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Indifféremment appelée « valeur normative » ou encore « force normative »195, la normativité est pourtant « un véritable paradigme […] formé de ce faisceau de concepts

que les juristes ont reçu de la tradition et de ceux qu’ils sont amenés à réinventer au fil des grandes transformations opérées par la multiplication récente des sources du droit ».

Le professeur Arnaud ajoute alors qu’ « il nous fallait bien un nouveau paradigme pour

193 En somme, constructivisme et institutionnalisme se rejoignent assez logiquement, et c’est pourquoi une

grande partie de l’étude sera consacrée à la place ratione personae des standards en droit international économique. Voir infra, p.77.

194 Ajoutons que derrière l’idée de « processus », il y a nécessairement une association étroite entre les

normes et les institutions. En effet, les institutions sont les espaces dans lesquels les normes vont être créées et s’imposer aux acteurs. En d’autres termes, ces institutions « déboucheront sur des normes que

l’on définira ici comme au fond des standards de comportement admis par les acteurs d’un jeu », LAIDI

Z., La norme sans la force. L’énigme de la puissance européenne, édition Les Presses de Science-Po, 2e édition, Paris 2008, p.68.

195

Voir THIBIERGE C. (dir.), La force normative. Naissance d’un concept, éditions Bruylant et LGDJ, Paris 2009, 891 pages.

comprendre et intégrer les normes issues des nouvelles régulations [ainsi que] ces acteurs insolites que sont la société civile ou le secteur privé »196.

En réalité, identifier ce qui fait en droit la force d’une norme n’est pas aisé car il y a autant de définitions possibles que de branches du droit existantes. Ainsi, quand le professeur Thibierge pose la question suivante : « qu’est-ce qui, en droit, fait la force

d’une norme ? », plusieurs réponses lui ont été données car « à cette question, le pénaliste ne répond pas comme l’internationaliste qui lui-même a d’autres réponses que le constitutionnaliste ou le civiliste »197. Néanmoins, l’étude collective dirigée par le

professeur Thibierge, permet de donner, si ce n’est une définition de la normativité, du moins des angles d’approche permettant de la mesurer.

Ainsi, il est possible de s’attacher à la valeur normative d’une norme qui se mesure grâce à la source porteuse de la norme, à sa portée normative qui se mesure grâce aux effets que produits la norme et enfin à sa garantie normative, c’est-à-dire « la garantie du respect et

de la validité de la norme (offerte) par le système juridique »198. En d’autres termes, la

normativité d’une norme revêt trois dimensions auxquelles il faut porter une attention particulière afin de tenter une mesure de la force normative d’une norme.

L’étude de la force normative et, a fortiori, l’étude de la force normative des standards, révèle une approche nouvelle du droit qui oblige le juriste à sortir des carcans juridiques traditionnels. En effet, « ce n’est qu’en sortant d’une approche épistémologique

positiviste – sur laquelle repose le droit de facture traditionnelle – qu’on entrera dans l’ère où, le chemin se construisant en marchant, il est possible de penser autrement le droit »199.

C’est ce que se propose de tenter cette thèse qui s’inscrit dans une période de transformation du droit international économique où les structures de base traditionnelles, les postulats traditionnels sont remis en cause. Cependant, l’ordre « ancien » est plutôt mis au défi que vaincu, et les standards sont la conséquence de ce défi. En effet, le droit international économique « rend remarquablement compte des évolutions juridiques à

l’échelon mondial, notamment quant aux sources du droit »200. La raison en est qu’il y a une harmonisation considérable de l’économie mondiale : les juristes de tous les pays sont

196

ARNAUD A-J, « La force normative, pierre angulaire d’une intelligence juridique », in La force

normative. Naissance d’un concept, p.15.

197 THIBIERGE C., « Conclusion », in La force normative. Naissance d’un concept, p. 816. 198

THIBIERGE C., ibid., p. 823.

confrontés aux mêmes données de l’économie, aux mêmes analyses scientifiques et pour cela ils ont dû adopter un « langage commun », les standards.

De ces choix méthodologiques naît la formulation d’une problématique.

IV.

Problématique retenue

Une étude portant sur la contribution des standards à la normativité du droit international économique se place sous l’angle du « changement du droit »201

, changement qui « a trait à la rupture épistémologique qui caractérise les modes et les processus de

production de la normativité internationale »202. En effet, « l’émergence d’un droit

mondial oblige à s’interroger sur les sources de ce droit mondial et sur le contenu d’un nouvel ordre public économique mondial. Il s’agit là d’un immense chantier auquel doivent s’atteler les juristes s’ils veulent contribuer à donner du sens à la mondialisation »203.

Si donner du sens à la mondialisation semble un objectif démesuré, cette thèse entend cependant déterminer l’impact des standards sur le droit international économique. Il est clair que la question de savoir si l’on est en présence de quelque chose qui n’est pas encore juridique ou qui est déjà une forme de droit ne peut être occultée mais elle ne doit pas faire obstacle à la recherche de la particularité des standards en droit international économique. Les standards sont un concept à géométrie variable et ne sauraient faire l’objet d’une systématisation absolue. Il s’agit d’un « phénomène » qui interpelle en lui-même de nombreuses façons de « voir » le droit. Entre le non-droit et le droit, entre ces deux extrêmes, les standards peuvent présenter des particularités quant à leur nature, leur rôle et les domaines dans lesquels ils interviennent.

200 FARJAT G., Propos critiques et utopiques sur l’évolution du droit économique et la mondialisation ,

RIDE, 2003, p.515.

201 WEIL P., Le droit international en quête de son identité, RCADI 1992, n°6, vol 237. 202

BOISSON DE CHAZOURNES L., « Gouvernance et régulation au 21ème siècle : quelques propos iconoclastes », in Une société internationale en mutation : quels acteurs pour une nouvelle gouvernance ?, Travaux du CERIC, édition Bruylant, Bruxelles 2005, p. 19.

203

BOY L, «Le déficit démocratique de la mondialisation du droit économique et le rôle de la société civile », RIDE 2003, p.483.

La question sous jacente à l’étude est donc de savoir si les standards sont la norme juridique la plus adaptée au droit international économique et la plus efficace pour contribuer à la normativité du droit international économique. On démontrera à travers le prisme de la normativité, le contenu, le caractère, la mise en œuvre et l’instauration des standards qui contribuent au maintien de l’équilibre du droit international économique et des institutions constitutives d’un marché mondial tout en répondant à la question de savoir si les standards sont la norme juridique la plus efficace pour maintenir une normativité du droit international économique.

Cette problématique peut trouver une résolution dans le choix d’un plan particulier. Dès lors, l’étude se propose, dans un premier temps, de situer les standards en droit international économique. Il s’agira de répondre à la question suivante : quelle est la place des standards en droit international économique ? La réponse à cette question nous éclairera sur la manière dont les standards vont contribuer à la normativité et à l’efficacité du droit international économique car de la position qu’occupent les standards découlent les conséquences de la présence des standards en droit international économique. Les conséquences de leur présence permettront de vérifier la validité de la thèse de la contribution des standards à la normativité du droit international économique, qu’il s’agisse de démontrer qu’ils permettent l’harmonie des intérêts en associant au processus de création du droit tous les acteurs du droit international économique concernés ou qu’ils occupent une réelle place de norme du droit international économique.

Une réflexion sur la place des standards au sein du droit international économique mènera à constater que les standards sont une norme évidente du droit international économique. Il est, en effet, flagrant que les divers acteurs du droit international économique y ont recours. Leur poids y est donc incontestable, si bien que l’on peut affirmer que les standards détiennent une place manifeste en droit international économique ( Partie 1).

Dans un deuxième temps, si la détermination de la place des standards en droit international économique est une exploration essentielle à l’analyse de leur particularité dans cette branche du droit, l’étude ne serait pas complète si l’on occultait l’analyse de leur rôle en droit international économique. En effet, affirmer que les standards ont une place manifeste en droit international économique doit s’accompagner d’une étude sur le rôle effectif joué par ceux-ci. En d’autres termes, il est nécessaire après avoir étudié la force normative des standards d’étudier la mesure de cette force normative. Il s’agira donc

de démontrer que les doutes entourant le rôle des standards en droit international économique n’empêchent pas de constater un rôle indiscutable des standards. C’est là tout le paradoxe de l’étude de cette norme caractéristique du droit international économique : pour autant qu’elle occupe une place manifeste en droit international économique, il n’en demeure pas moins que son rôle reste, pour l’instant, latent (Partie 2).

Partie 1 : La place manifeste des standards en droit international économique

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