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I. Chapitre 1 : Synthèse bibliographique

3. Phosphorylation de H2A-X : réponse cellulaire aux dommages à l'ADN

3.1. Les protéines histones

Les histones sont des petites protéines de 11 à 14 kDa riches en acides aminés basiques et sont les principaux constituants protéiques de la chromatine. Cinq classes de protéines histones ont été déterminées : les histones des classes H3, H4, H2A et H2B nommées « histones de cœur » et les histones de la classe H1 ou « histone de liaison ».

Chacune des classes des « histones de cœur », sauf H4, comprend plusieurs formes protéiques appelées «variants d’histones» qui ont des homologies de séquences variables et sont codées par des gènes différents (Franklin et Zweidler, 1977). Schématiquement, il existe deux types de variants d’histones : les histones majeures et les histones de remplacement. On appelle histones majeures les histones dont l’expression est augmentée au cours de la phase S (synthèse d’ADN) du cycle cellulaire, afin de répondre au besoin massif en histones nécessaires à l’assemblage en chromatine de l’ADN en cours de réplication. Par contre, les histones de remplacement, minoritairement représentées, sont exprimées en dehors de la phase S et peuvent être incorporées dans la chromatine indépendamment de la synthèse d’ADN (Wu et al., 1982).

Concernant l’histone H2A, six variants ont été décrits, parmi lesquels H2A-X est un variant de remplacement qui est incorporé de façon aléatoire dans le génome et phosphorylé en réponse aux cassures double-brin de l’ADN, et semble jouer un rôle important dans le processus de réparation de ces lésions.

3.2. γH2AX : réponse précoce aux cassures double-brin de l’ADN

3.2.1. Cassures double-brin de l’ADN

La stabilité génomique est d’importance primordiale pour la survie et le fonctionnement correct de tout organisme. Le matériel génétique des cellules peut subir une grande variété de lésions causées par des sources exogènes et/ou endogènes. Les cassures double-brin de l’ADN (Double strand DNA breaks, DSB) constituent la forme la plus grave des dommages de l’ADN dans les cellules eucaryotes (Bassing et Alt, 2004 ; Khanna et Jackson, 2001) car les deux brins de la double hélice sont endommagés, ce qui empêche l’utilisation du brin complémentaire

65 comme matrice pour la réparation et donc, ces cassures menacent directement l’intégrité génétique. Les DSBs peuvent être provoqués par des facteurs endogènes tels que les stress mécaniques (McClintock, 1941), les transpositions (Engels et al., 1990), la méiose responsable de la génération de la diversité génétique (Keeney et Neale, 2006), la réplication de l’ADN, ainsi que les espèces réactives du métabolisme cellulaire (ERO ; Espèces Réactives de l’Oxygène), ou peuvent également être le résultat de l’action directe ou indirecte d’agents exogènes, comme les radiations ultraviolettes émises par le soleil, les radiations ionisantes et des substances chimiques génotoxiques.

Tous les eucaryotes ont développé plusieurs mécanismes pour faire face aux cassures double-brin de l’ADN, ce qui montre l’importance et la difficulté de leur réparation. Ces systèmes entrainent la participation d’une quantité imposante de protéines qui fonctionnent dans un réseau de signalisation impliqué dans la reconnaissance du dommage, l’arrêt du cycle cellulaire et l’activation des voies de réparation.

La réponse cellulaire à une DSB peut survenir à différentes phases du cycle cellulaire et quand la cellule subit un nombre important de dommages, plusieurs voies de signalisation peuvent se chevaucher ; ces circonstances peuvent conduire à la mort cellulaire pour éviter la propagation d’une cellule avec un génome hautement instable (Su, 2006). Cela rend la réponse cellulaire aux DSBs extrêmement critique, puisque si les mécanismes de réparation ne sont pas efficaces, l’alternative pour la cellule à la mort cellulaire peut être la carcinogenèse ou d’autres effets biologiques délétères (Jeggo et Löbrich, 2007 ; McKinnon et Caldecott, 2007).

3.2.2. Phosphorylation de H2AX (γH2AX)

La phosphorylation du variant H2A-X (γH2AX ou p-H2AX) est sans doute la modification la plus caractérisée qui est induite par les dommages à l’ADN (Pilch et al., 2003 ; Rogakou et al., 1998). Elle s’effectue sur la serine 139 (Ser139) de l’extrémité Carboxy-terminale (C-Carboxy-terminale) de H2AX. La modification est réalisée par les kinases appartenant à la famille des Phosphatydil-Inositol-3-Kinase related Kinase (PIKKs) : Ataxia Telangiectasia Mutated protein (ATM), ATM and Rad3-related protein (ATR) et, dans quelque cas particulier, par la DNA-dependant Protein Kinase - catalytic subunit (DNAPKcs) (Stucki et Jackson, 2006).

66 ATM se trouve dans la cellule sous forme de dimères et d’oligomères qui sont inactifs. Après l’induction des dommages à l’ADN, les formes inactives deviennent des monomères qui s’auto-phosphorylent sur la Ser1981 (Bakkenist et Kastan, 2003). Il a été montré in vitro que la monomérisation d’ATM est réalisée par l’action du complexe MRN (MRE11-RAD50-NBS1) qui est composé par les protéines MRE11 (Meiotic REcombination protein 11), RAD50 et NBS1 (Nijmegen Breakage Syndrome protein) (Lee et Paull, 2005). De plus, selon la concentration de DSBs, l’autophosphorylation d’ATM nécessite, in vitro, de l’interaction avec NBS1 (Dupre et

al., 2006). Ainsi le deuxième rôle de MRN pourrait être de promouvoir l’activité kinase d’ATM

à travers l’interaction d’ATM avec NBS1. Toutefois, à hautes concentrations de DSBs, ATM peut se transformer en monomère même en absence du complexe MRN.

Après autophosphorylation, ATM phosphoryle plusieurs protéines impliquées dans la réponse aux dommages à l’ADN. H2AX est une des cibles immédiates des PIKKs. L’histone γH2AX ainsi formée est responsable de l’assemblage des complexes multi-protéiques dans des foyers nucléaires (Paull et al., 2000). La phosphorylation de la Ser139 a lieu dans l’espace de quelques minutes après l’induction de la DSB (Rogakou et al., 1998) et γH2AX ne se distribue pas de façon homogène dans le noyau, mais elle forme des foyers (IRIF, Ionizing Radiation Induced Foci) dont le nombre, dans les cellules de mammifères, correspond au nombre des DSBs.

Ensuite, γH2AX recrute la protéine MDC1 (Mediator of DNA Damage Checkpoint protein 1) constitutivement phosphorylée, qui est indispensable pour la formation des IRIF (Stewart et al., 2003). MDC1 interagit directement et spécifiquement avec γH2AX à travers son domaine BRCT (Stucki et al., 2005). Les données les plus récentes suggèrent que MRN est recruté sur γH2AX via l’interaction entre MDC1 et NBS1 (Spycher et al., 2008) (Figure I-16). Ainsi, l’extension des protéines de la réparation sur la chromatine, pourrait venir du recrutement séquentiel sur γH2AX de MDC1, MRN et ATM, qui par la suite génèrent d’autre γH2AX en position distale à la lésion et un recrutement ultérieur des mêmes et d’autres facteurs.

67 Figure I-16 : Modèle représentant le mécanisme d’interaction entre MDC1 et le complexe MRN avant et après la cassure double-brin de l’ADN (d’après Spycher et al., 2008).

3.3. Effets des PM

La détection de γH2AX a été largement utilisée pour étudier le stress génotoxique et la réponse cellulaire aux dommages à l'ADN après une exposition à des agents environnementaux (Smart et al., 2011). Une augmentation des niveaux de γH2AX a été observée dans des études in

vitro après exposition des cellules à des composés endommageant l'ADN, comme la fumée de

cigarette (Albino et al., 2004), le dinitrobenzo[e]pyrène (Kawanishi et al., 2009), les métaux lourds (Peterson-Roth et al., 2005), les HAP (Toyooka et Ibuki, 2006 ; Mattsson et al., 2009) et les nitro-HAP (2- et 3-nitrobenzanthrone) (Oya et al., 2011).

Concernant l’effet des PM sur l’induction de la phosphorylation de H2AX suite à l’apparition de cassures au niveau de l’ADN, très peu d’études figurent dans la littérature. Une étude réalisée par Sanchez-Perez et collaborateurs sur des cellules A549 a montré, après exposition aux PM10, une phosphorylation de H2AX suite à la formation des DSB au niveau de l’ADN. L’utilisation d’un antioxydant a mis en évidence le rôle des ERO en tant que médiateur de la génotoxicité induite par les PM10, ce qui pourrait fournir un environnement adéquat pour le développement du cancer pulmonaire (Sánchez-Pérez et al., 2009). Une autre étude a été réalisée et a montré également une phosphorylation de H2AX dans des cellules BEAS-2B exposées aux

Chromatine ayant une cassure double-brin dans l’ADN

Foyer nucléaire

Après la lésion de l’ADN Avant la lésion de l’ADN

Complexe MRN

Complexe MRN lié à MDC1 par la sous-unité NBS1

68 PM2,5 collectées en Milan (Italie) suite à l’apparition de cassures au niveau de l’ADN (Gualtieri

et al., 2011).

D’autre part, γH2AX a également été observée dans les lésions pré-cancéreuses chez l'Homme (Gorgoulis et al., 2005), et dans une grande variété de tumeurs, y compris le mélanome (Warters et al., 2005), le carcinome du colon, l'ostéosarcome, le fibrosarcome (Sedelnikova et Bonner, 2006) et le cancer du col utérin (Banáth et al., 2004). Ainsi, en plus de servir de marqueur spécifique des effets génotoxiques, γH2AX pourrait être utilisée pour le dépistage précoce du cancer car elle est impliquée dans les voies de l'apoptose et de la sénescence (Gire et

al., 2004).

4. Télomères et télomérases