• Aucun résultat trouvé

PARTIE I : GENERALITES SUR LE MILIEU

Chapitre 2 : Historique de l’agriculture urbaine dans le monde et à Yaoundé

2.1. Bref historique

L’histoire de l’agriculture urbaine et périurbaine (AUP) est ancienne et relativement liée au

processus colonial, puisque certaines catégories de la population immigrée à fort pouvoir

d'achat ont introduit de nouveaux comportements alimentaires (Moustier et Pages, 1997). Des

ceintures vertes destinées à fournir des produits frais ont alors été créées pour répondre à ces

besoins nouveaux. Cette forme d'agriculture est souvent moderne ; elle a été favorisée par des

investisseurs locaux (commerçants, fonctionnaires, hommes d’affaires, etc.) (Centrès ,1995)

et elle est particulièrement adaptée à certains produits (légumes et lait, notamment).

Depuis le début des années 1970, l'agriculture urbaine et périurbaine fait en outre l'objet d'un

nombre croissant d'interventions par le biais d’agences internationales d'aide au

développement. L'importance qui lui est accordée reflète l'évolution des politiques et des

programmes en matière de développement international. Ainsi, au cours de cette décennie,

l'agriculture urbaine a été considérée principalement sous l'angle de son apport à la sécurité

alimentaire des populations des pays moins développés. A l'époque, l'aide internationale au

développement était dirigée en grande partie vers la satisfaction des besoins humains

fondamentaux (Labrecque, 1997 ; Young, 1993). Au cours des années 1980, le potentiel de

l'agriculture urbaine pour la création d'emplois a davantage retenu l'attention.

Le paradigme dominant au sein des agences de développement était d'ailleurs celui de la

création d'activités génératrices de revenus (Labrecque, 1997). L'agriculture urbaine s'est

ensuite vue assigner un rôle de protection et de régénération de l'environnement alors que le

développement durable prenait sa place dans l'ordre du jour de l'agenda international.

Aujourd'hui, c'est à la lutte contre la pauvreté, à l’amélioration du bien-être des populations et

de leurs conditions de vie que l'agriculture urbaine et périurbaine doit, en plus, son essor.

Étant donné ses apports diversifiés, l'agriculture urbaine est aujourd'hui considérée par un

nombre croissant d'individus, d'organisations de la société civile et de gouvernements comme

une solution viable et durable pour contrer l'insécurité alimentaire, le chômage, le sous-emploi

et la dégradation de l'environnement dans les villes des pays moins développés (PNUD,

1996). Les résultats des recherches réalisées sur le sujet ont signalé les multiples avantages de

l'agriculture urbaine et périurbaine et les principaux obstacles auxquels se heurte son

développement (Henning, 1997 ; Losada et al., 1997; Mougeot, 1994 ; Nugent, 1997 ; Ratta,

1993 ; Rees, 1997 ; Schurmann, 1996 ; Smit, 1996, 1994 et Tinker, 1993). Parmi ceux-ci,

mentionnons l'accès au foncier, au crédit, les règlements de zonage prohibitifs ainsi qu'un

manque de savoir-faire de la part des populations qui pourraient la pratiquer. Pour faciliter son

essor, et ce dans un cadre réglementé visant à assurer la sécurité des producteurs et des

consommateurs, on suggère qu'elle occupe une plus grande place au sein des politiques de

développement urbain et social sur le plan national, régional et local.

L'agriculture urbaine et périurbaine n'est toutefois pas circonscrite aux seules régions du Sud.

Les habitants des pays du Nord s'y adonnent aussi. Pour ceux et celles qui cultivent un lopin à

la maison ou dans un jardin communautaire, il ne s'agit pas, selon Henning (1997), d'assurer

leur survie et celle de leur famille, mais plutôt de combler les besoins que l'agriculture

industrialisée ne peut pas satisfaire. Ainsi, le plaisir de récolter des légumes qu'on a semé

soi-même ou de cueillir une salade fraîche au moment de préparer un repas motiverait certains

jardiniers. Chez d'autres, produire des aliments sains et sans intrants chimiques ou réutiliser

des déchets organiques compostés, contribuant ainsi à la récupération de l'énergie et à la

protection de l'environnement, prendrait une importance particulière (Nguegang, 2003,

Nguegang et al, 2005).

L'autoproduction de denrées comestibles peut également contribuer à abaisser les dépenses

alimentaires des ménages. Au Québec par exemple, c'est ce que font valoir depuis quelques

années certaines organisations impliquées dans la lutte contre l'insécurité alimentaire (Gauvin,

1997). Elles estiment que le jardinage collectif représente une alternative à l'aide alimentaire

pour les personnes en difficulté. Aux États-Unis, nombre de jardins communautaires sont

actuellement supportés par des organismes qui oeuvrent dans le domaine de la sécurité

alimentaire. Ainsi, bien qu’au Québec le jardinage communautaire soit encore le plus souvent

conçu comme une activité récréative, sa contribution à l'alimentation des familles démunies

possède une longue histoire en Europe et en Amérique du Nord (Manon, 1997).

Certains chercheurs comme Henning (1997), Rees (1997) et Smit (1994) affirment que

l'agriculture urbaine constitue une activité qui favorise l'émergence de nouvelles solidarités

socio-économiques et une participation civique accrue, surtout lorsqu'elle est pratiquée dans

un cadre collectif. Paiement (1999) suggère pour sa part que la mise sur pied de jardins

communautaires en milieu urbain au Québec reflète la volonté des citoyens de reprendre du

pouvoir sur leur vie quotidienne grâce à une autonomie alimentaire accrue.

Pour Ratta (1993) comme pour Cérézuelle (1996), l'agriculture urbaine réalisée au sein de

collectifs de production peut être un moyen de faciliter l'incorporation de groupes

marginalisés à une activité économique et à une vie sociale et démocratique plus actives.

D’un autre coté, l'agriculture a pendant longtemps été inséparable de la ville car toute

concentration démographique implique d'en assurer l'approvisionnement. Celui-ci reste

tributaire des environs immédiats tant qu'il n'existe pas un système de transport associé à un

système de conservation des produits alimentaires (Fleury et Moustier, 1999).

Pour Donadieu et al., 1997, l'agriculture urbaine et périurbaine est encore souvent considérée

comme nécessairement tournée vers l'approvisionnement en produits frais, alors qu'en fait, ce

n'est que le dernier état qu'elle a connu au long de sa longue histoire. Aussi vaut-il beaucoup

mieux se demander en quoi cette agriculture est urbaine ou périurbaine.

Les caractères originaux de l'urbanisation en Afrique rendent bien compte des spécificités

fonctionnelles de l'agriculture urbaine dans cette région du monde : explosion démographique,

crise de l'emploi, problème de planification de l'habitat et des transports. Il n'existait guère de

grandes villes avant l'époque coloniale, en particulier en Afrique occidentale, aussi leur

développement a-t-il été fortement influencé par l'ère coloniale. Dans ces structures

importées, l'ordre est révélé par le plan géométrique, les vastes avenues, la netteté du tracé et

de l'aménagement des rues. Il lui est en général associé une ville populaire, quelquefois fort

ancienne et alors porteuse d'un riche patrimoine national. Ces formes urbaines ont été

conservées, mais de nouveaux facteurs de croissance sont depuis apparus, favorisant non

seulement l'expansion mais aussi l'étalement considérable de ces villes. Cette croissance

urbaine accélérée est le fait de deux facteurs prépondérants. D'une part, l'intense exode rural

correspond à la quête d'un revenu plus élevé ainsi que, notamment de la part des jeunes, à la

recherche, quelquefois temporaire (voire symbolique quand il s'agit du passage à l'âge adulte)

de l'expérience d'un autre mode de vie (Devauges, 1977). D'autre part, cet étalement s'est

accru considérablement avec la venue de réfugiés, du fait des crises politiques ou des guerres

civiles qui ont rendu à la ville son sens d'abri. Cette forme d'urbanisation de crise devrait

s'atténuer au profit d'une croissance endogène plutôt que par migration. On estime qu'en 2020,

la majorité des citadins sera née en ville. Depuis l'adoption des politiques d'ajustement

structurel dans les années 1980, l'emploi urbain est en crise. La fonction publique, première

source d'emploi stable en ville, a été durablement touchée dans ses effectifs (Coussy et Vallin,

1996).

En ce qui concerne les mouvements de populations, leProgramme des Nations Unies pour les

Etablissements Humains (ONU-HABITAT) montre la tendance des populations d’ici 2030

dans nos villes (figure 3).

Figure 3 : Population rurale et urbaine des pays du Nord et du Sud au niveau

mondiale, de 1950 à 2030 (projection). Source : ONU (2004).

D’ici 2030, plus de gens vivront en zone urbaine (4,1 milliards) qu’en zone rurale (3,1

milliards) dans les pays à revenu intermédiaire et à faible revenu. D’ici là, la quasi-totalité de

la croissance démographique se produira dans les villes des pays en développement, là où la

population de certaines d’entres elles croît deux à trois fois plus rapidement que la population

globale du même pays. Les préoccupations urbanistiques ont souvent été laminées par

l'urgence.

La planification urbaine a dû se contenter de définir les grands axes de l’infrastructure, de

localiser les sites patrimoniaux ou potentiellement dangereux. La ville nouvelle est très

horizontale, de faible densité et présente un grand nombre de discontinuités à tous les

niveaux, favorables à une agriculture d'interstice. Le défaut de planification touche également

le domaine du transport, tant en matière de circulation intra-urbaine que de déplacements

entre ville et campagne (Godard, 1993).