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PARTIE 1 :

LA PLACE MANIFESTE DES

STANDARDS EN DROIT

a richesse de la réglementation internationale en matière économique est impressionnante. Il existe, en effet, « toute une superstructure de droit

économique international »204 qui ne se réduit pas seulement à un droit international du commerce mais qui constitue un véritable droit international du marché. Cette réglementation s’appuie sur les formes traditionnelles du droit international et répond à une approche classique de celui-ci. Ainsi, la communauté à laquelle s’appliquent ces règles est considérée comme étant la communauté des Etats. Il s’agit donc d’un ensemble de règles fait par les Etats pour les Etats. Les autres personnes juridiques internationales sont traitées comme marginales juridiquement. « Le droit international

traditionnel est ainsi minimaliste »205.

Cependant, il apparaît clairement que l’intensification des rapports internationaux dans le domaine commercial et économique ne peut plus transiter par des traités en bonne et due forme. En effet, « les canaux traditionnels de production de la règle de droit

international obéissent à une logique ratione temporis qui s’accommode mal avec les besoins des divers acteurs sur la scène internationale »206. Un droit international différent est en train de s’imposer du fait de l’émergence de nouveaux intérêts et de nouvelles relations, de même que vers de nouveaux acteurs. Ainsi, « les interactions planétaires

conduisent donc à penser à un cadre international qui ne soit pas seulement interétatique mais cosmopolite »207 et où la réglementation correspond à des principes nouveaux de régulation internationale fondés sur une légitimité supranationale208.

Si la mondialisation a vu éclore de nouveaux domaines et de nouvelles relations, les standards en sont le parfait instrument. En effet, ils permettent, d’une part, à tous les acteurs de participer au processus normatif du droit international économique, soit en formulant une demande sur un certain type de norme, soit en acceptant cette demande. D’autre part, les standards juridiques s’insèrent parfaitement dans tous les domaines du droit international économique.

204 ULLRICH H., « La mondialisation du droit économique : vers un nouvel ordre public économique.

Rapport introductif », RIDE 2003, p.294.

205 SANDS P., Vers une transformation du droit international, in Droit international n°4, Institut des

Hautes Etudes International de Paris, édition Pédone, Paris 2000, p.190.

206 BOISSON DE CHAZOURNES L., « Gouvernance et régulation au 21ème siècle : quelques propos

iconoclastes », op.cit., p.24.

207

SEVE R., « La mondialisation entre illusion et utopie », in La mondialisation entre illusion et utopie, édition Dalloz, collection archives de philosophie du droit, Tome 47, 2003, p.12.

Au vu de ces considération, il s’agira de mettre en relief le fait que les standards traduisent une intentionnalité collective, en ce sens qu’ils ne sont pas seulement présents par la simple volonté des Etats mais qu’ils reflètent une nécessité de la communauté internationale.

On s’aperçoit alors que les standards ont une place manifeste en droit international économique, c’est-à-dire que les standards sont une norme à part entière et visible du droit international économique. Ceci se vérifie tant d’un point de vue ratione personae, c’est-à- dire en fonction de la place que les acteurs du droit international économique font aux standards (Titre 1) et d’un point de vue ratione materiae, c’est-à-dire que l’on retrouve deux grandes catégories de standards dans tous les domaines du droit international économique (Titre 2).

Titre 1 : La place ratione personae des standards en droit international économique Titre 2 : La place ratione materiae des standards en droit international économique

208 Voir en ce sens, THOYER S. et TUBIANA L., Les légitimités de la régulation internationale : Etats,

acteurs et institutions dans l’économie politique des échanges, Revue Economies et Sociétés n°4, 1998,

Titre 1 : La place ratione personae des standards en droit international

économique

L’étude la place ratione personae des standards revient à étudier le comportement des acteurs du droit international économique face à la technique juridique du standard et notamment la place qu’ils octroient à ces standards. En filigrane, se profile la problématique de savoir si la vision selon laquelle la communauté internationale consiste en un ensemble d’Etats correspond toujours à la réalité en matière économique.

Dans le cadre de la mondialisation, est-il encore vrai que les autres membres de la communauté internationale – organisations non-gouvernementales, entreprises – sont privés d’un rôle normatif effectif ? Il faut tenir compte, par réalisme, qu’en matière économique la concurrence des autres acteurs y est très marquée. Affirmer aujourd’hui que l’Etat est le seul sujet de droit international et l’unique source d’élaboration du droit, c’est affirmer que toutes les normes appartiennent à l’espace étatique, à l’exclusion de tout autre espace normatif. Cette affirmation est démentie par la remise en cause du monopole de l’Etat. En effet, « non seulement l’Etat n’est plus l’acteur exclusif de la

politique extérieure, mais il n’est même plus la seule source d’élaboration du droit international »209. Ainsi, « practise has abandoned the doctrine that states are the

exclusive subjects of international rights and duties »210.

On assiste en réalité à l’apparition d’une société internationale sensiblement plus sophistiquée que lorsqu’elle se présentait uniquement comme interétatique en raison d’une « émergence aux côtés des Etats et des organisations internationales classiques d’acteurs

aussi nombreux et puissants (le monde des affaires) que parfois bruyants »211.

La CIJ elle-même a constaté que « les sujets de droit, dans un système juridique,

ne sont pas nécessairement identiques quant à leur nature ou à l’étendue de leurs droits ; et leur nature dépend des besoins de la communauté »212.

Les standards permettent à cette nouvelle société internationale d’exister puisqu’ils incitent tous les acteurs à y participer en termes de pouvoir normatif.

209 BEN ACHOUR Y., « Etat, cultures et mondialisation », in L’odre juridique international, un système en

quête d’équité et d’universalité, édition Martinus Nijhoff, 2001, p.116.

210 LAUTERPACHT H., « International law », in Being the collected papers of Hersh Lauterpacht, Vol.I,

Cambridge University Press, 1970-1978, pp.469-471.

211

MEHDI R., «Mutations de la société internationale et adaptations institutionnelles : le grand défi», in

Une société internationale en mutation : quels acteurs pour une nouvelle gouvernance ?, Travaux du

CERIC, édition Bruylant, Bruxelles 2005, p.7.

212

CIJ, affaire sur la Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif du 11 avril 1949. CIJ Recueil 1949, p.178.

Deux problématiques se croisent alors dans l’étude de la place ratione personae des standards comme norme la plus adaptée et la plus efficace pour contribuer à la normativité du droit international économique : celle, d’une part, des relations entre acteurs étatiques et non-étatiques et celle, d’autre part, du défi lancé à la souveraineté des Etats et à leur capacité à écrire la loi dans un espace donné. La place des standards est réelle puisqu’on assiste à une éclosion progressive mais encore incertaine, d’un nouveau modèle de gouvernance se concrétisant par l’apparition de formes d’actions publiques inédites aussi bien que par l’intégration d’acteurs non-étatiques dans le processus d’élaboration normative.

Ainsi, on se rend compte que les standards sont une demande réelle du marché (Chapitre 1). Les acteurs non-étatiques sont donc parties prenantes dans le processus d’élaboration normative. Les standards deviennent alors une réponse des autorités à cette demande (Chapitre 2), favorisant ainsi l’éclosion des nouvelles formes d’actions publiques.

Chapitre 1 : Les standards, une demande du marché

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