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le pluralisme thérapeutique en Suisse Ilario Rossi

Dans le document Faire corps : Temps, lieux et gens (Page 93-111)

Les liens entre corps, maladie et recours thérapeutiques pluriels redéfinissent l’humain, en transformant la structure globale de son expérience corporelle et relationnelle. Tel est le postulat qui va guider les argumentaires d’un corps comme laboratoire du social. En effet, du fait de l’émergence progressive, en Suisse et ailleurs, d’une offre thérapeutique plurielle se reconfigurent les demandes et les itinéraires de soins des malades : le pluralisme thérapeutique est ainsi appréhendé comme un opérateur des constructions identitaires. Plus particulièrement, les quêtes de santé s’accompagnent d’une volonté des individus d’être, souvent dans un contexte d’épreuve et de fragilité, les sujets de leur propre existence. La plupart du temps, ces individus nourrissent une idée éclairée du soignant à qui ils veulent ou peuvent s’adresser, et du moment auquel le faire. Ils cherchent, par leur recours pluriel, non seulement une réponse concrète à la maladie, mais aussi l’opportunité de construire une nouvelle pédagogie de vie, voire d’œuvrer à une réinvention de soi.

interdépendances complexes. De fait, la santé n’est plus l’apanage exclusif de la médecine, de ses connaissances et de ses pratiques ; elle se profile de plus en plus comme un champ du social en pleine mutation, à la fois auto-nome et diversifié, dans lequel s’imbriquent actions médicales et stratégies économiques, industries pharma-ceutiques et normes juridiques, gouvernances politiques des collectivités et droits de la personne, prérogatives professionnelles et modèles sociaux, objectivité scien-tifique et subjectivités en devenir, uniformisation du traitement de maladies et inégalités sociales, idéologies du progrès technico-scientifique et quête des traditions holistiques, innovations biotechnologiques et nouvelles sensorialités corporelles. Bref, la santé est un domaine qui renouvelle les liens entre l’universalisme scientifique de la médecine et le relativisme expérientiel et théra-peutique des personnes. D’où l’intérêt que lui portent tant de politiciens et de scientifiques, de soignants et de citoyens, faisant de la santé une des préoccupations majeures de la société civile. Ainsi, la santé ne peut se comprendre qu’à travers une multiplicité de registres de lecture et une pluralité d’échelles d’analyse ; elle doit se « penser » dans une perspective systémique et proces-suelle, d’autant plus qu’elle constitue un champ inces-samment fabriqué, dont les contenus sont constamment déployés par les acteurs, les institutions et les politiques. En ce sens, elle se qualifie comme un analyseur du social, un moyen d’accès au système des interprétations et des valeurs d’une société, parce qu’elle est toujours associée à ses idéologies, à ses représentations et à ses croyances : la santé est un bien qui ne peut être désiré que socialement, pour la simple raison qu’il ne peut être produit, pour l’essentiel, que par la société (Saillant, Genest, 2005).

En même temps, la notion de santé est inextricable-ment ajustée à son contraire, la maladie, l’une et l’autre étant indissociables dans les trajectoires biographiques des personnes. Mais qu’est-ce que la maladie ? En perspective soulève une question cruciale, celle du statut

culturel et politique du corps, du malade et, en défini-tive, de la personne : comment penser aujourd’hui, en Suisse, la relation entre sujet et santé ?

Pour proposer des pistes de réflexion, l’attention sera portée dans un premier temps sur le défrichage des réfé-rentiels conceptuels et théoriques – notamment corps, maladie, santé, médecines –, ce qui permettra de relier, dans une perspective anthropologique, le contexte social, l’émergence du pluralisme thérapeutique et le statut du sujet. Ce regard permettra d’appréhender les logiques par lesquelles se renouvellent l’offre et la demande de soins. Dans un deuxième temps, l’accent sera mis sur les conséquences de la demande, donc sur les itiné-raires thérapeutiques construits par les individus, qui révèlent l’émergence sociale de l’individualisation, de la responsabilité et de la valorisation de la diversité dans les sociétés occidentales. Enfin, en guise de conclusion, la focale sera déplacée vers la relation entre sujet, corps et pluralisme thérapeutique, ce qui permettra de penser le corps, soumis à des injonctions multiples, comme un laboratoire de la santé et donc du social.

Repères conceptuels et théoriques

S’il est une norme internationale et universelle, c’est bien celle de la santé. Aujourd’hui, la quête d’un état de bien-être individuel et collectif est une aspiration sociale et une valeur politique, que l’on retrouve d’ailleurs dans la définition de la santé formulée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette quête repose sur une vision sanitaire du bien-être, ce qui implique la progression d’enchaînements politiques, économiques, sociaux et culturels ainsi que de leurs interactions multi-ples. Considérée comme un référent positif que l’on souhaite maintenir, rétablir ou atteindre, la notion de santé renvoie à un domaine multidimensionnel aux

Marzano (2007). Ainsi, si le corps est une certitude qui s’exprime par le potentiel génétique et biologique de chacun, il constitue en même temps un opérateur de sens, un récepteur et un émetteur de relations et d’inscriptions sociales. Il s’agit donc ici d’extraire le fait corporel de sa réalité matérielle propre, en redessinant une symétrie dans l’appréhension de la santé et de la maladie qui aille au-delà du regard médical. C’est en partant de ce postulat que le corps est appréhendé comme un organisme indissociable de la personne qui l’habite : un corps socialisé donc, traversé par des injonctions qui lui donnent forme et contenu : « tout processus vital est bien évidemment

la conséquence de l’adaptation d’un corps à un milieu donné, mais aussi l’adaptation d’un milieu donné avec le corps » (Pera, 2008 : 204). Cette réciprocité sollicite

simultanément deux  registres de lecture de l’expé-rience du corps ; le premier est relationnel et social et relie le corps au contexte social de sa production ; le deuxième est expérientiel et biographique et renvoie aux pratiques singulières et subjectives.

Corps et société : penser le pluralisme thérapeutique

Avec des dynamiques centripètes et centrifuges, le corps est défini par la société et pour la société ; en ce sens, il est l’émetteur et le réceptacle de tout agissement de santé. C’est pourquoi les recours à un pluralisme thérapeutique ne se réfèrent pas seulement à des univers philosophiques et à des représentations désincarnées, mais relèvent aussi d’actions et d’usages corporels spécifiques, d’ancrages empiriques. Ces derniers sont toujours fonction de l’offre médicale, thérapeutique et soignante, inscrite dans des conceptions du monde, des catégories de rationalité, des normes et des valeurs propres à une époque. En ce sens, l’offre et la demande anglais, ce concept se décline avec trois registres

d’appré-hension : disease, la pathologie définie par l’objectivité scientifique et les savoirs médicaux ; illness, l’expérience subjective de la personne qui en est atteinte ; et sickness, l’ensemble des configurations sociales qui définissent son statut, son rôle et ses perceptions. En sciences sociales, ces distinctions ont engendré des catégories qui peuvent apparaître comme réductrices, mais qui ont contribué, en même temps, à la déconstruction d’une notion souvent simplifiée. En ce sens, la maladie est à la fois la plus individuelle et la plus sociale des expériences. Si chaque individu les éprouve dans son propre corps, les schémas de pensée et d’action qui permettent de la reconnaître, de l’identifier mais aussi de la traiter et de la soigner sont éminemment sociaux. Cette perspective a permis de se distancer progressivement de l’emprise des références scientifiques et objectives pour favori-ser l’émergence d’une anthropologie interprétative et critique ; elle valorise respectivement l’expérience de la maladie, avec son vécu social, culturel, philosophique, spirituel, littéraire et artistique (Good, 1994), et l’ana-lyse des facteurs politiques, économiques, techniques et scientifiques qui la fabriquent (Fassin, Houvray, 2010 ; Kehr et al., 2011).

La santé et la maladie se réfèrent toujours à la maté-rialité du corps ; elles renvoient à des connaissances

sur le corps et à des expériences du corps. De fait, le

corps, en tant qu’objet soumis aux lois de la physique, a été pensé et objectivé en systèmes, comme un orga-nisme doué d’un certain nombre de propriétés : c’est le domaine de la biomédecine (Lock, Nguyen, 2010). Ce n’est que plus récemment qu’il a été saisi comme le lieu où s’exprime la personne, entité sociale indissociable de sa corporéité « naturelle ». En ce sens, le corps est l’une des évidences de notre existence : c’est dans et avec notre corps que nous sommes nés, que nous vivons, que nous mourrons ; mais c’est aussi dans et avec notre corps que nous construisons nos relations à autrui, nous rappelle

scientifiques sont incertaines, voire non avérées. Leur place dans les sociétés occidentales est attestée et étudiée par de nombreux auteurs et a donné lieu à un débat scientifique – entre médecine et sciences sociales – et politique considérable (Cohen, Rossi, 2011). Cette dichotomie, légitimée par les politiques de l’OMS et appliquée, en Suisse, dans la santé publique fédérale et au niveau des cantons, indépendamment de tout juge-ment quant à sa pertinence, opère une distinction radi-cale entre toute pratique médiradi-cale qui relève de la science et est validée par ses méthodologies et celle qui ne l’est pas. Ce dernier domaine recouvre une multitude de dénominations, et les pratiques sont qualifiées d’« alter-natives », de « parallèles », de « douces », de « naturelles », de « complémentaires ». Ces manipulations sémantiques sont le reflet du contexte socio- historique et dévoilent l’ensemble des représentations sociales et des position-nements des uns et des autres sur l’échiquier des soins et de la santé. Au-delà de ces dénominations plurielles, le pluralisme thérapeutique révèle les multiples registres de lecture qui participent à la construction de la santé contemporaine dans nos sociétés : médical, psycholo-gique, psychosomatique, holistique, énergétique, ésoté-rique (Rossi, 2007). C’est dans cette perspective que le pluralisme thérapeutique est l’une des conséquences de la globalisation – donc de la mobilité et de la circu-lation – de l’ensemble des techniques et des stratégies médicales et soignantes, préventives et curatives, au niveau international. Il fait voir un changement au sein de toute société où se déploie une nouvelle articula-tion entre le global – enjeux de la mobilité – et le local – reconfiguration du pluralisme thérapeutique. Émerge alors un nouvel assemblage entre le social – enjeux poli-tiques et économiques du pluralisme thérapeutique – et l’individuel – recours à ce pluralisme.

En Suisse, ces articulations sont présentes et ses impli-cations, importantes. Elles créent de nouveaux réseaux d’influence et de nouvelles opportunités économiques ; de santé en Suisse se renouvellent et se reconfigurent

par et avec les transformations de la société dans son ensemble.

La coexistence de différentes formes de soins – fort hétérogènes et complexes de nos jours – est un effet constant dans l’histoire de l’Occident en général et de la Suisse en particulier (Graz, 2012). Cette pluralité de références présente toutefois des caractéristiques nouvelles. L’émergence des sociétés plurielles – entre l’effacement des frontières et la condition diasporique, la pluralité des conditions de vie et la diversité des indi-vidus, des communautés et des collectivités – s’inscrit dans une mouvance historique et culturelle qui s’ex-prime notamment par la mobilité non seulement des personnes, mais aussi des savoirs, des pratiques et des techniques, d’ici et d’ailleurs, ici et ailleurs. Cette circu-lation des idées, des compétences et des êtres humains participe au renouvellement de la pluralité culturelle, et donc de la diversité humaine au sein de nos socié-tés contemporaines, et conditionne directement le domaine de la santé (Rossi, 2014). L’offre thérapeu-tique qui en découle, au gré des changements idéo-logiques, sociaux et politiques, favorise de nouveaux rapports et de nouvelles interactions entre les indivi-dus, les médecines, les thérapies, les professionnels de la santé, les politiques de santé et la gouvernance des États. Ce processus exige un changement sémantique, à savoir le passage de la notion de pluralité – présence de plusieurs modèles thérapeutiques dans un même espace géographique – à celle de pluralisme – proces-sus de cohabitation et interaction entre plusieurs modèles thérapeutiques. Ce processus dynamique est en même temps cause et effet, moyen et finalité des transformations des mutations contemporaines.

Face à la médecine scientifique et universitaire, le renouvellement de ce phénomène s’est structuré autour d’un dualisme opposant une médecine universitaire à des systèmes et à des techniques autres dont les preuves

en termes d’équilibre et de fonctionnement optimal du corps, mais aussi comme un état de bonheur, de connaissance et de réalisation de soi. Dans cette optique prescriptive de la santé, la maladie ne se réduit pas à l’expression de symptômes spécifiques, mais représente le symptôme d’un rapport compromis avec le monde.

Les médecines non conventionnelles, produits de notre civilisation, proposent souvent des techniques thérapeutiques non intrusives visant à valoriser le potentiel du terrain corporel d’une personne et son système d’autodéfense. Elles se définissent en réac-tion aux tendances dénoncées comme technicistes et souvent inhumaines de la médecine scientifique. À quelques exceptions près, ainsi l’homéopathie, la plus grande partie des autres approches –  notamment la sophrologie, la naturopathie, l’ostéopathie, le shiatsu, le reiki, la réflexologie plantaire, l’hypnose – reposent sur des formes de syncrétisme culturel, s’inspirant des savoirs issus d’autres cultures et les reformulant à l’at-tention du public occidental contemporain. Chacune de ces approches se base sur une formation spécifique et des théories explicatives différenciées, tout en étant animée par un même besoin de reconnaissance sociale. En revanche, les soins populaires traversent l’histoire. Ils sont l’expression contemporaine des cultures rurales et de l’oral et se rattachent à des pratiques dénuées de fondements théoriques. En ce sens, ces praticiens – rebouteux, faiseurs de secret, guérisseurs – valorisent davantage la combinaison entre un savoir empirique et manuel et une attitude d’intuition et d’intention dans leurs stratégies thérapeutiques.

L’ensemble de ces approches s’emploie à renouveler les dimensions cognitives, émotionnelles, sensorielles et de défense corporelle de la personne par des référen-tiels cosmologiques, symboliques, biographiques ou physiques spécifiques. La relation soignante est consi-dérée comme un principe de soin, et la communica-tion soignant-soigné constitue un levier thérapeutique. elles participent à redessiner de nouvelles possibilités

dans les stratégies de santé et les réponses aux mala-dies, qui dépassent le registre médical et scientifique pour investir l’empirisme, la philosophie, la spiritualité, les mythologies anciennes et modernes. Ces compé-tences thérapeutiques s’articulent à des conceptions du monde, à des catégories de rationalité, à des normes de santé et à des appréhensions spécifiques du corps ; elles proposent des approches nosographiques et étio-logiques plurielles, des modalités variées de diagnos-tics, de traitements et de pronostics ; elles constituent en même temps un domaine extrêmement hétéroclite où se côtoient des systèmes médicaux savants et millé-naires (Ayurveda, médecine traditionnelle chinoise), des médecines holistes (homéopathie), des médecines humorales traditionnelles, une médecine manuelle (ostéopathie), des techniques corporelles (reiki, magné-tisme), des approches hybrides, mélangeant innova-tions technologiques et référentiels énergétiques, des soins populaires1. À l’instar de la médecine ayurvé-dique indienne (hindouisme) ou encore de la médecine chinoise (taoïsme), les systèmes médicaux dits tradi-tionnels considèrent la vie et la mort, ainsi que la santé et la maladie, comme appartenant à un même conti-nuum. Dans cette perspective, ces médecines valorisent les aspects préventifs de la santé et le maintien d’une qualité de vie spécifique par des conduites strictes au niveau de l’alimentation, du jeûne, de la méditation, des exercices d’intégration psychophysiologique ou encore des traitements de purification physiologique et mentale. Elles ont donc pour but principal de promou-voir un état idéal de santé, qui se définit non seulement

1 Il ne s’agit pas ici de présenter une liste exhaustive de l’ensemble de ces

pratiques (plus de 2 400 selon l’OMS), ni une séparation entre systèmes médicaux, techniques de soins ou stratégies thérapeutiques. Il ne s’agit pas non plus de distinguer entre les approches qui présentent un intérêt certain pour la santé de personnes et celles qui côtoient le charlatanisme. Pour des typologies éclairées et argumentées cf. notamment Rossi, 1994 ; Benoist, 1996 ; Schmitz, 2006.

la médecine des preuves et l’importance progressive du modèle biopsychosocial ; ou encore, par des profession-nels donnant la garantie d’être médecins (par exemple, médecins généralistes à orientation acupuncture, ostéo-pathie, homéoostéo-pathie, etc.), ou par des paramédicaux officiels (kinésithérapeutes, infirmières, psychologues) qui peuvent dans l’exercice de leur activité utiliser une ou plusieurs pratiques non conventionnelles (Cohen

et al., 2015).

Bien que le pluralisme ne soit pas intégré dans les politiques de santé publique, son importance culturelle et sa prégnance sociale constituent le socle d’une trans-formation du domaine de la santé.

Corps expérientiel et biographique : les pratiques plurielles de santé. L’exemple du cancer

Avec des visées préventives ou curatives, le pluralisme thérapeutique participe à la construction des itinéraires thérapeutiques. Cette dernière notion se réfère à la reconstitution –  par la personne concernée et/ou son entourage, par les producteurs de soins ou encore par le chercheur – des séquences de recours aux soins. Chaque recours à des soins constitue une étape dans un «

proces-sus de recherche de soins », définit des « comportements de recours de soins », fabrique une « quête thérapeutique » (Cohen et  al., 2015). L’itinéraire thérapeutique peut être ainsi considéré comme un cheminement singu-lier par lequel les individus recherchent –  contraints, conseillés ou en toute liberté – un effet pragmatique et un sens dans leur parcours de santé.

Nous donnerons ici un seul exemple empirique afin de montrer les interactions entre les itinéraires théra-peutiques, la trajectoire de la maladie – temporalité et phases de la maladie  – et la trajectoire biographique –  la spécificité et la singularité de chaque adaptation personnalisée à la maladie en fonction du contexte de Articulant des logiques causales à l’activité corporelle

et des logiques de coïncidence aux trajectoires existen-tielles, nombre de ces thérapies visent à une régénéra-tion du corps et à un renouvellement de l’existence ; elles conçoivent le corps souffrant comme un organisme capable de réagir, de s’adapter et de trouver à lui seul les réponses à ses problèmes de santé.

La finalité thérapeutique se distancie de l’efficacité curative allopathique, telle qu’elle s’exprime dans la médecine scientifique ; elle se situe ouvertement dans une perspective de complémentarité, dès l’instant où elle n’opère pas sur la même conception du corps. Cependant, de plus en plus, ces thérapies se déterminent et se construisent en fonction des modalités médicales : elles y puisent leur langage – anatomique, diagnostique, thérapeutique, pronostic ; elles y calquent leur dispositif clinique – même espace, même ameublement, souvent même tenue vestimentaire, la blouse blanche ; elles s’en inspirent pour créer des spécialités et des spécificités en fonction des maladies ; de plus, en écho à la pluralité de l’offre, les thérapeutes affichent souvent une compé-tence plurielle par le recours à plusieurs modèles et tech-niques soignants.

Face à cette progressive mutation du domaine de la santé, la médecine scientifique est amenée à se repo-sitionner face aux changements sociétaux, clarifiant davantage la pertinence de ces actions tout en se ques-tionnant sur sa position et en s’ouvrant de plus en plus à des collaborations scientifiques et cliniques. Les frontières institutionnelles et professionnelles entre les deux pôles deviennent progressivement poreuses, sous l’égide de l’institutionnalisation d’une « médecine inté-grative », intégration des thérapies complémentaires au sein de la médecine scientifique (Graz, 2012). Des soins non conventionnels peuvent être utilisés par des professionnels de la santé dans le cadre des institutions

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