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La place primordiale du médecin généraliste dans les situations de

fin de vie à domicile

Dans cette prise en charge complexe impliquant de multiples acteurs aux avis différents, quel rôle le médecin traitant peut-il jouer ?

Les médecins généralistes occupent une place privilégiée : ils connaissent le plus souvent très bien le malade et ils entretiennent un lien de confiance avec les proches. Leur image de « médecin de famille » est d’ailleurs l’un de leurs principaux atouts : elle leur donne d’emblée une véritable légitimité, et un pouvoir de persuasion hors du commun.

D'autre part, le médecin traitant a la capacité et le pouvoir de prendre des décisions importantes (médicales, d'orientation ou de réhospitalisation). En cas de problème, il peut traiter certaines situations et ainsi éviter un retour à l'hôpital. Ils possèdent surtout le monopole (officiel) de la prescription, et peuvent notamment ajuster les traitements destinés à soulager les symptômes d’inconfort (douleur, nausées, etc.).

Ce monopole de la prescription n’est pas sans poser problème : si le médecin généraliste n’est pas disponible, s’il est injoignable, ou s’il refuse tout simplement de suivre l’avis du médecin coordonnateur de l’HAD (ou du réseau par exemple), la prise en charge peut s’en trouver affectée.

En effet, si le médecin traitant a la légitimité pour prendre des décisions importantes, ce n’est pas qui, tout seul, organise et coordonne la mise en œuvre des soins de fin de vie. Une prise en charge aussi complexe ne peut pas graviter seulement autour du médecin généraliste : sa charge de travail, son manque de disponibilité et son accès limité aux ressources locales rendent très lourd son rôle de « pivot ».

D’ailleurs, la plupart des médecins généralistes rencontrés sur le terrain, s’ils reconnaissent la place centrale du médecin traitant, ne revendiquent pas un rôle de « pivot » dans les situations de fin de vie à domicile.

On a pas le temps, c'est le burn out, on se sent seul… Etre référent pour la fin de vie, je ne sens pas que ce soit le médecin généraliste, même s’il est de bonne volonté : le réseau de soins palliatifs est spécialisé…

On a tellement de choses à gérer, on ne peut pas être référent de tout !

Un médecin généraliste en milieu rural (Languedoc-Roussillon)

Lorsqu’ils n'ont pas prescrit, les médecins coordonnateurs font le siège des médecins généralistes

Un réseau de santé en soins palliatifs en milieu rural (Languedoc-Roussillon)

Le médecin traitant c'est le bon dieu pour les familles

Une infirmière coordinatrice de SSIAD en milieu semi-urbain (Ile-de-France)

Ça peut se matérialiser par une visite conjointe ou la participation à un staff, mais on a un problème d'emploi du temps

Une coordinatrice de service d’aide à domicile en milieu urbain (Ile-de-France)

Observatoire National de la Fin de Vie | Rapport 2012 80

Compte tenu de la démographie médicale actuelle, et considérant la charge de travail qui pèse sur leurs épaules, les médecins généralistes ont tout intérêt à utiliser les ressources existantes au niveau local : s’appuyer sur l’expertise des réseaux de santé ou des équipes mobiles, et profiter de la coordination réalisée par l’HAD, ne peut être (à long terme) qu’au bénéfice des médecins traitants.

Le médecin généraliste est toujours un partenaire, de temps en temps le médecin coordonateur dépanne, certains sont habitués, certains demandent l'aide du médecin coordonnateur pour la prescription

Une infirmière coordinatrice d’HAD en milieu urbain (Bretagne)

Le rôle du médecin traitant est primordial, il est l'interlocuteur de l'hôpital, du patient mais il a besoin d'une aide, d'un relais et de coordination : il ne peut pas coordonner tout seul, il n'est pas pivot

Un médecin généraliste en milieu urbain (Languedoc-Roussillon)

PARTIE 3 | SOINS A DOMICILE : LEVER LES OBSTACLES ?

Conclusion

1. Que faut-il retenir ?

> La figure du « médecin de famille »

Le plus souvent, l’implication du médecin généraliste auprès d’un patient en fin de vie s’inscrit dans la continuité de la prise en charge : un grand nombre d’entre eux le vit d’ailleurs comme une forme de responsabilité vis-à-vis du patient et de ses proches. Les médecins généralistes occupent donc une place privilégiée : ils connaissent le plus souvent très bien le malade et ils entretiennent un lien de confiance avec les proches. Leur image de « médecin de famille » est d’ailleurs l’un de leurs principaux atouts.

Cela signifie également, dans bien des cas, qu’un médecin généraliste qui n’a pas suivi le patient en tant que médecin de famille ne s’engagera pas dans un accompagnement de fin de vie…

> Une double attente : humanité et compétences techniques

Les proches ont une double exigence vis-à-vis de leur médecin de famille :

« humanité » d’un côté, efficacité et compétences techniques de l’autre.

> Les médecins généralistes rencontrent assez peu de situations de fin de vie

Les médecins généralistes ont une activité en moyenne relativement limitée dans les suivis de fin de vie. Si 80% d’entre eux déclarent accompagner des malades en fin de vie à domicile, ils ne sont impliqués que dans un nombre très limité de situation chaque année (entre 1 et 3 patients en moyenne selon les enquêtes).

Cela s’explique en grande partie par la proportion de décès à l’hôpital (60% des décès en France), mais aussi par l’hospitalisation massive des patients au cours du dernier mois de vie.

2. Quelles sont les principales difficultés rencontrées ?

> Des situations qui demandent une grande disponibilité

Les situations de fin de vie demandent beaucoup de temps : le suivi des patients est particulièrement chronophage, et le travail d’accompagnement des proches demande lui aussi une disponibilité qui n’est pas compatible avec le rythme des consultations en cabinet…

> Un manque de formation aux soins palliatifs Si les compétences des médecins généralistes en matière de prise en charge de la douleur ont considérablement progressé, les praticiens interrogés dans la littérature désignent ouvertement le manque de formation parmi leurs difficultés principales quant à la fin de vie.

Seuls 2,5% des médecins généralistes ont été formés aux soins palliatifs

> Un poids émotionnel et affectif difficile à affronter seul en tant que médecin généraliste Une part importante des médecins généralistes déclare un isolement et une solitude face à ces situations de fin de vie.

Ils savent aussi que leur implication (non seulement professionnelle mais aussi personnelle) est très importante dans ces situations.

Cette dimension « affective » du travail des médecins généralistes occupe une place essentielle et pèse un poids considérable dans la capacité du médecin concerné à s’investir dans une prise en charge à domicile. Nombreux sont ceux, notamment parmi les « jeunes » médecins généralistes, qui refusent de porter seuls le poids de cet accompagnement.

Observatoire National de la Fin de Vie | Rapport 2012 82

> Un manque de communication avec l’hôpital Aujourd’hui, le parcours de soins des personnes atteintes d’une maladie grave est à ce point organisé autour de l’hôpital que le médecin traitant perd bien souvent le fil de la prise en charge, et il lui est difficile de se « ré-investir » dans la phase terminale d’une maladie dont il n’a pas aujourd’hui, cette mission est devenue très difficile à assumer dans les situations de fin de vie.

La disponibilité restreinte des médecins généralistes en ville, leurs compétences très inégales en matière de gestion des symtpômes d’inconfort (faute d’une formation adaptée), et leur isolement professionnel face à ces situations psychologiquement éprouvantes remettent en cause le modèle du « pivot » tel qu’il existe (ou tente d’exister) aujourd’hui.

Le médecin traitant a toute sa place pour prendre des décisions importantes. Mais ce n’est pas lui, tout seul, qui peut organiser et coordonner la mise en oeuvre des soins de fin de vie à domicile : une prise en charge aussi complexe ne peut pas graviter seulement autour du médecin généraliste.

3. Quelles pistes pour l’avenir ?

La fin de vie est une situation particulière, qui nécessite sans doute que l’on repense la place du médecin généraliste.

La notion de « pivot » correspond en effet à une image classique du médecin de famille, qui ne résiste pas toujours aux modes de fonctionnement actuels de la médecine ambulatoire, notamment en milieu urbain.

Si les médecins généralistes disent aujourd’hui avoir une forme de

« responsabilité » vis-à-vis des patients qu’ils suivent depuis de nombreuses années, nombreux sont ceux qui ne peuvent tout simplement pas assumer l’accompagnement de fin de vie d’un patient qu’ils ne connaissent pas ou peu.

En outre, la multiplication des professionnels intervenant dans le parcours de soin de la personne en fin de vie rend indispensable une véritable coordination à domicile : sous peine sinon de voir apparaître des incohérences dans la prise en charge, voire des tensions entre professionnels. Or, sauf exception, les médecins généralistes (notamment en milieu urbain) ne sont plus en capacité d’assurer cette mission de coordination dans de bonnes conditions.

Compte tenu de la démographie médicale actuelle, et considérant la charge de travail qui pèse sur leurs épaules, les médecins généralistes ont tout intérêt à utiliser les ressources existantes au niveau local : ils doivent impérativement s’appuyer sur l’expertise des réseaux de généralistes puissent être indemnisés pour le temps passé avec les autres professionnels du territoire à coordonner les prises en charge, et qu’ils soient réellement en capacité d’identifier et de mobiliser les ressources existantes.

Il manque sans doute, dans notre pays, un outil simple qui permettrait aux médecins généralistes de repérer les situations « palliatives », d’identifier les ressources locales et d’anticiper les complications éventuelles. La Haute Autorité de Santé pourrait tout à fait être saisie dans ce sens.

PARTIE 3 | SOINS A DOMICILE : LEVER LES OBSTACLES ? 1

Coordonner la prise en charge de la fin de vie à domicile :