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Philip Rieder

Dans le document Faire corps : Temps, lieux et gens (Page 79-93)

En partant de la découverte d’une entité nosologique à la fin du xviie siècle – la nostalgie –, cette contribution explore les interactions entre le corps et l’environnement jusqu’à la fin du xixe siècle. Les interprétations et les réinterprétations de ces interactions sont développées dans la littérature médicale. Les patients ont eux aussi intégré le principe de l’existence d’un lien de causalité entre la santé individuelle et l’environnement physique. Pour les médecins comme pour leurs malades, le dépaysement pouvait être soit pathologique soit thérapeutique : la difficulté était de trouver le bon environnement pour chaque corps ! La réinterprétation constante des effets de l’environnement sur la santé conditionnait à la fois les stratégies thérapeutiques, les choix de vie et jusqu’à l’identité propre aux individus. Ici, les Suisses se distinguent des habitants d’autres états européens : chez eux, identité, nostalgie et santé étaient étroitement corrélées.

possibles de la rupture du lien arrimant le corps à son environnement, c’est-à-dire les conséquences de déplace-ments individuels, servent ici de révélateurs de la nature de ce lien. L’espace de vie apparaît habité par un ensemble de savoirs scientifiques et médicaux dont l’explicitation permet d’éclairer différentes réalités historiques et d’ap-porter une autre dimension à des objets historiques tels que la ville, la région, l’identité ou encore la nation. En d’autres termes, la thèse avancée ici est que la culture médicale laïque, les idées d’une communauté sur le corps et la santé contribuent à construire l’appréhension qu’a cette communauté d’elle-même, les stratégies indivi-duelles de ses membres et leur mode de vie commune.

Le paradigme

Le diagnostic qui sauve la mise pour Heidi et offre au récit de Spyri un dénouement heureux avec le retour de la jeune fille à Dörfli, est une entité nosologique qui avait alors cours, le mal du pays ou nostalgie. La maladie s’était imposée près de deux siècles plus tôt à la suite d’une thèse médicale défendue à l’Université de Bâle en 1688 et intitulée Dissertatio medica de nostalgia

oder Heimweh. Dans son traité, l’auteur Johannes Hofer

(1669-1752) attire l’attention sur les troubles éprou-vés par un sujet qui s’est éloigné de son lieu de vie6. Il s’appuie sur plusieurs histoires d’individus tombés malades, notamment celle d’une enfant de la campagne victime d’une chute et qui n’avait repris conscience qu’à l’hôpital. Là, elle aurait montré des signes de malaise évidents, refusé de se nourrir en répétant sans cesse : « Ich will heim ; Ich will heim. »7 Hofer prend très au

6 Starobinski Jean, « Le concept de nostalgie », Diogène, 1966, p. 95.

7 D’après la traduction de Anspach Karolyn Kiser : Anspach C. K., « Medical

Dissertation on Nostalgia by Johannes  Hofer, 1688 », Bulletin of the

Institute of the History of Medicine 2, 1934, p. 382-383.

« mal du pays » (heimatweh) et qu’elle doit être renvoyée sans attendre à l’alpage de son grand-père. Le cinéaste passe rapidement sur l’épisode, faisant porter le poids du diagnostic à la science ancienne du médecin dont le spec-tateur ne peut que constater qu’il en impose aux autres protagonistes. Pris dans la logique de la trame, le specta-teur ne s’interrogera peut-être pas davantage sur le sérieux prêté à ce qui peut être lu aujourd’hui comme un trouble psychologique bénin. La suite du film ne renseigne pas davantage sur ce diagnostic péremptoire, et le spectateur devra attendre son retour à la maison pour consulter le texte original de Spyri. Là, les motivations du docteur sont plus clairement développées. Après avoir examiné la somnambule, il explique au père de famille que « cette

enfant est dévorée par le mal du pays qui l’a réduite à l’état d’un squelette, en attendant qu’elle en devienne un pour de bon »2. La menace à peine voilée sera réitérée plus loin : « tu ne voudrais pas qu’elle retournât chez son grand-père

sans espoir de guérison, ou même qu’elle n’y retournât plus du tout ? »3 Heidi pouvait mourir de son déracinement ! « [I]l n’y a qu’un remède, c’est de la rendre au plus vite à son

air natal, à ses montagnes. »4

Le mal du pays, la maladie dont souffre Heidi, met l’accent sur son attachement pour la montagne et pour la Suisse, attachement alors emblématique du lien entre les Suisses et leur pays5 ; en comprendre le sens et la portée requiert – c’est du moins une des convictions autour de laquelle s’articulent les pages qui suivent – une contex-tualisation culturelle qui se révèle être une opportunité pour replacer le rôle joué par les lieux et l’environne-ment au cœur de l’histoire du corps. Les conséquences

2 Spyri Johanna, Heidi. Une histoire pour les enfants et pour ceux qui les aiment,

Bâle : Georg, 1919, p. 224.

3 Spyri Johanna, Heidi…, p. 225.

4 Spyri Johanna, Heidi…, p. 224.

5 Voir par exemple la section « idéologie » signée par François Walter de

l’ar-ticle « Alpes » du Dictionnaire historique de la Suisse, consulté sur http:// www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F8569.php (10 juin 2016).

doit considérer] le sol, s’il est dénudé et sans eau ou s’il

est couvert de végétation. »10

Ainsi depuis l’Antiquité, les médecins tenaient compte de l’environnement (et notamment de l’air respiré) comme d’une variable sanitaire parmi d’autres, comme le sommeil, le régime, les passions, etc.11. C’est à la fin du xviie siècle et surtout au xviiie siècle que la variable environnementale gagne en importance, sur le fond d’un effort concerté de transformer le savoir médical grâce aux méthodes de l’histoire naturelle. Nombre d’observateurs des Lumières, parmi lesquels figurent des médecins et des chirurgiens, s’efforcent de décrire chaque lieu, de mesurer et de constater ses caractéristiques physiques (géologie, flore, faune, etc.) et d’observer les effets sur la santé de ses habitants. L’environnement s’impose ainsi pour expliquer à la fois les particularismes régionaux en matière de santé et les accidents de santé dans des parcours individuels, notam-ment ceux de voyageurs. Des médecins progressistes cherchent à tirer profit des nouvelles connaissances sur l’environnement pour comprendre la santé et trouver des pistes thérapeutiques nouvelles12. La dynamique responsable de cette place faite à l’environnement se trouve dans les rapports de voyage, dans les observations en histoire naturelle et dans l’idée qu’il était possible d’influencer le rapport de l’individu à la nature13. Ce mouvement médical est à associer, selon Harold Cook,

10 Hippocrate, Airs, eaux, lieux, texte établi et traduit par Jacques Jouanna,

Paris : Belles-lettres, 1996, p. 187-188.

11 Sur l’hygiène ancienne, voir : Niebyl Peter, « The Non-Naturals », Bulletin

of the History of Medicine  XLV, 1971 ; Rather  L.J., « The “Six Things

Non-Natural”: A Note on the Origins and Fate of a Doctrine and a Phrase », Clio Medica 3, 1968.

12 Voir à ce propos : Riley  James  C., The Eighteenth-century Campaign to

Avoid Disease, Basingstoke : Macmillan, 1987.

13 Jordanova Ludmilla J., « Earth Science and Environmental Medicine: the

Synthesis of the Late Enlightenment », in Jordanova Ludmilla J. et al. (ed.), Images of the Earth: Essays in the History of the Environmental Sciences, Chalfont St Giles, 1981, p. 120-122.

sérieux les troubles de l’enfant qui incitent ses parents à la ramener en toute hâte à la maison. Il offre une expli-cation physiologique à ces symptômes : l’imagination de la malade serait déréglée, le « suc nerveux » se dirigeant dans une même direction ne laisserait la place qu’à une seule idée8. Le remède, la seule solution possible, serait le renvoi de la malade chez elle. Le retour à la maison de l’enfant coïncide avec l’amélioration de l’état de sa santé et cautionne ainsi la validité du diagnostic comme de la thérapie9.

La nostalgie est présentée dans cette thèse comme une nouveauté et apparaît en tant que telle dans la littérature médicale, en dépit du fait que les effets de l’environnement sur la constitution des habitants d’un lieu et sur leur santé étaient bien ancrés dans la méde-cine d’alors. Depuis l’Antiquité, le rapport à l’environ-nement était étroitement corrélé à des idées médicales énoncées dans un texte du corpus hippocratique, Airs,

eaux, lieux, qui invitaient le médecin à prêter attention

aux effets de l’environnement sur ses malades. L’auteur du texte se place du point de vue d’un médecin arri-vant dans une ville inconnue. Il l’invite à « examiner sa

position et ses rapports avec les vents et avec le lever du soleil ». Le mode d’évaluation s’appuie sur le jugement

du médecin :

« […] lorsqu’un médecin arrive dans une cité dont il

n’a pas l’expérience, il doit en examiner avec soin la position, la façon dont elle est située par rapport aux vents et par rapport aux levers du soleil ; car la cité n’a pas les mêmes propriétés selon qu’elle est située face au borée ou face au notos, ni selon qu’elle est située face au soleil levant ou face au soleil couchant […]. Puis [il

8 Anspach C. K., « Medical Dissertation… », p. 381-385.

9 Pour une revue historiographique récente sur cette maladie, voir

Dodman Thomas W., « Homesick Epoch: Dying of Nostalgia », in

Une physiologie « géographique »

Au-delà de la production de monographies locales et de la centralisation de données sur les tempéra-tures, les vents, l’ensoleillement, la géologie et la végétation des lieux, les effets de cette campagne sur la pratique médicale demeurent controversés16. Un premier constat pourtant : l’importance prêtée à l’en-vironnement par l’élite médicale n’est pas étrangère à la culture médicale des non-médecins. Les idées sur l’environnement conditionnent les représentations et les stratégies des contemporains. L’exemple d’un espace, celui de la région lémanique, permet de mettre en valeur l’importance quotidienne de ce condition-nement17. Avant même la publication de la thèse de Hofer, les médecins et les chirurgiens genevois ont conscience des particularismes locaux. Confrontés par exemple en 1625 à la requête de livrer les noms des malades souffrant de la grande vérole (syphilis), des soignants genevois refusent de donner les noms de leurs patients arguant notamment que la maladie n’est pas aussi dangereuse à Genève qu’ailleurs18. Près de deux  siècles plus tard, une visite rapide rendue à la séance de la Société médicale d’émulation (Paris) du 7 mars 1810 suffit à convaincre que les maladies se déclinent encore différemment suivant les lieux. Ce jour-là, devant l’assemblée, le docteur Beaufils lit un rapport sur un mémoire du docteur Deplace relatif à

sur Chambéry : Daquin Joseph, Grosperrin Bernard (éd.), Topographie

médicale de Chambéry et de ses environs, Chambéry : Société savoisienne

d’histoire et d’archéologie, 1994.

16 Ramsey Matthew, « Environment, Health, and Medicine in the Old

Regime », Journal of Interdisciplinary History XIX, 1989, p. 611-619.

17 Les sources mobilisées pour la suite de cet article proviennent de fonds

privés (manuscrits et imprimés), de séries administratives et de fonds médi-caux de la région lémanique. Lorsque la graphie ancienne pouvait prêter à confusion, elle a été modernisée.

18 Archives d’État de Genève (AEG), Registre du Conseil, 120, f. 198v°, le

3 août 1621.

au discrédit dont souffrait la médecine traditionnelle, la médecine galénique. Porté par l’engouement que susci-tait l’histoire naturelle, l’effort de comprendre l’envi-ronnement se présente comme un moyen de contrôler la santé, et l’ensemble accompagne un basculement qui va, schématiquement, d’une médecine de régime vers une médecine de remèdes14.

La transformation des santés individuelles en fonc-tion des lieux, la prise en compte des problèmes de santé des voyageurs et l’habitude prise par un nombre toujours croissant d’enthousiastes de décrypter le monde naturel grâce à leurs observations personnelles renforcent l’attention portée alors sur l’environne-ment du lieu de vie en tant que variable de santé. La médecine environnementale explose littéralement en France et dans la région lémanique durant la deuxième moitié du xviiie siècle lorsque, sous l’impulsion de la Société royale de médecine, une campagne est lancée afin de recueillir systématiquement des informations sur l’environnement et sur le climat de chaque lieu. Une quantité phénoménale d’informations est réunie sous la forme de « topographies médicales », des essais où sont décrites les caractéristiques physiques et géographiques de chaque lieu, le climat, la végé-tation, les sources d’eau, la composition du sol, etc. Les volumes successifs de l’Histoire de la Société royale

de médecine, renfermant les travaux approuvés par la

société, regorgent de topographies détaillées de diffé-rentes localités15.

14 Cook Harold J., « The New Philosophy and Medicine in

Seventeenth-century England », in Reappraisals of the Scientific Revolution,

David C. Lindberg et. al. (ed.), Cambridge: CUP, 1990, p. 397-436.

15 Plus de 225  mémoires furent recueillis. Hannaway  Caroline,

« Environemnt and Miasmata », in Bynum W.F. et. al. (éd.), Companion

Encyclopedia of the History of Medicine, London : Routledge, 1993, p. 301.

Voir à ce propos : Peter Jean-Pierre, « Aux sources de la médicalisation, le regard et le mot : le travail des topographies médicales », in Populations

et cultures, études réunies en l’honneur de François Lebrun, Rennes, 1989.

mais étant trop froide et trop exposée aux vents ; elle n’est pas saine. »21

Il met également son lecteur en garde contre les confi-gurations insalubres, caractérisées par un air « épais,

gros-sier et obscurci de nuages », corrompu :

« par le voisinage d’étangs, cloaques, rivières ou

ruis-seaux qui reçoivent quantité d’égouts et d’immondices ; s’il est renfermé de montagnes, et voisin de plantes véné-neuses ou de mauvaise odeur, non seulement il prive les esprits de leur nourriture, mais il les infecte, corrompt les humeurs, et offense les parties principales. »22

Le message n’est pas en soi original. Ce qui l’est davan-tage, c’est le ton prescriptif et la primauté donnée à ces idées qui sont de fait les premières recommandations énoncées dans l’ouvrage, propulsant ainsi l’environ-nement au premier rang des variables de santé. Tout ouvrage d’hygiène de l’époque prêtait une certaine attention au lieu et à l’air que les habitants respiraient, et ce jusqu’à la toute fin du xixe siècle, l’époque de la rédaction de Heidi23. Les auteurs médicaux ont bien intégré le paradigme de l’environnement, mais ils ne sont pas les seuls. L’usage que font les non-médecins de l’espace montre qu’ils l’ont également assimilé. Pour les voyageurs, les lieux et surtout les villes sont corrélés à des indispositions particulières. C’est le cas de Genève où les étrangers de passage redoutent d’at-traper une mystérieuse « fièvre rouge » qui était réputée

21 Porchon Antoine, Les règles de la santé, ou le véritable régime de vivre, que

l’on doit observer dans la santé et dans la maladie […], Paris : Maurice Villery,

1684, p. 2.

22 Porchon Antoine, Les règles de la santé….

23 Parmi d’autres auteurs, Henri-Clermont Lombard écrivait : « Il est résulté de

cette étude la démonstration d’une double influence pour augmenter ou dimi-nuer la mortalité : l’une que nous désignerons sous le nom d’ethnique et qui dépend de la race, de l’habitation ou du genre de vie ; la seconde qui remonte surtout à la nature du sol combinée avec la température et l’humidité que nous avons désignée sous le nom de tellurique […]. », Lombard Henri-Clermont, Traité de Climatologie médicale, 4 vol., t. 1, Paris, 1877, p. XVI.

la « colique de Madrid », une colique nerveuse dépour-vue de siège fixe et appelée Entripado. Beaufils précise que « Madrid étant situé sur un tertre près des gorges de

trois montagnes, toujours couvertes de neige, l’endémie qui y règne doit être attribuée aux variations fréquentes de l’at-mosphère plutôt qu’à l’usage des ustensiles de cuivre et de poterie vernissée »19. L’information est descriptive et les corrélations induites épistémologiquement fragiles. Il n’en demeure pas moins que les praticiens sédentaires de la fin de l’Ancien Régime ont bien conscience d’être confrontés à une morbidité locale et, par conséquent, de pratiquer une médecine qui n’a peut-être pas lieu d’être ailleurs. L’auteur d’un ouvrage de vulgarisa-tion (1803), Louis  Odier, introduit son travail ainsi : « J’ai cru qu’en ne consultant que mon expérience, en me

bornant aux maladies les plus communes dans le départe-ment que j’habite ; en les décrivant telles que je les aies vues, et en posant les bases du traitement qui m’a le mieux réussi, je rendrais encore un grand service à ceux de mes confrères qui ont besoin de secours. »20 La corrélation entre lieu et état de santé des résidents du lieu est claire. Elle pouvait être avancée de façon plus explicite encore par d’autres. C’est le cas d’Antoine Porchon, auteur des Règles de la

santé ou le véritable régime de vivre, que l’on doit observer dans la santé et dans la maladie (1684). Il commence son

traité en recommandant d’emblée au lecteur de choisir un lieu de vie où l’air soit « subtil, clair, serein, agréable,

libre et découvert, s’il se peut à tous les vents ».

« Établissez vôtre demeure autant qu’il vous sera

possible et que vos moyens vous le permettent, dans un lieu médiocrement élevé, sec, où les doux zéphyrs soufflent agréablement, et arrosé de claires fontaines ; la demeure dans les lieux montagneux est à la vérité recommandable pour la pureté et la subtilité de l’air ;

19 BIU, Ms 2191, Registre de la Société d’émulation (1810-1831), p. 5.

20 Odier Louis, Manuel de médecine-pratique…, Paris, Genève : Paschoud,

aisément », commente-t-elle27. Pour elle, comme pour d’autres résidents de la ville, la thérapie la plus efficace est de quitter la ville. C’est ce que fait la famille Juventin lorsqu’un enfant tombe malade, « vraisemblablement de

la fièvre rouge »28 ; le père de famille sort précipitamment le malade de la ville et se rend à la campagne, à Chêne, pour y chercher le rétablissement de son enfant29. Les habitants de la ville connaissent des mesures pour éviter la maladie et, de fait, envoient volontiers les indi-vidus vulnérables (enfants et vieillards) séjourner à la campagne. Des mesures moins radicales peuvent égale-ment être prises. Lors de son séjour à Genève, Frêne s’en sort en suivant les avis de ses logeurs, les Zwallen qui « [l]’ont assuré que moyennant une certaine sobriété,

on pouvait avoir une certitude morale de n’avoir jamais la fièvre »30, cette sobriété consistant essentiellement à éviter les boissons et les aliments luxueux. Les appré-hensions des voyageurs et les stratégies des résidents sont cautionnées par le corps médical qui identifie la fièvre rouge comme une pathologie locale. « Il est connu

à Genève depuis plus de 30 ans ; car nos vieux médecins se souviennent d’en avoir vu des exemples dès le commence-ment de leur pratique ; et cependant je ne sache pas qu’il ait été observé jusqu’à présent dans aucun autre pays que le nôtre. »31 Ce n’est pas la seule spécificité du lieu. « Les

27 Bibliothèque de Genève (BGE), Ms  fr  4734, Journal de

Jeanne-Marie  Bellamy, 26/3/1773. Une remarque faite deux semaines après permet de préciser les symptômes qu’elle attribue à cette affection (5/4/1773) : « Mon fils Aîné n’est pas bien depuis deux jours, il a mal à la

gorge, un peu de fièvre. J’ai presque peur de la fièvre Rouge, enfin quoiqu’il en soit, il faut se résigner […] ».

28 AEG, Archives de la famille Romilly, Romilly, Marie-Joséphine-Christine,

Journal 1788-1789, f. 7, dimanche 2 novembre 1788.

29 AEG, Archives de la famille Romilly, Romilly, Marie-Joséphine-Christine,

Journal 1788-1789, f. 9, mardi 4 novembre 1788. Romilly consigne l’in-tention du pasteur Juventin de rester encore six semaines à Chêne « pour la

fièvre rouge de Berrid ».

30 Frêne  Théophile Rémy, Bandelier  André et  al. (éd.), Journal de ma

vie…, t. 1, p. 118.

31 Académie nationale de médecine, SRM, 185, d. 15, Histoire de la Fièvre

rouge telle qu’on la trouve à Genève, s.d. [1779], p. 33.

y régner. En 1747, un jeune pasteur jurassien âgé de 20 ans, Théophile Rémy Frêne, s’inquiète du risque

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