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2.2 Croissance et microstructure des couches minces

2.2.2 Morphologie et microstructure des couches minces

L'analyse de la microstructure des dépôts métalliques est d'un intérêt particulier dans l'industrie, car un grand nombre des caractéristiques physiques, électriques, optiques ou encore magnétiques des matériaux élaborés en dépend [5]. Ceci explique le développement de nombreux modèles, visant à rattacher la microstructure des dépôts à leurs paramètres d'élaboration. Le terme de Structure Zone Models (SZM) est usuellement employé4. Une

brève description des principaux modèles est proposée dans ce qui suit. ˆ Modèle de Movchan et Demchishin

Le premier SZM est issu des travaux de Movchan et Demchishin (M&D) [16]. L'analyse de dépôts épais (jusqu'à 2 mm) de plusieurs matériaux (Ni, Ti, W, Al2O3et ZrO2), élaborés

sous vide par évaporation à diérentes températures de substrat TS (K), leur a permis

d'établir une cartographie de la microstructure de ces dépôts en fonction du paramètre T = TS/Tm, où Tm (K) est la température de fusion du matériau déposé (gure 2.9). Le

paramètre T est appelé température réduite. Movchan et Demchishin distinguent alors trois zones en fonction de la valeur de T.

Figure 2.9  Structure Zone Model de Movchan et Demchishin (1969) (extrait de [16])

Dans la zone 1, correspondant à des températures de substrat faibles (T < 0.25 ∼ 0.3), le dépôt présente une structure colonnaire, avec des grains séparés par des vides. La surface se compose de dômes, dont le diamètre augmente avec la température. La zone 2 (0.3 < T < 0.5) présente des grains de diamètre plus important, et séparés par des joints de grains biens dénis. L'absence de vides intergranulaires s'explique par la diusion de surface des adatomes, favorisée par la température du substrat. Enn la zone 3 (T > 0.5) se compose de grains équiaxes.

ˆ Modèle de Thornton

En 1974, Thornton [11] apporte quelques modications au modèle M&D en se plaçant dans le cadre de dépôts par pulvérisation (gure 2.10). Ceci l'amène à prendre en compte un nouveau paramètre : la pression d'argon au cours du dépôt. Des lms d'environ 25 µm de Mo, Cr, Ti, Fe, Cu, et d'alliage à base d'aluminium, sont élaborés et analysés.

Figure 2.10  Structure Zone Model de Thornton (1974) (d'après [11])

La principale caractéristique du modèle de Thornton est l'apparition d'une zone de transition, appelée zone T, entre les zones 1 et 2 du modèle M&D. Cette zone se compose de grains breux et compacts. Cette structure s'explique par la mobilité des adatomes, laquelle devient susante an d'amener au remplissage des vides intergranulaires de la zone 1. D'ailleurs, Thornton établit un lien direct entre les diérentes zones et les processus indiqués sur la gure 2.3 (page 66). Ainsi, la zone 1 est contrôlée par les paramètres de transport des atomes, la zone 2 par la mobilité des adatomes, et la zone 3 par les mécanismes de diusion en volume [9].

ˆ Autres modèles

En 1984, Messier et al. [17] développent un modèle décrivant à la fois la microstructure et la "nanostructure" de dépôts minces et épais (10 nm à 30 µm), préparés à TS/Tm ≤ 0.5

par pulvérisation (gure 2.11). Elaborés dans des conditions de faible mobilité des ada- tomes, les lms présentent des grains colonnaires, séparés par des vides intergranulaires. Plusieurs tailles caractéristiques de colonnes sont mesurées : 1-3, 5-20, 20-40, 50-200, et 200-400 nm. Ceci amène les auteurs à dénir trois niveaux de structure : nano-, micro- et macrostructure. D'autre part, le nouveau SZM proposé prend en compte la tension Vs

du substrat lors du dépôt : celle-ci favorise le bombardement de la couche en croissance, augmentant ainsi la mobilité des adatomes. Ce mécanisme se traduit par un élargissement de la zone T du SZM, au détriment de la zone 1.

Figure 2.11  Structure Zone Model de Messier (1984) (extrait de [17])

Hentzell et al. [18] se basent sur de nouvelles observations de dépôts métalliques par évaporation pour tenter d'expliquer leur microstructure et les mécanismes les contrôlant. Dix dépôts de 100 nm d'épaisseur sont élaborés (Ni, Pt, Au, Cu, Al, Pb, Ti, Co, W et Cr), à diérentes températures de substrat. Le SZM issus de l'analyse microscopique de ces dépôts est représenté sur la gure 2.12. Pour TS/Tm<0.2, la couche mince est constituée

de grains équiaxes de faible diamètre (moins de 20 nm). Pour 0.2 < TS/Tm < 0.3, de

gros grains (diamètre > 500 nm) apparaissent, entourés de grains plus petits, identiques à ceux de la zone précédente. Plus la température augmente, plus la proportion de petits grains décroît. Enn, pour TS/Tm > 0.37, la structure devient colonnaire. Les auteurs

relient cette évolution de la microstructure à la mobilité des joints de grains dans le lm. Ils dénissent ainsi trois régimes, fonctions de la température du substrat : pour chaque grain du dépôt, soit un seul joint de grains ou moins est mobile (régime a), soit deux (régime b), soit tous les joints de grains le sont (régime c).

Figure 2.12  Structure Zone Model de Hentzell et Grovenor (1984) (extrait de [18])

Barna et Adamik [19] établissent en 1998 une distinction entre les modèles idéaux (ideal structure zone model) et les modèles réels (real structure zone model). En eet, il apparaît que les modèles précédemment développés ne tiennent pas compte d'un élément important : la présence d'impuretés au cours de l'élaboration des dépôts. Les auteurs établissent un nouveau modèle prenant en compte l'adsorption simultanée d'impuretés telles que l'oxygène sur les faces cristallines des grains en croissance. L'interaction de

ces impuretés étant anisotrope selon les faces cristallines sur lesquelles elles se déposent, leur présence va modier la croissance des grains. Dès lors, la quantité de ces impuretés peut faire varier la structure des couches minces de la zone II à la zone T ou I, tout autre paramètre de dépôt inchangé. L'inuence de la présence d'impuretés au cours de l'élaboration des dépôts est représentée sur la gure 2.13 (extraite de [20]).

Figure 2.13  Structure Zone Model de Barna et Adamik (1998) (extrait de [20])

ˆ Etudes par simulation numérique

L'étude de la croissance des couches minces a largement bénécié du développement de l'informatique. Celle-ci permet de simuler les phénomènes élémentaires intervenant au cours des dépôts, en prenant usuellement en compte l'énergie, la taille et la nature des atomes déposés, ainsi que la température et la nature des substrats [5]. Deux méthodes principales de simulation sont mises en ÷uvre : la simulation Monte Carlo et la simulation par dynamique moléculaire.

La simulation Monte Carlo est basée sur le caractère aléatoire de l'impact des adatomes sur le substrat [5]. L'adatome atteint le substrat avec un angle d'incidence donné et l'impacte en un point choisi aléatoirement. Si le site d'impact est vacant, l'adatome s'y xe. S'il est occupé, l'adatome est désorbé ou, plus généralement, se xe sur un site vacant voisin. Cette méthode de simulation permet à Müller [21] de modéliser la formation de

structures colonnaires par eet d'ombrage (shadowing) et la densication des couches minces par augmentation de la température du substrat.

La simulation par dynamique moléculaire (molecular dynamics simulation) consiste pour sa part à calculer la position de chaque atome déposé, à chaque instant. Cette position est dénie par les forces appliquées à l'atome par ses voisins : ces forces s'expriment selon un potentiel de type Lennard-Jones (selon [22]) :

U (rij) =  "  r0 rij 12 − 2 r0 rij 6#

où U(rij) est l'énergie potentielle d'interaction entre les atomes i et j séparés par la

distance rij,  le paramètre de Lennard-Jones, et r0 la distance pour laquelle les forces

attractives et répulsives sont égales. Ce type de simulation, tenant compte de l'ensemble des atomes déposés au cours du process et de leur interactions, est généralement limité à quelques 104atomes, contre 106 pour la simulation Monte Carlo [5].