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photographiques du CICR*

Dans le document CICR : 150 ans d'action humanitaire (Page 161-193)

Valérie Gorin**

Valérie Gorin est collaboratrice scientifi que et assistante, Université de Genève et CERAH

* La version anglaise de cet article est parue dans International Review of the Red Cross, Vol. 94, No. 888, Hiver 2012.

** L’auteure tient à remercier particulièrement Madame Fania Khan Mohammad, de la photothèque du CICR, pour toute l’aide apportée lors des recherches menées pour cet article et pour les échanges fort enrichissants, qui lui ont permis de mieux cerner l’usage de la photographie au CICR.

IN FOLIO

Résumé

Le but de cet article est de proposer quelques jalons pour une réfl exion historique sur le fonds d’archives photographiques du CICR, riche de quelques 120 000 photo-graphies et peu utilisé par les chercheurs. Ces photophoto-graphies ont pourtant participé à la construction identitaire, opérationnelle et symbolique de l’institution, selon une politique mémorielle apparue progressivement au cours du vingtième siècle. Divisées en trois axes (la fi gure du délégué ; les contextes d’intervention ; les souff rances et les victimes), les photographies exposées dans cet article permettent de mieux discuter des enjeux de ce formidable patrimoine visuel, qui pose un regard à la fois anthropologique et ethnologique sur l’action humanitaire, ses protagonistes et ses bénéfi ciaires.

Mots clés : photographie, humanitaire, archives, mémoire, histoire, patrimoine visuel, guerre.

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Valérie Gorin – 150 ans de regard sur l’humanitaire: les archives photographiques du CICR

Riches d’une collection de quelques 120 000 photographies 1, la photothèque du CICR représente probablement l’une des plus formidables bases de données visuelles sur l’humanitaire. Contrairement aux documents textuels 2, elles sont sous-utilisées et peu connues. Développée à la fi n du dix-neuvième siècle, notamment dans la presse illustrée, la photographie s’est pourtant révélée comme un média de choix pour informer, témoigner et archiver des réalités du terrain, concurrençant même l’audiovisuel :

L’imagerie incessante (télévision, vidéo, cinéma) constitue notre environnement, mais dès lors que la question du souvenir se pose, la photographie est plus incisive.

La mémoire procède par l’arrêt sur image, son unité de base est l’image isolée.

En cette ère d’information saturée, la photographie représente un moyen rapide d’appréhender un objet ainsi qu’une forme compacte de mémorisation3.

Ce lien particulier entre mémoire et photographie est perceptible dans le patrimoine visuel du CICR qui a su, au fi l des décennies, constituer cette collection quasi-ency-clopédique. Elle interroge donc la politique mémorielle de l’institution. Témoignant de l’activité archivistique de l’organisation, la collection regroupe aussi bien des photographies faites par ses membres que des images reçues ou achetées. L’utilisation d’un appareil photo par les délégués sera plus ou moins fortuite, puis encouragée lors de la visite des camps de prisonniers pendant la Deuxième Guerre mondiale, avant qu’une réorganisation complète des archives dans les années 1950 ne démontre la diversité du fonds ainsi regroupé. Les années 1960 verront alors l’affi rmation du témoignage visuel par le recours à des photographes professionnels.

La richesse d’un tel fonds a déjà suscité des réfl exions au sein de l’institution, initiées en 1995 dans l’ouvrage Guerre et humanité : un siècle de photographie4, témoignant du regard posé sur la guerre et l’histoire des Conventions de Genève au vingtième siècle. L’ouvrage a été revu en 20095, s’enrichissant cette fois de la contri-bution de plusieurs photographes prestigieux lors du projet « Our world at war »6. Outre ces deux éditions, l’exposition Terrain(s)7 organisée par le Musée International de la Croix-Rouge (MICR) a interrogé en parallèle le témoignage historique construit par ce fonds. L’objet en était donc vaste, tout comme l’enjeu de cet article, tant les photographies mélangent à la fois les contextes d’intervention et le regard transversal

1 Seules ces 120 000 images sont publiques. Le fonds en contient en réalité 780 000, sous forme de plaques de verres, diapositives, tirages papier et numériques.

2 En plus des photographies, les archives du CICR comportent des archives sonores et fi lmées, ainsi que les documents écrits depuis ses premières années d’existence.

3 Susan Sontag, Devant la douleur des autres, Paris, Christian Bourgois, 2003, p. 30.

4 Nicolas Bouvier, Michèle Mercier et François Bugnion, Guerre et humanité : un siècle de photographie, Skira, Genève, 1995.

5 CICR, L’humanité en guerre. Photos du front depuis 1860, Lieux Dits, Genève, 2009.

6 Organisé avec les photographes de l’Agence VII, lors de la campagne « Our world. Your move » lancée par le CICR en 2009, disponible sur : http://www.viiphoto.com/our_world.html (dernière consultation le 25 janvier 2013).

7 Initiée par la commémoration des cinquante ans d’Hiroshima et l’action du Docteur Junod, l’exposition Terrain(s) s’est tenue du 7 mars au 5 août 2007. Voir le site du MICR : http://www.micr.ch/f/exhib/

explore_archives_terrains_f.html (dernière consultation le 25 janvier 2013).

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qui est posé à travers l’image sur ces réalités, en parallèle des grands classiques du photojournalisme du vingtième siècle.

Le propos de cet article n’est donc pas de procéder à un cas d’étude spécifi que, mais de proposer quelques jalons pour une réfl exion et une utilisation de ce fonds d’archives par des historiens, politologues, sociologues, mais aussi anthropologues.

Car ces photographies participent tout à la fois d’une construction identitaire (visuelle, emblématique), d’une légitimité (institutionnelle, opérationnelle), d’un regard (anthropologique, ethnologique) et de sensibilités (face à l’Autre et à la souf-france). L’impossibilité d’exposer l’intégralité des événements documentés nous a amené à choisir délibérément un regard fragmenté, parcellaire, qui contient à la fois une approche chronologique, historique et sémiologique. Ce choix s’est établi après une analyse de contenu exploratoire des ouvrages cités, ainsi que des 200 photos sélectionnées à l’occasion du 150e anniversaire, puis par une analyse systématique des termes de recherche de la base de données de la photothèque. Cela a permis d’esquisser plusieurs catégories relevant à la fois d’une échelle spatio-temporelle et thématique : périodes représentées et évolution dans le temps (dix-neuvième au vingt-et-unième siècle), contextes géographiques (marquant l’essor de l’humanitaire hors du champ européen), typologie des interventions de l’institution et typologie des bénéfi ciaires (militaires et civils). Cette catégorisation se veut surtout comme une proposition de réfl exion, car elle ouvre sur de nombreuses thématiques qui nécessiteraient plus de recherches ciblées.

Ces catégories ont été regroupées en trois grands axes, illustrés à chaque fois par une ou plusieurs photographies par catégorie. Premièrement, la fi gure du délégué qui incarne les valeurs institutionnelles et représente ce fameux lien si essentiel à l’humanitaire, celui du bienfaiteur au milieu de la souff rance. Deuxièmement, les réalités des contextes d’intervention, qui se diversifi ent en un siècle et demi. Le CICR se veut visible sur le terrain, et la photographie opérationnelle sert ici à souligner cette activité avec comme objet central la résilience, mais aussi les populations elles-mêmes et leurs conditions de vie. Enfi n, le rôle de la photographie interroge aussi nos sensibilités face à la souff rance des autres et à la nécessité de la montrer 8. Les photographies de cette catégorie portent donc sur la rhétorique victimaire, mais aussi les rapports à la mort et à la violence.

La fi gure du délégué : créer une identité institutionnelle sur le(s) terrain(s) Toute histoire institutionnelle ramène forcément aux origines de la fondation, et par conséquent à une dimension quasi-mythologique de son histoire. Le mythe 9, dans le cas du CICR, se retrouve dans la fi gure des pères fondateurs, sur laquelle nous

8 Voir entre autres Susan Sontag, op. cité, 2003 et Paul Bouvier, «‘Yo lo vi’. Goya witnessing the disasters of war : an appeal to the sentiment of humanity», in Revue Internationale de la Croix-Rouge, Vol. 93, No. 884, 2011, pp. 1107-1113.

9 Nous utilisons le terme selon Barthes, à comprendre comme un langage, un discours véhiculé par un ensemble de signes (sémiologie), formant un message imprégné de signifi és (que l’on peut rapporter souvent à un ensemble de valeurs). Roland Barthes, Mythologies, Seuil, Paris, 1957.

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n’entrerons pas ici 10. Au-delà du mythe des origines, le référent iconique qui construit toute la visibilité symbolique du CICR sur le terrain et enracine ce lien patrimonial est incarné par la fi gure du délégué. Celui-ci permet d’illustrer les activités de protection et de secours, qui se déroulent dans trois contextes fondamentaux pour le CICR : la visite aux prisonniers de guerre, les missions et délégations sur le terrain et la diff usion du droit international humanitaire (DIH). Cet axe de recherche permet de souligner également les règles de prise de vue au sein de l’institution, et leurs évolutions. Au-delà de la politique de la photographie par les délégués, le visuel a lui aussi changé, passant de la masse à l’individu, illustrant l’objectif de la mise en images qui passe tantôt de la récolte de dons au témoignage documentaire.

Les personnes détenues

L’une des premières particularités de l’iconographie du CICR est celle de l’univers carcéral. Les photographies illustrent les variations historiques dans la perception de la détention depuis les premières visites dans les camps de prisonniers lors de la Première Guerre mondiale. C’est à cette période que sera fondée l’Agence internatio-nale des prisonniers de guerre, dont les premières photos du siège servent à diff user le rôle prépondérant que prennent les visites en détention dans les activités du CICR.

On retrouve ce genre de photographies par dizaines, sur des espaces géogra-phiques diff érents, jusque dans l’après-1945. La vision de la masse reconfi gure ici le lien, via des campagnes de cartes postales mises en place par le CICR 11, entre arrière et front « prisonnier », entre familles en attente de nouvelles et ceux qui, à l’écart des combats, n’en demeurent pas moins dans le besoin. L’ampleur de l’aide nécessaire est symbolisée ici par la plongée qui écrase la multitude d’hommes sembant se reproduire à l’infi ni, sollicitant des moyens, d’où les fonds récoltés par de telles campagnes.

Au cours de la Deuxième guerre mondiale, la dimension photographique comme preuve documentaire prend de l’ampleur au sein du CICR, puisque le siège autorise et recommande même la prise de vue à ses délégués lors des visites aux prisonniers de guerre, à l’exemple du cas de Maurice Rossel dans le ghetto de Th eresienstadt, qui fut destiné par les Nazis à être vu 12. Son usage naît donc comme un acte de témoignage, mais aussi comme descriptif des réalités rencontrées sur le terrain. Photographier en temps de guerre pose toutefois des risques de manipulation ou de propagande puisqu’il s’agit d’un contexte sensible. Reposant avant tout sur son identité liée aux principes humanitaires et sur le cadre juridique des C onventions

10 Les innombrables portraits des cinq fondateurs du Comité, et leurs séances de travail dans des lieux emblématiques genevois, circulent dès la fi n du 19e siècle. Ils sont représentatifs du rapport de la classe bourgeoise à la photographie et la volonté de documenter, mais servent aussi de marqueurs symboliques d’une légitimité patrimoniale et institutionnelle Ces portraits sont d’ailleurs l’œuvre de photographes privés, comme Paul ou Fred Boissonnas. Voir « clichés ayant été faits pour le CICR », par Paul Boissonnas, juin 1953, ACICR B AG 074-003.

11 Voir notamment quelques reproductions dans Etienne Clouzot (dir.), L’Agence internationale des prisonniers de guerre. Genève, 1914-1918, SADAG, Sécheron-Genève, 1919.

12 Voir l’analyse qu’en livrent Sébastien Farré et Yan Schubert, «  L’illusion de l’objectif. Le délégué du CICR Maurice Rossel et les photographies de Th eresienstadt », in Le Mouvement Social, Vol. 2, No. 227, 2009, pp. 65-83.

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de Genève, le CICR ne saurait prendre des photographies à l’insu des puissances gouvernantes qui autorisent les visites des délégués et risquer ainsi des accusations d’espionnage. Les photographies prises et diff usées ne se font qu’avec accord de toutes les parties concernées. Ainsi, Jean Pictet rédige notamment une note qui précise le cadre d’utilisation de ces photographies en 1944, en soulignant que celles-ci sont prises par les délégués pour illustrer leur rapport et envoyées par la suite aux autorités détentrices ; seule une petite partie est utilisée dans la Revue internationale de la Croix Rouge (ci-après ‘la Revue’) ou d’autres publications du CICR 13. Dans tous les cas, c’est le Service d’Information qui doit examiner au cas par cas celles propres à la publication ; celles considérées comme impropres peuvent néanmoins être conservées dans les archives photographiques par intérêt thématique et/ou historique. Ainsi, J. Maunoir de la Division exécutive précise en 1952 à la délégation du CICR en Indonésie que les photographies envoyées ne sont pas publiables car « la Direction des prisons de Nusakambangan ne vous a pas autorisé à prendre des photographies à l’intérieur des bâtiments. On ne peut que le regretter. (…) Lorsque vous visitez des camps de prisonniers ou des établissements de détention, nous vous serions

13 « Utilisation par la Division d’Information de photographies de camps de prisonniers », 2 janvier 1944, ACICR G17/Photo.

Image 1. Italie. Guerre 1914-1918. Front italien. Prisonniers autrichiens en mains italiennes (© Photothèque CICR, DR).

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reconnaissants de vouloir bien, chaque fois que la possibilité vous en est donnée, prendre quelques photographies renseignant sur les conditions de détention 14 ».

Depuis les années 1940, la masse a fait place petit à petit, à la photographie du « face à face », entre délégué et prisonnier ; elle est sortie de l’univers des camps pour visibiliser et documenter dans son ensemble la prison, un monde d’ordinaire à l’abri des regards, quelle que soit la raison de la détention (politique, criminelle, etc.)

La focale se fait ici sur le tandem délégué-prisonnier et la position d’égalité.

Elle recrée le dialogue, elle place le partage au milieu du cadre qui lui, englobe à chaque fois les conditions de détention. L’univers est clairement identifi able, par un plan large sur les référents que sont les portes de cellules, les vêtements qui sèchent.

On comprend donc l’importante de ce type de photographies dans les rapports pour décrire l’état des lieux. Dans les années 1980, le droit à l’image prenant plus d’importance au CICR, en accord avec les principes et les C onventions de Genève, le prisonnier n’est jamais reconnaissable sur les photographies prises dans le cadre de confl its internationaux 15.

Cette activité de protection positionne donc le CICR comme une organisa-tion proche des Etats, du moins dans la négociaorganisa-tion pour la libéraorganisa-tion ou l’échange

14 19 septembre 1952, ACICR B AG 074-003.02

15 Cf. Troisième Convention de Genève, Article 13 : “Les prisonniers de guerre doivent de même être protégés en tout temps, notamment contre tout acte de violence ou d’intimidation, contre les insultes et la curiosité publique.” A l’heure actuelle, les prisonniers doivent donner leur accord par écrit pour diff usion d’une photographie qui les représente de manière identifi able.

Image 2. Colombie. 27 février 2007. Bogota, prison «La Picota», patio 4. Un délégué CICR s’entretient avec un détenu. © Photographie Virginie LOUIS (CICR).

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de prisonniers. Cela concerne principalement les images présentant un délégué aux côtés d’hommes politiques ou de militaires, à l’image de cette rencontre avec les généraux israélien et égyptien à l’issue de la guerre des Six Jours entre Israël, l’Egypte, la Jordanie et la Syrie. Dans ce cas, l’intention délibérée de l’acquisition et la diff usion de l’image est justement la négociation et l’entente entre les deux parties représentées ; cette bonne volonté montrée est d’autant plus importante que la photographie n’a pas été prise par le CICR mais reçue des services de presse de l’armée israélienne. La détention y est aussi déclinée comme un récit. Il y a un avant (le combattant, le militant), un pendant (l’incarcération) et un après (la libération, le rapatriement, l’échange de prisonniers). Ce récit est celui de la présence du délégué à diff érentes étapes et des activités engagées. La temporalité est importante pour le CICR, qui multiplie les photographies sur cette longue durée – on oublie à quel point la détention est une perte de temporalité pour les prisonniers, accentuée par la peur de l’oubli, que l’on soit otage ou ancien combattant – en fonctionnant dans toute la symbolique de la permanence du lien.

La fi gure narrative du délégué

Par la suite, ce témoignage photographique du et par le délégué reste primordial pour établir l’identité institutionnelle sur le terrain et il est encouragé par le Service

Image 3. Israel-Egypte. Confl it israélo-arabe, 1967. Tente de l’UNEF au km 101. Le délégué du CICR vérifi e la liste des prisonniers de guerre israeliens avec le Général égyptien Sharif et le Général israelien Eyal.

© Photographie du Israeli Government Press Offi ce.

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d’Information auprès des délégations, quitte à se « faire accompagner d’un photo-graphe » si les délégués ne peuvent le faire par eux-mêmes16.

C’est le cas dans cette photographie prise au Kenya lors de l’action du CICR sur place suite à la révolte des Mau Mau. Elle sert à créer une « scène » consacrant la rencontre des deux maillons du geste humanitaire, bienfaiteurs et bénéfi ciaires.

Ce qui frappe dans la constitution de cette photographie, c’est la fi gure centrale, bien que décalée, du délégué, seul homme parmi un groupe de femmes – l’image masculine restera d’ailleurs longtemps parmi les délégués. Cette distinction forme aussi une rencontre, objet de curiosité pour le photographe, entre une population africaine (exposée frontalement à l’objectif) et le personnel blanc (de dos), qui endosse son rôle d’observateur. Elle symbolise l’axe humanitaire qui bascule d’un univers principalement européen vers un axe Nord-Sud, depuis le développement des activités du CICR en Afrique et Asie pendant la Deuxième Guerre mondiale. La photographie documente aussi bien qu’elle présente un univers qui constituera le socle de la scénographie tiers-mondiste.

Le délégué enrôle plusieurs fi gures narratives sur ces clichés, tantôt inspec-teur, secouriste, protecinspec-teur, présence bienveillante et rassurante. A la fi n du 20e siècle, le regard se construit désormais dans une vision individualisante qui incarne le

16 Note de Robert Melley à Mr. Hoff mann, délégué CICR en Tunisie, 20 juillet 1957, ACICR B AG 074-004.

Image 4. Kenya. Juin 1959. Mission au Kenya du Dr Jean Maurice Rübli et M. Henri Philippe Junod 12 juin-9 juillet 1959. Junod visitant un village Kikuyu en compagnie d’assistantes de la Croix-Rouge du Kenya.

(© Photothèque CICR, D – Droits réservés).

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“tandem victime-secouriste” de l’imagerie humanitaire 17. La photographie ci-dessus condense une forte symbolique : le regard s’arrête cette fois sur la femme déléguée, référent reconnaissable par ses attributs (stéthoscope, emblème CICR), puis suit la ligne directrice des mains liées, incarnant le symbole iconique de la main tendue 18. Devant gît l’archétype de la victime (femme âgée, qui plus est allongée). La scène fi gurée ici rappelle la fi gure angélique maintes fois évoquée dans la mythologie des premières affi ches des sociétés de Croix-Rouge 19 ; si le délégué peut encore faire offi ce d’observateur, c’est surtout la gratitude face à la bienveillance qui est exprimée ici.

Cette figure est là pour raconter une histoire, celle de l’allègement des souff rances ; le délégué est à la fois narrateur, rapporteur et parfois photographe. La création d’un laboratoire photographique au sein du CICR en mai 1958 permettra à l’institution d’assurer à la fois son rôle de gardien du patrimoine et de démultiplier ses activités de diff usion documentaire auprès des sociétés Croix-Rouge, d’autres institutions humanitaires, mais aussi auprès du grand public, de journalistes,

d’édi-17 Rony Brauman et René Backmann, Les médias et l’humanitaire, CFPJ, Paris, 1996, p. 24.

18 Voir notamment l’analyse du symbole de la main tendue fait par Frédéric Lambert sur une célèbre

18 Voir notamment l’analyse du symbole de la main tendue fait par Frédéric Lambert sur une célèbre

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