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La place et le contexte yaoundéen de l’agriculture urbaine et périurbaine

PARTIE I : GENERALITES SUR LE MILIEU

Chapitre 2 : Historique de l’agriculture urbaine dans le monde et à Yaoundé

2.2. La place et le contexte yaoundéen de l’agriculture urbaine et périurbaine

Parce qu’elles sont apparues et se sont développées rapidement dans un univers autochtone

essentiellement rural, les métropoles camerounaises de Yaoundé et de Douala ont pris forme

dans une dynamique sous-tendue par la question agricole (Bopda et Awono., 2003).

Contrairement à la ville économique de Douala – porte d’entrée majeure à l’influence

occidentale au fond du Golfe de Guinée, première agglomération camerounaise à s’être

développée rapidement suite à la colonisation occidentale, zone de confrontation initiale entre

les colons allemands et les indigènes de 1884 à 1916 –, Yaoundé a été fondée en 1888 à

l’intérieur des terres et ne devient que très lentement un centre de grande envergure qui ravit

la fonction de capitale administrative dès le début de la première Guerre Mondiale.

A Yaoundé, la station militaire initiale, dite ‘‘sono-station ou station-sonore’’, sera aussi une

station d’expérimentation agricole (figure 4)

Figure 4: Plan de la station de Yaoundé et ses environs en 1911

Devenue « Jaunde » sous le botaniste allemand Zenker, la ville de Yaoundé ne démordra pas

de son agriculture. Après l’élan du cacao dans les années de l’entre-deux-guerres, commence

dans les années 1940 l’introduction de la pisciculture. Puis, suivra ensuite l’expérience de la

ceinture maraîchère des années 1960 (Bopda et al., 2003). Cependant, au-delà de cette

implication directe dans l’activité agricole, l’univers rural de Yaoundé lègue à la ville ses

terroirs qui, convertis en « terrains », sont mués d’endroit en endroit en titre foncier et autres

parcelles en indivis. L’Etat et les collectivités locales y opèrent des expropriations qui

permettent la mise en place de lotissements urbains modernes. Puis, c’est à l’activité agricole

qu’il revient de marquer les parcelles urbaines non bâties des fronts d’urbanisation. Enfin,

c’est elle qui entretient les espaces interstitiels devenus des marécages intra-urbains. Ensuite,

même les espaces verts sont cultivés par des populations désoeuvrées, démunies ou

déstabilisées par la crise. Dans l’agglomération urbaine de la capitale, c’est une activité

agricole exercée souvent contre la volonté des autres qui, malgré elle, s’impose.

En effet, de tous les combats, l’ingrédient agricole et rural est le cauchemar des jeunes

diplômés qui ne rêvent que de métiers « clean », assis ou debout ! Mais contre mauvaise

fortune, ils font bon cœur.

Dans la capitale politique camerounaise, l’agriculture est aussi le fonds de commerce des

administrateurs et des politiques citadins vivant foncièrement des tensions et même des

confrontations qu’ils suscitent ou entretiennent autour de la « profession agricole » ou du sort

des villageois souvent autochtones. Comment expliquer alors qu’étant un problème

omniprésent sur la scène urbaine, l’agriculture est paradoxalement une question peu

importante, peu sensible ou absente des discours explicites de la politique ou de

l’aménagement urbain. Question majeure, problème minorisé, l’agriculture urbaine à

Yaoundé ne mérite-t-elle pas plus d’égards ?

A l’instar de la plupart des villes d’Afrique situées au sud du Sahara, Yaoundé est une ville de

création relativement récente et à la croissance rapide. Son taux annuel de croissance

démographique est resté stable (4.7, 6 et 9 %) depuis près d’un siècle. Sa croissance spatiale

est d’environ 5,6 % par an depuis près d’un demi-siècle (Bopda et Awono., 2003, Sergio

Oliete, 2002). Cette poussée démographique est d’abord due à une forte immigration des

populations venant des quatre coins du Cameroun et de l’étranger. Si les autochtones de

Yaoundé constituaient près de 80 % de la population en 1960, aujourd’hui ils en représentent

que environ 20 % de cette population. Ce qui traduit l’importance de l’accroissement naturel

ainsi que l’existence d’une forte génération de fils d’immigrants de première, de deuxième,

voire de troisième génération (Sergio Oliete, 2002).

L’organisation de l’occupation spatiale dans la ville est classiquement celle des anciens

centres urbains coloniaux de l’Afrique ayant évolué en métropole :

- au cœur de la ville, un centre-ville jadis cité interdite aux Noirs ;

- autour de cette cité jadis interdite, des espaces relevant de la « free zone » (zone dégagée).

En effet, pendant la période coloniale, 800 m au moins devaient séparer les habitations des

Blancs de celles des Noirs. Cette distance est celle que ne peut traverser un moustique

supposé transmettre la malaria des Noirs aux Blancs. Sur cette base, la ségrégation raciale

urbaine aura été explicitement érigée en règle d’urbanisme en 1908 sous les Allemands ainsi

qu’en 1923 puis en 1933 sous l’administration française. Elle sera clairement reprise dans les

principes de planification urbaine édictés par les urbanistes coloniaux au début des années

1950.

Ces principes de planification urbaine de 1950 stipulent:

- qu’au-delà de la « moustiquaire géographique » de la « zone dégagée », les premiers

quartiers indigènes, marqués par de fortes densités, constituent une ceinture discontinue où les

plus fortes concentrations s’observent aux principales « portes » par lesquelles les allochtones

émigrant vers la capitale « entrent dans la ville » ;

- que deux couronnes de quartiers nouveaux se constituent au-delà des anciens quartiers

indigènes de la période coloniale :

* la première couronne a vu le jour suite aux premières opérations de

restructuration effectuées dans les tissus urbains « surpeuplés » du péricentre. Le

binôme « déguerpissement-recasement » leur sert de moteur grâce à la création de

lotissements communaux dits « recasement ».

* la deuxième couronne survient avec le développement de plus en plus

prononcé d’une mise en construction des zones rurales situées au-delà d’un rayon

de 4 km du centre de la ville.

Au-delà de cette couronne externe, s’étendent les villages autochtones souvent considèrés

comme des réserves foncières pour l’expansion de l’agglomération urbaine. En effet,

Yaoundé s’étend en assimilant les campagnes avoisinantes. Les efforts publics

d’organisations volontaires connus à Yaoundé se sont traduits par les plans d’urbanisme de

1952 et de 1963 ainsi que par un Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU)

fait en 1980, revue en 2000 pour une période de 20ans (2000-2020). Pour l’essentiel, l’apport

de ces plans reste l’extension régulière du périmètre urbain (Bopda et Awono., 2003).

Les efforts « spontanés » et privés de mise en valeur de l’espace se traduisent par l’édification

de constructions et la mise en place d’activités diverses ainsi que leurs équipements. Il

s’ensuit un déploiement de la ville toujours plus étendu de jour en jour.

Conditionné par les contraintes d’un site collinaire et influencé par un mode de peuplement

autochtone dispersé, un urbanisme de rattrapage longtemps confiné dans la seule partie

initialement européenne, l’occupation de l’espace est globalement marquée par la

densification et l’inégale répartition des hommes et de leurs activités :

- densités résidentielles variant de plus de 320 habitants à l’hectare dans les très anciens

quartiers indigènes de la périphérie du centre à moins de 86 habitants à l’hectare au centre et

dans les villages périphériques de l’agglomération (Ttchotoua et Bonvallot, 1994) ;

- occupation en priorité des zones de faibles pentes, des replats sommitaux. Les fonds de

vallées inondables n’y étant pris d’assaut que très tardivement et dans les secteurs urbains les

plus proches du centre où, très convoité, l’espace devient rare.

Capitale du Cameroun, Yaoundé est une ville où les activités de services et les emplois

administratifs dominent la vie économique. L’afflux des hommes et des femmes et la fixation

des enfants est ici la conséquence d’un rêve collectif où le monde paysan initial se bat pour

échapper au travail courbé et accéder au travail debout, sinon au travail assis des cols blancs

et autres postes bureaucratiques et de commandement.