PARTIE I : GENERALITES SUR LE MILIEU
Chapitre 4 : Typologie des acteurs et des systèmes de production
4.1. Analyse exploratoire des données socio-démographiques dans les 3 zones
Les motivations qui poussent les paysans urbains à accepter de travailler « courbés » au lieu
de travailler « assis » comme le souhaite la plupart des personnes faisant l’exode rural sont de
plusieurs ordres et sont synthétisés dans la figure 16.
0 20 40 60 80 100 Noyau Urbain (n=420) ZPU1 (n=100) ZPU2 (n=46) Zones P rop ort io n du n o m b re de c it a ti on (% ) Rentabilité "Souffrance"
Amour pour les plantes Chomâge
Sécurité foncière
Figure 16 : Fréquence des types de motivation (en pourcentage du total du nombre de citation de chaque zone).
On se rend compte que l’activité agricole dans la ville est motivée par sa rentabilité (90, 88 et
83 % des réponses citées dans les trois zones urbaines).
La "souffrance"
10est également un paramètre important qui pousse les exploitants à pratiquer
l’agriculture. Notons que cette modalité est plus citée en zone périphérique de Yaoundé que
dans le noyau urbain (71 % en ZPU2 et 67 % dans le Noyau urbain). Ceci montre que ceux
qui vivent à l’intérieur de la ville ont des approches différentes des raisons pour lesquelles ils
se lancent dans l’activité agricole en ville. On remarque également que 25 à 45 %
respectivement des répondants dans le noyau urbain, ZPU1 et ZPU2 signalent avoir mis des
cultures pour sécuriser leur lopin de terrain qui, non exploité, est sujet à être exploité ou
revendu par les autochtones. La sécurité foncière est donc une priorité pour les paysans
enquêtés, au regard des conflits terriens observés de part et d’autres dans nos zones
d’enquêtes. Nos répondants signalent qu’une terre libre de toute occupation en ville ne
présente pas de garantie et pour éviter ces problèmes, il vaut mieux le cultiver ou le céder à
une connaissance qui acceptera de le mettre en valeur.
Le chômage est également mis en évidence par nos répondants et est plus cité dans le noyau
urbain qu’en périphérie de la ville (45, 40 et 30 % respectivement dans les trois zones
urbaines.
L’agriculture urbaine à Yaoundé est principalement pratiquée pour sa rentabilité économique.
Le témoignage de Mme Rose Kamtchueng (encadré 2), maraîchère à Etougebe, constitue un
bon exemple de cette source de motivation.
10 La « souffrance » est un terme utilisé localement pour désigner l’insuffisance alimentaire. Ce manque affecte le moral et le physique des populations.
Encadré 2 : Témoignage d’une productrice d’Etougebe à Yaoundé
4.1.2. Proportions en terme de genre dans la population enquêtée, leur âge, leur
origine, leur expérience et leur niveau d’éducation
- Age des répondants
Les résultats de nos enquêtes montrent que les exploitants agricoles des 3 zones d’étude de la
ville de Yaoundé sont essentiellement des jeunes dont l’âge moyen est de 35 ans (figure 17).
Le plus jeune a 18 ans et le plus vieux a plus de 62 ans.
0 10 20 30 40 50 60 Noyau urbain (n=147) ZPU1 (n=46) ZPU2 (n=17) Zones P ropor ti on ( % ) 15-30 ans 31-40 ans 41-50 ans 51ans et plus
Figure 17 : Proportion des classes d'âges des répondants en fonction des zones (en
pourcentage du total de l'effectif de chaque zone) (n total = 210)
Le pourcentage le plus élevé des répondants se trouve dans la classe d’âge 31-40 ans (52 %)
et ces répondants sont pour la plupart dans le noyau urbain et en ZPU1. Il s’agit de personnes
jeunes, dynamiques, arrivées en ville en quête de l’emploi, qui se sont reconverties en
agriculteurs malgré eux.
A l’opposé, dans la ZPU2 (hinterland rural), 47 % des répondants ont plus de 51 ans. Ce
résultat démontre que les plus jeunes ont tendance à aller vers la ville alors que les plus vieux
restent dans leur village de naissance.
Je suis arrivée à Yaoundé avec mon mari dans la zone en 1980. A cette époque, l’arrondissement de Yaoundé 6 n’existait pas. Quand nous sommes arrivés, il n’y avait que de la brousse et c’était impraticable. La route n’allait que jusqu’au centre des handicapés. Suite au licenciement de mon mari, j’ai eu l’idée d’exploiter les marécages. Ce qui m’a motivée dans cette agriculture c’est de voir les résultats très rapidement. Le propriétaire de la parcelle que j’exploite (Mr X.) voulait vendre ses marécages. Nous lui avons acheté à 75 CFA le mètre carré tout en sachant pertinemment que ces marécages appartenaient en réalité à l’Etat. Aujourd’hui cela peut se vendre à 2000 CFA le mètre carré (étant donné que le marais est maintenant défriché). Nous avons au total 2000 mètres carré de surface exploitée. Etant « allogène », on a voulu me chasser une fois la parcelle bien aménagée. Mais, au regard du travail que j’avais abattu dans cette zone, j’ai pu résister aux caprices des autochtones et ai été encouragée par mon entourage. Les gens étaient conscients que l’agriculture urbaine était la principale ressource d’alimentation de la zone. Je considère que notre activité est la plus avantageuse car nous n’avons pas à nous déplacer pour acheter les denrées au marché. Je vis à 200 mètres du champ. Les voisins viennent acheter les produits agricoles dans mon champ, cela me donne de l’argent et du travail. Maintenant, notre activité fait vivre tout l’Arrondissement de Yaoundé 6. Notre parcelle est maintenant considérée comme « le grenier de l’arrondissement ».
- Sexe des répondants
En ce qui concerne le sexe des répondants, la figure 18 montre que les agriculteurs urbains et
périurbains sont pour la plupart des femmes avec une expérience agricole qui varie entre 2 et
20 ans.
97 21 9 50 25 8 0 20 40 60 80 100 120Noyau urbain ZPU1 ZPU2
Zones E ff ect if Femmes Homme
Figure 18 : Sexe des répondants en fonction des zones
C’est principalement dans le noyau urbain (65 %) que les femmes pratiquent l’agriculture en
raison des charges de la famille qui leur incombent. Cette variation du sexe s’explique
également par le fait que dans le noyau urbain, les hommes ont d’autres activités annexes
(artisanat, maçonnerie, taximen…).
A l’opposé, dans la ZPU1 et ZPU2, le nombre de femmes impliquées dans l’AUP ne diffère
pas de celui des hommes. Ceci s’explique par le fait qu’en zone périurbaine, l’activité agricole
est la seule source de revenu. Si les hommes ne s’y intéressent pas, ils n’auront pas de quoi
acheter leur boisson, cigarettes, etc. Ces femmes nourrissent en moyenne 7 personnes par
ménage.
- Niveau d’éducation des répondants
La grande majorité de ces producteurs urbains ont été à l’école. Parmi eux, 35, 32, et 8 %
respectivement ont fait le primaire, le secondaire, et l’université (figure 19).
0 10 20 30 40 50 60 Noyau urbain (n=147) ZPU1(n=46) ZPU2 (n=17) Zones E ffec ti fs Pas été à l'école Primaire Secondaire Université
Dès la lecture de la figure 19, on se rend compte que les exploitants ayant franchi le niveau
secondaire et même universitaire se retrouvent plus dans le noyau urbain. Cela traduit la
reconversion des jeunes cadres camerounais en agriculteurs par manque d’emploi. Ils le font
pour subvenir à leurs besoins quotidiens.
- Origine ethnique des répondants et distance entre habitat et zones de production
En ce qui concerne l’origine de provenance de nos répondants, la figure 20 nous montre que
les agriculteurs urbains et périurbains de Yaoundé proviennent de milieux et d’ethnies variés,
mais la majorité d’entre eux sont d’origine Bamilékés. Cette ethnie, de par sa culture et son
nombre, est majoritairement agricole et reconnue particulièrement dynamique du point de vue
économique, partout où elle se trouve. C’est ainsi que, dans les trois zones, on dénombre un
effectif total de près de 54 % de l’échantillon total des répondants. On les retrouve dans toutes
les zones de production de Yaoundé, loin de leur région d’origine (Ouest – Cameroun).
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 Noyau urbain (n=147) ZPU1 (n=46) ZPU2 (n=17) Zones E ffe cti f Bamileké Beti-Bulu Anglophones Autres
Figure 20 : Origine ethnique des répondants en fonction des zones urbaines
Les ‘‘anglophones’’
11constituent également des acteurs importants de l’activité agricole
urbaine de Yaoundé. On retrouve cette ethnie dans toutes les zones de production de la ville
(surtout dans le noyau urbain). En raison de leurs préférences culinaires, ces acteurs
produisent des légumes bien spécifiques comme le taro, le «djama djama ». Ce qui permet
entre autres de répondre à la demande des consommateurs.
Les résultats sur la provenance des répondants se rapprochent de ceux de Bopda et Awono,
lesquels expliquent que, grâce aux courants migratoires, la composition ethnique, régionale et
démographique de la population de Yaoundé s’est diversifiée d’année en année. Parti d’une
valeur de 0,72 en 1957, la probabilité que deux résidents pris au hasard appartiennent à la
même composante ethnico-régionale est passée à 0,045 en 1962 avant de remonter légèrement
à 0,118 en 1993 (Bopda et Awono., 2003).
La distance entre les zones de production et les habitats est très variable. Mais, en général, les
producteurs parcourent en moyenne 2 km pour atteindre les champs (Obs. pers)
12. C’est
11Les anglophones sont originaires de la province du nord-ouest et du sud-ouest Cameroun de la même manière que le groupe ethnique bamiléké qui sont originaire de l’ouest Cameroun.