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II Conséquences scripturaires et modus operandi du réalisme géographique

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La nécessaire transparence et le déni du texte

Pour un réaliste convaincu, le texte est une contingence désagréable, voire un défi : à la différence de l’expérience du terrain, il crée une interférence entre le géographe et le monde, et la nécessité d’utiliser un langage conventionnel fait encourir le péril de plaquer sur le réel des sophismes artificieux. À ce titre, les géographes classiques étaient soucieux de ratifier leur lexique par les « choses ». L’introduction des deux volumes qu’Emmanuel de Martonne a consacrés à l’Europe centrale dans la Géographie universelle est intitulée « La notion d’Europe centrale ». En une centaine de lignes, l’auteur tente en quelque sorte de justifier par une multitude de biais cette appellation de la « langue politique ». Il essaie en fait d’accréditer l’idée d’un entre-deux, d’une région de transition entre Europe orientale et occidentale. À l’issue de son argumentaire, il se pense en droit d’affirmer, satisfait : « Ainsi, l'Europe centrale n'est pas un mot. » Cette paradoxale négation trouve tout son sens dans un souci d’adéquation entre les mots et les choses. Le mot en soi est initialement un artifice. C’est en répondant à une réalité indépendante des élaborations sociales et en se niant lui-même qu’il peut accéder à un statut de quasi naturalité ratifiant l’intérêt géographique.

Mais ces problèmes lexicaux ne suffisent pas à rendre compte de l’embarras que constitue la parole sur le monde. Les enjeux principaux portent sur des niveaux plus globaux d’énonciation : comment dire un objet géographique saisissable sans médiation (ou presque) au travers d’un medium aussi interventionniste que le discours, surtout écrit ?

Comme faire en sorte que celui-ci n’obscurcisse pas le rapport immédiat à l’objet, conçu idéalement sur le mode de la levée de terrain ? Notre hypothèse essentielle est que le texte géographique classique se devait d’être écrit de façon à instituer, autant que faire se peut, un sentiment d’immersion dans les « réalités géographiques ». Ceci implique de recourir à des dispositifs d’écriture (non nécessairement explicités, voire inexplicitables...) susceptibles d’engendrer, par effet de convergence, la sensation requise. L’artefact ainsi créé a plus que des analogies avec le dispositif de l’écriture naturaliste. Il produit aussi un contrat de lecture proche de celui que génère la littérature d’évasion, qui sollicite l’arrachement du destinataire à lui-même et sa fusion dans la virtualité du référent.

L’illusion réaliste du plain-pied, de l’immédiateté de l’objet, repose sur l’évacuation de ce qui est susceptible de faire émerger dans le texte les conditions de son énonciation, sa rugosité de médiateur d’un acte de communication. À un niveau élémentaire, c’est ce que manifeste l’énoncé suivant : « Du fait de la guerre, l’empire britannique a gagné de nouveaux territoires : ces acquisitions, qui s’élèvent à environ 2 570 000 km2, représentent une étendue huit fois plus grande que celle du

Royaume-Uni. »142. Dans cette phrase, nulle trace de son énonciateur (caricaturalement : « je vous annonce que »), des origines contextuelles de l’énoncé (quel en a été le premier émetteur ? Quand ? Qui a fait le calcul ? Selon quelles modalités ?). Le message se veut pure information,

pure description143 (au sens de R. Jakobson144), restitution de la vérité d’un fait. En gommant, autant que faire se peut, l’existence d’un auteur, la présence d’un corpus intertextuel, la contingence matérielle du texte lui-même, l’écrit géographique tendra à donner l’illusion de la restitution, voire du plain-pied. Il ne s’agit pas cependant d’une évacuation complète et généralisée des aspérités de la textualité, mais plutôt d’un idéal, visant dans les écrits ad hoc (ceux qui livrent les résultats de la science) à la transparence du texte. Les parti-pris d’écriture qui réalisent cet idéal sont légion et il n’est pas de notre propos d’en réaliser un inventaire. On mettra plutôt l’accent sur quelques exemples, en quelques points clefs de la topographie textuelle.

Le texte réaliste se doit donc d’être transparent, afin de ne pas voiler l’objet qu’il est censé restituer. Tout ce qui pourrait mettre en relief sa dimension de texte doit être restreint au minimum : les références

intertextuelles145, qui rattachent l’écrit à un univers de signes autonome

vis-à-vis du référent ; les seuils éditoriaux, ou paratexte146, « qui [...]

entourent et prolongent [le texte], précisément pour le présenter, au sens habituel de ce verbe, mais aussi en son sens le plus fort : pour le rendre présent, pour assurer sa présence au monde, sa « réception » et sa

consommation »147. Les rares renvois ne débouchent qu’exceptionnellement sur une citation sous forme de texte : on réemploie du matériau en se dispensant de la lettre qui le construisait, on évoque fugacement plutôt que d’invoquer, ainsi dans cet extrait d’Albert Demangeon :

Le nom de Birmingham apparaît tard dans l'histoire. À l'époque normande, c'était un village dans une clairière de la forêt d'Arden ; la première mention d'une église date de 1285. Avec ses landes, ses bois, ses collines rocheuses, le pays s’élevait au milieu des Midlands comme une contrée sauvage d'où les routes s’écartaient. La fortune lui sourit à partir du XVIe siècle, lorsque l'industrie du fer y naquit de l’abondance du minerai et du bois. John Leland parle déjà des forgerons de Birmingham en 1538. Camden décrit la ville en 1607 comme une fourmilière d’habitants et un enfer retentissant du bruit

des enclumes.148

Les pages qui suivent présentent un certain nombre de recherches de détail sur les pratiques intertextuelles, paratextuelles et descriptives dans le « grand œuvre » des postvidaliens, la Géographie universelle publiée dans les années 1930, mais aussi, de manière plus diffuse et moins systématique, dans les thèses des élèves directs de P. Vidal de la Blache et dans les Annales de géographie. Ces recherches étant très fastidieuses à mener, il s’agit davantage de coups de sonde que d’une mise en examen systématique de la production empirique des postvidaliens. Certains auteurs que nous aurions aimé « travailler » davantage, comme Henri Baulig et Max. Sorre, ont été circonstanciellement négligés, alors que des auteurs « secondaires » à

nos yeux (Pierre Camena d’Almeida149, Fernand Grenard150) ont eu droit à un traitement à part entière. Mais l’essentiel n’est pas affaire de personnes : nous avons surtout essayé de démonter un certain nombre de mécanismes, démontage que l’on pourrait appliquer ultérieurement à d’autres auteurs. C’est au reste un peu ce que nous avons fait en particulier pour E. de Martonne dans le chapitre suivant.

1°) Minima scripturia

INTERTEXTE

L’intertextualité est l’un des domaines clefs de la question de la transparence. Qu’elle passe par l’introduction d’un texte allogène (épigraphe, citation incorporée au texte ou annexée en note), par le résumé ou par la seule mention, elle renvoie le texte à un univers de signes autant qu’elle enrichit le propos. De surcroît, elle met en valeur le capital culturel de l’auteur. Ces indications sommaires suffisent à suggérer l’opacification qui résulte du développement de pratiques citationnelles. Ces dernières sont donc une nuisance pour qui cultive un idéal de transparence. De ce fait, on ne s’étonnera pas de leur extrême discrétion dans les volumes de la Géographie universelle des années

1930 que nous avons examinés151. Dans notre échantillon, E. de Martonne, Raoul Blanchard et A. Demangeon ont porté l’abstinence à un niveau proche du degré zéro intertextuel. Dans le premier volume de l’Europe centrale de De Martonne, on ne trouve pas la moindre citation et seulement une référence intertextuelle ! La seule figuration intertextuelle dans le volume concerne les « géologues [qui] reconnaîtront

certainement ici un jour les nappes internes des Carpates. »152 Ou encore : « Les géologues ont tracé la limite de la dernière invasion glaciaire [suivent cinq lignes]. (...) au Sud, c’est presque une topographie et une hydrographie normales qui apparaissent, et seul le géologue

retrouve, sous la terre arable, la structure des moraines, etc. »153. La mise en scène, en quelques occurrences, du travail scientifique parallèle des

« géologues », tend à signifier tout à la fois leur ascendant sur le terrain et la bifurcation des préoccupations des deux disciplines, entre profondeurs et surface. Dans Les Îles Britanniques d’A. Demangeon, nous n’avons relevé qu’une quinzaine d’occurrences, des citations pour l’essentiel, révérence à l’autorité des maîtres (Vidal en introduction, Reclus en description), deux références en latin (Tacite à propos de Londres, Camden), quelques commentateurs (Ferri, Geike) et, occupant un bon tiers de ce peu, boutades, anecdotes populaires, témoignages d’expéditions, qui n’ont de textuel que leur consignation. On retrouve les mêmes proportions chez R. Blanchard (une vingtaine d’occurrences), mais avec quelques nuances : un seul littérateur un peu contemporain (Gobineau), de rares évocations d’explorateurs et de savants et les inévitables références latines (Tacite, Tite-Live, Dion Cassius).

Chez ces trois figures majeures de la géographie classique française,

les auteurs cités, hormis de notables exceptions154, ne donnent pas lieu à une référence bibliographique annexée en note, ni à une mention dans les bibliographies. Dans une citation de R. Blanchard, l’auteur est même anonymé : « La chaleur est telle à Mascate, dit un écrivain arabe, qu’elle

“brûle le rubis dans la mine et la moelle dans les os ; l’épée dans son

fourreau y fond comme cire.” »155 Il est donc impossible de faire retour sur les textes d’origine. Incidente, la citation n’offre quasiment pas d’ouverture intertextuelle, elle est un matériau intimement incorporé au texte, au point d’en perdre fréquemment ses guillemets : « Aussi la présence des ruines fait-elle partie nécessaire, dit Gobineau, de la

physionomie d’une cité persane, même prospère »156. De ce fait, elle est partiellement neutralisée, peu susceptible de voiler la transparence de l’objet.

Dans les textes de F. Grenard, P. Camena d’Almeida et J. Sion, le tissage intertextuel prend un peu plus d’ampleur. Le premier pratique essentiellement la référence indirecte aux auteurs de son corpus (Prjévalskiï, Kozlov, Kropotkine, Richthofen, Suess, Merzbacher, etc.), rappelant leurs hypothèses et calculs. Ce faisant, il introduit dans le texte une ébauche de spécularité en mettant en scène les acteurs de la science géographique. Avec une cinquantaine d’occurrences, le volume de P.

Camena d’Almeida est l’un des plus citationnels, dans une optique cependant moins spéculaire que chez F. Grenard. L’usage de la référence

aux « grands écrivains »157, étonnamment refoulée chez les rédacteurs précédemment évoqués, reprend ses droits dans l’évocation et le

réemploi, non dénué de naïvetés158, de « Pouchkin » et « Gogol’ ». Les autorités de la géographie russe (savants et explorateurs) sont presque toutes évoquées ou citées : entre autres les Sémionov (père et fils),

Woeikoff159, Kropotkine, Mouchketov, Krasnov, Obroutchev, Berg. Mais la principale rupture avec les pratiques dominantes intervient dans le

dernier chapitre, « La situation économique et sociale de la Russie »160, qui est une sorte d’appendice au volume, dont le titre occulte la nature profonde d’interrogation éminemment politique sur l’U.R.S.S. La rupture avec la doxa de la Géographie universelle postvidalienne se manifeste notamment par un tissage citationnel exceptionnellement dense et en apparence dialogique, faisant alterner le discours officiel (Lénine, Staline, slogans officiels, brochures bureaucratiques) et celui de ses détracteurs des années 1930 (A. de Monzie, N. Pravdin, G. Grinko, etc.).

Le moins orthodoxe de tous les auteurs étudiés est incontestablement J. Sion. À des degrés divers selon les rédactions mais toujours très nettement, il a enraciné son écriture dans un champ intertextuel (mais aussi, en quelque sorte, « interpictural ») visibilisé.

Outre d’assez nombreuses références littéraires161, picturales162, il pratique, plus largement que F. Grenard et P. Camena d’Almeida, la

référence aux auteurs de ses corpus régionaux163. Malgré cette abondance, les références enchâssées sans guillemets prédominent, qui limitent la distorsion texte/intertexte :

D’autre part le chinois n’a su ni vivre en harmonie avec les anciens habitants, ni se préserver de leurs représailles. Il se confine au fond des vallées, dans une insécurité perpétuelle qui arrête tout développement économique. Sans cesse il est prostré sous la crainte des Lolo. Le Dr Legendre nous décrit ceux-ci comme une race vigoureuse de montagnards.

Énergiques, agiles et bien découplés, ils poursuivent les sangliers et les ours,

font paître leurs troupeaux de moutons. [Etc.]164

Il arrive même, fait exceptionnel165 dans les textes de la Géographie universelle, que Jules Sion mette en scène des dissensus entre auteurs ou prenne position lui-même pour un réexamen de théories qu’il expose par ailleurs. Généralement, afin d’atténuer la dysharmonie ainsi créée, l’effet de controverse repose sur un renvoi texte (thèse dominante) / note (thèse

contestataire, qui peut éventuellement aussi être repoussée)166. Nous avons pu repérer plusieurs occurrences de ce type dans le premier tome de l’Asie des moussons. Comme il était prévisible, les débats

géomorphologiques occupent l’essentiel de cette figuration de

controverse167.

Au terme de ce parcours des usages de l’intertexte dans la Géographie universelle, on mesure assez clairement l’importance de la doxa réaliste pour cette entreprise canonique du classicisme postvidalien.

À ce titre, d’autres lieux éditoriaux comme Les Annales de géographie, où se reflétaient non seulement la science accomplie mais aussi la recherche de matériaux (à travers les mises au point bibliographiques) et, parfois, le travail en train de se faire, montrent des pratiques intertextuelles beaucoup plus développées. Dans les volumes étudiés, le travail citationnel est notable dans les études de géomorphologie et, forcément, dans les catalogues bibliographiques et/ou cartographiques commentés, ainsi que dans les comptes-rendus d’ouvrages. Malgré cela, un objectivisme assez généralisé règne à la fois sur ces derniers et sur l’ensemble des « notes », section éditoriale regroupant des textes de quelques pages, trop courts pour être classés parmi les articles, trop longs pour entrer dans les chroniques. La norme réaliste semble y régner, au moins implicitement, dans la présentation ultra factuelle de livres, de comptes-rendus d’excursion, de résultats d’enquêtes statistiques, voire d’événements politiques, évoqués sur un mode journalistique. Un examen plus minutieux nous permettrait sans doute de retrouver ici des opérateurs de la fiction de transparence. Les études régionales non exclusivement physiciennes publiées dans les Annales indiquent des pratiques citationnelles proches de celles de la Géographie universelle.

L’homologie ne s’arrête pas là : la petite monographie régionale propose de larges similitudes avec le grand genre. Elle se différencie principalement par la taille et par une modulation différente des choix éditoriaux ; par exemple, comme il n’y a pas de bibliographie annexée, on trouve davantage de renvois en notes de bas de page.

Dans les thèses des élèves de P. Vidal de la Blache168, l’intertextualité est plus fournie. Une forme spécifique domine, qui consiste à préciser en notes les sources qui ont servi pour avancer tel ou tel élément descriptif

ou explicatif. Les jugements sur ces références sont rares169 et les citations directes relativement peu nombreuses : l’appareil critique, essentiel pour impatroniser la valeur savante de l’exercice, figure comme caution et non comme répondant de la réflexion. Ici encore, la critique des sources a été gommée avant leur appareillage... Il y va de la construction d’un savoir régional positif, qui se donne pour cumulatif. Par ailleurs, les références lettrées sont plus fréquentes que dans la future Géographie universelle : sans doute attendait-on des impétrants au doctorat ès Lettres la manifestation d’une culture humaniste qui faisait partie de la distinction universitaire. De là les relativement nombreuses évocations de César, Dion Cassius, etc. Autre spécificité, certaines thèses (notamment celles d’A. Demangeon et R. Blanchard) mobilisent abondamment la presse régionale : outre les « précieuses » informations qu’elle fournit, il y va d’une fonction d’actualisation du référentiel, qui creuse le contraste avec les thèses d’histoire. Pourtant, il s’agit essentiellement de collecter de l’information donnée comme du fait brut.

L’intertexte, pour l’essentiel, fait de la figuration en note, à la marge du texte, plutôt qu’au sein de celui-ci. On atteint par là un deuxième aspect fondamental de la construction de la transparence, saisissable dans l’articulation du texte et du paratexte.

PARATEXTE

Par ce terme, après Gérard Genette, nous entendons « un certain nombre de productions, elles-mêmes verbales ou non, comme un nom d’auteur, un titre, une préface, des illustrations, dont on ne sait pas toujours si l’on doit ou non considérer qu’elles lui appartiennent, mais qui en tout cas l’entourent et le prolongent, précisément pour le présenter, au sens habituel de ce verbe, mais aussi en son sens le plus fort : pour le rendre présent, pour assurer sa présence au monde, sa « réception » et

sa consommation, sous la forme, aujourd’hui du moins, d’un livre. »170. Cette définition contient très clairement ce qui peut faire sens pour une écriture de la transparence : le paratexte a un fort potentiel d’autonomisation, de singularisation du texte, indépendamment de sa fonction référentielle. On a donc affaire, une fois encore, à une instance potentiellement opacifiante. Il ne s’agit pas toutefois d’une action univoque : dans le champ des sciences humaines, un titre, un prière d’insérer, une préface, une note, n’a pas forcément de forte implication spéculaire. D’où la nécessité de dépasser le seul inventaire et de s’interroger sur les usages des différents « seuils » éditoriaux présents dans notre corpus. Dans le cadre d’une étude réduite, il était impossible de présenter des analyses approfondies sur l’ensemble des composantes du paratexte. Parce que cela s’avérait particulièrement heuristique, nous avons resserré l’étude sur l’appareil annotatif (en relation incidente avec la bibliographie) et « l’instance préfacielle » (cf. supra). Mais des travaux

sur l’intitulation, les prières d’insérer, l’épitexte171 s’avéreraient sans doute féconds.

La note, particulièrement sous sa forme infrapaginale, est un puissant outil d’institution du texte (comme texte) et partant, d’opacification du référent. Quand elle ne se réduit pas à une maigre fonction de complément (notamment statistique) du discours principal, elle introduit une sorte de contrat de lecture second avec le lecteur, à portée réflexive, qui peut se construire sous la forme de digressions ou de métadiscours (ex : « lorsque je vous dis ceci, j’ai à l’esprit que... »), etc. Elle a donc un fort potentiel dialogique et critique, et peut militer contre le caractère irrévocable et non construit du référent. On ne s’étonnera donc pas de la faiblesse des pratiques d’annotation, à l’exception des thèses des postvidaliens (cf. supra), dans l’essentiel des volumes de la Géographie universelle des années 1930 et même, ce qui est plus surprenant, dans les Annales de géographie. Non pas que les notes soient absentes ou prohibées : elles existent, mais elles sont rares et visent uniquement à communiquer des informations factuelles considérées comme secondaires par l’auteur ou (essentiellement dans les Annales de géographie) des références bibliographiques soutenant ce qui est affirmé. Car dans la revue phare de l’École française de géographie, l’administration de la preuve ne pouvait pas ne pas être un enjeu... En bannissant les notes, ou en les cantonnant dans un rôle extrêmement restrictif, la géographie classique (J. Sion excepté) se donnait un artifice supplémentaire pour suggérer la présence immédiate du référent.

Les pratiques d’annotation de la géographie postvidalienne ne sont pas homogènes, pour des raisons clairement éditoriales. L’absence de bibliographie en fin d’article dans les Annales justifie de nombreux renvois en note. À défaut d’une comptabilité plus précise, on peut estimer

que ces renvois représentent, tous articles confondus172, une petite moitié du total de l’annotation. Ils permettent d’éviter la « non-référenciation », gênante dans la Géographie universelle. Dans les « notes » et

« rubriques » (cf. supra), cette fonction est prédominante. Les autres

usages présents sont tout à fait standard173 : renvois, éclaircissements ponctuels, précisions statistiques, voire jugements et discussions. L’usage qui consiste à repousser le débat (restrictions, critiques, mise en saillie d’une controverse, etc.) en note est épiphénoménal. Sans pouvoir encore le prouver de manière catégorique, il nous semble que l’on retrouve à peu près les mêmes distributions en matière de notes non bibliographiques que pour l’intertextualité.

Dans les volumes de la Géographie universelle, la pratique est complètement différente. La présence de bibliographies en fin de chapitre (A. Demangeon, E. de Martonne, J. Sion, Y. Châtaigneau, R.

Blanchard, H. Baulig), de partie (P. Camena d’Almeida) ou de texte (F.

Grenard) s’est accompagnée d’une absence presque complète de

références bibliographiques en note174. Une étude un peu systématique de

références bibliographiques en note174. Une étude un peu systématique de

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