieu, c'est la propre tâche de toute cette partie de la géographie qui n'étudie pas simplement les phénomènes naturels et qu'on s'accorde aujourd'hui à appeler la géographie humaine. C'est par là vraiment qu'elle se distingue d'autres sciences qui se préoccupent des mêmes faits. Ou si l'on veut laisser de côté ces distinctions qui sont dans nos esprits et non dans les choses, je dirai plus simplement qu'il faut, lorsqu'on veut se rendre compte des faits humains, penser toujours à l'influence possible du milieu. Or, comment reconnaître cette influence, sans une étude préalable, indépendante, du milieu physique ? Comment discerner ce qui est le fait de l'homme de ce qui est le fait de la nature, si l'on commence par confondre dans les mêmes cadres l’œuvre des hommes et les conditions naturelles ? La clarté n'a rien à gagner à ces sortes de compromis. En réalité une région naturelle est tout autre chose que ce qu'il faut bien appeler, faute de terme plus approprié, une région économique. C'est tout autre chose aussi qu'une unité politique.118

Les « raisons plus hautes » invoquées sont distinctives : c’est en les respectant que la géographie se « distingue d'autres sciences » et acquiert sa spécificité. Pourtant, ce genre de considération tactique résonne étrangement par rapport au thème initial de la conformation aux principes inscrits dans la nature. De surcroît, tout ce que décrit l’auteur à ce moment précis de son argumentaire est un ensemble d’opérations à proprement parler intellectuelles : une « conception […] de la géographie », une recherche discriminante « dans la variété, dans la complexité des faits » qui en sélectionne certains. En d’autres termes, ce que L. Gallois invite à faire à ce moment précis relève d’une démarche assez dissonante par rapport à l’idée d’une intelligibilité du réel dictée par la « nature ». Au reste, dans la foulée immédiate de ces assertions

« artefactuelles », notre auteur se reprend de façon on ne peut plus significative : « Ou si l'on veut laisser de côté ces distinctions qui sont dans nos esprits et non dans les choses… »119, comme s’il voulait se débarrasser des scories anti-réalistes que pourraient laisser les « raisons plus hautes » qu’il vient d’énoncer ! Pourtant, la reformulation qui suit est très en retrait par rapport aux considérations qui précèdent : elle renvoie davantage à une sorte de prescription méthodologique molle qu’à l’énoncé d’un principe « élevé ». Comme gêné aux entournures, l’auteur change alors de sujet pour se faire l’apologiste d’« une étude préalable, indépendante, du milieu physique » au nom de la « clarté », alors même

116 L. Gallois, Régions naturelles et noms de pays. Étude sur la région parisienne, Paris, A. Colin, 1908, p. 1.

117 Idem, p. 222.

118 Ibid., p. 223-224

119 C’est nous qui soulignons.

qu’il est en train de poser les fondements de la « géographie humaine ».

Il y a, dans cette succession de glissements et de reprises, quelque chose comme un tâtonnement, plus proche d’une forme de discours oral improvisé que de la conclusion d’un ouvrage censé dire le droit sur les divisions « rationnellement » légitimes. Et pourtant, l’alinéa est bien présent, publié, avec ses reniements successifs, comme si l’auteur en assumait les contradictions ou n’avait pas perçu leur caractère ambigu.

RÉALISME OU POSITIVISME ?

Au travers de ces deux fragments pris dans l’œuvre de L. Gallois, il nous semble que l’on se fait une idée assez précise du statut d’intelligibilité des « principes » contenus « dans les choses », et des problèmes épistémologiques que soulève ce réalisme, de façon presque immédiate, puisque L. Gallois lui-même en était, d’une certaine manière, conscient. Pourtant, les textes de L. Gallois en disent plus sur les opérations que sur les « phénomènes » à proprement parler ou

« indices ». Chez E. de Martonne, autre « patron » de l’École française de géographie, une conception complémentaire s’esquisse, notamment dans le premier chapitre du Traité de géographie physique. Explicitement y est affirmé le « caractère descriptif et réaliste »120 de la discipline,

« caractère » qui la spécifie par rapport aux autres sciences. Ce réalisme prend tout son sens au détour d’une formulation emblématique : « Ce qu'il y a de fécond et d’original à la fois dans la méthode géographique, c'est qu'elle met en présence des réalités terrestres. »121 Prise dans une acception littérale, cette phrase figure nettement le plain-pied des géographes dans les « réalités terrestres » en mettant en scène l’implication performative (au sens de John Austin122) dans le réel qu’opère leur démarche. Elle rend par ailleurs inconcevable toute possibilité d’une discontinuité réflexive entre les idées et les choses.

L. Gallois et E. de Martonne ne sont pas les seuls à avoir donné forme explicite au réalisme classique. Néanmoins, chez J. Brunhes, l’appréhension des « réalités » est peut-être légèrement différente sur le plan des prémisses, même si la posture est grosso modo la même.

Qui est géographe sait ouvrir les yeux et voir. Ne voit pas qui veut. En matière de géographie physique comme en matière de géographie humaine, l'apprentissage à la vision positive des réalités de la surface terrestre sera le premier stade et non le plus aisé.

Par voie de conséquence, la méthode géographique, en tous les domaines où elle peut être suivie, est une méthode qui donne la première place et le principal intérêt à l'étude exacte, précise, de ce qui est aujourd'hui. Avant d'interpréter sur la foi de témoignages plus ou moins discutables les faits du passé, on s'efforce d'observer, de grouper, et enfin, si possible, de classer les faits du présent. C'est là une méthode qui a un vrai caractère positif et scientifique.

Il est légitime de prendre connaissance de ce qui est, de l'état géographique présent, sans être contraint d'étudier l'origine et les transformations historiques des phénomènes.123

120 E. de Martonne, Traité de géographie physique, Paris, Armand Colin, 1909, p. 24. Nous reviendrons plus en détail sur la conception martonienne dans le chapitre suivant.

121 E. de Martonne, ibid., p. 23. C’est nous qui soulignons.

122 John L. Austin, Quand dire c’est faire, Paris, Le Seuil, 1970.

Là où un L. Gallois semble se méfier des « distinctions » de l’« esprit », J. Brunhes souligne la nécessité d’un « apprentissage », qui est d’abord éducation du regard, même s’il s’agit finalement de regarder

« ce qui est aujourd'hui » : les « réalités » sont toujours « données », mais elles impliquent une « méthode » d’appréhension qui relève nettement du positivisme. La frontière entre les uns et les autres, à ce niveau, est faible, car bien évidemment L. Gallois ou E. de Martonne n’auraient en rien contesté l’idée d’une éducation du regard, mais il y va d’une sorte de clause de style : tous partagent la priorité donnée à

« l'étude exacte, précise, de ce qui est aujourd'hui », mais en modulant différemment la visibilité des taxinomies servant à « observer, […]

grouper, […] classer », que J. Brunhes revendique, tandis que les deux autres les occultent. Au reste, c’est chez celui-là que s’opère une liaison quasi tautologique ou synonymique entre « sens géographique » et

« perception […] réaliste » :

Qu'y a t-il de nouveau dans cette manière de traiter l'histoire, sinon de regarder et de voir sur la surface de la terre la réalité et les variations de tout ce que nous avons appelé les faits essentiels de la géographie humaine ? Il est bien permis d'évoquer ici ce « sens géographique » que Ratzel déclare de plus en plus indispensable aux « observateurs des phénomènes politico-géographiques ». Il y a un « sens géographique » qui exige comme une perception plus réaliste de toutes les manifestations de l'activité humaine, — économique, historique et politique.

Voir les formes précises de la réalité terrestre, les voir dans toute leur extension matérielle et jusqu'à leurs zones-limites, en discerner les

représentations variées en différents points de l'espace, voilà bien ce que

commande l'esprit géographique.124

Outre cet effet quasi tautologique, le « positiviste » Brunhes s’aventure dans quelque chose de plus drastiquement réaliste lorsqu’il assigne à la géographie le projet de « voir les formes précises de la réalité terrestre », qui ici s’imposent plus franchement dans leur autonomie, ou leur « auto-significativité », même si immédiatement après ce schème est corrigé par la mention de « représentations variées », au demeurant assez mystérieuses quant à leur contenu circonstanciel. Ce motif a une autre occurrence, qui achève de mettre en équivalence géographie et vision des « réalités » en tant qu’elles sont localisées :

« Cette accoutumance à voir les réalités où elles sont et telles qu'elles sont, produit sur l'esprit cet effet de lui inculquer une juste défiance des

simples étiquettes et de lui procurer un sens critique de la valeur

variable des réalités géographiques. »125

En définitive, il nous semble qu’en tant que posture

« métaphysique », le « réalisme géographique » présente une certaine homogénéité chez ses trois principaux énonciateurs : comme tout réalisme, il suppose que les choses sont affectées d’un pli que la science reproduit plutôt qu’elle ne le défait. La particularité de ce réalisme-ci tient au caractère immédiat des « faits », saisissables de manière passablement transitive (mis à part peut-être chez J. Brunhes), en l’espèce d’une consignation (visuelle, cartographique, textuelle à la rigueur).

VIDAL AUSSI

Bien qu’il ne soit pas dans notre propos de faire des développements importants sur P. Vidal de la Blache, nous tenions à signaler que nous avions trouvé dans ses textes une et une seule occurrence de discours explicitement réaliste, dans un texte assez tardif, « Les caractères distinctifs de la géographie », publié alors que le « patron » de l’école française de géographie avait soixante-huit ans et l’essentiel de son œuvre derrière lui, et alors que ses principaux lieutenants avaient déjà publié la plupart des textes que nous venons d’étudier :

La terre […] fournit pour cela [à la géographie] un champ presque inépuisable d'observations et d'expériences. Elle a pour charge spéciale d'étudier les expressions changeantes que revêt suivant les lieux la physionomie de la terre. Remarquons, avant d'aller plus loin, que cette combinaison est la forme même sous laquelle les phénomènes s'offrent

partout dans la nature. La géographie est sollicitée vers les réalités.126

Cette « remarque » constitue une parenthèse incidente dans le corps du discours, sur laquelle l’auteur ne s’appesantit pas plus que cela. On pourrait la lire aisément comme une sorte de préalable ou de clause de style. Elle ne souffre en revanche d’aucune ambiguïté : « les phénomènes s'offrent partout dans la nature » sous « forme » de « combinaison », ce qui revient bien à dire que « les réalités » — aussi bien que leur assemblage — sont un « donné » de nature, qui opère comme une attraction sur la « géographie ». Le géographe apparaît un peu comme celui qui est aspiré par le monde, amené à se départir de lui-même pour s’absorber dans la « scènerie » qui s’offre à lui. Il y a là comme une extraversion fondamentale tout à fait congruente avec la personnalité scientifique du « père » de l’école française de géographie.

Il est important de noter que les postvidaliens qui ont fait la promotion d’une géographie humaine pour partie autonome vis-à-vis des

« conditions naturelles » sont aussi ceux qui sont demeurés quasiment muets sur ce sujet ontologique : nous pensons notamment à A.

Demangeon et J. Sion. Il faut dire qu’ils ont peu écrit dans une perspective épistémologique. Mais aussi bien dans « L'art de la

description chez Vidal de la Blache »127 et « Géographie et ethnologie »128

du second que dans « Une définition de la géographie humaine »129 du premier, on ne trouve rien de très net qui permettrait au minimum d’inférer ou d’interpréter. D’un certain point de vue, cette absence d’une posture tranchée est liée à leur inclination pour les « explications » culturelles, ethnologiques ou sociologiques : l’un comme l’autre ont beaucoup insisté sur le rôle des usages coutumiers, des « faits de civilisation », etc., qui nuancent nettement, voire relativisent, l’idée d’une

« adaptation » aux « conditions du milieu ». Ce faisant, ils ont souvent mis l’accent sur la relativité des interprétations quant à la valeur d’un milieu et la détermination sociale des artefacts humains, qu’ils soient matériels (outillage, habitat) ou territoriaux (cadastrage, parcellaire, etc.). Tout ceci ne suffit pas pour les dire non-réalistes, loin de là, mais donne quelque éclairage sur leur indifférence apparente pour la question des « réalités » (terme qui n’a pas ou extrêmement peu d’occurrences dans leurs textes réflexifs). Dans le cas d’A. Demangeon, une incidente de son texte posthume « Une définition de la géographie humaine » anticipe tout de même une direction importante qu’allait prendre le réalisme géographique de l’après-guerre :

Ces habitats où les hommes se groupent, où ils travaillent, sont de dimensions fort inégales qui peuvent aller de la localité élémentaire au grand territoire. Ils forment les cadres à l'intérieur desquels se répartissent les faits géographiques et, par leurs caractères propres, ils impriment une originalité à l'humanité qui s'y rassemble. Comprendre et décrire ces unités régionales est l'une des fonctions primordiales de la géographie, car chacune

d'elles forme souvent une sorte de personnalité qu'il faut faire revivre.130

Dans ce fragment, on voit la « clause de réalité » se déplacer et se préciser par rapport aux considérations très larges de J. Brunhes ou L.

Dans ce fragment, on voit la « clause de réalité » se déplacer et se préciser par rapport aux considérations très larges de J. Brunhes ou L.

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