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3.3 Etude des mécanismes d'activation et de pompage

3.3.2 Piégeage de l'azote

ˆ Mise en évidence microscopique

La caractérisation comportementale à l'échelle macroscopique des getters couches minces par la technique de mise en ampoule, associée à l'analyse de gaz résiduels, met en évidence le piégeage de l'azote par les NEG. L'analyse XPS de surface et en depth proling permet d'analyser les aspects microscopiques de ce piégeage. La formation de TiN en surface des getters au cours de leur activation sous vide a d'ores et déjà été mise en lumière par l'étude de l'évolution du niveau de c÷ur Ti 2p du titane (gure 3.35, page 153) : l'augmentation de la contribution de TiN et TiC est observée à partir du traitement thermique sous vide à 300°C pendant 1 heure. Néanmoins, les précédents résultats ne permettent pas de dissocier la contribution du nitrure de celle du carbure. Aussi convient- il d'analyser l'évolution du niveau de c÷ur N 1s déconvolué de l'azote, représentée sur la gure 3.40. L'augmentation notable de la contribution des liaisons nitrures y intervient à l'issue du traitement thermique à 300°C. Ce résultat est en accord avec le précédent sur le niveau de c÷ur du titane.

Figure 3.40  Evolution des contributions du niveau de c÷ur N 1s pour le dépôt monocouche Ti 100 nm : avant (1) et après traitements thermiques sous vide d'une heure à 200°C (2), 300°C (3) et 400°C (4)

La gure 3.41 présente les prols déconvolués de l'azote, obtenus par XPS en depth proling pour le dépôt monocouche Ti 100 nm (mono-Ti 1-14), analysé avant activation, après activation sous vide (450°C-1 h-10−8mbar) et après activation en ampoule sous

Figure 3.41  Prols XPS déconvolués de l'azote pour le dépôt monocouche Ti 100 nm : après élaboration (haut), après activation sous vide (milieu) et après activation sous N2 (bas)

0.2 mbar de N2 (425°C-1 h, puis 450°C-1 h). La déconvolution des prols prend en compte

2 contributions :

 les liaisons nitrures N-Ti  les liaisons de type N-H

Le prol avant activation (gure 3.41, haut) met en évidence la présence de pollution azotée à l'extrême surface du dépôt. Cette pollution surfacique disparaît à l'issue de l'activation sous vide, au prot de liaisons N-Ti à proximité de la surface (gure 3.41, milieu), sur une épaisseur de quelque 8 nm. Cependant, l'azote engagé dans ces liaisons N-Ti ne semble pas issu de la pollution surfacique initiale. En eet, au cours de l'activation par recuits successifs sous vide, l'analyse XPS de surface présentée sur la gure 3.40 met en évidence la disparition de la pollution azotée à l'issue du recuit à 200°C. Les liaisons nitrure n'apparaissent qu'après le recuit à 300°C. Par conséquent, l'azote engagé dans les liaisons N-Ti observées après activation sous vide provient probablement de la pression résiduelle de N2au sein de l'équipement d'XPS au cours du traitement thermique (pression

totale de 10−8mbar).

L'échantillon activé en ampoule sous 0.2 mbar de N2 présente un prol mettant en

évidence le pompage de l'azote (gure 3.41, bas) : la contribution des liaisons N-Ti est mesurée sur environ 25 nm d'épaisseur. La contribution est maximale à proximité de la surface. Compte-tenu de cette observation, il convient de déterminer sous quelle forme est piégé l'azote dans la couche de titane. En eet, la forte concentration à proximité de la surface rend envisageable un phénomène de pompage du N2 par formation d'une

couche de nitrure. Or un mécanisme de ce type s'oppose à celui de l'eet getter (diusion préférentielle des espèces piégées dans le volume du NEG).

La présence importante d'azote dans le volume de la couche conrme l'évolution de la pression au sein de l'ampoule au cours de l'activation de l'échantillon : 2.14 × 10−1mbar

avant activation, et 2.72 × 10−2mbar à l'issue du traitement thermique. Compte-tenu

de la géométrie de l'ampoule (volume de 3.8 cm3) et en supposant que la totalité de

l'azote est piégée par le dépôt (les spectres RGA présentés en 3.2.1, page 137, mettent en évidence que la pression dans les ampoules à l'issue des traitements thermiques est imposée par de l'hydrogène et des hydrocarbures), la quantité d'azote piégée par le dépôt est estimée à environ 4 × 1016atomes. La surface de l'échantillon étant de 175 mm2, le

nombre d'atomes de titane contenus dans les 25 nm sur lesquels s'eectue la diusion de l'azote est de l'ordre de 2.4 × 1017atomes (2.48 × 1017 en considérant un monocristal de

Ti hexagonal, 2.29 × 1017 en considérant un monocristal cubique faces centrées de TiN).

Ainsi, le pourcentage atomique moyen d'azote dans les 25 nm de titane proches de la surface est d'environ 16.7 % at. L'extrapolation à la température ambiante du diagramme de phase du système N-Ti, présenté en A.1, indique pour cette valeur de pourcentage atomique une frontière entre la zone de stabilité de l'azote en solution solide α-Ti(N) et celle de coexistence des phases α-Ti(N) et -Ti2N. Or, compte-tenu du prol mesuré, la

concentration en azote à proximité immédiate de la surface est supérieure à la moyenne calculée de 16.7 % at. Compte-tenu de ces considérations, le dépôt présenterait à sa surface une couche de nitrure de titane -Ti2N, voire δ-TiN1−x.

Malgré la formation éventuelle d'une couche de nitrure en surface du dépôt après activation sous N2, la présence d'azote sur environ 25 nm d'épaisseur implique une diusion

néanmoins eective dans le titane. Cette diusion s'eectue donc a priori à travers la couche de nitrure. La gure 3.37 (page 155) a mis en évidence la diusion de l'oxygène sur toute l'épaisseur de la couche de titane (100 nm). La diérence de longueur de diusion observée entre l'azote et l'oxygène est en accord avec les données thermodynamiques présentées en 1.2.2 (page 47) : l'énergie d'activation de la diusion de l'oxygène dans le titane est plus faible que celle de l'azote (201 kJ/mol contre 224 kJ/mol, d'après [11]), bien qu'il ne soit pas précisé s'il s'agit de diusion dans les grains ou les joints de grains.

Il convient également de remarquer que la forme du prol d'azote pour l'échantillon activé sous N2 semble indiquer que la capacité de pompage réelle du NEG monocouche

est sous-estimée. En eet, le pompage des 0.2 mbar d'azote initialement contenus dans l'ampoule se traduit par une diusion sur seulement 25 nm de getter. Ainsi, pour une quantité initiale de gaz plus importante et un temps de traitement thermique adéquat, il semble possible de piéger davantage d'azote dans la couche getter de 100 nm. L'uniformité de la microstructure pour cette épaisseur de couche, déterminée grâce aux observations TEM, paraît en accord avec la possibilité de diusion de l'azote au-delà de 25 nm. Ceci est éventuellement vériable via une saturation du getter par activation en ampoule, avec d'une quantité initiale de gaz plus importante.

ˆ Eet barrière de la sous-couche à la diusion de l'azote

L'eet barrière de la sous-couche vis-à-vis de la diusion de l'oxygène a été mis en évidence précédemment. Le même comportement est attendu vis-à-vis de l'azote. La gure 3.42 présente les prols d'azote obtenus par XPS en depth proling pour le dépôt multicouche Ti 20 nm / Cr 20 nm / Ti 50 nm (multi-Ti 1-21), analysé avant activation, après activation sous vide (450°C-1 h-10−8mbar), et après activation en ampoule sous

0.2 mbar de N2 à l'aide du dispositif d'analyse dynamique du pompage (paliers successifs

de 10 minutes de 50°C à 400°C par pas de 25°C, puis de 400°C à 450°C par pas de 10°C). Le prol après activation en ampoule (gure 3.42, bas) met en évidence le piégeage de l'azote par le dépôt multicouche. La présence de liaisons N-Ti est observée jusqu'à l'interface

entre le titane et le chrome. L'absence de ces liaisons dans la couche d'accroche conrme l'eet barrière de la sous-couche de chrome à la diusion de l'azote.

Figure 3.42  Prols XPS de l'azote pour le dépôt multicouche Ti / Cr / Ti : après élaboration (haut), après activation sous vide (milieu) et après activation sous N2 (bas)

Le prol d'azote après activation sous N2 (gure 3.42, bas) indique une diérence

essentielle de comportement du dépôt multicouche par rapport au dépôt monocouche Ti 100 nm (gure 3.41, bas). En eet, dans le cas du dépôt multicouche, la diusion de l'azote intervient dans toute l'épaisseur de la couche getter de titane (50 nm), et non plus seulement sur 25 nm. Deux zones sont ainsi distinguées : les quelque 30 premiers nanomètres sous la surface présentent un prol d'azote similaire à celui observé pour le dépôt monocouche de titane, tandis que les quelque 20 suivants présentent un prol plat non nul. Il peut en être déduit qu'un même mécanisme contrôle le piégeage de l'azote à proximité de la surface pour les deux dépôts, tandis qu'un second vient s'y ajouter dans le reste de l'épaisseur de la couche getter pour le dépôt multicouche. Ainsi, tandis que le dépôt monocouche semble piéger l'azote essentiellement par formation d'une couche de nitrure en extrême surface, limitant de fait la diusion de l'azote dans le titane, ce dernier mécanisme demeure signicatif pour le NEG Ti/Cr/Ti. La sous-couche de chrome favorise donc la diusion de l'azote dans Ti : il s'agit bien d'un piégeage de l'azote par eet getter.

ˆ Liens avec la microstructure

Les observations MEB et TEM présentées dans le chapitre précédent mettent en lumière la formation d'une couche en surface des dépôts à l'issue de leur activation sous N2. Les prols obtenus par XPS en depth proling mettent pour leur part en évidence

la présence de deux contributions dans le piégeage de l'azote : la formation probable d'une couche de nitrure à l'extrême surface et la diusion de l'azote dans le volume du titane. La première contribution semble majoritaire dans le cas du dépôt monocouche Ti 100 nm (mono-Ti 1-14). La seconde semble signicative, voire prépondérante, dans le cas

du dépôt multicouche Ti 20 nm / Cr 20 nm / Ti 50 nm (multi-Ti 1-21). Cette diérence de comportement semble pouvoir s'expliquer par des diérences microstructurales.

La diusion de l'azote dans la couche de titane peut emprunter 3 chemins : les grains, les joints de grains et les dislocations [8]. Dans le cas des métaux, Philibert [20] indique que le rapport D0

/D vaut entre 103et 106, avec D le coecient de diusion dans les grains et D0 celui dans les joints de grains ou les dislocations. Aussi les joints de grains et les

dislocations sont-ils des courts-circuits à la diusion. Les micrographies TEM présentées dans le chapitre précédent ont mis en évidence la formation de dislocations dont les lignes apparaissent verticales dans le dépôt multicouche Ti 100 nm / Pt 60 nm / Ti 450 nm (multi- Ti 1-03) au cours de son activation (gure 2.54, page 109). Ces dislocations apparaissent dans une majorité des grains, sur toute l'épaisseur de la couche getter de titane. Au contraire, le nombre de grains présentant des dislocations est moindre dans le cas du dépôt monocouche (gure 2.33, page 94). Dès lors, la formation préférentielle d'une couche de nitrure en surface du titane pour le dépôt monocouche s'expliquerait par l'absence de court-circuit à la diusion de l'azote.

La modication de la microstructure du NEG par l'ajout d'une sous-couche paraît inuencer notablement la cinétique de pompage de N2. La relation entre la modication de

microstructure et la diusion de l'azote permettrait en outre d'apporter une explication à l'atténuation de l'eet de sous-couche observée lors de l'activation des dépôts multicouches en ampoule par recuits successifs (tableaux 3.5, 3.6 et 3.7, pages 144 et 145). En eet, l'absence de prétraitement des échantillons dans le cadre du protocole de mise en ampoule n°2 s'est révélée augmenter la température d'intégration des NEG multicouches, sans modier celle des dépôts monocouches. Ce résultat pourrait s'expliquer en considérant les modications de microstructures susceptibles d'intervenir au cours du prétraitement des échantillons dans le cadre du protocole n°1 de mise en ampoule (350°C-12 h-10−8mbar).

Pour les dépôts monocouches, aucune modication de microstructure n'interviendrait au cours du prétraitement. Aussi la mise en ÷uvre d'un traitement thermique à 425°C serait nécessaire à l'activation du getter, que ce dernier ait été prétraité à 350°C auparavant ou non. Pour les dépôts multicouches, la génération de dislocations serait déjà amorcée au cours du prétraitement. Ceux-ci faciliteraient la diusion de l'oxygène et de l'azote au cours des recuits successifs d'activation, induisant ainsi un abaissement de la température d'intégration. Au contraire, l'absence de prétraitement impliquerait la génération des dislocations au cours des traitements thermiques successifs d'activation en ampoule. Ceci induirait un retard dans la diusion de l'oxygène et de l'azote, se traduisant par un déca- lage de la température d'intégration des NEG multicouches vers les hautes températures, les rapprochant ainsi du comportement des NEG monocouches.

An de vérier la validité de ce mécanisme, il serait nécessaire de mettre en ÷uvre des observations microscopiques de NEG couches minces après prétraitement (350°C-12 h- 10−8mbar) d'une part, et après chacun des traitements thermiques d'activation sous N2

de dépôts non prétraités d'autre part. La réalisation de ces analyses n'a pas été entreprise dans le cadre de l'étude présentée dans ce mémoire.