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Dans cette partie, il s'agit de rendre compte de l'adoption d'une méthodologie scientifique nécessaire pour satisfaire à l'exigence à laquelle nous sommes soumis en tant qu'apprenti chercheur en sciences de l'éducation qui propose d'étudier une question qu'il a socialement identifiée, théoriquement ancrée, scientifiquement formulée, traitée et analysée, mais aussi et surtout pour garantir une scientificité du propos qui donnera un poids, un intérêt à la recherche.

En effet, les critères de scientificité de la démarche adoptée, l'effort de distanciation avec l'objet investigué, les techniques de recueil de données, les critères de production, traitement et d'analyse des résultats seront les garants de la démarche scientifique. De plus, la méthodologie scientifique évoquée fait fonction de garde-fou contre la formulation d'idées toutes faites, qui, sans ces précautions, serait plus l'expression des opinions d'un professionnel investi, que le résultat d'une

recherche qui se donne les moyens de pouvoir décrire le réel qu'elle interroge avec méthode et rigueur.

4.1.1 - De la difficile articulation entre praticien et chercheur...

Si j'ai choisi cet objet de recherche, c'est parce je suis éducateur spécialisé et que j'exerce dans le travail social depuis une vingtaine d'années, ce qui impose que la connaissance empirique que j'ai de ce secteur ait été méthodologiquement et épistémologiquement interrogée dans ma démarche d'apprenti-chercheur. Notre première préoccupation était donc de ne pas tomber dans une description orientée par la connaissance issue de mon expérience professionnelle, pour laisser la place à l'analyse objective du chercheur qui s'appuie sur des résultats qu'il a obtenus, selon une méthodologie qu'il a choisie et qui s'inscrit dans un cadre théorique auquel il se réfère.

C'est pourquoi, nous avons posé comme nécessaire et première préoccupation de mettre à l'épreuve cette double posture de praticien-chercheur, afin de garantir le caractère de scientificité de notre propos. En d'autres termes, il s'agissait de passer du questionnement du praticien à la problématique du chercheur.

Ceci revient à chercher en permanence à dépasser la rupture épistémologique (G. Bachelard, 1970), par la nécessaire déconstruction des connaissances antérieures14 issue de expérience professionnelle.

Cette posture de praticien – chercheur à défaut d'être résolue était clairement identifiée et prise en compte dans cette démarche de recherche.

4.1.2 - … vers une relation dialogique

La problématique s'ancrant dans le cadre théorique de l'implication professionnelle (C. Mias, 1998), il fallait aussi interroger la propre implication du praticien par rapport à l'objet d'étude, car son expérience professionnelle lui a fait édifier progressivement toute une série de certitudes, d'opinions, de représentations sur la question dont il est difficile de se défaire.

Dans notre cas, il y a bien interrelation avec l'objet d'étude, ce qui empêche d'emblée d'évacuer les questions de subjectivité sur la base desquelles la posture scientifique pourrait être contestable. Comme le propose C. Mias (1998), le praticien se retrouve alors en tant qu'observant, à la double place d'observateur et d'observé avec laquelle il faut qu'il compose pour éviter de se perdre dans « les tourments sans cesse renouvelés de l'implication psychosociale des praticiens devenus chercheurs en sciences de l'éducation » (J. Ferrasse, 1994, cité par C. Mias, 1998, p. 51).

Cette double posture impose d'adopter un double rapport, à la fois proximal par la connaissance empirique que le praticien a des évènements observés et plus excentré par rapport aux informations

recueillies.

L'objet de recherche interroge les relations entre expériences de formation et formes d'implication professionnelle chez les éducateurs spécialisés. Étant moi-même praticien et en formation de chercheur, il s'agissait d'étudier l'implication professionnelle des éducateurs spécialisés alors que ma propre implication de praticien vis à vis de l'objet d'étude devait être constamment contrôlée pour en garantir l'objectivité scientifique.

Pour J. Ardoino (1993, p. 1) « L'intelligibilité des pratiques sociales intéresse effectivement aujourd'hui aussi bien le chercheur, que le praticien, dans le champ des sciences humaines. Leurs perspectives, leurs "postures" respectives ne sauraient, certes, pour autant, être confondues, mais ils n'en conservent pas moins des points communs. Ils sont en relation avec des "objets-sujets" et ils restent, l'un comme l'autre, ancrés dans les représentations et dans le langage, ces derniers considérés à la fois en tant qu'outils et en tant que matériaux privilégiés. »

Pour comprendre cette dualité, ce dialogue qui s'instaure entre deux logiques, E. Morin (1977, p. 122) propose la notion de relation dialogique qu'il définit comme « unité symbiotique de deux logiques, qui à la fois se nourrissent l'une de l'autre, se concurrencent, se parasitent mutuellement, s'opposent et se combattent à mort ». Cette relation dialogique suppose donc d'accepter de faire face aux conflits qu'elle engendre pour le praticien-chercheur.

Le choix de l'ancrage théorique dans le modèle de l'implication professionnelle orientera aussi certainement le regard sur la question de la formation des éducateurs spécialisés.

Ce modèle repose sur une légitimité maintenant largement reconnue au sein de la communauté scientifique, puisqu'il a régulièrement été mobilisé dans de multiples recherches qui l'ont mis à l'épreuve et en ont prouvé la forte validité scientifique. Cependant, comme pour tout cadre théorique, il laissera en suspens la question de savoir quels résultats seraient apparus en optant pour d'autres orientations.

Cette inscription naissante dans une culture scientifique nous pousse à envisager la nécessaire confrontation entre l'analyse des résultats de cette recherche et l'analyse de résultats issus d'autres recherches, dans l'idée d'amener à dépasser l'analyse initiale et de permettre une inscription au sein d'une communauté de chercheurs par une tentative de contribution à la recherche, par la recherche. De plus, le fait de mobiliser un cadre théorique déjà maintes fois utilisé, inscrit également notre démarche dans une dimension pour la recherche, en utilisant un modèle, en le confrontant à de nouveaux champs d'application. Cette mise à l'épreuve d'un cadre théorique existant est une dimension très importante dans le travail de recherche car elle permet d'asseoir la scientificité du modèle sur lequel elle repose en multipliant les utilisations de celui-ci. Sa capacité à fournir de nouveaux éléments de réponses dans de nouveaux contextes et à la lumière d'interrogations

nouvelles sont autant de critères qui participent à la reconnaissance de l'importance scientifique de ce dernier. Notre travail s'inscrit alors comme une contribution à, par et pour la recherche.